Test | BMC Teamelite 01 XT : le softail façon Absalon
Par Olivier Béart -
Après des débuts caricaturaux où carbone rimait automatiquement avec rigidité, les constructeurs ont aujourd’hui bien compris que le confort est un facteur clé de performance en vtt. Tige de selle qui se déforme, arrière travaillé pour absorber les vibrations : chacun y va de sa petite recette pour ménager le pilote. Mais le BMC Teamelite 01 va encore plus loin, en remettant carrément au goût du jour le principe du softail, à savoir la présence d’un mini amortisseur au niveau des haubans. Régulièrement utilisé en Coupe du Monde par Julien Absalon et ses compère, ce vélo nous a intrigués. Nous l’avons donc testé. Voici notre verdict.
Pour ne rien vous cacher, l’auteur de cet article a roulé quelques saisons avec un sublime Moots YBB en titane qui, s’il avait d’évidents défauts (qui a parlé de rigidité latérale ?), avait aussi un compromis rendement/confort qui en faisait une arme idéale pour les marathons il y a quelques années, alors qu’on ne parlait pas encore vraiment de 29 » et que le confort n’était pas encore réellement la priorité n°1 des concepteurs. Depuis, les choses ont bien changé, mais c’est avec un très grand intérêt, une certaine excitation et beaucoup de curiosité que nous avons vu apparaître la nouvelle version du BMC Teamelite 01 dotée du système Micro Travel Technology.
La base de la réflexion qui a mené au développement de ce nouveau BMC Teamelite 01 en version softail est venue des membres du team. Julien Absalon, mais aussi Ralph Naëf (qui faisait encore partie de l’équipe l’an dernier avant sa retraite sportive et la prise du poste de directeur sportif de l’équipe Stöckli) et leurs coéquipiers souhaitaient améliorer le confort, mais aussi le grip du vélo, sans nuire à son rendement et sans trop grever le poids. Et si, au final, on dirait simplement qu’on a taillé l’arrière du semi-rigide BMC avant de lui flanquer un petit bout d’élastomère, la réalité est bien plus complexe et de nombreux tests ont été nécessaires afin d’arriver au résultat escompté.
Par rapport aux softails d’ancienne génération, un gros travail a été fait sur la rigidité latérale
Comme sur tout bon softail, on compte sur la flexion des bases (surtout) et des haubans (un peu) pour offrir un peu de débattement, soit 15mm dans le cas du BMC Teamelite qui nous occupe ici. Les fibres de carbone ont été choisies en conséquence et, même s’il garde un aspect similaire au hardtail classique, le bras arrière a été modifié avec notamment des renforts sur les haubans au niveau de l’axe de roue arrière (en 142×12).
Afin de préserver la rigidité latérale, deux petits guides ont été placés dans le prolongement de chacun des haubans. Par rapport aux softails d’ancienne génération où une sorte de mini amortisseur basique assume ce rôle, tout en occasionnant un risque de perte de rigidité assez nette, on solutionne une grande partie du problème avec le MTT développé par BMC. Ces guides permettent d’assurer un déplacement bien droit de l’arrière et d’éviter les flexions.
Quant aux 15mm de débattement, ils sont gérés par un tampon d’élastomère « Xcell » fabriqué en Allemagne selon le cahier des charges de BMC. Ou plutôt trois tampons, puisque le pilote a le choix entre soft, medium ou hard. Le choix se fait bien sûr un peu en fonction du poids, mais aussi et surtout beaucoup en fonction du style de roulage et du terrain rencontré. Nous verrons plus loin vers quels tampons notre choix s’est orienté lors du test.
En pratique, le changement se fait très aisément : il suffit de retirer le cache, dévisser les deux petits guides sur lesquels la suspension coulisse, les faire sortir par la haut, écarter légèrement les deux parties du cadre pour libérer l’élastomère, et enfin le remplacer par l’autre dureté souhaitée. En tout, cela prend 5 minutes tout au plus. Selon BMC, aucun entretien n’est nécessaire, mais un petit contrôle/nettoyage régulier est quand même préférable.
Quelques versions de pré-série ont attrapé du jeu assez rapidement, mais pas notre exemplaire de test qui a pourtant roulé près de 500km en notre compagnie et qui n’était pas neuf quand nous l’avons reçu. Les pièces sont de toute façon disponibles en after-market, sauf les inserts métalliques présents dans les haubans qui sont placés définitivement dans le cadre. A part cela, on ne voit pas ce qui pourrait causer d’usure du système. Cela dit, il faudra voir la durabilité de l’ensemble sur plusieurs années. On peut aussi regretter que sur un aussi beau cadre, par ailleurs magnifiquement fini, la petite pièce plastique qui referme les orifices du MTT à l’intérieur du triangle avant ne soit pas mieux intégrée et ne se clipse pas de façon plus ferme. Sur notre vélo de test, elle tenait avec un petit morceau de double-face. Et ça fait désordre sur un vélo de ce standing.
Le travail sur le confort ne s’arrête pas à la suspension MTT et le cadre reprend les principes du Tuned Compliance Concept déjà présent sur les vélos de route et les semi-rigides de la marque, à savoir une partie basse du cadre (de la douille de direction jusqu’à l’arrière du boîtier de pédalier) dédiée à la rigidité et au dynamisme, alors que le haut se concentre sur la dissipation des vibrations et le confort. Au-delà de l’élastomère, on note aussi la présence d’une tige de selle maison, en diamètre 27,2mm, qui est aussi capable de se déformer légèrement. Si avec tout cela on n’obtient pas un vélo confortable, on n’y comprend plus rien !
Enfin, un petit mot aussi pour signaler que le passage des câbles de transmission se fait en interne, comme pour la Durit de frein arrière. L’ensemble est très soigné et bien pensé pour faciliter les opérations de maintenance. Le cadre seul est annoncé à 1020g par la marque, soit 80g de plus que le hardtail. Nous avons pesé notre vélo complet à 10,020g sans pédales.
Géométrie
Le BMC Teamelite 01 est proposé uniquement en roues de 29 pouces, taille de roues de prédilection de la marque suisse. Ce qui ne l’empêche pas de proposer 5 tailles de cadre, du XS au XL ! Le XS dispose d’un cadre un peu différent, sur lequel le tube supérieur est cintré afin d’augmenter le dégagement à l’entrejambe.
A l’examen des cotes, il ressort que le BMC Teamelite 01 reste assez conservateur au niveau de l’angle de direction (70°), mais il se fait remarquer avec ses bases courtes (429mm) et son reach assez long (426mm en taille M) qui permet l’utilisation d’une potence courte, de 70mm, dans toutes les tailles. Bref, BMC n’a pas joué la carte du XC façon enduro comme BH, mais on est quand même sur des valeurs qui montrent qu’on est en présence d’un bike taillé pour les circuits XC contemporains.
Equipement
Le BMC Teamelite 01 XT que vous avez sous les yeux est la première version disponible. Mais, à 4399€, on ne parle pas de version d’accès. Car il n’y en a tout simplement pas avec cette ossature. BMC a fait le choix, discutable, de ne pas décliner ce cadre avec des montages en Sram X1 ou SLX/XT, qui restent réservés au Teamelite 02 semi-rigide, toujours disponible au catalogue. A montage égal, le softail 01 est 900€ plus cher que le hardtail 02 ! Une grosse somme. Le cadre seul est aussi facturé très cher : 3399€, et les deux modèles plus haut de gamme, en XX1 et XTR Di2 (quasiment identique à celui roulé par Julien Absalon), sont facturés 5999€ et 9999€. On l’aura compris, le BMC Teamelite s’adresse, comme son nom l’indique, à une élite… financière.
Cela dit, voyons le bon côté des choses : la version XT testée ici est vraiment « race ready » dans cette configuration et le montage ne souffre d’aucune approximation. Ah si, une : les pneus. Si Julien Absalon roule quasiment tout le temps avec les Continental Race King, il a accès à des versions non proposées dans le commerce, plus solides et dotées de gommes différentes. Dans l’état c’est pour nous une erreur de monter un vélo de série avec un dessin aussi restrictif et manquant de polyvalence pour rouler notamment dans des conditions humides. Après deux crevaisons et une grosse déchirure en trois sorties, ils ont cédé leur place à une paire de Continental X-King Protection bien plus polyvalents et solides, qui ne font quasiment rien perdre en rendement pur. Un choix dont BMC ferait bien de s’inspirer à l’avenir.
Pour le reste par contre, on valide les choix de la marque. C’est surtout le cas pour la fourche Fox F32 Fit4 dont la version Performance Elite n’a rien à envier à la haut de gamme Factory, récente gagnante de notre grand test de fourches XC. Idem pour les roues, puisque même si la jante de cette version est un peu étroite (un nouveau modèle a depuis été présenté en 22,5mm de largeur interne contre 20mm ici), les DT Swiss Spline One comptent, à nos yeux, parmi les meilleures roues de grande série. Montage soigné, comportement homogène, poids réduit (1520g) et fiabilité à toute épreuve : elles ont tout pour elles et il faudra mettre de grosses sommes, voire recourir au carbone pour trouver mieux.
Le groupe Shimano XT en double plateau 36/26 et cassette 11/40 n’est peut-être pas le meilleur choix pour du XC pur et dur mais, comme nous le verrons, le confort du vélo lui permet d’élargir son champ d’action. Et, dans l’optique d’une utilisation marathon et rando sport, le choix du double est très pertinent… en attendant l’arrivée du fameux Sram Eagle. Mis à part sa finition qui se détériore vite, le XT est une référence qui ne réserve aucune mauvaise surprise…
…Sauf au niveau des freins, qui se sont montrés capricieux, avec une garde variable par moments… alors qu’à d’autre ils fonctionnaient parfaitement. On dirait que, si les maladies de jeunesse du XTR semblent guéries, elles ont été contagieuses aussi pour les premiers exemplaires en version XT.
Rien à redire non plus au niveau du choix des accessoires, signés BMC, à la très belle finition et à l’ergonomie parfaite (on pense notamment au cintre plat de 720mm). Seul reproche : la finition de la tige de selle est assez sensible aux griffes.
BMC Teamelite 01 : le test terrain
Nos attentes étaient très grandes par rapport à ce vélo. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il s’est montré à la hauteur. Il ne faut pas longtemps pour se rendre compte que le concept de softail revisité à la sauce BMC avec les dernières technologies, c’est tout simplement génial. Sur les sentiers, avec le tampon medium installé d’origine, tous les petits chocs sont comme effacés. Le contact avec le sentier est plus doux qu’avec n’importe quel hardtail et même qu’avec la plupart des fulls dont les amortisseurs air/huile à plus grand débattement de peuvent filtrer aussi bien les petites oscillations.
Dans les zones plus techniques, lorsqu’il y a de gros impacts à absorber, on continue à sentir l’effet de la petite suspension, sans talonnement désagréable dans la mesure où l’enfoncement est très progressif. On est beaucoup plus proche d’un hardtail que d’un full suspendu, mais le vélo est très stable et garder sa ligne demande bien moins de concentration que sur un vélo à l’arrière rigide. La jante et le pneu arrière viennent aussi moins taper sur les pierres, ce qui est aussi un petit plus appréciable.
On a clairement l’impression d’aller plus vite qu’habituellement et d’être plus détendu, même si le pilotage demande toujours un peu plus d’attention que sur un full, car le vélo va moins pardonner les erreurs avec 15mm de débattement qu’avec 100mm ! On sent aussi que le corps se fatigue moins et qu’on peut rester très souvent assis sur la selle. On se réjouit que de plus en plus de semi-rigides soient pensés pour filtrer les vibrations et apporter du confort, mais ici on est dans un tout autre monde.
Pour un usage sur des marathons pas trop techniques, mais avec des relances ou de longues ascensions, le BMC Teamelite 01 nous semble un choix tout à fait pertinent. Sur les chemins roulants avalés à haute vitesse, on a l’impression de rouler comme sur de l’asphalte et même les grosses racines sont parfaitement absorbées, de sorte qu’on peut rester assis sur la selle très longtemps. On ne ressent pas non plus de « pompage » désagréable. Oui, l’arrière bouge quand on pédale, mais c’est vraiment très faible et on s’y habitue en quelques minutes seulement.
Le gain en grip est aussi flagrant et on peut quasiment tout le temps se permettre de mettre les Watts, même en danseuse, sans trop se tracasser de devoir gérer des réactions parasites du train arrière. Mieux : le vélo distille des sensations de légèreté et de nervosité particulièrement valorisantes. Au fil de nos sorties, et en faisant des aller-retour sur d’autres semi-rigides de XC, nous avons acquis la certitude que le petit tampon d’élastomère, parfaitement calibré, renvoie un peu d’énergie au pédalage. Combiné à un cadre à la rigidité parfaitement dosée, la sensation de dynamisme est littéralement dopée et on a tout le temps envie de relancer.
On se dit même qu’on pourrait conseiller ce genre de machine à des pilotes moins experts ou moins affûtés
Comme le vélo est particulièrement tolérant et confortable, on ne le paie pas trop en fin de sortie puisqu’on peut profiter de nombreuses occasions pour se reposer un peu sur la machine et reprendre son souffle sans perdre en vitesse. On se dit même qu’on pourrait conseiller ce genre de machine à des pilotes moins experts ou moins affûtés qui, pour l’une ou l’autre raison, ne veulent pas forcément acheter un full suspendu. Pour eux, on peut regretter que BMC ne propose pas de montages plus accessibles car ce concept de hardtail confortable ne devrait pas s’adresser qu’aux pratiquants les plus acharnés, affûtés et aux bourses les plus garnies. Peut-être pour le prochain millésime ? Ou quand le Teamelite hardtail aura disparu du catalogue ? Car pour nous, il n’a plus vraiment de raison d’être face à un aussi bon softail !
Nous avons essayé les trois tampons d’élastomère fournis et, pour nos testeurs entre 72 et un peu moins de 80kg, le medium représente le meilleur compromis. Le plus dur est trop dur et rapproche trop le vélo d’un semi-rigide, ce qui est dommage vu le caractère très abouti du concept. Le tampon soft est quant à lui agréable sur des terrains très techniques. Nous le recommandons pour un usage en XC, où on alterne les côtes nécessitant du grip et les descentes raides façon coupe du Monde. C’est d’ailleurs un choix que Julien Absalon fait régulièrement.
Par contre, revers de la médaille, le « soft » induit des oscillations au pédalage plus prononcées sur le plat et celles-ci peuvent s’avérer gênantes à la longue. En medium, elles existent, mais on les oublie vite et on ne perd finalement pas grand chose dans le technique. Question de compromis. De toute façon, les trois duretés sont fournies avec le vélo, l’acheteur peut donc faire ses propres tests et trouver ce qui lui convient le mieux.
Reste une question : le vélo a-t-il des points faibles dans son comportement ? Objectivement, il est difficile de lui reprocher quoi que ce soit. Mais de façon plus subjective, on peut dire qu’il mise plus sur l’efficacité que sur le côté fun. Agréable à piloter, il l’est par les vitesses qu’il permet d’atteindre et la sérénité inhabituelle de son pilotage par rapport à un hardtail. Précis dans le choix des trajectoires et maniable, il l’est aussi. Redoutablement même. Mais par rapport à un BH Ultimate par exemple, il incite moins à faire le fou, à sauter partout et à se jeter de virages en virages. Heureusement, malgré son côté « premier de classe », il n’a rien d’ennuyant.
Verdict
Très à la mode pendant un certain temps, nombre de concepts finissent par tomber dans l’oubli. Dans certains cas, on se dit que ce n’est pas plus mal. Mais dans d’autres, on ne peut que se réjouir que des marques les ressuscitent en leur donnent un fameux coup de frais. C’est le cas ici avec le BMC Teamelite 01 qui rouvre la voie du softail de la plus belle des manières. Plus proche d’un rigide que d’un full, son confort est tout à fait remarquable et sa légèreté ainsi que son rendement de feu en font une machine extrêmement performante. Sur des tracés très techniques, un full reste bien utile dans de nombreux cas. Par contre, quand le concept de softail est aussi abouti qu’ici, on se demande ce qu’il reste aux semi-rigides. Deux défis se présentent néanmoins face à ce genre de vélo et pour le BMC Teamelite en particulier : prouver sa fiabilité sur plusieurs années (pas tant au niveau du risque de casse car le carbone peut supporter des centaines de milliers de cycles sans rompre, mais au niveau de la prise de jeu dans les buselures collées dans les haubans), et réussir à se démocratiser car il est dommage de réserver ce concept à une élite financière, et cette idée de « hardtail à suspension » nous semble aussi très pertinente pour des randonneurs sportifs. Time will tell… Mais en attendant, voilà sans aucun doute un des meilleurs vélos de XC qu’il nous ait été donné de tester !
Plus d’infos : www.bmc-switzerland.com