Test | Chiru Alpin : aux frontières du gravel

Par Olivier Béart -

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Test | Chiru Alpin : aux frontières du gravel

Chaque vélo Chiru correspond à un voyage, à une aventure longue distance ou à un projet de son créateur Pierre-Arnaud Le Magnan, ou des pilotes de sa « Chiru Brigade ». Tous ont en commun d’être en titane, tout en ayant une personnalité ou un type de pratique qui leur sont propres. Dans la gamme, nous avons testé l’Alpin, qui brouille la frontière entre gravel et VTT.

Vous avez déjà entendu parler de Chiru et de Pierre-Arnaud Le Magnan sur Vojo. Nous avons déjà essayé quelques réalisations de ce Français établi en Asie, et nous nous sommes aussi laissés guider par cet aventurier pour découvrir la magnifique île de Taïwan sur laquelle il s’est établi désormais.

Après avoir proposé au début des vélos en carbone pensés pour les épreuves d’ultra-endurance que lui et sa bande de la Chiru Brigade affectionnent, Pierre-Arnaud Le Magnan s’est assez rapidement et logiquement tourné vers le titane pour son côté performant et durable. Chacun des 10 vélos de la gamme a été développé avec un tracé en tête, une épreuve, une aventure. Ce qui donne à chacun une personnalité propre, même si certains modèles peuvent sembler proches sur le papier.

Dans la vidéo ci-dessous, il revient brièvement sur son cheminement, avant de nous présenter la philosophie de conception du modèle Alpin que nous testons ici.

Maintenant que le décor est planté, voyons les détails techniques avant de passer au test terrain plus détaillé du Chiru Alpin.

Châssis

L’idée de l’Alpin est de faire un vélo à la frontière entre le gravel et le VTT, avec en tête ici un tour du mont Blanc et une traversée de l’arc alpin suisse réalisés par Yannick Lutz, ambassadeur de la marque. « Quand Yannick a signé son record du tour du mont Blanc en un peu plus de 12h en 2019, il a utilisé un vélo de route et un VTT. L’idée était ici qu’il puisse avoir un seul vélo pour ses autres aventures du même style », explique Pierre-Arnaud.

Concrètement, du gravel, le Chiru Alpin va garder le poste de pilotage et une position sur le vélo qui va permettre d’aller vite sur les portions roulantes, alors qu’il va prendre quelques éléments de géométrie d’un VTT, comme l’angle de direction, le reach allongé combiné à une potence courte, le cadre très sloping et la possibilité de monter des pneus assez gros (700*55mm ou 650*2.2″) afin d’affronter les pentes raides et des sols cassants.

Quand on regarde l’Alpin, on voit de suite que sa forme est assez atypique avec son tube supérieur courbé pour venir se placer dans le prolongement des haubans et ses bases fortement travaillées. Quand on y regarde d’un peu plus près, on voit que chaque tube est hydroformé et particulièrement travaillé.

La finition est aussi très belle, tant au niveau des soudures que des différents marquages. Les vélos Chiru sont fabriqués en Chine, chez un sous-traitant avec qui Pierre-Arnaud Le Magnan travaille depuis qu’il s’est lancé dans le titane et avec qui il entretient une relation de proximité puisqu’il habite en Asie et qu’il parle parfaitement la langue.

Pensé pour être rapide et performant, le Chiru Alpin garde tout de même une connotation longue distance. Ainsi, il compte de très nombreux points d’ancrage qui permettent de fixer des bidons et de la bagagerie à plusieurs endroits. Il y a aussi tout ce qu’il faut pour faire passer les câbles d’une dynamo et alimenter deux éclairages.

Le côté pratique a également été étudié au niveau du passage des câbles en semi-intégré pour marier esthétique et facilité d’intervention en cas de besoin. Le boîtier de pédalier est au standard T47, lancé par Chris King pour combiner les avantages du fileté et un grand diamètre de boîte pour garder des tailles de billes importantes même avec les pédaliers dotés d’un axe en 30mm. Le cadre accepte un montage en mono ou double plateau (max 44 ou 48/31 dents) et des groupes mécaniques ou électroniques, gravel ou VTT. A ce niveau, on note la présence d’une patte de type UDH, qui permettra le montage d’un dérailleur Sram T-Type VTT si on le souhaite. Enfin, l’axe arrière est en 142*12 et les attaches de freins sont en Flat Mount.

Impossible de ne pas vous parler aussi de la magnifique fourche 100% titane qui sert de proue sur notre Alpin. Elle mesure 430mm de haut et elle utilise plusieurs techniques (impression 3D, hydroformage, soudure) pour proposer cette forme très travaillée. Le but est clairement d’obtenir plus de confort qu’avec une fourche en carbone et surtout un comportement parfaitement en accord avec l’arrière du vélo. Ce que nous vérifierons sur le terrain. A noter qu’il est aussi pensé pour être monté avec une fourche suspendue gravel au débattement compris entre 40 et 50 mm.

Géométrie

En regardant le tableau, on retrouve des chiffres familiers en tant que vététiste. Par exemple, le reach est de 431 mm en taille M, ce qui n’est pas aussi « profond » que les VTT les plus récents où on est autour des 450 mm en medium, mais on est largement au-dessus d’un « vrai » gravel, qui sera le plus souvent à moins de 400 mm. Le tout est combiné ici à une potence en 80 mm.

L’angle de direction de 68° rappelle évidemment aussi le VTT, tout comme les bases en 430 mm. Le tube de selle est volontairement court pour avoir une grande sortie de selle et profiter au maximum des capacités d’absorption des vibrations d’une tige carbone ou titane. Le cadre est aussi assez sloping pour ne pas gêner les mouvements du pilote dans les descentes techniques et pour abaisser un peu le centre de gravité. Par contre, il n’y a que 3 tailles au programme.

Tarif et équipements

Chez Chiru, le principe est de proposer des cadres avec des options, mais pas de montage complets. A la base, le châssis de l’Alpin est proposé à 2710 € et la fourche est une option à 825 €.

Il est également possible d’ajouter une série d’accessoires titane ou carbone de la marque CEC, directement liée à Chiru (potence, tige de selle, cintre, porte-bidon). Les tarifs sont assez élevés (autour de 200 € par composant en moyenne) mais dans la moyenne pour du haut de gamme titane (assez rare) et la finition est, là aussi, excellente.

Un composant mérite aussi qu’on s’y attarde : les roues CEC à rayons Dyneema. Nous avons déjà eu l’occasion de vous parler de ces fameux rayons « textile » Berd qui sont utilisés ici et qui vont apporter aux roues plus de légèreté et plus de capacité de dissipation des vibrations que des rayons acier classiques. Ils collent parfaitement à la philosophie de l’Alpin et ils sont ici combinés à des jantes CEC en 24,5 mm de largeur interne et 25 mm de haut, et des moyeux CEC qui permettent d’arriver à tout juste 1000 g la paire. Outre ce test, nous avons eu l’occasion de les rouler lors d’un de nos voyages à Taïwan avec un vélo chargé de bagage pesant plus de 20 kg et elles avaient admirablement bien tenu !

Signalons aussi la monte de pneus René Herse en 55 mm de large sur notre modèle d’essai. Avec leurs crampons carrés, ils peuvent sembler avoir un dessin fort basique et nous étions un peu sceptiques. Sur le terrain, ils se sont avérés avoir un rendement plutôt très bon sur route et dans les portions roulantes, et ils offrent aussi une belle polyvalence. Ils préfèrent les sols secs, mais ils s’en sortent dans la boue en se montrant assez prévenants dans leurs glissades. Sans être de super pneus de gravel, ni de vrais pneus de VTT, ils réussissent à trouver un compromis assez correct qui colle bien avec la philosophie de l’Alpin.

Pour le reste, nous avions sur notre modèle d’essai un montage en Shimano GRX800 11 vitesses avec cassette Shimano XT 11/46 et plateau de 42 dents. Clairement, vu le programme du Chiru Alpin, nous verrions plutôt un GRX 12 vitesses avec cassette 10/51 ou un groupe Sram AXS avec dérailleur VTT et cassette 10/52, histoire de pouvoir grimper du vraiment raide sans s’exploser les jambes. Côté freinage par contre, le groupe GRX s’est largement montré à la hauteur.

Chiru Alpin : le test terrain

Malgré le cintre courbé, quand on est principalement vététiste, on retrouve très vite ses marques sur l’Alpin. Le poste de pilotage est assez haut et surtout on voit bien sa roue avant devant soi grâce à la potence courte et à l’angle de direction de 68°. Au final, il n’y a que la fourche rigide et le poste de pilotage qui font penser à un gravel.

Nous avons roulé principalement le Chiru Alpin dans les Ardennes, et non en montagne. Une hérésie ? Pas du tout, car il a bien plus d’une corde à son arc et ce vélo n’est pas enfermé dans un programme bien strict. Même si les ascensions sont plus courtes qu’en montagne, c’est sur les pentes de vallées abruptes que nous avons commencé à emmener l’Alpin. Et, force est de constater qu’en montée, il fait quasi jeu égal avec un VTT XC, même quand c’est technique.

Ses développements le limitent un peu et on vous conseille vraiment d’opter pour une cassette 12 vitesses en 10/50 (ou du même style), car la 10/46 montée sur notre vélo de test bride le Chiru Alpin dans des endroits où le châssis permettrait de passer sans souci. Le titane et la forme bien étudiée du cadre permettent d’avoir un excellent grip de la roue arrière, et la position met à l’aise dans les grimpettes complexes, malgré le cintre étroit et courbé type gravel. Clairement, nous avons été bluffés ! Et la fourche titane à l’avant est plus un atout au niveau précision qu’une tare.

Dans les côtes moins techniques, le Chiru Alpin fait là jeu égal avec de très bons vélos de gravel. Peut-être pas les modèles les plus typés « race », mais on a bien la sensation d’avancer très vite ; plus vite qu’avec un VTT, surtout un tout-suspendu, même s’il s’agit d’une bête de XC. Une vraie machine à grimper, et quand les ascensions sont longues, pouvoir varier la position des mains sur le cintre est un vrai atout.

Nous étions aussi très curieux de voir son rendement sur route ou sur de grands chemins roulants. Là aussi, il s’en sort bien. Très bien même ! Bien sûr, ses pneus larges ont un peu plus de résistance au roulement que de pneus de gravel/all-road classiques en 40 ou moins, mais le vélo a un excellent rendement global. Son cadre réagit très bien dans les relances ou quand on pousse fort sur les pédales en cadence et on peut adopter une position aéro/propice à la vitesse sans se sentir plié en deux sur le vélo. Et au final, les bornes défilent à vive allure et garder une vitesse de croisière entre 30 et 40km/h est presque une formalité. On se rapproche là des tout bons vélos de gravel, et les VTT auront du mal à tenir une telle allure.

Enfin, en descente, la position met vraiment en confiance quand c’est raide et technique. On ira moins vite qu’avec un VTT (sans suspensions, pas de miracle), mais on passera sur le vélo là où il faudrait mettre pied à terre avec la plupart des vélos de gravel classiques. Dans les descentes rapides, il prend aussi l’avantage sur un « pur gravel » au niveau de la stabilité, du confort et du grip grâce à ses gros pneus et à son cadre qui filtre très bien les vibrations. Mention spéciale aussi pour la fourche CEC qui est parfaitement en phase avec le comportement du reste du vélo et qui ne montre ses limites que quand c’est vraiment très cassant et dans des zones où un VTT serait clairement plus indiqué.

Puis, il y a un aspect réellement fun à relever le défi de passer à certains endroits avec un vélo sans suspensions et avec un cintre courbé/gravel. Surtout qu’on n’a jamais l’impression de se mettre en danger, mais on prend plaisir à dompter ce genre de machine. Non que les VTT dernier cri soient ennuyeux à piloter, mais on tire un plaisir différent de leur conduite, plus axé sur la vitesse de passage que sur la recherche de la trajectoire la plus « facile » entre les obstacles.

On peut presque s’étonner de l’absence d’une tige de selle télescopique qui, selon nous, irait vraiment bien sur cet Alpin, histoire d’être encore plus à l’aise et surtout de pouvoir plus se reposer en descente. Elle n’était juste pas présente sur notre modèle de test, mais son montage est tout à fait possible. Ouf ! Par contre, il faut avoir à l’esprit qu’une tige de selle télescopique sera plus rigide qu’un modèle classique et filtrera moins qu’une tige fixe surtout si elle est en carbone ou comme ici en titane. Question de choix ! A nos yeux, comme le cadre filtre vraiment bien et qu’on a de gros pneus, on opterait plutôt pour l’option télescopique.

Verdict

Ne vous fiez pas uniquement au nom du Chiru Alpin : il n’y a pas qu’en montagne qu’il est à l’aise ! Si vous hésitez entre un gravel et un VTT semi-rigide, il est peut-être fait pour vous. Surtout si vous voulez un vélo durable (titane) et peu gourmand en entretien (pas de suspensions). En piochant adroitement des ingrédients issus du VTT et d’autres venus du gravel, Chiru a réalisé une recette originale et très réussie qui peut convenir à un panel assez large de riders amateurs d’aventures plus ou moins longues et qui veulent pimenter leurs sorties en roulant sur un vélo résolument différent.

Plus d’infos : https://www.chirubikes.com/kit-cadre/alpin/

 

ParOlivier Béart