Témoignages | Grossesse et VTT : faut-il arrêter de rouler ?
Par Bérengère Boës -
Vous vous rappelez de moi ? Bérengère Boës, j’ai vécu et vibré pour le VTT durant les dix dernières années, j’ai suivi les compétitions et les athlètes à travers le monde dont un bon nombre d’entre eux pour Vojo. Ce coup-ci, pas de récap de course ou d’escapades. J’écris car je suis prise d’une grande envie de vous faire un retour d’expérience sur un sujet qui me tient à cœur : la grossesse et le VTT.
Maman depuis septembre 2021, j’ai eu la chance d’avoir une grossesse sans souci, j’ai pu rouler plus de quatre mois à VTT jusqu’à ce que sa version à assistance électrique me sauve et adoucisse mes virées quasiment jusqu’au jour J. Mais suis-je un exemple ? Est-ce que j’ai le droit d’inciter les autres futures mamans à en faire de même ? Non. Je ne suis ni médecin ni sage-femme. Par contre, je peux partager mon expérience ainsi que celle d’autres jeunes mamans qui ont eu la gentillesse de m’accorder leur temps. Pourquoi ? Parce que comme beaucoup de futures mamans, j’ai eu des doutes et surtout pas mal de questions au moment de concilier ce moment si particulier de ma vie et ma passion pour le VTT.
Lorsqu’on tombe enceinte, on se met à se poser un grand nombre de questions. Certaines choses deviennent futiles et d’autres existentielles. Le point commun entre Pauline Clementz, Ines Thomas et Hannah Barnes, c’est qu’elles sont toutes tombées enceintes au cours de ces dernières années et qu’elles pratiquent ou ont pratiqué le VTT à haut niveau à un moment donné de leurs vies. Voici leurs témoignages.
Voyages à VTT, compétitions et évènements rythmaient leurs semaines. Qu’elles soient athlètes professionnelles ou ambassadrices, ces trois jeunes mamans avaient déjà l’habitude de rouler plusieurs fois par semaine et bénéficiaient d’une forme physique remarquable. Aucune des trois ne s’était fixé de barrières ou avait des idées préconçues : « Je n’ai pas eu peur d’en faire peu. Si mon corps avait envie de faire une sieste, je l’écoutais tout simplement », explique Hannah.
Chaque femme est différente et chaque grossesse l’est aussi me rappelait sans cesse ma sage-femme, un point certainement partagé par toutes : « J’avoue que les nausées et la fatigue ne m’ont pas épargnée ! Cependant après le cap du 4-5ème mois (et c’est connu) un regain d’énergie est apparu et je me sentais de nouveau invincible ! » rajoute Pauline. Inès complète : « J’ai découvert que j’étais enceinte à un stade très précoce, seulement après quelques semaines, tout simplement parce que mon corps s’est tout de suite senti différent. »
Le corps change un peu chaque jour, de nouvelles sensations viennent chambouler le quotidien de la femme. Durant 9 mois le ventre ne cesse de s’arrondir, de grossir et il n’est pas toujours simple de s’habituer à ce nouveau « nous » : « Je roulais définitivement plus tranquillement et sans trop de risques. J’ai pris la décision de ne plus faire de compétitions et cela m’a donné la liberté de rouler dans ma zone de confort, d’en profiter même si je ne pense pas que je roulais vraiment lentement au début. Après il est clair que que je ne faisais pas de gros sauts ou quoi que ce soit d’autre dans le genre », se souvient Inès.
« Au début je ne me suis franchement pas contrainte et je roulais aux sensations, après je suis de nature à contrôler mon vélo et je ne prends pas de risques insensés », se remémore Pauline.« Mais en faisant un petit flashback, je m’étonne encore car je suis partie en Nouvelle-Zélande accompagner le team et je roulais sans vélo électrique (plus doucement certes) mais j’ai quand même fait des descentes bien engagées ! J’ai roulé sur le fameux Rude Rock de Queenstown, à Christchurch sur les pistes officielles de vélo, et je me souviens avoir fait une journée de navettes au bike park privé de Gorge Road de Nelson. J’assistais à un lancement presse et je crois avoir bluffé plus d’un journaliste. Avec du recul je pense que c’était un peu trop engagé ! »
Se laisser tenter par ce qui était normal jusque-là, c’est normal justement, même si parfois le corps nous rattrape comme l’explique Hannah : « J’ai fait une randonnée à ski assez importante à 7 mois de grossesse, avec un peu de marche et de portage, une longue montée, puis une descente à la torche frontale. C’était probablement trop pour une femme enceinte de 7 mois, j’avais mal au cœur le lendemain, alors j’ai ralenti un peu la cadence. Je me suis sentie bien jusqu’à la fin et j’ai roulé jusqu’à ma date d’accouchement, puis 3 jours plus tard, Inga est arrivée ! »
Bouger oui. Mais avec certaines mesures, et ces trois jeunes mamans sont unanimes sur ce point : « L’air frais et l’activité physique, qu’il s’agisse de vélo, de jardinage ou de longues promenades, sont très importants. Je pense que le fait d’être dehors et de rester en mouvement est le meilleur remède pour le corps et l’esprit. Faites ce qui vous semble juste, écoutez votre corps, continuez à bouger. Si vous voulez faire une sieste et vous reposer, reposez-vous. Écoutez votre corps », insiste Hannah.
« En fin de compte, j’ai réalisé que personne ne peut vous dire ce que vous pouvez faire et quelles sont les choses qui pourraient être trop difficiles. Toutes ces décisions – faire de la compétition, la façon de rouler, la durée, etc, sont des choix très individuels. Je pense que chaque grossesse est différente et que tout le monde commence à un niveau différent. Ce qui peut paraître un tracé fluide à VTT pour une personne peut amener l’autre à un point où elle ne se sent pas sûre d’elle. J’aurais aimé que quelqu’un me dise ce qu’il faut faire et ce qu’il faut arrêter, mais je ne pense pas que cela fonctionne comme ça. Malheureusement », souligne Inès.
Et pour l’adaptation, Hannah, Inès et Pauline ont pu s’adjoindre les services d’un VTTAE : « Pour moi, le vélo à assistance électrique a tous les atouts pour accompagner une femme enceinte : je suis persuadée qu’il m’a été d’une grande aide pour avoir une grossesse agréable. En effet il porte déjà le surpoids lié au bébé, imagine que tu prends 10 kg, ça fait un pack d’eau et demie à porter en plus ! Enfin, grâce aux différents modes d’assistance, tu ne gardes que le plaisir. Dès que les montées étaient trop raides, tu passes en mode plus soutenu et finalement tu n’es jamais essoufflée ! Le fait de bouger, faire circuler le sang, aérer ton cerveau, ça fait un bien fou ! Et en plus cela évite des trop grandes rétentions d’eau, tu souffres moins de la chaleur et en plus tu te fais plaisir », compile Pauline. Bingo non ?
Faire, mais dans une autre mesure. Tenter, mais avec sécurité. Se faire plaisir, mais surtout ne pas se forcer. S’adapter. En ce qui me concerne, ma sage-femme m’a toujours répété : « Tu as le droit de rouler. Je t’interdis juste de tomber, et si tu as mal, tu t’arrêtes. » Serait-ce les voies à suivre ? Certainement. Y’a-t-il d’autres sujets que nos trois témoins auraient voulu aborder avant l’accouchement ? À l’unanimité oui : le périnée.
« Le Péri-quoi » ? allez-vous me dire. Oui le périnée, ce sujet parfois tabou, voire quasi inconnu par les futures mamans, c’est l’ensemble des muscles qui soutiennent les organes génitaux et l’anus et qui ont un rôle majeur tout au long de la vie.
« La réponse est yoga, yoga, yoga, namaste » lance en souriant Pauline avant d’enchainer : « Le périnée est sans nul doute un muscle dont on parle très peu mais qui finalement se dévoile à son grand jour lors de la maternité. La rééducation par une sage-femme est essentielle post accouchement car si elle n’est pas bien effectuée, elle peut avoir des répercussions dans le futur. Selon moi, il est même abordé un peu tard après la naissance car finalement il faut remuscler cette partie du corps directement. »
« Faites vos exercices du plancher pelvien » conseille directement Hannah avant d’ajouter : « Je ne les ai pas faits religieusement, mais je les ai faits chaque fois que j’y pensais et j’ai eu de la chance, cela a été suffisant. Je n’ai découvert le périnée et son importance qu’avant/pendant/après l’accouchement, environ deux semaines avant la date prévue de mon accouchement. Ma sage-femme n’était pas géniale et je réalise maintenant à quel point j’étais ignorante au moment de l’accouchement. »
Information, prévention, exercices. Rassurez-vous, tout peut bien se passer comme le raconte Inès : « J’ai eu beaucoup de chance de n’avoir aucun problème avec cela. J’ai suivi de très bons conseils avant l’accouchement en buvant de la tisane de feuilles de framboisier et en faisant de la vapeur. Tout cela pour aider le périnée à s’assouplir. Grâce à cela, je n’ai pas eu de blessures ou de problèmes après l’accouchement. »
Que faire de toutes ces infos ? Sommes-nous à ce stade en mesure de répondre à la question initiale de la compatibilité entre VTT & grossesse ? Résumons :
– Oui, il est possible de faire du vélo à condition de s’en sentir capable, d’être à l’aise et de se faire plaisir.
– Oui, une grossesse peut être menée à bout sur deux-roues – surtout si on peut s’adjoindre l’aide d’un p’tit moteur électrique qui permet de minimiser l’effort physique et de maximiser le pédalage.
Ces jeunes femmes ont prouvé que c’était possible, à condition de rester prudente et de ne pas se surestimer.
Quelles seraient leurs dernières recommandations ?
« S’écouter soi-même, se faire confiance, et arrêter de se contraindre ! Je concède que j’ai été un peu trop l’excès avec de recul mais le vélo a été mon quotidien pendant plus de 10 ans et que je ne me rendais pas bien compte du petit être qui était en moi ; si c’était à refaire, je continuerais à faire du vélo sans aucun doute mais je serais plus prudente et je bannirais la pratique trop engagée. Je recommanderais de faire des sorties plus douces et sans risques sur les gros chemins, sans forcer », résume Pauline.
« Je recommande vivement de trouver un bon cours de yoga prénatal et postnatal. Je suis actuellement en train de suivre une formation de professeur, car je veux partager mes expériences avec d’autres femmes enceintes. Une dernière chose : ne vous laissez pas berner par les réseaux sociaux. Les gens me demandent souvent comment j’ai fait pour être au même niveau de forme avant d’avoir Romy. C’est tout simplement absurde. Je n’ai pas retrouvé le même niveau. Comment pourrais-je le faire avec un maximum de 1 à 2 heures de sport par jour, l’allaitement, peu de sommeil et pratiquement aucune récupération ? Alors si vous voyez une autre maman active, prenez-en les aspects positifs, cela peut-être une source d’inspiration, mais n’essayez jamais de vous comparer et ne pensez pas qu’elles sont parfaites. Ce n’est jamais comme ça que ça se passe », prévient Inès.
« Je recommande à 100 % de rester aussi active que possible pendant la grossesse. J’insiste aussi sur l’importance de boire beaucoup d’eau, d’avoir une alimentation saine et de dormir suffisamment. Je me souviens avoir fait beaucoup de longues siestes au cours du premier trimestre. Votre corps fait des heures supplémentaires pour faire grandir une petite personne et a besoin de soins et de beaucoup d’amour. », ajoute Hannah.
Pour ma part, je conclurais en disant que ce besoin d’amour à partager, c’est vraiment là le plus important. Que ce soit à vélo ou dans un transat (ou les deux), il est certain qu’une grossesse doit être menée dans des conditions appropriées pour que vous et votre « mini-vous » se portent à merveille. Alors mesdames, n’oubliez pas que la réponse est en vous, c’est ma seule certitude !