Test | Bold Linkin 150 LT : l’aboutissement d’une vision

Par Léo Kervran -

  • Tech

Test | Bold Linkin 150 LT : l’aboutissement d’une vision

Avant Scott, il y avait Bold ! Précurseur de l’intégration de l’amortisseur dans le cadre, la petite marque suisse depuis rachetée par son célèbre voisin a présenté l’année dernière la deuxième génération de son iconique Linkin, celui par qui tout a commencé. Aujourd’hui, une version LT bodybuildée avec fourche en 160 mm vient d’arriver et elle se place sur le papier comme une concurrente directe de son cousin le nouveau Genius ST. Débattements identiques, géométries (très) similaires… Le « petit poucet » Bold peut-il exister face au géant Scott ? Nous avons passé les derniers mois à son guidon pour le savoir, voici notre verdict :

Avec le rachat de Bold par Scott en 2019 (voir Bold intègre le groupe Scott Sports), on se demandait ce que l’avenir réservait à la petite marque de Biel/Bienne. Côté Scott c’était assez clair qu’on voulait se tourner sérieusement vers l’intégration mais la question de comment la synergie pouvait profiter à Bold restait assez ouverte.

La réponse est arrivée l’année dernière avec la sortie de la nouvelle plateforme Linkin, disponible en 135 ou 150 mm de débattement (lire Test nouveauté | Bold Linkin 2022 : le leader d’opinion ?). Autant le dire tout de suite, si Scott a probablement gagné plusieurs années de développement, Bold a aussi largement profité de cette association !

Châssis

Avec l’arrivée de Scott, une véritable caverne d’Alibaba s’est ouverte à Bold : la bibliothèque de ressources Scott. La petite marque a ainsi pu piocher généreusement chez son grand voisin pour développer son nouveau Linkin, et ce sans que cela ne semble affecter outre mesure sa liberté de conception. Premier exemple, le matériau : comme le Linkin 150 duquel il reprend le cadre, ce Linkin 150 LT est en carbone HMX, le même que celui utilisé par Scott sur ses modèles les plus haut de gamme.

L’intégration, véritable raison d’être de la marque, est plus que jamais au programme et cette fois, Bold ne s’est pas arrêté à l’amortisseur. La synergie avec Scott lui a donné accès au catalogue Syncros et on retrouve sur le Linkin 150 LT le fameux poste de pilotage en une pièce Hixon iC associé aux entrées de gaines dans le jeu de direction, un ensemble qu’on a déjà vu (et qui a déjà fait débat) sur les derniers Spark et Genius.

D’ailleurs on doit vous avouer qu’on trouve ce Bold particulièrement réussi avec ce jeu sur les contrastes, entre les arêtes qui se transforment en nervures agressives et les rondeurs des tubes ou des angles d’une part et entre les deux triangles d’autres part. « Assis » sur son train arrière et aérien de l’avant, le Linkin 150 LT semble prêt à bondir dans la première descente qui vient pour se catapulter de virage en virage.

Ce dessin est souligné par une cosmétique très sobre, avec simplement quelques discrets rappels du nom de la marque en noir. Pas de logo criard sur la douille de direction ou le tube diagonal, pas de folies sur le tube supérieur, chez Bold on laisse parler les formes… et les couleurs : le vert du cadre est exactement le même que celui de la fourche RockShox Lyrik Ultimate lancée un peu plus tôt cette année (lire Test nouveauté | RockShox 2023 : on change tout !). Un cadre assorti à sa fourche, le monde à l’envers ?

Pour compléter le tableau, le Bold Linkin 150 LT profite de quelque chose qui nous avait manqué lors de notre découverte du dernier Genius : un stockage intégré dans le cadre ! Limitée par la contrainte de l’intégration de l’amortisseur, la marque ne pouvait pas découper de boîte à gants « classique » mais elle a trouvé une autre idée en mettant à profit la trappe d’accès à l’amortisseur.

Outils et matériel de réparation sont donc toujours dans le tube diagonal mais on y accède cette fois par le bas (ce qui nécessite de retourner le vélo). Une fois la trappe retirée, on découvre un petit multi-outils et le Save the Day Kit, qui comprend une chambre à air, une pompe et deux démonte-pneus. Avec tout ça il ne reste plus de place pour ranger une veste ou un ravitaillement, mais en cas de souci technique on est bien équipé.

Suspension

Si le cadre arbore des lignes aussi singulières et remarquables, c’est en grande partie grâce à la suspension IST, pour Internal Suspension Technology. Elle développe 150 mm de débattement et à notre connaissance, c’est le système le plus compact et bas dans le cadre qui existe aujourd’hui sur un vélo de série.

L’amortisseur, un RockShox Nude 5 spécifique à Bold (Scott travaille avec Fox pour le Genius), est placé en position horizontale juste devant le boîtier de pédalier et actionné par un basculeur concentrique au boîtier de pédalier. En haut, une biellette cachée derrière les haubans vient assurer le guidage et la rigidité de l’ensemble. Il s’agit donc d’un système à point de pivot virtuel mais il est si petit, discret et intégré aux formes du cadre que vu de l’extérieur, un œil novice aurait vite fait de prendre ce Linkin 150 LT pour un semi-rigide.

L’accès aux réglages de l’amortisseur se fait par la trappe déjà évoquée et pour vérifier son sag, ça se passe directement sur le cadre à côté de la manivelle gauche avec une petite plaque graduée en acier. Le basculeur dispose ici d’un « doigt » et vient pousser un petit aimant (absent sur ces photos) qui joue le rôle du témoin d’enfoncement de l’amortisseur.

En plus de cela, on dispose du TracLoc pour le commander à distance depuis le cintre. La manette est identique à celle du bien connu Twinloc et compte donc 3 positions (elle intègre aussi le levier de la tige de selle) mais ici, elle n’intervient que sur l’amortisseur. Pas de blocage sur la fourche donc mais à la place, on profite d’une fourche avec une cartouche bien plus performante en descente. Ici, c’est donc la nouvelle RockShox Lyrik Ultimate qui a été retenue, en 160 mm de débattement.

Géométrie

Puisque le cadre est parfaitement identique à celui du Linkin 150, cette déclinaison LT permet d’avoir une certaine idée de l’effet de 10 mm de débattement en plus à l’avant sur la géométrie. Ici, l’angle de direction perd 0,4° à 0,5° pour descendre à 63,8° en position couchée. Même conséquence sur l’angle de tube de selle, qui passe sous la barre des 77° (sauf en taille S). Le reach se raccourcit lui de 6,6 mm tandis que le stack augmente de 3 à 4 mm suivant la taille.

Enfin, on relève que comme sur le Linkin 150 le tube de selle est particulièrement court : seulement 395 mm en taille M ou 425 mm en taille L, ce qui laisse la possibilité de monter une tige de selle à grand débattement.

Comme le tableau l’indique, cette géométrie est évolutive : des coupelles réversibles sur le jeu de direction permettent de redresser l’angle de direction de 1,2° et un petit flipchip sur les haubans peut faire remonter le boîtier de pédalier de 6,3 mm. Toutefois, nous avons principalement roulé le vélo dans sa position d’origine, à savoir angle couché et boîtier bas.

Equipements

Le rapport prix/équipement n’a jamais été un des points forts de Bold et ce n’est pas ce Linkin 150 LT qui va améliorer les choses : le vélo est affiché à 9 299 € avec un équipement assez inégal.

Rien à dire sur le carbone utilisé ou les suspensions RockShox haut de gamme qu’on mentionnait plus haut mais, à ce tarif, on aurait par exemple aimé voir mieux que du GX AXS (pédalier 32 dents, cassette 10-52) en transmission.

Pour les freins, difficile en revanche de remettre en cause les Shimano Deore XT à 4 pistons, l’une des références du marché. Ils sont ici montés avec des disques de 203 mm à l’avant et 180 mm à l’arrière.

Le train roulant pourrait également être amélioré : les roues DT Swiss XM 1850 ont bien résisté aux assauts du terrain mais quelque chose d’un peu plus léger ne serait pas de refus à ce prix et surtout, la carcasse Exo des pneus Maxxis DHF 2.5 est complètement sous-dimensionnée au regard du programme du vélo. A défaut de DoubleDown, l’Exo+ serait un minimum. Nous les avons donc d’emblée remplacés par une paire de Maxxis Assegai 2.4 en DoubleDown.

Enfin, pas de surprise côté périphériques, c’est du Syncros à tous les étages et aussi bien côté assise que poste de pilotage. Notez que la tige de selle Duncan propose 170 mm de course en taille S et 200 mm du M au XL, et que le cockpit Hixon iC se décline en rise 15 mm (S et M) ou 25 mm (L et XL).

Le Bold Linkin LT sur le terrain

Quand bien même on voudrait l’éviter, la comparaison avec le Genius ST s’impose d’elle-même dès les premiers tours de roue en montée : peu nombreux sont les vélos de ce débattement à proposer un blocage de l’amortisseur au guidon !

Sur le Linkin 150 LT, on l’apprécie d’ailleurs particulièrement car il permet d’une part de dynamiser un peu le comportement au pédalage et d’autre part d’éviter que le tube de selle ne s’affaisse trop. Avec un angle de selle à 76,9°, c’est bienvenu, surtout pour les pilotes les plus grands qui peuvent déjà avoir l’impression d’être un peu assis sur la roue arrière dans les pentes les plus raides. Comme toujours il faut passer un peu de temps pour trouver le bon positionnement de la manette afin de l’utiliser de façon naturelle mais, une fois que c’est fait, on ne la lâche plus.

Avec le TracLoc en position intermédiaire, voire bloqué si le revêtement est suffisamment roulant, le vélo grimpe honorablement. On sent que des roues un peu plus dynamiques pourraient lui apporter un petit supplément d’âme mais dans l’état, il avale déjà très bien le dénivelé et les longues montées ne lui font pas peur.

En descente en revanche, la machine a du caractère ! Vincenz Droux, le fondateur, nous expliquait que la marque a voulu faire un vélo à son image, à l’image des terrains où l’équipe roule : de la pente et des sauts. Il faut donc un vélo joueur et dynamique, mais aussi stable et sécurisant. Deux paramètres pas évidents à concilier…

Toutefois, une fois au guidon du Linkin 150 LT on comprend les explications de Vincenz. L’avant paraît long et donne confiance, alors que l’arrière est très vif et ne demande qu’à jouer. Au début, certains de nos testeurs ont d’ailleurs eu un peu de mal à trouver leur équilibre sur le vélo et si vous vous trouvez entre deux tailles, on vous conseille de partir sur la plus petite. Ce sera plus adapté au caractère général de la machine.

Si on a la bonne taille pour son usage en revanche, c’est un régal. Pour ça, la suspension arrière progressive et les bases plutôt courtes font très bon ménage et le vélo ne demande qu’une chose, prendre les airs. Jouer avec les mouvements de terrain ou les trajectoires est d’une facilité déconcertante tandis que les appels deviennent de véritables rampes de lancement. Objectif Lune !

Pour autant, cela ne va jamais jusqu’à l’excès. Malgré sa vivacité, il reste vraiment sain dans la plupart des situations et peut largement s’aligner au départ d’une course d’enduro. Le Bold fait montre d’une belle capacité à encaisser les chocs et si on sent qu’on n’est pas sur un gros enduro, qui se « pose » plus facilement et fatigue moins son ou sa pilote, ce Linkin 150 LT ne vient jamais nous désarçonner ou nous prendre par surprise. On notera aussi que sous ses apparences de « petit » amortisseur sans bonbonne, le RockShox Nude 5 qui équipe notre modèle cache un coeur solide puisqu’il n’a pas montré de signe de faiblesse jusqu’à aujourd’hui.

Malheureusement, ce ne fut pas le cas de deux autres éléments. Le TracLoc d’abord, qui est devenu un peu capricieux avec le temps et demande désormais de complètement décharger la suspension arrière pour passer au blocage complet. Probablement rien qui ne soit remédiable avec un peu d’entretien mais c’est un point auquel il ne faut pas oublier de prêter attention.

Plus embêtant, la peinture semble plutôt fragile et après quelques mois de test, notre modèle souffre déjà de plusieurs éclats, le plus impressionnant étant celui sous le boîtier de pédalier. Si vous craquez pour ce vélo, on ne saurait donc trop vous conseiller de poser dessus un kit de protection complet comme Slicy, Invisiframe, RideWrap et même Syncros, qui s’est récemment lancé dans le domaine avec des kits sur-mesure pour les vélos Scott et Bold, peuvent en offrir.

Verdict

Bold, c’est d’abord un concept, une vision, celle de l’intégration. Le Linkin 150 en est sans aucun doute l’interprétation la plus aboutie à ce jour et cette version LT est d’un point de vue esthétique l’un des vélos les plus exceptionnels du marché. Ce n’est toutefois pas un vélo de salon et sur les sentiers, la proposition est plus que crédible. Face à son cousin le Genius ST, le Linkin 150 LT se pose comme une une véritable alternative et réussit un joli numéro d’équilibriste puisqu’il parvient à se montrer réellement différent sans être moins capable. Le Genius ST est certainement plus facile d’accès et sera celui qui séduira le plus de monde mais si vous cherchez un vélo similaire avec un vrai caractère, ce Bold Linkin 150 LT ne devrait pas vous décevoir.

Plus d’informations : boldcycles.com

Note : A l’heure où nous publions ces lignes, Bold n’a pas mis à jour son site internet pour y inclure ce modèle. S’il vous intéresse, nous vous invitons à prendre contact avec la marque ou ses revendeurs.

ParLéo Kervran