Test | Canyon Lux World Cup : vous êtes plutôt performance ou performance ?
Par Adrien Protano -
Victorieux à de nombreuses reprises dans les mains de Loana Lecomte, champion du monde de XCC avec Sam Gaze… S’il fallait résumer un vélo à son parcours en compétition, le Canyon Lux World Cup a de la matière à revendre. Mais que peut bien valoir cette nouvelle plateforme de 100mm de débattement pour le commun des mortels ? Réponse avec notre essai !
Le Canyon Lux ancienne génération était un pur-sang taillé pour la compétition et dont le palmarès fut bien rempli, notamment à l’époque entre les mains de Mathieu van der Poel et Pauline Ferrand-Prevot. Néanmoins, inchangé depuis son arrivée en 2018, celui-ci commençait à marquer un peu le pas au niveau mondial, face notamment à l’évolution de la pratique et des circuits XC pour lesquels sa géométrie relativement « ancienne école » accusait le coup.
C’est tout d’abord par le downcountry que Canyon s’est attaqué à la refonte de sa gamme de XC tout-suspendus, en dévoilant le Lux Trail durant l’été 2021 (voir notre test complet ici : Test | Canyon Lux Trail : le jeu des bonifications). Un « faux-jumeau » qui ne partage pas le même triangle avant, et encore moins la même philosophie que la star du jour.
Dans la même famille que le Lux Trail mais à un monde de différence, on retrouve ainsi le digne successeur du Lux ancienne génération, le Lux World Cup. Une chose est certaine, il ne cache pas son programme de prédilection au vu de sa dénomination : la performance !
Chassis
Si la silhouette générale de ce Canyon Lux World Cup peut sembler identique à celle du Lux ancienne génération, cette nouvelle plateforme est pourtant le fruit de sensibles évolutions, à commencer par le poids. Cette luxueuse version du Lux World Cup bénéfice du cadre CFR, à savoir le carbone le plus haut de gamme de la marque. Le résultat est un gain de 127 g par rapport à l’ancienne version SLX, soit un poids de 1 535g pour le cadre nu. Ce qui est un très, très joli score pour un tout-suspendu, qui le place parmi les cadres les plus légers du segment.
D’autres évolutions sont plus de l’ordre de l’esthétique mais sont accueillies avec grand plaisir, notamment au niveau du nouvel IPU (Impact Protect Unit 2.0). Ce système de butée de direction a pour but d’éviter les retours intempestifs de cintre qui pourraient abimer le cadre lors de chute. Auparavant placé sur le dessus du tube supérieur, nous avions fait voeu que ce système tende à s’intégrer lors de notre test du Canyon Lux Trail. C’est chose faite, l’IPU 2.0 est désormais caché pour un rendu visuel plus agréable.
Dans cette optique de proposer une intégration au rendu visuel encore plus abouti, Canyon a également fait le choix d’un passage de gaine au niveau du jeu de direction. Des tubes de guidage sont également prévus au sein du cadre afin de faciliter le passage interne des gaines. Néanmoins, à l’usage, ce n’est pas le système le plus pratique que nous ayons eu à utiliser en cas de changement de gaine ou d’ajout d’une gaine supplémentaire, pour une commande de tige de selle télescopique par exemple.
Cette version CFR bénéficie de roulements CeramicSpeed SLT au niveau du cadre et du jeu de direction, qui présentent l’avantage selon le fabricant d’être autolubrifiants et garantis à vie. Il nous faut faire une mention spéciale également pour ce guide-chaine minimaliste, qui ne pèse que 4,6 g et pour l’axe de roue arrière Quixle, avec son petit levier rétractable discret et très pratique. Enfin, le dégagement du cadre permet d’emporter 2 bidons lors de sa sortie, et ce même en taille XS.
Suspension
Héritage du Lux ancienne génération, la cinématique de suspension est un système de type monopivot avec biellette, associé à un triangle arrière en carbone d’une seule pièce (bases + haubans). C’est quasi devenu la norme en XC, Canyon se passe ici de point de pivot sur les haubans en jouant sur la déformation du matériau, qualifié aussi de « flex-stay ».
La marque allemande explique avoir également profité de ce nouveau Lux World Cup pour affiner la cinématique, notamment au niveau de l’anti-squat qui a été légèrement revu pour « plus de performance en montée » selon la marque. Par contre, Canyon a ici fait le choix de ne pas suivre cette tendance actuelle de l’augmentation du débattement, et le Lux World Cup offre 100mm de débattement à l’avant comme à l’arrière, là où ses concurrents directs peuvent offrir 110 voire 120mm. S’il est toujours envisageable de monter une fourche offrant plus de débattement sur ce Lux World Cup, Canyon préconise alors de plutôt s’orienter directement vers le Lux Trail et de l’équiper de composants plus typés XC.
Si cette forme du cadre, et plus précisément ce placement de l’amortisseur au plus proche du tube supérieur, est au service de la performance, cela se fait par contre au détriment de toute praticité. Le réglage du rebond s’avère être un réel casse-tête, l’accès à la molette de réglage sur le SID Deluxe étant des plus exigus. Ce n’est pas un réglage qu’on modifie souvent mais tout de même…
Canyon a toutefois prévu une minimaliste clé Allen logée au niveau de la gaine de frein avant afin de faciliter (un peu) cet ardu réglage.
Géométrie
Comme on vous le précisait en introduction, la raison d’être de ce Lux World Cup est l’adaptation à la technicité croissante des circuits et de la pratique XC. Cette philosophie se ressent dans les changements de géométrie par rapport à l’ancienne génération, avec notamment le reach qui gagne 15 mm sur toutes les tailles par rapport au Lux CF SLX (et 20 mm par rapport au CF SL), passant ainsi à 450 mm en taille M. Même si l’angle de direction perd environ 1,5° et atteint 68,5°, il reste plutôt conservateur par rapport à ce qu’offrent ses concurrents directs (chez qui l’on retrouve des angles de direction compris entre 67° et 68°). En parallèle, les bases sont raccourcies de 5 mm (430 mm), le tube de selle de 10 mm et l’angle de tube de selle gagne 0,5° (75°).
Le Lux World Cup se dote donc de valeurs bien plus dans l’ère du temps et s’inscrit dans cette tendance du « plus long, plus ouvert », synonyme notamment d’un meilleur franchissement et d’une stabilité accrue.
Équipement
Nous avons reçu ce Lux World Cup dans son montage le plus haut de gamme, baptisé CFR LTD et qui est affichée à 7999€. Un prix coquet, mais qui reste très largement inférieur à ce qu’on peut voir ailleurs pour les modèles les plus luxueux.
Dans cette version, RockShox s’occupe des suspensions et de la meilleure des manières : SID SL Ultimate à l’avant (avec plongeurs en 32mm, donc) et SIDLuxe Ultimate à l’arrière, tous deux développant 100mm de débattement. Un blocage au guidon est également de la partie.
Côté freinage, on passe sur Sram, avec les Level Ultimate et des disques de 160mm. Le montage du frein arrière se fait en « flat-mount » afin de concentrer les forces de freinage dans les bases arrière. Les performances des freins Sram sont parfois critiquées mais ici, nous n’avons absolument rien eu à leur reprocher pour le programme du vélo.
On reste chez Sram en ce qui concerne la transmission, avec un groupe XX1 AXS Eagle, couplé à une cassette 10-52 et un plateau de 34 dents. Le boitier de pédalier provient de chez CeramicSpeed mais les roulements sont différents de ceux utilisés au niveau du jeu de direction et du cadre, il ne s’agit ici pas de roulements SLT mais de roulements haut de gamme disposant d’une graisse longue durée selon Canyon.
Le train roulant, en 29″ évidemment, est composé de Maxxis Ikon Exo 3C Maxxspeed en 2.35 de largeur, montés sur une paire de DT Swiss XRC1200 en carbone et de 30mm de largeur. Le Lux World Cup peut accueillir des pneus jusque 2.5 de section à l’arrière.
Le cockpit en carbone développé par Canyon et répondant au nom de CP0008 fait visuellement son effet de par sa construction en une pièce. Ce poste de pilotage de 740mm de largeur est doté de grips GA20 de chez Ergon. L’ensemble est ergonomique et confortable à l’utilisation. Avec son profil plat et grâce aux fibres utilisées par Canyon, il est rigide juste ce qu’il faut pour procurer une excellente précision de pilotage, tout en parvenant à filtrer les vibrations. Bref, un excellent combo, très agréable à l’œil pour ne rien gâcher.
Sur cette version du Lux World Cup, Canyon s’est mis en chasse du moindre gramme au point de préférer la légèreté à la polyvalence : c’est une tige de selle en carbone « fixe » qu’on retrouve sur le Lux World Cup, à une époque où la tendance est majoritairement portée sur les tiges de selles télescopiques. Clairement, cette tige télescopique nous a manqué lors de cet essai. Pas tout le temps mais souvent. Nous y reviendrons. On retrouve pour finir une selle Italia SLR Boost à rails carbone, pesant moins de 200g.
Versions et tarifs
Au-delà du modèle essayé ici, la gamme World Cup compte trois autres modèles, tous en carbone. Le ticket d’entrée (World Cup CF 6) commence à 3.499€, puis 4.299€ pour le CF 7. Attention, ces deux modèles disposent d’un autre cadre, un peu plus lourd (environ 200g), mais Canyon assure avoir tout fait pour que le comportement du vélo soit préservé.
Dans la gamme CFR, on trouve tout d’abord le CFR Team à 6.999€ avec un montage Fox/Shimano XTR, puis la version testée dans cet article, le CFR LTD et ses 9.80kg, qui est quant à lui commercialisé au prix de 7.999€.
Le Canyon Lux World Cup sur le terrain
Il y a quelques années, l’essai de la version précédente du Lux nous avait laissé l’impression d’un vélo hyper performant mais franchement délicat à piloter et parfois caractériel. Après avoir testé le Lux Trail l’an dernier et l’avoir trouvé très équilibré, nous étions curieux d’essayer cette nouvelle version World Cup du Lux pour voir comment il se positionne désormais.
Commençons par ce qui est le plus important aux yeux de beaucoup en XC/marathon : le rendement. Nous avions déjà été surpris par le rendement que Canyon avait réussi à imprimer au Lux Trail, et pourtant ce n’était là qu’un avant-goût de ce qui nous attendait avec le Lux World Cup. Debout sur les pédales en mode « full watts », la rigidité du cadre est parfaitement dosée, il reste parfaitement aligné quand on appuie fort et, même sans bloquer les suspensions, le pompage de l’arrière est quasi inexistant. Il démarre, ou plutôt il explose au quart de tour à chaque démarrage, et c’est particulièrement jouissif !
C’est d’autant plus remarquable que, s’il est équipé de bonnes roues DT Swiss 1200 en carbone, ce ne sont pas non plus les roues les plus légères et les plus explosives du marché. L’imaginer avec des Duke SLS comme les pilotes en coupe du monde, ou des roues artisanales légères, cela donne tout simplement des frissons. Sur les sections peu accidentées, le coup de pédale est incisif et le vélo semble avancer tout seul. Les longues ascensions passent presque toutes seules, et on sent qu’on est sur un des vélos les plus performants du marché. La plateforme ne pompe quasiment pas, voire pas du tout, de sorte que le blocage on/off sera réservé aux portions de route. Quant aux ascensions très techniques, elles sont avalées avec facilité car la suspension est vraiment performante quand il s’agit de procurer du grip. On apprécie aussi le fait que la roue avant reste en permanence bien collée au sol, même dans les pourcentages les plus raides.
Côté position, c’est clairement très typé racing. La différence de hauteur selle-cintre est importante et il faut un dos et des cervicales bien souples pour en profiter pleinement. Si ce côté extrême vous fait peur, sachez que le Lux Trail est nettement plus accessible à ce niveau et vous procurera certainement bien plus de plaisir sans vous éloigner complètement de l’expérience Lux au niveau rendement. Attention aussi au choix de la taille : avec l’évolution des géométries, plus question de surtailler. Le Medium de cet essai est parfait jusque 180cm et ne tentez surtout pas un Large en dessous de 176/177cm. Malgré tout, même si cette position radicale demande un petit temps d’adaptation, nous nous sommes surpris à faire de très longues sorties au guidon du Lux sans ressentir de douleurs ou une fatigue excessive. Cela nous fait dire que pour des pilotes avec un minimum d’entraînement, le Lux World Cup peut aussi très bien convenir à un usage marathon.
Est-ce que le Canyon Lux World Cup est confortable ? Clairement pas autant que la version Trail. A l’avant, on ne souffre pas du débattement de « seulement » 100mm de la SID SL, très sensible sur les petits chocs, mais l’amortisseur Rockshox SIDLuxe a un tarage d’origine clairement ferme, et il faut vraiment rouler vite, attaquer pour qu’il se libère. Cela dit, si nous avons déjà pu être critiques sur le comportement de l’amortisseur SIDLuxe par rapport à son rival Fox Float, nous devons reconnaître qu’il se marie fort bien à la cinématique du Lux. Quoi qu’il en soit, ce Lux World Cup s’adresse aux vététistes en forme et prêts à piloter, avec le bagage technique et la souplesse que cela implique. Il n’est pas question ici de se balader, au risque de faire face à un vélo peu confortable et qui va vite vous faire comprendre qu’il est sous-exploité. A nouveau, si vous voulez absolument un Lux, mais moins orienté racing, il y a le Lux Trail dont la présence dans la gamme a permis à Canyon de radicaliser le comportement de la version World Cup.
En descente, le Lux World Cup nous a très agréablement surpris. Bien sûr, cela reste un vélo pointu à piloter, qui offre de la précision et tous ses charmes seulement à qui sait le dompter, mais il est tout de même nettement moins extrême que son prédécesseur. En fait, plus on ose et plus on va vite, plus il passe bien et met en confiance. L’explication est à chercher dans les modifications de la géométrie qui, avec un reach allongé et plus d’angle à l’avant, se montre bien plus rassurante. Pour la petite histoire, nous avons même fait une endurando avec ce vélo en l’équipant simplement d’une tige de selle télescopique… et on a adoré ! On en a même montré à des gars sur de très gros vélos ! Bien sûr il n’y avait aucun objectif de chrono et le parcours n’avait rien d’un EWS mais c’est tout de même un petit indicateur des capacités de l’engin en zone technique. Comme quoi, une bonne géo, c’est vraiment la base, et on est sur un vélo taillé pour être à l’aise sur les parcours XC contemporains, très exigeants.
On l’a abordé : l’absence de tige de selle télescopique nous a surpris sur ce genre de vélo. Alors, oui, ça lui permet certainement de passer sous les 10kg et de garder un prix inférieur à 8000€, mais c’est un accessoire dont on a de plus en plus de mal à se passer sur ce genre de machine. Pour un usage marathon, elle est peut-être moins indispensable, mais si on veut vraiment ouvrir tout le potentiel de ce Lux en descente et être à l’aise dans les portions plus techniques, c’est vraiment un must. Avec une RockShox Reverb AXS sans fil, on peut faire le changement en quelques secondes et nous avons constaté combien cela apportait à l’agrément de pilotage du vélo. Outre une meilleure position dans le raide et plus de confiance, arriver à basculer le poids du corps plus facilement sur l’arrière permet aussi de mieux faire travailler la suspension, ce qui n’est pas négligeable sur un vélo qui est à la base assez ferme comme le Lux WC.
Verdict
Allégé, doté d’une géométrie plus moderne, le nouveau Canyon Lux World Cup n’a peut-être toujours « que » 100mm de débattement quand beaucoup de ses congénères passent à 120mm, mais cela ne l’a pas empêché de nous donner l’impression d’un vélo bien dans son époque. Vu la présence à ses côtés d’une version Trail beaucoup plus confortable et conciliante, l’objectif de rendement maximal du vélo est revendiqué clairement et trouve un réel intérêt dans l’usage pour lequel il est prévu. Il convient juste, en tant que pilote, d’apprécier ses propres capacités physiques et techniques en toute honnêteté, de même que sa pratique, afin d’estimer si le Lux World Cup est l’arme idéale pour soi. À chacun sa réponse. De notre côté, nous resterons sur une belle impression à propos de ce Lux WC, toujours radical mais sans ce côté excessif et délicat de son prédécesseur. Et c’est un essai dont nous nous souviendrons car ce vélo a le don de transformer chaque sortie en un moment assez intense !
Canyon Lux World Cup
7 999€
9,80 kg
- Rendement au top
- Equipement au top et souci du détail (roulements Ceramic Speed,...)
- Excellente nouvelle géométrie
- Rapport qualité/prix/équipement
- Nécessite d'aller vite pour en révéler tout le potentiel
- Position exigeante
- Absence de tige de selle téléscopique
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix