Test | BH XTep Lynx Carbon Pro : polyvalence au sang chaud
Par Olivier Béart -
Les e-bikes de la marque espagnole nous ont toujours convaincus sur le terrain, mais leur physique très particulier a parfois pu les desservir par le passé. Autour du moteur Shimano EP8, le nouveau BH Xtep Carbon adopte une robe un peu plus consensuelle, sans pour autant devenir banal ou renier les grands principes de conception qui font l’intérêt du modèle, notamment au niveau de la batterie de grande capacité ou encore du centrage des masses. Nous l’avons testé pour voir si la magie opère toujours.
Pour ses e-bikes, BH n’a jamais choisi la voie de la facilité et a toujours mis en avant la fonction plutôt que la forme. Lorsque nous les avons testés, nous avons toujours été séduits au niveau du comportement, mais impossible de nier que leur look faisait débat, tant sur l’AtomX équipé du moteur Brose, que du XTep en Shimano. Jusqu’ici, ce dernier n’était disponible qu’en version aluminium. Mais depuis peu, il l’est aussi avec un châssis carbone qui opte pour une architecture un peu différente de ses prédécesseurs.
Tout en restant assez original, le nouveau BH Xtep Carbon adopte un cadre tout de même un peu plus classique. Il est disponible en deux versions, l’une plus orientée trail avec 140mm de débattement, et l’autre en 160mm destinée à un usage plus engagé, voire enduro. C’est cette dernière version que nous avons testée et, nous allons le voir, elle ne perd pas pour autant sa polyvalence.
Châssis et moteur
Si le modèle en aluminium que nous avons déjà testé (voir notre article ici) continue pour le moment sa carrière sans changement majeur, le BH Xtep Carbon reçoit un cadre tout nouveau, qui se différencie assez fort de l’AtomX Carbon. Et pas qu’au niveau du moteur. Tout en fibres, ce châssis XTep Carbon est annoncé comme 70% plus rigide que son frère l’AtomX Carbon, qui ne souffrait pourtant pas la critique à ce niveau. Surtout, le nouveau cadre XTep Carbon est annoncé comme particulièrement léger, voire même comme un des châssis e-bike les plus légers du marché avec seulement 2,2kg hors moteur et batterie.
La batterie, justement, parlons-en. Comme Brose, Shimano offre la possibilité d’utiliser d’autres batteries que les leurs, pour peu qu’elles soient dûment homologuées et qu’elles répondent à un cahier des charges précis. BH a pleinement tiré profit de cette possibilité pour développer sa propre batterie grande capacité, de 720Wh.
De forme courbe, presque comme une « banane », elle vient se glisser par le haut dans le tube diagonal. Cette forme a été utilisée pour permettre de placer le grand nombre de cellules (de type 21×70) nécessaire à l’obtention d’une telle capacité, sans avoir un tube diagonal trop long ou trop porté sur l’avant, ce qui nuirait à la répartition des masses. Même si l’architecture n’est plus aussi radicale que par le passé, on remarque tout de même que l’ancrage dans le tube supérieur se fait assez loin de la douille de direction, toujours dans un objectif de centrage des masses qui est un point clé pour obtenir un comportement homogène et agréable sur un e-bike.
L’allumage et la recharge se font par le desssus, via un capot qui pivote soit avec une petite clé, soit avec un bracelet connecté. Disons-le directement, il s’agit là d’un gadget peu utile à VTT et le système de verrouillage de la batterie, avec le capot supérieur qui pivote et la serrure motorisée, nous semblent inutilement complexes. Ils nous ont d’ailleurs causé quelques soucis lors du test car ils ont tendance à s’encrasser. Voilà un point qui mériterait d’être revu, sans pour autant remettre en question l’architecture du vélo qui, elle, nous semble très pertinente.
Côté moteur, c’est fort logiquement le tout dernier Shimano EP8 qui prend place au cœur de ce nouveau BH XTep Carbon. Plus léger que le E8000 qu’il remplace (-300g), il offre aussi plus de couple (85Nm contre 70Nm) et il est doté ici de la nouvelle commande au guidon ainsi que de l’écran de contrôle couleur. Sur ce dernier, on n’est pas au niveau de détail et de nombre de menus d’un Bosch Kiox, mais l’essentiel est là, et ce petit écran de contrôle a la bonne idée de rester discret et d’être aussi bien à l’abri entre le cintre et la potence. A noter aussi que le Shimano EP8 offre la possibilité de personnaliser ses modes d’assistance de manière simple et intuitive via une application dédiée.
Terminons ce chapitre sur le cadre par un coup de projecteur sur quelques points intéressants, qui montrent que BH a travaillé le vélo jusque dans les détails. Outre la très belle finition de l’ensemble (peinture, travail sur les points de pivot, etc) on remarque un très joli serrage de selle intégré, qui va maintenir la tige via un système de « tampon » expandeur réglable grâce à une vis cachée sous un petit clapet en plastique.
Au niveau de la douille de direction, les câbles et gaines rentrent directement dans la douille. Un système qui devient de plus en plus courant, mais que BH a été un des premiers à utiliser et qui rend l’ensemble un peu plus discret qu’avec une intégration classique. A l’intérieur du cadre, le passage des gaines a aussi été soigné et simplifié au maximum, et on remarque la présence de généreuses protections intégrées aux endroits stratégiques.
La forme particulière du tube diagonal impose aussi la présence d’un porte-bidon spécifique mais, contrairement à l’AtomX ou au XTep alu équipés d’un système Fidloc bien particulier, pas besoin ici de bidon spécial. Et le porte-bidon développé par BH s’avère très agréable à utiliser.
Suspensions
BH est très attaché à la cinématique de suspension Split Pivot, qu’on retrouve avec bonheur sur tous les modèles de la gamme dans différentes déclinaisons. On la retrouve ici dans une version « long travel » avec 140 ou 160mm de débattement selon les modèles (la différence se fait au niveau de la course de l’amortisseur, mais l’entraxe reste identique afin de ne pas faire varier fondamentalement la géométrie, et le cadre est tout à fait identique). Côté amortisseur, on va retrouver, selon les versions, soit de l’air avec un Float « simple » ou la version DPX2 avec réservoir externe (comme sur notre modèle de test), ou encore un DHX2 à ressort hélicoïdal sur la version haut de gamme la plus musclée.
La spécificité de cette cinématique Split Pivot est de disposer d’un point de pivot arrière concentrique à l’axe de roue. Elle a l’habitude de se distinguer par sa grande sensibilité qui permet de bien coller la roue au sol, tout en étant assez neutre au pédalage. Le point de pivot principal est ici surdimensionné pour assurer une bonne rigidité et la biellette supérieure est entièrement en carbone. Elle dissimule bien la jonction avec les haubans pour donner au vélo des lignes raffinées.
Du côté de la fourche, on va retrouver la Fox 34 en 140mm de débattement sur le premier modèle trail et la 36 toujours en 140mm de débattement sur le montage plus haut de gamme. Quant à la version plus « grosse », elle est équipée soit de la Fox 36, soit de la 38 pour le 9.9 destiné à un usage plus engagé. Sur notre modèle d’essai, c’est la Fox 38 qui était montée de série, mais suite à un petit souci de cette dernière, nous l’avons remplacée pour une partie de l’essai par une Fox 36, toujours en 160mm de débattement. Nous verrons dans la partie test terrain l’influence que ce changement de fourche a pu avoir sur le comportement.
Géométrie
Au niveau de la géométrie, BH allonge un peu le reach (+10/15mm selon les tailles) et l’angle de direction est plus couché (-1,5°) sur les nouveaux Xtep carbone par rapports aux autres e-bikes de la gamme « X ». Le tube de selle reste par contre assez incliné (74,5°) alors que la tendance est de plus en plus de le redresser, et BH fait le choix de rester sur des bases assez longues, en 465mm, pour favoriser la traction en côte et le côté rassurant du vélo. Mais ce ne sont que quelques chiffres, il faudra voir sur le terrain ce que cela donne réellement.
Equipement et tarifs
Nous avons testé ici le BH XTep Lynx Carbon dans sa version Pro SE à 160mm de débattement, millésime 2021. Tel quel, il est épuisé, mais les modèles 2022 pointent le bout de leur nez avec des équipements légèrement différents. Pas de quoi modifier fondamentalement le ressenti, ni la philosophie générale du modèle qui reste inchangée, tout comme le cadre.
Sur notre modèle de test haut de gamme, nous avons un équipement cohérent et efficace avec une transmission Shimano XT et des roues DT 1700, ainsi qu’une fourche Fox Factory (la grosse 38 en l’occurence). Notre version Pro SE 2021 se rapproche fort de la version 9.9 en millésime 2022 à la différence notable que cette dernière est dotée d’un amortisseur à ressort hélicoïdal qui peut modifier assez sensiblement le comportement du vélo. On est donc plus près d’un 9.8.
Côté tarifs, le millésime 2022 n’a pas augmenté, ce qui est plutôt une bonne chose. On reste néanmoins sur des vélos avec un ensemble châssis/moteur/batterie haut de gamme, identique pour tous les modèles. Le ticket d’entrée pour la première version en 140mm de débattement est à 6999€, alors que le premier modèle en 160mm est à 7199€. Les montages intermédiaires, qui nous semblent les plus recommandables, sont à 7799/7899€, et le tout haut de gamme à 8999€ (avec des « améliorations » qui ne nous semblent pas vraiment indispensables). Il y a aussi toujours la possibilité de personnalisation de la peinture via le programme BH Unique.
BH XTep Lynx Carbon Pro : le test terrain
Cela se voit en photo et cela se confirme quand on le voit « en vrai », les lignes de ce BH XTep font nettement plus l’unanimité que celles des autres VTT à assistance électrique de la marque. Mieux : il attire l’œil avec sa belle peinture métallisée très classe. Une petite pression sur le bouton situé en haut de la batterie sur le top tube, et le vaisseau est prêt à démarrer. Seul bémol, le capot de la batterie n’est pas parfaitement immobile, et il a tendance à vibrer quand on roule. A la longue, son mécanisme d’ouverture motorisé peut se bloquer et il faut avoir recours à la clé pour l’ouvrir. Contrairement à un vélo urbain, sur un VTT il y a peu de risque de se faire voler sa batterie. Un tel mécanisme nous semble donc superflu et pourrait être remplacé avantageusement par quelque chose de plus simple.
La position au guidon est très confortable et équilibrée. BH n’a pas fait de folies sur la géométrie, mais on est par contre sur un vélo sur lequel on se sent tout de suite bien dès les premiers tours de roues de découverte. La selle est confortable et les grips Ergon permettent aussi d’emblée de disposer de points d’appui agréables. Quant au réglage de la suspension arrière, 25% de Sag, un petit réglage du rebond et il n’en faut pas plus pour disposer directement d’un comportement tout à fait cohérent.
Mieux que cela : la suspension arrière Split Pivot à la sauce BH est une nouvelle fois bluffante. Neutre au pédalage de sorte qu’on ne perd pas d’énergie et que même en assistance Eco, on a une vraie belle réactivité, elle est surtout particulièrement active quand il s’agit d’absorber les reliefs du sol. Elle procure un grip d’enfer en côte technique et, couplée aux bases assez longues, ainsi qu’au moteur Shimano EP8 qui a du couple mais qui le distille avec rondeur, ce BH XTep Carbon est pas loin d’être l’arme absolue dans les montées impossibles.
A allure modérée il procure aussi un confort royal qui le rend tout indiqué pour les bikers qui n’ont pas forcément un gros niveau ni l’envie de rouler fort, mais qui aiment se faire plaisir avec un vélo haut de gamme simplement pour randonner. A l’inverse, quand on ouvre les gaz en descente, le XTep suit la cadence et il faut déjà être un très, très bon pilote pour approcher ses limites. Rassurant, il sait aussi se montrer joueur et fun à piloter. Son poids contenu pour ce type de machine aide aussi, tant pour faciliter la prise en main que pour s’adonner à quelques excentricités de pilotage.
A l’avant, nous avons roulé une partie du test avec une Fox 38 et une autre avec une 36 suite à une défaillance de la 38 au niveau de la cartouche (une première en ce qui nous concerne). Nous l’avions déjà dit dans notre test, la 38 est une fourche exigeante, et sur le XTep, même en version 160mm de débattement, la 36 nous a paru plus homogène, plus en rapport avec ce châssis polyvalent. Un poil moins haute, un peu moins rigide aussi, la 36 nous a donné l’impression de travailler plus en symbiose avec le châssis, alors que la 38 faisait un peu « too much ». Sauf si vous être très costaud physiquement et/ou techniquement et si vous roulez dans une région avec du très gros dénivelé, privilégiez un montage équipé de la 36. Par contre, si nous n’avons pas testé la version en 140mm, nous pouvons clairement dire que nous ne nous sommes jamais sentis handicapés par les 160mm de débattement, y compris sur des sorties plus roulantes et moins exigeantes. L’adage « qui peut le plus peut le moins » semble se vérifier dans ce cas.
Au niveau de la motorisation, le Shimano EP8 nous a vraiment séduits. Le douceur et le naturel de ses réactions sont les caractéristiques que nous apprécions le plus chez lui. Ne vous y trompez pas : il a de la poigne, et les 85Nm de couple sont bien là quand on en a besoin, dans un gros raidard par exemple. Mais on n’a jamais de coups de butoir ou de ruades comme avec un Bosch, nettement plus démonstratif, et sans doute plus efficace quand on veut juste aller vite. Au prix d’une moins grande finesse que ce nouveau Shimano qui est vraiment, à nos yeux, une belle réussite.
L’autonomie est aussi un des grands points fort du moteur Shimano EP8, dont la consommation est très raisonnable. Alors quand on le couple à une grosse batterie de 720Wh, le résultat est détonnant ! On peut les yeux fermer faire des sorties de 60, voire 70km avec 1800 à 2000m de d+ en roulant la plupart du temps en mode intermédiaire. Sur beaucoup de nos sorties d’environ 2h pour 30/35km et 1000m de d+, il nous est arrivé de rentrer avec encore la moitié de batterie, ce qui nous a fait penser qu’une version « light » de ce modèle avec une batterie de 500Wh ne serait pas une ineptie. Avec un bon kilo en moins, le comportement déjà excellent du vélo serait très probablement encore plus agréable.
Verdict
Ce BH Xtep Carbon est une belle réussite. Son autonomie énorme, son moteur Shimano EP8 au comportement fin et subtil, son châssis particulièrement réussi et son comportement à la fois facile et joueur en font un des e-bikes les plus complets et les plus polyvalents que nous ayons eu l’occasion de tester à ce jour. Il nous fait énormément penser au Specialized Levo de 2e génération qui avait aussi cette capacité à jouer sur tous les tableaux. Le Levo 3 s’étant quelque peu radicalisé au prix d’une légère perte de polyvalence, ce BH Xtep se profile à nos yeux comme une vraie alternative. D’autant que, même si les tarifs sont élevés, on reste en dessous de ce qui est pratiqué par d’autres enseignes. Sans cette foutue trappe de verrouillage de la batterie capricieuse et agaçante, on était pas loin du sans-faute. En attendant, c’est clairement un coup de cœur… un de plus pour un BH qui est décidément une marque qui n’en finit pas de nous surprendre.
BH XTep Lynx Carbon Pro
8899€ (2021)
- De la rando à l'enduro, une vraie polyvalence
- Grande autonomie (batterie 720Wh + moteur EP8)
- Finition et qualité du châssis
- Equipements cohérents mais un peu justes vu le surcoût de cette version haut de gamme
- Capot de fermeture de la batterie bruyant et capricieux
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix