Test | Cannondale Scalpel HT : le hardtail magnifié
Par Olivier Béart -
Si les tout-suspendus ont été présents très tôt dans la gamme Cannondale, on peut dire que le mythe s’est en grande partie forgé grâce à des semi-rigides au comportement explosif, véritables références à leur époque. Après une période un peu plus creuse, on avait senti un vrai retour au premier plan avec le F-Si, déjà très convaincant. Puis, pour 2022, Cannondale nous a sorti ce Scalpel HT qu’on n’attendait pas vraiment, tant les fulls ont une part prépondérante dans le cross-country moderne. Et quand on l’a essayé, on a pris une claque. Une belle ! Explications :
Pionnier des cadres à tubes en aluminium surdimensionnés quand la plupart des concurrents étaient encore sur des cadres en acier, Cannondale s’est forgé un nom en grande partie grâce aux succès en compétition de ses semi-rigides de cross-country. Aujourd’hui, mis à part sur quelques parcours très spécifiques comme Albstadt, on ne voit plus guère que des tout-suspendus en compétition XC. Pourtant, les semi-rigides performants continuent à séduire une partie de la clientèle, parfois pour des questions de budget mais aussi tout simplement par goût personnel, et on se réjouit de constater que les grandes marques ne les délaissent pas.
Pour 2022, c’est au tour de Cannondale de renouveler son semi-rigide de XC, qui est désormais baptisé Scalpel HT ; Scalpel désignant les vélos de cross-country dans la gamme, qu’ils soient tout-suspendus ou non, et HT voulant tout simplement dire « hardtail ». Que va-t-il pouvoir apporter de plus que le F-Si déjà très sympathique et toujours dans le coup niveau performances ? C’est ce que nous allons essayer de voir dans cet essai.
Châssis
Chez Cannondale, un changement de nom est souvent synonyme d’un changement important au niveau de l’ossature et de la philosophie de conception d’un modèle. Avec ce nouveau Scalpel HT, Cannondale dit avoir souhaité “revenir aux origine du cross-country : se faire plaisir en toute simplicité avec une sensation de vitesse”. On comprend donc que ce n’est pas juste la performance pure qui est visée, mais plutôt la performance au service du plaisir. Joli programme !
Concrètement, cela se traduit par l’apparition d’un tout nouveau cadre, dont le changement le plus visible à l’œil nu se situe au niveau de la partie arrière. Les haubans ne sont plus dans le prolongement du tube supérieur, mais placés plus bas sur le tube de selle. Après des années à miser sur la rigidité pure, Cannondale a plutôt opté pour le confort et la filtration des vibrations comme facteurs de performance depuis quelques années. La construction de ce Scalpel HT vise à pousser le curseur résolument plus loin dans ce domaine, et ces haubans « bas », très fins, vont dans ce sens.
Ce choix technique est assez courant sur route et en gravel, mais curieusement plus rare en VTT. Cela permet de jouer à la fois sur la flexibilité des haubans, mais aussi du tube de selle, qui va encaisser les efforts en son centre, soit la zone capable de se déformer le plus pour mieux dissiper l’énergie des chocs et vibrations. De la même façon, les bases sont particulièrement affinées dans leur deuxième moitié, au fur et à mesure qu’elles se rapprochent du dérailleur.
Le F-Si était déjà très léger et le petit nouveau a du mal à faire mieux que son prédécesseur. Tout en évoluant sur d’autres points, Le Cannondale Scalpel HT fait aussi bien sur la balance, ce qui n’est déjà pas si mal. Le cadre du Scalpel HT est annoncé à 895 g en version haut de gamme Hi-Mod, soit 5 g de moins que celui du F-Si. Attention : ce cadre en fibres haut-module est uniquement disponible sur la version haut de gamme. Les trois autres modèles au catalogue ont un cadre avec des fibres en carbone plus classiques, mais le poids reste tout de même sous la barre du kilogramme dans les versions plus accessibles : 988 g. Ce qui demeure un très beau score.
Parmi les détails qui méritent d’être soulignés, on relèvera les petites butées au niveau des points d’entrée dans le cadre des gaines et Durits. Interchangeables, elles permettent d’utiliser le vélo avec des gaines complètes pour la simplicité et la résistance aux éléments ou avec des gaines interrompues (câble nu dans le cadre et gainé lors des passages à l’extérieur) pour gagner un peu de poids. Plutôt qu’imposer la seconde solution comme sur d’autres vélos orientés compétition, Cannondale nous laisse le choix et on apprécie !
On remarque aussi la patte de roue arrière gauche en demi-lune, déjà présente sur d’autres modèles, qui permet de retirer plus facilement la roue et de ne pas avoir à enlever complètement l’axe du moyeu. Tellement simple, pratique et ingénieux qu’on se demande pourquoi d’autres marques n’emboîtent pas le pas, au moins en XC.
Enfin, difficile de ne pas dire un mot sur la finition « marbrée » de notre modèle d’essai. Particulièrement originale, elle ne peut qu’interpeller. Et quoi qu’on en pense, on ne peut que saluer la qualité de finition globale du vélo, avec une peinture aux reflets profonds. Le noir brillant de la partie arrière est plus délicat, mais la qualité de la peinture permet de rattraper les rayures avec un petit coup de polish assez facilement. Pour ceux qui n’accrocheraient pas à cette déco, le Hi-Mod 1 est aussi disponible en noir mat complet.
Géométrie
La géométrie est sans aucun doute un des points sur lesquels le Cannondale Scalpel HT se démarque de son prédécesseur. Encore relativement classique sur les dernières évolutions du F-Si (angle de direction à 69°, bases courtes, reach à 420 mm en taille M), elle plonge dans la tendance du long et couché sur ce nouveau Scalpel HT. L’angle de direction passe à 67° (66,5° avec fourche en 110 mm et 66° en 120 mm, puisque le montage d’une fourche à plus grand débattement a été pris en compte par Cannondale), l’angle du tube de selle se redresse pour atteindre 75°, le reach s’allonge de 10 mm sur chaque taille et les bases grandissent elles aussi.
Ce dernier point se fait dans le cadre du concept de Proportional Response, la méthode de design de Cannondale qui veut adapter à chaque taille de cadre certains éléments clés du vélo. Sur le F-Si, c’était déjà le cas pour la rigidité des tubes et c’est repris sur ce Scalpel HT, mais il faut ici y ajouter la longueur des bases, qui varie suivant chaque taille : de 430 mm en S à 445 mm en XL.
Equipement et versions
Nous avons testé ici la version haut de gamme Scalpel HT Carbon Hi-Mod 1. Outre son cadre plus léger, elle se distingue par ses équipements haut de gamme, sans verser dans l’exotisme ou la démesure afin de garder un tarif à peu près décent de 6999€. Nous l’avons pesé à 9,72kg avec porte-bidon en taille L, ce qui est plutôt un très bon score dans la catégorie.
Mais au-delà de cette version phare, ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’il y a trois autres modèles plus accessibles au catalogue (chacun disponible en deux coloris) : Scalpel HT Carbon 2 à 4 699 € (Lefty Ocho 100mm, XT, Notubes Crest) , Scalpel HT Carbon 3 à 3 499 € (Rockshox SID SL Select +, SLX/XT) et Scalpel HT Carbon 4 à 2 699 € (Sid SL Select, Deore/SLX/XT). On le voit, si on excepte le tout haut de gamme, il y a de belles versions d’accès à l’univers Scalpel HT, avec un cadre très léger et des périphériques cohérents dès la première version.
Sur notre Cannondale Scalpel Carbon Hi-Mod 1, la fourche maison Headshock Lefty Ocho est proposée en 110mm de débattement, soit 10mm de plus que les autres versions. On peut même la convertir en 120mm si on le souhaite avec un simple passage en atelier. Ce choix montre que Cannondale a voulu mettre en avant sur son modèle phare le confort et les capacités du vélo sur les terrains techniques. Nous verrons sur le terrain que c’est un choix pertinent et qui se ressent. D’autant que si la Lefty ne nous a pas toujours convaincus par le passé, la version Ocho se distingue aussi par un amortissement de grande qualité, qui n’a pas à rougir par rapport à Fox ou RockShox.
Le poste de pilotage adopte les standards contemporains avec une potence de 70mm de long et un cintre maison, en carbone, en 760mm de large. De quoi bien ouvrir le torse sans non plus tirer sur des largeurs excessives. Les grips en silicone de forme anguleuse ne sont pas désagréables mais leur surface est un peu trop lisse et leur toucher trop dur pour vraiment rivaliser avec des modèles phares comme les ESI. Cela dit, ce n’est pas grand chose à changer. On dispose d’un blocage au guidon pour la fourche (un classique Fox), ce qui est cohérent sur ce type de machine.
La tige de selle est rigide, mais tout est prévu au niveau du passage de câble pour recevoir une tige de selle télescopique. Nous verrons dans la partie test terrain que c’est un accessoire bien utile. La tige de selle d’origine a tout de même une utilité et une particularité, puisqu’elle est aplatie à son sommet afin de pouvoir se déformer davantage qu’un simple modèle classique rond afin d’offrir plus de confort. Ce n’est pas une première chez Cannondale, mais cela mérite d’être signalé.
Comme pour son team de coupe du monde, Cannondale fait confiance à Shimano pour le montage de ses versions de série. On se retrouve ici avec un mélange de Shimano XT (freins, cassette, shifter) et XTR (dérailleur) simple et efficace. Le pédalier est un Cannondale Hollowgram maison, lui aussi simple et efficace, mais dont on peut regretter que la finition noire soit si fragile. Mention très bien par contre pour l’anti-déraillement ultra-minimaliste mais qui fait parfaitement son boulot.
Les roues sont également signées Hollowgram, la marque d’accessoires haut de gamme maison. Il s’agit de jantes en carbone en 25mm de large, montées sur des moyeux maison et avec d’excellents pneus Schwalbe Racing Ralph/Ray en 2.25mm. On apprécie que Cannondale ne cède pas aveuglément aux sirènes des jantes de 30mm et des pneus en 2.4, utiles sur certains circuits de compétition, mais contre-productives pour une pratique plus éclectique et des cyclistes amateurs car les pneus XC larges ont tendance à « flotter » dès que le sol est un peu meuble ou recouvert de feuilles/boue/humus.
Côté accessoires et finitions, le capteur polyvalent intégré au moyeu est toujours de la partie. Relié à la Cannondale App pour smartphone, il envoie des données liées à la sortie comme la vitesse ou la distance parcourue mais aussi des informations sur la vie du vélo, telles l’enregistrement auprès de Cannondale ou les intervalles d’entretien.
Cannondale Scalpel HT Hi-Mod 1 : le test terrain
En commençant cet essai du Cannondale Scalpel HT, impossible de ne pas se souvenir de l’essai particulièrement marquant de la version à double suspension. A côté de la version SE en 120mm qui nous a laissé l’impression d’un « gendre idéal », sympa et efficace mais un peu lisse, repenser à nos sorties avec le Scalpel Team nous donne encore quelques frissons. Tout simplement car c’est un vélo hyper performant mais aussi assez délicat à piloter et qui demande une attention de tous les instants pour en tirer le meilleur. En contrepartie, il transforme chaque sortie en un grand moment d’éveil des sens !
Pour tout vous dire, ce Scalpel HT nous faisait presque peur avant de monter dessus. Allait-il être encore plus pointu et plus délicat que le tout suspendu ? Au risque de devenir un vélo trop élitiste voire presque dangereux à piloter. Eh bien pas du tout… C’est même presque l’inverse ! Peut-être est-ce parce qu’on s’attend à devoir être plus attentif au guidon d’un semi-rigide, mais le Scalpel HT ne nous a clairement pas paru aussi pointu que son grand frère tout-suspendu. Sans pour autant manquer de saveur, que du contraire !A l’accélération, aucun doute : ça dépote sévère. Le cadre est très réactif, les roues aussi, et une vraie impression de réactivité se dégage de la machine. C’est sans aucun doute un des vélos les plus impressionnants qu’il nous ait été donné de tester à ce niveau ! On apprécie aussi qu’il ne soit pas trop rigide, comme verrouillé, mais qu’on sente qu’il joue plutôt la carte de l’élasticité et de la restitution de la puissance comme une arbalète. Cela rend ses charmes accessibles à une plus grande variété de pilotes, y compris les amateurs et les pilotes légers, et pas juste aux énormes cuisses.
Dans les ascensions plus longues, c’est du même tonneau. On appuie sur les pédales et on se sent comme poussé en avant à chaque tour de manivelle. Pour autant, le grip n’est pas en berne et on n’a pas l’impression de devoir se battre en permanence avec le vélo pour trouver l’adhérence. Visiblement, le travail sur l’arrière du vélo porte ses fruits et sous des dehors exubérants, le Scalpel HT se montre bien plus doux qu’on aurait pu l’imaginer. Avec la fourche en 110mm, la position nous a paru particulièrement équilibrée et il nous a semblé facile de garder la roue avant au sol pour trouver sa trajectoire, même dans les très forts pourcentages.
Cette fourche avec un tout petit peu plus de débattement nous a paru aussi bien utile en descente, où le Scalpel HT nous a surpris… dans le bon sens du terme ! On s’attendait à devoir dompter un fauve, et on s’est retrouvés à chevaucher une bête certes parfois un peu sauvage mais globalement docile et assez facile à manier. Le travail sur la géométrie, la fourche en 110mm et le cadre assez tolérant forment un « combo » aussi efficace que jouissif en descente.
Un seul être nous manque (comme souvent) : la tige de selle télescopique. Pour pouvoir vraiment goûter à tout le potentiel du Scalpel HT, elle nous semble indispensable. D’autant qu’on sent que le confort du vélo, bien réel, vient beaucoup plus du cadre lui-même que de la tige de selle Cannondale même si elle comporte une partie aplatie (nous avons d’abord reçu le vélo avec une tige classique ; la version aplatie n’étant pas encore disponible, et nous n’avons senti que peu de différence). Du coup, pourquoi se priver ? Attention toutefois : le diamètre de la tige en 27,2mm va limiter le choix, mais il commence à y avoir quelques modèles sur le marché (notamment KS, Pro, Rockshox avec la Reverb XPLR pensée pour le gravel mais utilisable aussi en XC).
A propos de confort, on peut clairement envisager un usage marathon avec ce Scalpel HT, que nous avons particulièrement apprécié sur les longues sorties. Sa capacité de filtration des vibrations est au-dessus de la moyenne, même avec une tige de selle classique, des pneus en 2.25″ « seulement » et des jantes « étroites » en 25mm. Et sa légèreté est aussi une arme quand on enchaîne les heures de selle.
Verdict
Aussi passionnant à piloter que le tout-suspendu, le Cannondale Scalpel HT est un des meilleurs semi-rigides qu’il nous ait été donné d’essayer récemment. Confortable et tolérant quand on en a besoin, vif et fougueux juste ce qu’il faut pour procurer des sensations fortes, il réussit un numéro d’équilibriste assez étonnant. Et surtout passionnant ! Certes, nous avons essayé la version haut de gamme, mais tout porte à croire que les autres montages du Scalpel HT parviendront aussi à procurer de belles sensations à un tarif plus contenu. En tout cas une chose est sûre après cet essai, ce Cannondale Scalpel HT a sa place parmi les hardtails les plus emblématiques de la marque et il fait honneur à ses ancêtres !
Cannondale Scalpel HT Carbon Hi-Mod 1
6999€
9,72kg(Taille L, sans pédales, avec porte-bidon)
- Comportement joueur mais jamais traître
- Rendement et sensation de légèreté
- Lefty Ocho en 110mm, originale et efficace
- Réellement confortable pour un hardtail
- Absence de tige de selle télescopique (mais il est possible d'en monter une)
- Usure rapide de la finition du pédalier
- RAS
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix