Test | Chape et boitier VTT CeramicSpeed : la roue de la fortune ?
Par Rémi Groslambert -

Les athlètes en quête de performance optimisent leurs entraînement, leur forme, leur vélo et tous les composants. Dans cette recherche de gains plus où moins marginaux vient s’insérer le choix de roulements et de chapes de dérailleurs. CeramicSpeed propose une gamme de produits dédiés à l’optimisation des performances sur ce plan, et nous avons testé la chape de dérailleur VTT pour Sram, et un boitier de pédalier VTT au format DUB.
CeramicSpeed est une entreprise danoise spécialisée dans les roulements très haute performance. Elle est réputée pour la durée de vie de ses produits, leur fluidité et… leur tarif plutôt exorbitant ! A près de 670 euros la chape de dérailleur et 480 euros le boîtier de pédalier, il est légitime de se poser la question de l’intérêt de ces produits. A un tarif si élitiste, s’adressent-ils uniquement aux compétiteurs les plus aguerris ? Ou peuvent-il également satisfaire les pratiquants moins assidus ?
Qu’est-ce que « la céramique » ?
La céramique est en réalité une famille de matériaux fabriqués à base de terre ayant subi une transformation physico-chimique irréversible au cours d’une cuisson à température plus ou moins élevée. Dans le cas de CeramicSpeed, les billes sont en nitrure de silicium, réputé pour sa dureté exceptionnelle, sa légèreté et l’évacuation de la chaleur créée par le frottement. Ici, nous sommes en présence de roulements céramiques “hybrides”, ce qui signifie que les billes sont en céramique mais que les bagues du roulement sont en acier.
Quel avantage par rapport à l’acier ?
Outre le gain de poids (60 % comparé à l’acier), les deux atouts principaux sont la durée de vie supérieure et le coefficient de friction abaissé très largement. CeramicSpeed utilise des billes de très haute qualité (grade 3). La marque annonce les chiffres suivants : des billes 15 % plus dures, permettant d’encaisser 99 % de charge en plus et 100 % plus fluides que les autres billes en céramique du marché.
La chape de dérailleur OSPW X
OSPW signifie « OverSize Pulley Wheels », ce qui signifie que les galets de dérailleur sont surdimensionnés. Dans ce cas, ils possèdent 14 dents pour le galet guide (du haut) et 20 dents pour le galet de tension (celui du bas), contre 14 et 16 dents habituellement chez Sram. La marque a choisi de conserver 14 dents sur le galet guide afin de garder une bonne précision de shifting en réduisant la liberté angulaire du galet. Augmenter la taille du galet de tension permet de réduire la “courbure” de la chaîne et ainsi de réduire sa friction. La plupart du temps, les marques choisissent de rester sur des galets de petit diamètre pour favoriser la précision de shifting au détriment du rendement. Ici, il est possible de combiner les deux grâce à des matériaux de très haute qualité.
La dénomination « X » correspond à la nouvelle gamme VTT qui vise à augmenter l’étanchéité des roulements. On retrouve notamment 2 nouveaux cache-roulement en aluminium qui enferment totalement le roulement et qui possèdent la technologie Active Debris Remover (ABR). Cette technologie consiste à évacuer automatiquement les particules et débris qui s’immiscent à proximité du roulement. Les galets sont appelés “Alpha Disc”, ils sont pleins pour éviter de s’encrasser. Ils possèdent une construction en deux parties : les dentures sont en composite avec la technologie narrow-wide pour diminuer le bruit et l’usure. La partie centrale est en aluminium avec pour fonction d’être rigide et solide.
Le montage des ces deux composants reste relativement aisé. Pour démonter la chape Sram d’origine, il est recommandé de démonter le dérailleur du vélo, même si cela n’est pas absolument nécessaire. Il faut ensuite bloquer la chape avec le “cage lock”. Grâce à l’outil 6 pans fourni, il faut démonter la “stop screw”. Nous pouvons ensuite débloquer la chape et lui faire faire un tour sur elle même pour détendre totalement le ressort de tension. Il ne reste plus qu’à dévisser la “cage bolt”. La chape est désormais intégralement démontée. Il faut ensuite suivre le cheminement inverse pour remonter la chape CeramicSpeed : visser la “cage bolt”, faire tourner la chape de 360 degrés pour la mettre en tension, bloquer la chape, visser la “stop screw”, débloquer la chape et le tour est joué ! Il ne reste plus qu’à remonter le dérailleur sur le vélo, monter la roue arrière et installer la chaîne. Un micro ajustement du dérailleur peut être nécessaire, il faut s’assurer que le passage des vitesses n’est pas altéré.
La chape est commercialisée à 579 € (un dérailleur Sram Eagle AXS XX SL est vendu 700 euros, et sa chape seule un peu plus de 200 €). Sur la balance, la chape affiche 111 g (112 g annoncés) contre 87 g pour la chape Sram d’origine. Les chapes CeramicSpeed sont garanties à vie et vous mettent à l’abri en cas de casse lors d’un accrochage avec une branche ou autre élément extérieur.
Le boitier de pédalier BB92 – Dub coated
Le boîtier de pédalier ressemble beaucoup à un boitier Sram Dub BB92 classique. Différence majeure, il inclut les fameuses billes en céramique et les bagues sont en acier durci avec le traitement “Coated” de CeramicSpeed. Ce traitement de surface est une sur-épaisseur de seulement 3 microns ayant des propriétés anti-corrosives, durcissantes et favorisant la fluidité de roulement. Cela confère au roulement, d’après la marque, une très grande longévité et un fonctionnement perfectionné. Comme les boîtiers Sram Dub, le CeramicSpeed possède un tunnel entre les deux roulements pour parfaire leur étanchéité. La version coated du boîtier est garantie à vie, la version standard est garantie 4 ans et ceci même pour un simple manque de fluidité des roulements (sous réserve que l’entretien ait été fait correctement, évidemment).
Pour l’installation, c’est une procédure très classique : il faut retirer l’ancien boîtier grâce à un extracteur, bien nettoyer les portées de roulement, les graisser, puis presser les deux cuvettes une par une grâce à une presse à roulement filetée. Attention à bien veiller à ce que le tunnel s’emboîte correctement dans la seconde cuvette. Ensuite il suffit d’introduire le pédalier nettoyé et graissé préalablement. Il ne faut pas oublier les cache-poussière qui vont de chaque côté du boîtier. Un guide est fourni sur le site de CeramicSpeed afin de déterminer l’empilement des spacers en fonction du modèle de votre vélo. Il reste maintenant à régler la vis de précontrainte et à s’assurer que les plateaux et les manivelles sont bien positionnés par rapport au cadre.
Le boitier de pédalier est commercialisé à 419 €, contre une petite cinquantaine d’euros pour un modèle standard. Le boîtier pèse 77 g avec tunnel (76g annoncés) contre 68 g pour le boîtier Sram d’origine.
La chape et le boitier VTT CéramicSpeed sur le terrain
Une économie d’énergie qui peut aller jusqu’à 2,4 watts et jusqu’à 60 % de friction en moins sur la chape, et 75 % de friction en moins sur le boîtier pour une durée de vie multipliée par 7,5, c’est ce qu’annonce CeramicSpeed. Pour autant, est-ce sensible pour les utilisateurs lambdas ? Y-a t’il un vrai intérêt sur le terrain ? Va-t-on réellement plus vite sans effort supplémentaire ? Nous avons testé ces composants pendant plusieurs mois sur tout type de terrain et dans les conditions très rudes de l’hiver près de la rédaction. Voici notre bilan après des centaines de kilomètres.
Il est important de rappeler que sur le dérailleur Sram T-Type XX SL très haut de gamme qui équipe notre Scott Spark RC Worldcup Evo de test, la chape d’origine possède déjà des galets céramiques et que le boîtier Sram Dub est plutôt fluide lorsqu’il est récent et que le jeu est bien réglé. Néanmoins, il est aisé de sentir une légère différence : on sent un réel gain de fluidité, comme si la chaîne était mieux lubrifiée. Le boîtier et les galets de dérailleur sont d’une fluidité exceptionnelle, on a une vraie impression de facilité, cela incite à tourner les jambes, mettre de la vélocité. C’est une sensation plutôt agréable, on a le sentiment que chaque watt produit par nos jambes est retransmis à la roue arrière, rien n’est perdu.
Dans le temps, cette sensation reste, la durabilité des roulements semble bonne. Lorsque l’on fait tourner la transmission à l’envers, on peut effectivement constater que tout tourne avec très peu de friction, c’est bluffant. Va-t-on beaucoup plus vite ? Pas vraiment, mais on a ce sentiment de facilité. C’est vraiment ce que l’on pourrait appeler un “gain marginal”. Et en additionnant tous ces gains marginaux, cela peut faire une petite différence sur le chrono.
Est-ce que tout le monde peut le ressentir ? Nous dirions que oui. Les différences de cadence entre le pro et les moins aguerris est minime, il n’y a donc pas forcément de raison que l’impact soit plus important chez les compétiteurs. C’est donc un petit gain bon à prendre. Pour les professionnels, les quelques watts gagnés ne sont pas négligeables. Il faut des centaines et des centaines d’heures d’entraînement pour gagner 10 watts à ce niveau. Pour l’amateur, un tel gain représente quelque chose comme 1 % de progression, ça n’est pas rien. Des gains légers, certes, mais si il n’y a pas de défaut, pourquoi s’en priver ?
Des défauts, à vrai dire, nous n’en avons pas vraiment trouvé. Le shifting reste excellent, largement à la hauteur de la chape d’origine. Tous les changements de vitesse sont fluides et précis. Pour ce qui est de la robustesse, après quelques contacts avec des branches ou des cailloux, aucun signe de faiblesse. Les galets pleins remplissent bien leur tâche : aucun amas de résidus ou de saleté, l’évacuation des impuretés se fait bien. Au niveau des galets de dérailleur, la fluidité est toujours excellente alors qu’aucun entretien particulier n’a été réalisé sur la chape.
Pour ces roulements, on peut presque dire que ça tourne comme au premier jour, un bel exploit vu les conditions rencontrées. Au niveau du boîtier, une des deux cuvettes est intacte, l’autre gratte un peu. Après un démontage, nettoyage et graissage dans les règles de l’art, tout est rentré dans l’ordre. CeramicSpeed communique sur une procédure précise pour réaliser l’entretien et vend des produits parfaitement adaptés. Le boîtier est même livré avec une graisse longue durée pour réaliser l’entretien. Les caches du roulement s’extraient assez facilement sans outil spécifique. Pas de corrosion, pas d’usure prématurée, une fluidité retrouvée, c’est plutôt convaincant.
Côté performance, les produits CeramicSpeed ne s’adressent pas uniquement à l’élite. La longévité des produits et les gains affichés seront parlants pour n’importe quel pratiquant. Il est certain que cela ne vous transformera pas en champion, mais il y aura tout de même un impact dans votre recherche de performance, peu importe le niveau.
Soyons francs : ce genre d’investissement fait partie des derniers détails à optimiser. Avant d’en arriver ici, il est clair qu’il y a des centaines d’autres facteurs à optimiser : bien régler son vélo, entretenir ses roulements, sa transmission, optimiser son train de pneus, etc. Évidemment, ces produits n’ont aucun sens si votre transmission n’est pas parfaitement propre et lubrifiée. Les pertes liées à une mauvaise lubrification seraient alors bien plus importantes que les petits gains apportés par CeramicSpeed. Robustesse, fluidité, simplicité de montage, garantie à vie : nous sommes plutôt convaincus, nous y voyons seulement des avantages, jusqu’au moment de passer à la caisse. Le tarif ultra haut de gamme sera certainement ce qu’il y a de plus élitiste dans ces produits.
Plus d’infos sur le site de la marque : https://ceramicspeed.com/en-eu