Test – Cannondale F-Si Carbon 4 : le crosseur décalé
Par Olivier Béart -
Cannondale, le XC et les semi-rigides : voilà une longue histoire d’amour qui doit raviver pas mal de souvenirs chez nombre d’entre nous. Et la légende est toujours bien vivante, grâce à de constantes évolutions : passage au carbone, au 29 »… et aujourd’hui au « décalé » avec le F-Si dont le triangle arrière est déporté pour raccourcir les bases et obtenir une roue arrière plus rigide ! Proposé d’abord uniquement dans des versions très haut de gamme, le F-Si devient plus accessible pour 2016 avec trois modèles équipés d’un cadre carbone un peu plus lourd mais toujours fidèle à la même philosophie mêlant performances et confort. C’est le modèle d’accès, le Cannondale F-Si Carbon 4, que nous avons testé de manière approfondie.
Jusqu’à l’an dernier, il ne fallait pas espérer toucher un Cannondale F-Si à moins de 4500€. Glups. Pour les moins fortunés, le F-29 était toujours au catalogue, mais il est maintenant remplacé par une version plus accessible. En fait, le F-Si était disponible seulement avec un cadre en fibres haut-module (Hi-Mod), annoncé juste sous le kilo en taille L ! Ce fleuron est toujours au catalogue sur trois modèles proposés à 5999€ (F-Si HiMod Carbon 1), 7999€ (Team) et 10999€ (pour le très exclusif BlackInc), avec des montages très orientés race et des composants haut de gamme.
Quant au cadre que vous avez sous les yeux, il équipe également trois modèles, les Cannondale F-Si Carbon 2 et 3 ainsi que le 4 testé ici. Le Carbon 2 est équipé light et haut de gamme, ce qui explique son prix de 4999€, alors que les 3 et 4 sont plus « raisonnables » à 3299 et 2799€. Leur cadre en fibres classiques est un peu plus lourd : 1300g. Mais le look est identique, il provient du même moule, il est également équipé de la technologie BalisTec qui rend le cadre plus résistant aux impacts, et il est censé garder toutes les autres propriétés de son grand frère. Justement, ces propriétés, parlons-en.
La grande particularité du Cannondale F-Si est d’avoir un arrière déporté de 6mm vers la droite. L’avantage est double : un peu comme avec le Boost 148×12 (moyeu arrière élargi), ce décalage permet de réduire la longueur des bases, qui atteint ici une valeur presque record en 29 » hardtail avec 429mm. Ensuite, pour que le pneu et la jante restent dans l’alignement du cadre et de la roue avant (oui, quand même, c’est plutôt utile !), la roue arrière doit être rayonnée avec des rayons de même longueur sur les flasques gauche et droite, ce qui a pour conséquence de réduire le fameux parapluie et de permettre d’équilibrer les tensions pour obtenir une roue plus stable et plus rigide. On note aussi que, à la demande du team, le cadre est toujours en axe de 9mm avec blocage rapide pour faciliter les changements éclairs en cas de souci.
Géométrie
L’autre point qui a été profondément modifié entre le F-29 et le F-SI, c’est la géométrie. On a parlé des bases, dont la longueur a pu être réduite de 444 à 429mm (!), mais le cadre est aussi plus long au niveau du triangle avant (reach allongé d’un peu plus de 10mm) et plus bas (stack qui passe de 641 à 603mm). L’angle de direction est aussi nettement plus couché, puisqu’il passe de 71 à 69,5°.
La fourche Headshock Lefty 2.0 apporte aussi sa pierre à l’édifice, avec un offset (déport) de l’axe de roue avant qui passe de 46 à 55mm, soit plus encore de déport que ce qui est prévu dans le cadre de la fameuse géométrie G2 chère à Trek et à Gary Fischer (51mm). Voilà qui, sur le papier, devrait influencer positivement le comportement du vélo en le rendant plus stable et rassurant, sans rien perdre en maniabilité, bien au contraire. On notera aussi que les versions féminines du F-Si et les tailles S sont proposées en roues de 27,5 » et pas en 29 ».
Equipements
On l’a dit, le Cannondale F-Si Carbon 4 testé ici est le ticket d’entrée à l’univers des hardtails de course de la marque américaine. Une fois n’est pas coutume, nous allons commencer en vous parlant de la tige de selle. Sur ce modèle affiché à 2799€ (comme sur le Carbon 3 à 3299€), on n’a pas droit à la tige de selle carbone Save 2 dont la flexion apporte un confort supplémentaire quand on est assis sur la selle, en plus du travail des bases et des haubans qui sont également pensés pour offrir une certaine souplesse verticale. Ici, c’est un modèle en aluminium assez basique qui est chargé de supporter notre séant. Nous verrons si cela a une influence majeure sur le comportement un peu plus tard.
L’équipement du Cannondale F-Si Carbon 4 n’est pas particulièrement luxueux, avec notamment des freins Shimano Deore, plutôt efficaces mais lourds, ou encore une transmission 2×10 vitesses qui mêle le Shimano Deore (cassette), SLX (commandes) et XT (dérailleur arrière), ainsi qu’un peu de Sram avec un dérailleur avant XO. On peut même dire qu’il se situe un peu en-dessous de plusieurs de ses concurrents directs qui sont soit équipés d’un freinage un peu plus haut de gamme (Scott Scale 930, 2699€), ou d’une transmission 11 vitesses (Specialized Stumpjumper HT Comp Carbon à 2799€, Lapierre ProRace 629 à 2699€, etc).
Par contre, à défaut de prestige, il y a quand même de l’intelligence dans ce montage. On songe notamment au cintre Cannondale C3 large et à la forme parfaite, la potence maison pour pivot 1.5″, ou encore au pédalier maison SI (protégé d’origine contre les frottements !), qui est certes dans sa version basique, mais qui reprend déjà le concept d’axe BB30 et de manivelles séparées. Il y a aussi les roues qui, plutôt lourdes quand on les prend telles quelles, sont par contre dotées de jantes ZTR Rapid 25 (21mm de largeur interne) plutôt légères et compatibles tubeless. D’ailleurs, quand on prend la peine de remplacer les chambres à air par du latex, ce que nous avons fait pour le test, on passe le vélo sous la barre des 11kg (10,960kg au lieu de 11,140kg), ce qui est dans la bonne moyenne de la catégorie.
Enfin, il y a aussi la fourche Headshock Lefty PBR 2.0 qui est une véritable signature indissociable de Cannondale. On a parlé du déport augmenté de cette dernière évolution, mais l’hydraulique a aussi été revue et le débattement augmenté de 90 à 100mm en passant du F-29 au F-Si. Dans cette version PBR, l’unique fourreau est en aluminium (carbone sur le haut de gamme) et le blocage se fait directement sur la fourche (système Pushloc hydraulique RockShox sur les XLR) mais il est heureusement situé tout près du cintre et de la main gauche. Par contre, le fonctionnement du bouton à pousser nous a semblé moins intuitif sur le terrain qu’une classique mollette à tourner. Sur le terrain, justement, on y va sans plus attendre !
Cannondale F-Si Carbon 4 : le test terrain
Avant de commencer, je dois vous avouer quelque chose : ces dernières années, je n’ai pas vraiment adhéré aux géométries Cannondale en XC. J’ai donc vu d’un bon oeil les modifications apportées sur le F-Si et, très rapidement, les bons augures du papier se sont vérifiés dans la réalité. Fini cette sensation de délicatesse dans le technique, cette maniabilité qui devient parfois piégeuse dans certaines situations. Ici, le vélo est beaucoup plus rassurant quand on le pousse à la limite. Cela ne le rend pas ennuyant à piloter, bien au contraire : cela incite à le pousser encore plus et à aller encore plus vite ! Il est aussi d’une précision diabolique.
On sent que les pilotes du team ont mis leur grain de sel là dedans et quand on attaque des passages très pentus, des portions rocheuses ou encore des drops comme on en rencontre sur les parcours de Coupe du Monde contemporains, on comprend immédiatement les bienfaits des évolutions proposées, et notamment de la combinaison arrière court + avant et déport de fourche allongés. Bien sûr, avec la selle haute, on appréhende toujours un peu ces passages, mais au final, on se rend compte qu’on parvient à les dompter relativement facilement, un signe qui ne trompe pas et qui marque une belle évolution par rapport au F-29.
Si vous aimiez l’ancienne géométrie du Cannondale F-29, voire même du Flash, rassurez-vous : un de nos testeurs qui a possédé les précédentes générations s’est aussi senti comme à la maison, tout en reconnaissant les apports de la géométrie retravaillée. Bref, le F-Si n’a rien perdu de l’âme Cannondale, il a su se moderniser et cela se sent.
Le Cannondale F-Si Carbon 4 testé ici étant la version d’accès, nous l’attendions au tournant pour ce qui est du rendement. Et nous avons été plutôt séduits ! On oublie très vite ses presque 11kg et le poids de ses roues (quasiment 4,5kg la paire complète, juste démontée du vélo), à tel point qu’on peut considérer le vélo comme « race ready » sans modifications importantes.
Bien sûr, il gagnera en dynamisme dans les relances avec d’autres roues, mais tel quel, on peut déjà sans mal songer à se présenter au départ d’un XC, voire même d’un marathon.
Attention bien entendu en cas d’upgrade du train roulant : il vous faudra soit trouver une paire compatible (chez Mavic notamment) ou faire (re)rayonner vos roues en tenant compte du déport du cadre ! Vu que le poids n’est pas spécialement bas, on en déduit que ces très bonnes sensations proviennent de la combinaison des bases courtes et du rayonnage symétrique de la roue arrière. Quoi qu’il en soit, on ne se traine pas en Cannondale F-Si, quelle que soit la version !
On parlait de marathon plus haut, et qui dit distances qui s’allongent, dit évidemment confort. Assez étonnamment, l’absence de tige de selle Save ne se fait pas trop sentir. Bien sûr, c’est un gros plus quand on est assis sur la selle, mais même sur ce Cannondale F-Si Carbon 4 équipé d’un pied de selle basique en alu, les vibrations type pavés et racines sont plutôt bien filtrées. En ce sens, le vélo n’est pas trop usant et il reste dans la lignée de son prédécesseur qui, sans être un pullman, savait se montrer doux avec son pilote. Reste que, avec des bases fortement raccourcies, les facultés d’absorption des plus gros impacts sont diminuées par rapport au F-29. Le vélo n’a rien de caractériel, grâce à son empattement important, mais l’arrière demande tout de même à être maîtrisé et quelques coups de raquette se font parfois sentir.
Au niveau des équipements, nous avons apprécié de trouver un pédalier double pour les sorties plus longues, mais on se dit que le 1×11 collerait mieux à l’usage du vélo et permettrait aussi d’améliorer le dégagement du pneu arrière, dans la mesure où la zone autour du boîtier de pédalier a tendance à accumuler la boue malgré les pneus Schwalbe Racing Ralph en 2.1. Pour le reste, pas de vraie fausse note, même au niveau des freins, qui se sont montrés franchement efficaces, et qu’on ne changera que pour gagner de précieux grammes.
On terminera par un mot sur la fourche Headshock Lefty qui ne nous a pas vraiment convaincus. Rigide, elle l’est, et nous n’avons pas ressenti de flexions parasites dans la roue avant. Nous ne faisons pas non plus partie de ceux qui sont déconcertés par son look et par la présence d’un seul bras, bien au contraire. Mais, malgré une hydraulique revue, son fonctionnement reste en retrait par rapport aux dernières générations de Fox et RockShox. Si elle est relativement confortable sur les petits chocs, ce n’est pas non plus royal et la différence n’est pas flagrante avec des fourches de construction plus classique alors qu’en théorie, une fourche inversée a un avantage à ce niveau.
Mais c’est sur les gros impacts et quand on prend de la vitesse que le milieu du débattement est vite consommé. Heureusement, la fin de course bien gérée sauve les meubles et empêche de se retrouver en difficulté dans les zones les plus tendues, mais le bilan n’est quand même pas extraordinaire. Ce n’est pas vraiment une nouveauté et on espère que Cannondale produira un jour une Lefty aussi, voire plus performante que la concurrence. Reste que la Lefty a la particularité de pouvoir être facilement « customisée » dans un centre 88+, ce qui a un coût, mais qui peut valoir la chandelle car les techniciens de ces centres ont de l’or dans les mains.
Verdict
Réussir une bête de course n’est pas toujours facile, mais réussir sa déclinaison à un tarif plus raisonnable l’est encore moins. Comment respecter l’esprit d’un vélo taillé pour la compétition quand il faut prendre en compte des contraintes budgétaires importantes. Voilà le casse-tête. Mais Cannondale l’a franchement bien résolu avec le F-Si Carbon 4, peut-être pas aussi bien équipé que ses concurrents, mais qui montre sur le terrain qu’il n’a rien d’un crosseur au rabais. Passez ses pneus en tubeless et vous pourrez directement prendre le chemin de la ligne de départ. Vous y découvrirez un vélo particulièrement agréable à piloter, vif, maniable mais jamais traître et même subtilement confortable. Quand votre bourse le permettra, plusieurs possibilités d’évolutions s’ouvriront à vous (roues, fourche, passage en 1×11, tige de selle carbone plus confortable,…) mais le châssis du Cannondale F-Si n’est pas près d’être démodé !
Plus d’infos : www.cannondale.com