Test | Canyon Strive CF 6.0 : l’enduro pour tous
Par Léo Kervran -
Le Canyon Strive fait figure de référence dans la gamme enduro Canyon. Une machine que l’on retrouve sur les EWS et dans des déclinaisons multiples et abordables pour le commun des mortels. C’est en grimpant le temps de quelques heures sur le tout nouveau modèle « CFR » haut de gamme début 2019 que notre curiosité a été piquée. Nous avons pu passer bien plus de temps au guidon du modèle 6.0 et nous lui en avons fait voir de toutes les couleurs. Le verdict est unanime auprès des testeurs, et on vous invite à le découvrir :
Le changement le plus notable concerne la taille des roues, puisque le Strive passe en 29ʺ, le standard qui semble s’imposer comme la référence en compétition d’enduro.
Autre point important, il n’y a désormais plus de cadre en aluminium dans la gamme Strive, tous les modèles sont entièrement en carbone. Canyon distingue néanmoins deux nuances de carbone, avec les versions CF (du 5.0 au 8.0) et CFR (cadre nu, 9.0 Team et 9.0 LTD).
La suspension
Le débattement arrière perd 10 mm et affiche maintenant 150 mm tandis que l’avant reste en 160 mm. Sur notre modèle d’essai, c’est RockShox qui s’occupe de gérer toute la partie suspension avec un amortisseur Super Deluxe RCT et une fourche Lyrik RC.
La seule pièce en aluminium qui subsiste sur le cadre est la petite biellette interne du ShapeShifter, par ailleurs complètement revu. Pour rappel, le ShapeShifter c’est ce petit piston placé au niveau de la biellette de la suspension et qui permet, en poussant sur un levier, de modifier le point d’ancrage haut de l’amortisseur. Conséquence ? Les angles du vélo se referment (+ 1,5° pour l’angle de selle et l’angle de direction), la suspension se raffermit et le débattement est réduit.
L’objectif est de tirer au maximum parti des avantages de la cinématique 4 Bar Linkage de la suspension en descente, sur la sensibilité notamment, sans sacrifier le confort de pédalage lorsqu’il faut remonter. On pourrait comparer ça dans une certaine mesure au Twinloc des Scott Genius et Ransom (eux aussi en 4 Bar Linkage), à la différence qu’ici le système modifie complètement les angles du vélo, à tel point qu’on vous déconseille de rouler en descente avec le ShapeShifter en mode « XC »…
Le ShapeShifter 1.0 avait rencontré quelques soucis de fiabilité et demandait une certaine habitude pour pouvoir passer sans trop de difficultés du mode DH au mode XC. Pour cette version remaniée, Canyon a travaillé avec les marques de suspension pour le piston et a surtout redessiné la petite biellette interne pour un fonctionnement plus naturel. La manette est également bien différente sur cette version 2.0, on passe d’un levier sur le cintre type tige de selle télescopique à deux petites manettes sous le cintre, l’une pour passer en mode XC et l’autre pour revenir en mode DH.
Cette même manette du ShapeShifter intègre au passage le levier pour la tige de selle télescopique, ce qui donne à l’ensemble un aspect très propre et intégré bien qu’on ait quand même 3 leviers sous le cintre. Ça fait un peu cockpit d’avion en apparence mais c’est finalement très intuitif à utiliser et dans le doute, on peut toujours s’en remettre à Canyon. Avec un humour auquel elle ne nous avait pas habitué jusque-là, la marque allemande a marqué les leviers de « click », « clack » et autres « pshhhhhh » pour s’y retrouver plus facilement.
La géométrie
De son côté, la géométrie évolue mais ce sont plus des petites touches qu’une vraie révolution. Plus de versions « Race » ou « Classique », tous les modèles adoptent une seule et même géométrie « intermédiaire », avec des valeurs modernes mais pas excessives. Le reach affiche ainsi 440 mm en taille M, c’est 18 mm de plus que l’ancienne version classique mais on reste loin des valeurs extrêmes affichées par le nouveau Specialized Enduro (464 mm) ou le Mondraker Foxy (470 mm).
La longueur des bases et l’empattement augmentent un peu pour accueillir les roues de 29ʺ mais ni l’angle de direction ni l’angle de selle n’évoluent. En regardant la géométrie de manière générale (le tableau complet : ici), on se dit que le Strive devrait être plutôt facile à prendre en main et donc plutôt « grand public », surtout pour une machine de course.
L’équipement
Pour finir sur l’équipement, notre Strive CF 6.0 est doté de nombreux composants « maison » comme la tige de selle ou tout le poste de pilotage. Le tout est vraiment cohérent et rien ne s’est distingué défavorablement.
Notre modèle CF 6.0 est équipé de roues DT Swiss E 1900 Spline de 30mm de largeur interne. Compatibles tubeless, ces roues sont chaussées des célèbres Maxxis Minion DHR II à l’avant comme à l’arrière, en 2.4 de section et carcasse EXO. Le train roulant n’a pas fait preuve d’un dynamisme impressionnant, mais il est venu apporter beaucoup de grip au vélo en terrain technique.
Côté transmission, on retrouve un Sram GX Eagle monté avec anti-déraillement, simple mais solide comme le reste en somme. Affiché à 3 499 € avec un cadre carbone et des suspensions honnêtes, Canyon offre sur le papier un produit avec un bon rapport qualité/prix.
Seuls les freins semblent avoir été sacrifiés puisque le vélo est monté avec des Sram Guide R, pas vraiment adaptés au programme et aux capacités du vélo…
Versions et tarifs
Pas moins de 7 versions sont au programme pour ce Canyon Strive, avec 6 montages et un kit cadre. Les tarifs vont de 2 499 € à 9 000 € pour les vélos complet tandis qu’il faudra compter 2 999 € pour le cadre, disponible en carbone haut de gamme CFR uniquement et déjà équipé d’une tige de selle téléscopique (Canyon) ainsi que d’un amortisseur (Fox DPX2).
On remarquera que contrairement à la plupart des vélos Canyon, il n’existe pas de version WMN dédiée aux femmes pour le Strive. Chez Canyon, au-delà des coloris différents, les modèles WMN disposent surtout de réglages de suspensions et de périphériques (selle notamment) adaptés aux femmes, généralement un peu plus petites et plus légères que les hommes.
Notre modèle de test 6.0 2019 quitte la gamme en 2020 mais on retrouve un modèle 7.0 assez équivalent à 2999€
Le Canyon Strive CF 6.0 sur le terrain
Notre première rencontre avec le Strive remonte au mois de Mars 2019, et la version « CFR » très haut de gamme. Le temps d’une après-midi sur les sentiers rocailleux de Massa Marittima en Italie, nous avions découvert un vélo affichant les caractéristiques d’un vélo d’enduro « moderne » avec ses grandes roues, un bon débattement et une géométrie plus que capable. Les marques de vélo dévoilent tour à tour « leur » vision de l’enduro moderne et cela se conjugue souvent avec « extrême » et « exigence », ce qui n’est pas un problème pour un vélo dédié à la compétition. Avec ce Strive, on a tout de suite eu la sensation d’aller vite, sans pour autant se faire brusquer ou devoir se battre avec le vélo. On s’est senti très rapidement à l’aise, voire bon, au guidon de ce vélo. Suffisamment pour avoir envie de voir ce qui se passait sur un modèle plus accessible.
La première chose qui saute aux yeux en montant sur le Strive 6.0, c’est sa facilité de prise en main. On est à nouveau tout de suite à l’aise et on comprend très vite le fonctionnement du vélo, c’est comme si on était de retour sur sa fidèle monture qu’on avait mise de côté quelques temps.
Le vélo est facile à placer et réagit bien aux actions du pilote, sans excès. Au pédalage, ce n’est pas le plus dynamique dans cette version d’entrée de gamme qui dépasse les 15kg mais, grâce au Shapeshifter, on peut passer en un clic d’une position équilibrée pour la descente à une position qui permet de pédaler plusieurs heures sans souci.
Le système agit aussi sur la courbe de compression de l’amortisseur et c’est peut-être une de ses limites. En mode « XC », l’amortisseur est plus ferme, même sans toucher au levier de l’amortisseur et, si c’est agréable pour le plat ou les montées roulantes, ça peut devenir gênant dans les montées techniques. Il faut alors choisir entre une suspension ouverte avec un bon grip mais une position un peu trop sur l’arrière ou une position convenable mais une suspension un peu dure, qui manque d’adhérence.
Notons aussi que nous avons fini par perdre le cache en plastique du système pendant une descente. Cela n’a aucune incidence sur le fonctionnement du Shapeshifter, mais il mériterait peut-être une sécurité supplémentaire, avec une vis ou une goupille par exemple.
En descente, le maître mot de la plateforme c’est l’accessibilité. On n’est pas sur le vélo le plus joueur, ni sur une machine qui a besoin d’être roulée à fond pour donner tout son potentiel. Non, le Strive se dévoile facilement et permet à n’importe qui, ou presque, de rouler à bon rythme, sans fatiguer le pilote. En ce sens, la simplicité du montage est un atout : pas besoin de passer des heures à régler ses suspensions, on met le bon sag, un rebond polyvalent et c’est parti !
Cette simplicité combinée à la facilité de prise en main font du Strive un bon vélo pour progresser dans son pilotage et lorsque vous aurez un certain niveau, vous sentirez naturellement la limite des composants. La fourche Rockshox Lyrik RC est sensible et offre un fonctionnement général honnête mais manque de support pour rouler vraiment fort. C’est là qu’il se démarque du modèle « team » haut de gamme qui apporte, justement, ce support supplémentaire. Tant qu’on est sur l’avant du vélo, on aurait aussi aimé un autre pneu que le Maxxis DHR II car il manque de grip au freinage sur certains terrains. Un DHF ou un Assegai, pour rester chez Maxxis, aurait été préférable. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue qu’on est sur un vélo en carbone et de manière générale, les performances sont bonnes pour ce prix.
Le seul vrai point faible de ce Strive CF 6.0, ce sont ses freins. Les Sram Guide R sont complètement dépassés et il n’y a pas besoin de rouler vite pour s’en apercevoir, tant ils manquent à la fois de puissance et d’endurance. Ils ne sont pas du tout adaptés à la pratique de l’enduro, à tel point que nous avons très vite changé le frein avant pour un Sram Code Ultimate de façon à pouvoir se concentrer sur le comportement du vélo en lui-même au lieu de se faire peur à chaque freinage.
On aurait bien changé le frein arrière par la même occasion mais les passages internes nous en ont dissuadé. En effet, le Strive ne profite pas (encore ?) de l’astucieux système de protection + cache pour les gaines de son petit frère le Spectral, et la Durit passe donc entièrement en interne, selon un trajet qui ne facilite pas la maintenance. Elle ressort en effet derrière le boîtier de pédalier pour rentrer aussitôt dans le triangle arrière, dans des espaces qui sont très peu accessibles. Si vous souhaitez changer de frein, le plus « simple » est encore de démonter le boîtier de pédalier et le triangle arrière (donc l’amortisseur) pour pouvoir faire passer la Durit facilement. Ça commence à faire beaucoup de manipulations pour changer un frein…
Ces quelques mois au guidon du Strive 6.0 ont été une excellente confirmation de nos premières sensations au guidon du modèle « team ». Le Strive a tout d’un vélo d’enduro moderne, sans toutefois tomber dans l’exigence. Il apporte ce qu’il faut d’efficacité pour encaisser et absorber les terrains les plus cassants, en évitant de faire payer à son pilote son haut niveau de performance. Un Specialized Enduro, un Santa Cruz Megatower ou un Pivot Firebird s’alignent sur le même programme, mais demandent un niveau technique et physique élevé pour animer la machine. Le Strive ne fait pas dans l’élitisme et ne rogne pas sur ses performances non plus. Le Shapeshifter, au coeur de ce vélo, a son intérêt, sans toutefois qu’on en rêve sur d’autres machines. Les limites de ce Strive 6.0 seront finalement celles de ses composants : des freins hors programme et des roues et des suspensions qui devront évoluer avec votre niveau, mais l’ensemble est cohérent et offre un bon rapport qualité/prix. Cette machine d’enduro est une excellente option pour qui souhaite pratiquer cette discipline sans se sentir l’âme d’un racer EWS, et si c’est le cas, il faudra monter en gamme.
Canyon Strive 6.0 2019
3499€ (tarif 2019)
15,2 kg(Taille L, sans pédales)
- Accessibilité
- Performances générales
- Intégration leviers Shapeshifter + tige de selle
- Shapeshifter en montée technique
- Cheminement des câbles en interne
- Freins hors programme
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix
Plus d’infos sur le site de la marque : www.canyon.com/fr-fr/mountain-bikes/enduro-bikes