Test | BH Gravel X 4.0 : le choix de ne pas choisir
Par Léo Kervran -
Ça bouge chez BH ! Quelques semaines à peine après avoir dévoilé un nouveau Lynx Race de XC, la marque basque s’attaque au gravel avec une nouvelle version du Gravel X. Visuellement, le nouveau tranche avec son prédécesseur, mais s’agit-il d’un véritable changement de visage ou simplement d’un restylage sans conséquence sur son caractère ? Pour le savoir, nous l’avons essayé :
Notre dernier essai du Gravel X, c’était il n’y a pas si longtemps : après quelques mois de test fin 2021, l’article était paru tout début 2022. A l’époque, on avait trouvé un vélo simple mais très bon touche-à-tout, « excellent choix pour qui veut tâter un peu de toutes les saveurs du gravel avant, éventuellement, de s’orienter vers une machine plus pointue une fois qu’on a réussi à mieux cerner ses attentes lors de sa pratique du gravel », écrivait alors Olivier (lire Test | BH Gravel X Evo 4.0 : parfois, c’est gai d’être rationnel !).
Toutefois, impossible de nier que le vélo avait un caractère moins marqué que les VTT de la marque. Est-ce cela qui a poussé cette dernière à déjà en présenter un remplaçant ? Sur le papier, le nouveau Gravel X a en tout cas une identité bien plus marquée avec cette micro-suspension SRS. Reste à voir ce qu’il en est sur le terrain…
Châssis
Ce système SRS, parlons-en puisqu’il s’agit de la nouveauté la plus marquante de ce Gravel X deuxième génération. Comme son nom complet (Smooth Riding System) l’indique, son objectif est d’apporter un peu de confort en filtrant les petites imperfections du terrain.
Pour ce faire, BH a conçu le triangle arrière de façon à lui permettre de fléchir légèrement afin de mieux suivre le terrain. Un principe qui n’est pas sans rappeler celui adopté par certains tout-suspendus de XC (on pense notamment au Cannondale Scalpel de 2008 à 2011) à la différence qu’ici, il n’y a pas d’amortisseur. Le « débattement » annoncé, 3 à 5 mm suivant le poids du ou de la pilote, est suffisamment faible pour pouvoir s’en passer. A la place, BH a simplement installé un point de pivot à la liaison entre les haubans et le tube de selle afin de leur donner la liberté nécessaire.
Si l’essentiel du travail repose sur les haubans, on ne peut s’empêcher d’admirer cette découpe dans les bases, aussi originale que spectaculaire.
A ce stade, on a toutefois du mal à imaginer dans quelle mesure 3 à 5 mm de débattement peuvent se faire sentir sur le terrain, mais on se souvient aussi que sur le Trek Checkpoint (lire Prise en main | Trek Checkpoint SL 6 eTap : chassez le naturel…), l’apport du système IsoSpeed était bien réel. Et à la différence de l’américain, le SRS de l’espagnol fonctionne même quand on n’est pas assis sur la selle, ce qui est bien plus logique et cohérent à nos yeux. Cohérence encore, la fourche adopte une forme incurvée qui doit l’aider à dissiper elle aussi une partie des vibrations.
Plus confortable donc… et plus pratique ? Bien que BH parle de « light gravel » et que des mots comme « performance » ou « aérodynamique » reviennent régulièrement dans la communication de la marque autour de ce Gravel X, la plupart des évolutions apportées au vélo semblent indiquer que la marque s’est surtout attachée à rendre sa machine plus aventureuse.
Ainsi, le dégagement pour les pneus augmente et on peut désormais installer du 45 mm sur le Gravel X, contre 42 mm maximum auparavant. Le vélo se dote aussi d’une petite trappe qui permet de ranger, au choix, une cartouche de CO2, une chambre à air ou une petite pompe.
Enfin, si les inserts pour porte-bagage disparaissent avec l’arrivée du SRS et qu’on perd ceux (bien pratiques) du tube supérieur, le triangle avant gagne un emplacement supplémentaire sur le tube diagonal et la fourche reçoit des inserts de chaque côté, alors qu’il était impossible de monter quoi que ce soit dessus sur la génération précédente.
Sur le tube diagonal, le Gravel X peut maintenant être équipé d’une boîte à outils suffisamment spacieuse pour accueillir démonte-pneus, chambre à air et cartouche de CO2 ainsi que d’un ensemble bidon de 450 mL et porte-bidon aux formes aérodynamiques. Le tout « a été développée de manière à ne pas affecter l’aérodynamisme global du cadre ». Nous n’avons pas eu l’occasion d’avoir ces éléments en mains donc nous ne pourrons pas juger de leur utilité mais, sur le papier, l’idée de proposer une boîte à outils facile d’accès et amovible à la manière de Specialized avec le Swat est plutôt intéressante.
Côté formes, le vélo se veut plus dynamique qu’avant : passages de gaines via le jeu de direction, serrage de tige de selle intégré au cadre, angles plus marqués, belle nervure sur la douille de direction qui file rejoindre le tube supérieur… Le Gravel X a désormais une vraie identité et le voir sagement posé à l’atelier donne immédiatement envie d’aller rouler.
Malgré le SRS qui devrait alourdir le cadre, le poids reste plutôt stable : la marque évoquait « autour de 1 kg » pour l’ancien modèle et le nouveau est annoncé à 1050 g en taille M sans la fourche. On est loin du record de la catégorie (les plus légers sont sous les 800 g) mais ça reste correct pour un gravel qui se veut polyvalent et à même de jouer sur différents terrains.
Géométrie
Côté géométrie en revanche, peu d’évolution. Mis à part une douille de direction plus haute de 10 à 20 mm sur les tailles S, M et L et par conséquent un stack revu en taille S (+ 33 mm) et M (-10 mm), les cotes importantes du Gravel X comme les angles, le reach, le tube horizontal ou la longueur des bases sont similaires à celles du précédent modèle. C’est donc principalement sur la construction du châssis, qu’on évoquait dans la section précédente, que BH a travaillé pour cette nouvelle génération.
Equipements
Hasard du catalogue et des disponibilités, c’est le modèle 4.0 que BH a mis notre disposition, exactement comme lors de notre précédent essai. Nous l’avons pesé à 9,26 kg sans pédales, en taille M.
On retrouve donc la même groupe Shimano GRX Di2, avec pédalier FSA Omega Mono en 40 dents et cassette 11-42. A la différence de l’AXS de Sram, on a ici une grande batterie centrale et des fils pour connecter les différents composants. Un peu moins pratique au montage mais la durée de vie de la batterie entre deux recharges est bien plus longue (on parle de plusieurs mois en usage “moyen”).
A l’usage, les deux boutons tombent bien sous les doigts et sont très agréables, c’est l’un des principaux avantages face aux groupes mécaniques avec la qualité de fonctionnement en toutes conditions. En revanche, on ne comprend pas pourquoi BH a équipé notre modèle en mono-plateau d’une manette pour double plateau côté gauche. On a du mal à croire au geste altruiste pour épargner l’achat d’une manette à qui souhaiterait monter le vélo en double, et en cas de chute, cela fait potentiellement plus de choses à abîmer qu’un simple levier de frein.
Le train roulant est toujours composé de roues Vision Team TC30 avec jantes en carbone (30 mm de haut, 19 mm de largeur interne) chaussées de pneus Hutchinson Touareg en 40 mm. Sur le papier, les 1550 g de la paire de roues associés à la polyvalence des Touareg font de ce montage un choix équilibré et intéressant.
Enfin, les périphériques sont siglés BH à l’exception de la selle, une Prologo AGX. Nous n’avons pas grand-chose à dire sur la tige de selle en carbone, mais le poste de pilotage nous a déçus avant même les premiers tours de roues. Si le choix d’un cintre avec très peu de flare (ouverture des parties basses vers l’extérieur) est regrettable à nos yeux mais peu encore passer pour des préférences personnelles, la guidoline est indigne d’une machine vendue à plus de 4000 €.
C’est un modèle d’entrée de gamme ferme, rêche, désagréable au toucher et qui devient glissant avec la transpiration, un choix qu’on pourrait éventuellement comprendre sur un vélo à moins de 1000 € mais certainement pas ici. La guidoline, on a nos mains dessus en permanence donc un produit de qualité est extrêmement important tant cela fait la différence, non seulement pour le confort mais aussi pour la qualité perçue du vélo. Ici, on est en très loin.
Versions et tarifs
Ce nouveau BH Gravel X se décline en quatre montages, tous en carbone afin de disposer du SRS. La gamme commence avec le Gravel X 3.0 à 3299,9 € (Shimano GRX 1×12), se poursuit avec le Gravel X 3.5 à 3399,9 € (équipements similaires au 3.0 sauf la transmission Shimano GRX 1×11), passe par notre 4.0 à 4399,9 € et culmine à 6299,9 € avec le Gravel X 4.5, doté d’une fourche suspendue Fox 32 Taper-Cast en plus de la transmission Shimano GRX Di2 1×11 et des roues carbone.
Le Gravel X ancienne génération reste au catalogue pour les modèles d’entrée de gamme en aluminium avec trois versions affichées à 1799,9 €, 2149,9 € et 2599,9 €.
Le test du BH Gravel X 4.0
Difficile, lorsqu’on monte sur ce Gravel X nouvelle génération, de ne pas faire de parallèle avec son prédécesseur tant il lui ressemble. Sur la position et les terrains roulants d’abord : pour reprendre les mots d’Olivier dans son test, « quand on se pose aux commandes, on sent qu’on est au guidon d’un vélo racé. Même s’il cultive aussi son image de baroudeur, on le sent plus proche d’un esprit performance et de racines “route » que purement VTT. »
Le cadre a du répondant, le train roulant rend les relances faciles et on n’hésite à pas en profiter, que ce soit assis sur la selle ou en danseuse. D’ailleurs, la rigidité et la géométrie rendent la position debout sur les pédales très agréable. Derrière ce bon punch en revanche, ça s’essouffle un petit peu et si on essaye de garder l’allure, on a l’impression de faire des efforts « pour rien ».
On sent bien qu’on n’est pas sur un gravel ultra-sportif comme les BMC Kaius ou Scott Addict Gravel qui peuvent tenir sans mal un gros rythme comme de vrais vélos de route. Néanmoins, ce n’est une surprise puisque le Gravel X accuse facilement 0,5 à 1,5 kg de plus que ces modèles et ne peut donc pas jouer dans la même catégorie. Disons qu’il peut monter vite, mais pas à fond.
Son domaine, ce sont les vieilles pistes et les sols un peu plus abîmés. Est-ce l’effet du SRS ? En tout cas, le confort du BH Gravel X est bien réel et surtout, ça ne se fait pas au détriment du caractère dynamique et bon rouleur. Ce n’est pas un confort « mou » comme si on avait des gros pneus à basse pression ou des suspensions souples, c’est plutôt un confort « ferme » où le vélo adoucit subtilement les sensations les plus désagréables pour nous permettre de continuer à pédaler sans se faire trop secouer.
Certains testeurs ont trouvé que l’avant était plus raide mais pas tous. A ce niveau, difficile de dire si cela vient réellement d’un avant très rigide comme sur le Trek Checkpoint, qui nous avait paru déséquilibré dans ce domaine, ou si ce sont plutôt les composants qui sont en cause. Avec ce cintre en aluminium étroit et cette guidoline catastrophique, le poste de pilotage ne pardonne aucune erreur de pression dans le pneu et nous fait très vite savoir quand on est surgonflé.
Enfin, et comme toujours, nous n’avons pas pu nous empêcher d’aller nous aventurer sur de petits sentiers avec des passages qui tiennent bien plus du VTT que du gravel. Que voulez-vous, difficile de renier ses racines de vététiste… Là-dedans, le Gravel X s’est montré surprenant. Les réactions sont saines, le vélo a du grip et on passe partout sans trop se poser de question même si un cintre avec un peu plus de flare ne serait pas de refus. Évidemment on n’est pas sur un modèle à suspension ni même à gros pneus de 45 ou 50 mm, on se sent mieux à basse vitesse mais dans l’ensemble, le Gravel X s’en sort avec les honneurs.
Verdict
Tout ça… pour ça ? Malgré toutes ses évolutions et ce changement de visage, ce nouveau BH Gravel X ressemble beaucoup à son prédécesseur. On a l’impression que la marque a voulu faire quelque chose de plus affirmé mais le résultat se cherche, exception faite du plan esthétique franchement réussi. A partir tantôt du côté du gravel sportif tantôt du côté du gravel aventure, cela donne une machine qui n’est ni vraiment l’un ni vraiment l’autre. Toutefois, si ce renouvellement qui ne change pas grand-chosenous laisse circonspects, cela n’empêche pas le BH Gravel X d’être un très bon gravel touche-à-tout. Suffisamment conciliant pour les longues sorties et les terrains techniques, il a aussi du répondant lorsqu’on souhaite appuyer un peu plus sur les pédales et se place ainsi comme un choix intéressant pour qui aime tâter un peu de toutes les saveurs du gravel.
Plus d’informations : bhbikes.com
BH Gravel X 4.0
4399,9 €
9,26 kg
- A l'aise sur de nombreux terrains
- Nouvelle ligne réussie
- Equipement cohérent
- Cintre très "route", étroit et peu de flare
- Disparition des inserts sur le tube supérieur
- Guidoline indigne pour ce tarif
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix