Specialized Camber S-Works 2016 : premier essai
Par Olivier Béart -
On a beaucoup parlé du nouveau Stumpjumper et du Turbo Levo électrique, qui sont déjà des sorties très importantes. Mais Specialized en avait encore gardé dans son chapeau, et on découvre aujourd’hui un tout nouveau Camber ! Triangle avant proche du Stumpjumper, arrière raccourci et géométrie revue, suspension Brain : le vélo de trail de la marque de Morgan Hill se repositionne. Epic adouci ou mini Stumpy? C’est ce que nous avons voulu vérifier en passant un week-end sur nos sentiers préférés au guidon d’un des tout premiers exemplaires disponibles.
Avec l’arrivée du Stumpjumper remanié (que nous avons déjà eu l’occasion de tester et de vous présenter), le Camber actuel avait du souci à se faire car le petit nouveau pédale aussi bien, voire mieux, tout en offrant plus de débattement, ce qui lui ouvre plus de perspectives. Partant de ce constat, Specialized n’a pas attendu avant de remanier son châssis FSR 29 » 120mm. Le résultat, vous l’avez sous les yeux. Voyons cela en détails.
Specialized Camber 2016 : ce qui change
La grosse nouveauté sur le nouveau Camber, c’est bien sûr l’arrivée du Brain, le fameux système de blocage mécanique de la suspension popularisé par l’Epic (pour plus de détails, voir notre test du Specialized Epic World Cup). Né pour le XC, il a aussi équipé le précédent Stumpjumper, qui en est désormais dépourvu. Et c’est le Camber qui en hérite, ce qui est plus logique vu le programme auquel il se destine. Mais attention : même s’il vient se placer sur un petit amortisseur, comme sur l’Epic, ce Brain est calibré de façon très différente !
Pour faire simple, le Brain du Camber n’agit pas sur les premiers 20% du débattement, contrairement à l’Epic, où le blocage est actif directement. La transition entre les deux modes, bloqué et ouvert, se fait aussi de façon beaucoup plus subtile. Cela permet au Camber d’offrir plus de confort sur les petits chocs et plus d’accroche également, même si un léger pompage peut se faire ressentir. Mais si les crosseurs purs ne sont sans doute pas prêts à l’accepter sur un Epic, ce réglage a ici beaucoup de sens.
En ne permettant aucun mouvement de grande amplitude de l’arrière au pédalage, ce Brain « soft » permet de donner du tonus au Camber en relances et en danseuse. Il permet aussi d’opter pour un réglage assez souple de l’amortisseur pour qu’une fois débloqué, on puisse utiliser confortablement tout le débattement de 120mm.
A noter que le bras arrière en carbone est l’apanage du seul modèle S-Works. L’épaisseur des bases est impressionnante et garantit une rigidité sans faille. L’axe arrière reste quant à lui en 142×12, ce qui confirme que, mis à part pour le « Plus », Specialized reste fidèle aux solutions classiques.
L’autre gros changement sur le nouveau Specialized Camber c’est sa géométrie qui est modifiée dans le sens d’une certaine radicalisation. En témoigne l’angle de direction de 68,5° contre 69° pour le Camber Evo et 70° pour le Camber classique actuel.
Le boîtier de pédalier est abaissé de 5mm (330mm) et les bases sont aussi raccourcies de façon drastique en passant de 450 à 437mm, soit comme sur le dernier Stumpjumper. Tout cela, pour rappel, avec des roues de 29 » ! On en profite d’ailleurs pour signaler au passage que le nouveau Camber ne sera disponible – pour l’instant du moins, et en Europe – que dans ce format de roues. En clair, le triangle avant étant très proche de celui du Stumpjumper, cela permet de donner le « la » en matière de géométrie, alors que l’arrière est spécifique mais se rapproche plus de celui d’un Epic avec le Brain et l’amortisseur à faible volume.
Comme l’avant est similaire à celui du Stumpjumper et que le programme du vélo s’y prête, le Camber 2016 carbone est logiquement doté de la Swat Door qui permet de loger un nécessaire de réparation complet ainsi que quelques barres énergétiques dans le tube diagonal, sous le porte-bidon (voir notre article sur le Stumpjumper pour plus de détails). Le passage des câbles et durits se fait aussi en interne avec un guide moulé sur toute la longueur.
Au niveau du montage, la version S-Works que nous avons pu essayer ne se prive de rien : roues Roval Traverse Carbon en 30mm de large, groupe Sram XX1, freins XTR, ou encore fourche RockShox RS-1. Au sujet de cette dernière, on note qu’il s’agit d’une version spécifique pour Specialized, dotée de la « Spike Valve ». A l’image du Brain adouci à l’arrière, il s’agit aussi d’un système permettant de réduire les oscillations parasites (pompage), et qui se désactive sur les impacts. Nous aurons l’occasion de revenir plus loin sur son comportement. Avec une telle débauche de beaux composants, le Specialized Camber S-Works sort au poids de 11,620kg vérifié par nos soins, sans pédales. Du côté du prix, attention, ça pique : 9999€. Mais heureusement, il existe des versions plus abordables, que vous pourrez retrouver en images à la fin de l’article.
Camber 2016 – le test terrain : une hybridation réussie
Lors du dealer event belge, nous avons eu l’occasion de tourner sur la belle boucle test concoctée par Specialized, mais aussi de nous en échapper pour aller rouler sur des sentiers que nous connaissons bien. Nous avons également eu l’occasion de le garder pendant un week-end et de participer au magnifique marathon de Surice dont le tracé ludique et technique serpente dans les vallées de la Meuse et de l’Hermeton. En tout, nous avons effectué plus de 100km en trois jours à son guidon, ce qui nous permet de vous proposer un test plus complet qu’une simple prise en mains.
On le dit à chaque fois, mais il faut encore le répéter : on est tout de suite bien posé au guidon de ce Specialized. Pourtant, les cotes ont changé, avec une potence hyper courte pour le segment (60mm) et un tube supérieur allongé. Mais la magie opère toujours, d’autant que Specialized a pris la peine de régler les cotes de notre machine de test conformément à l’étude posturale Body Geometry Fit que nous avons eu l’occasion de faire un peu plus tôt cette année.
Du côté de la suspension arrière, le génial système Auto-Sag permet de trouver très rapidement une bonne base mais, comme à notre habitude, nous avons dégonflé un peu plus l’amortisseur pour partir sur un Sag de 13mm au lieu de 11 comme prévu à la base pour obtenir un peu plus de confort et utiliser tout le débattement avec notre style de pilotage plutôt souple. Après quelques tentatives entre tout ouvert et tout fermé, nous avons choisi de rouler avec 2 clics (sur 6) au niveau du Brain, à partir de la position ouverte. Toutes les positions sont franchement roulables, mais c’est celle qui nous a semblé offrir le meilleur compromis.
A l’avant, nous avons aussi dégonflé un peu la RockShox RS-1 par rapport aux recommandations de la marque, mais en fermant complètement la mollette de réglage de la Spike Valve. A ce sujet, nous n’avons pas vraiment été convaincus par le système. Ok, c’est agréable de se passer de blocage au guidon et de pouvoir garder les mains en permanence sur le cintre, mais l’action de la Spike Valve est vraiment très discrète, voire même trop, et la mollette de réglage n’est pas très efficace. Le pompage reste bien présent, mais par contre on perd un peu en confort sur les petits chocs alors que c’est un des gros points forts de la RS-1. C’est cependant un des seuls points sur lesquels nous avons trouvé quelque chose à redire sur ce nouveau Camber S-Works car pour le reste, chers lecteurs, quel cocktail !
Sur les portions roulantes, le comportement se rapproche très fort de celui d’un Epic. On le sent plus souple, plus conciliant, mais l’action du Brain est bien présente et on ne sent aucun pompage. Le cadre S-Works est hyper rigide latéralement et malgré les jantes larges et les gros pneus, le rendement est supérieur à un paquet de bikes purement XC du marché ! A part pour de la compétition pure, nous aurions même tendance à préférer le Camber dont le Brain a un fonctionnement bien plus subtil que sur l’Epic. Bien sûr, nous avons roulé la version la plus haut de gamme, mais comme nous l’avons vu sur le Stumpjumper, la combinaison avant en carbone et arrière en alu des modèles inférieurs ne devrait pas grever les sensations.
Le gain en motricité est aussi flagrant et, ainsi positionné, le nouveau Camber devrait pouvoir convaincre pas mal de marathoniens, y compris dans des régions comme en Belgique où on ne peut éviter quelques portions roulantes, même sur les plus beaux tracés. Pour cela, il suffira de changer le plateau de 28 dents qui, bien que très agréable dans les portions raides, limite quand même un peu trop la vitesse de pointe en usage compétitif ou même pour suivre ses potes de virée dans les portions rapides.
En descente par contre, le Camber 2016 ne peut nier sa filiation directe avec le Stumpjumper. On sent bien qu’on a moins de débattement et que la position joue plus sur le compromis avec le rendement, mais quel caractère ! Sa maniabilité dans les singletracks est diabolique, mais tout se fait en souplesse, avec beaucoup de naturel. La hauteur du boîtier de pédalier et la suspension qui reste assez haut dans le débattement permettent de ne pas toucher avec les pédales dans les portions trialisantes, ce qui est un atout.
Dans les dégringolades raides, il met pleinement en confiance et tant la RS-1 que le petit amortisseur sont capables d’encaisser des portions très défoncées sans broncher. On peut aussi remercier les roues Roval Traverse dont les jantes larges font merveille. Très rigides latéralement, mais pas trop, elles restent tolérantes et leur largeur permet aux pneus de 2.3 (Ground Control à l’arrière et Purgatory devant) de travailler parfaitement. Specialized n’a pas cédé aux sirènes du poids et c’est tant mieux car des Controle SL montées sur l’Epic n’auraient pas offert le même ressenti dans les portions techniques à cause de leur jante plus étroite. A noter aussi que nous n’avons jamais eu l’impression de nous trainer à cause des jantes larges ou des gros pneus fortement cramponnés.
Même si nous avions émis quelques réserves sur la nouvelle tige de selle Cammand IRcc lors du test du Stumpjumper, nous l’avons cette fois vraiment appréciée et nous avons réussi à tirer pleinement profit des 10 crans qui permettent de choisir des positions intermédiaires entre le tout en haut et le tout en bas.
Par contre, les freins Shimano XTR nous ont donné quelques sueurs froides. Souvent bruyants, ils chauffent vite et leur point de contact varie dans les longues descentes. On entend même les plaquettes qui continuent à toucher les disques après les freinages appuyés à cause d’une dilatation excessive de l’huile. A revoir !
Un dernier mot au sujet du Swat : bien que fan du sac à dos avec poche à eau pour les épreuves longues, nous avons choisi de partir sur les 67km du marathon de Surice sans rien sur les épaules. Le matériel de réparation Specialized situé dans la Swat Door, le multi-outils calé au niveau de l’amortisseur et le dérive-chaîne dans la potence permettent de faire face à toutes les situations et, comme nous avons crevé (de notre faute), nous avons testé le placement d’une chambre à air et tout s’est très bien passé. C’est plus au niveau de l’eau que c’est moins pratique.
Un bidon de 750ml prend tout juste place dans le cadre et, pour un grand buveur, il permet juste d’aller d’un ravitaillement à l’autre. En tout, nous avons dû nous arrêter trois fois, alors qu’avec un sac, on peut se permettre de sauter presque tous les ravitaillements. Il nous a aussi manqué un emplacement pour le téléphone, que nous aurions aimé placer dans le cadre, mais même sans coque, un iPhone 4 ne rentre que très difficilement dans la Swat Door. Et avec la sueur, il n’aime guère la poche arrière du maillot. Par contre, il est clair que rouler sans sac est assez agréable pour l’aération en été.
Verdict – Camber S-Works :
Sorte d’hybride entre un Epic et un Stumpjumper, le nouveau Camber reprend parfaitement sa place dans la gamme Specialized telle qu’elle est remaniée pour 2016. Il ne viendra sans doute pas beaucoup marcher sur les terres du Stumpjumper, dont le débattement supplémentaire est irremplaçable dans certaines régions. Par contre, il nous a semblé un plus grand concurrent pour l’Epic. A part les purs compétiteurs, il n’y a plus aucune raison de se tourner aujourd’hui vers la machine de Jaroslav Kulhavy. Rando sportive, raids type Chemins du Soleil ou Transpyr, marathons techniques : le Camber y sera à la fois bien plus agréable, reposant et performant. Reste son tarif qui, malgré la réussite totale du châssis, en effraiera certainement plus d’un.
Specialized Camber 2016 – Le reste de la gamme :
Si les équipements du reste de la gamme ne sont pas aussi luxueux que ceux du S-Works, plusieurs éléments fondamentaux se retrouvent sur presque tous les modèles. C’est le cas de la tige de selle télescopique Command IRcc, des jantes de 30mm de large, de la transmission 1×11 (même si le cadre est compatible double plateau via la « Taco Blade »), ou encore de la Swat Door sur les modèles en carbone. Tous les modèles ne sont par contre pas dotés du Brain. En effet, celui-ci est très onéreux à produire et les versions plus accessibles doivent s’en passer. Voyons la gamme Specialized Camber 2016 au complet avec les poids vérifiés et les prix :
Camber Expert Carbon 29 – 12,56kg – 6499€
Triangle avant en carbone avec Swat Door, arrière en aluminium M5, amortisseur Brain, roues Roval Traverse Alu, fourche Fox 34 Performance 120mm, transmission Sram XO1, freins Shimano XT.
Camber Elite Carbon 29 – 12,52kg – 5799€
Triangle avant en carbone avec Swat Door, arrière en aluminium M5, amortisseur Brain, roues Roval Traverse Alu, fourche Fox 34 Performance 120mm, transmission Sram GX/X1, freins Shimano SLX.
Camber Comp Carbon 29 – 12,78kg – 3999€
Triangle avant en carbone avec Swat Door, arrière en aluminium M5, amortisseur Fox classique sans Brain, roues Roval avec jantes 29mm de large, fourche RockShox Revelation RC3 120mm, transmission Sram GX, freins Shimano Deore.
Camber Comp 29 – 13,14kg – 2499€
Cadre intégralement en aluminium M5, amortisseur Fox classique sans Brain, roues Roval avec jantes 29mm de large, fourche RockShox Revelation RC3 120mm, transmission 2×11 Sram X7/GX, freins Shimano Deore.
Camber 29 – 13,74kg – 1899€
Cadre intégralement en aluminium M5, amortisseur X-Fusion, roues Specialized Stout/Alex Rims, fourche RockShox Recon Silver 120mm, transmission 2×9 Shimano Alivio/Deore, freins Tektro.
Camber Grom – 1 – 1899€
Nous ne l’avons pas vu lors de la journée dealers, ni pris en photo, mais le Camber sera aussi décliné dans cette version pour enfants/adolescents. Il sera livré en roues de 24 », mais il pourra accepter des roues de 26 » quand l’enfant grandira. Il dispose d’un cadre spécifique, à mi-chemin entre le Rumor féminin et le précédent Camber.
Dans l’ensemble, si les versions en alu sont un peu plus chères que par le passé, elles restent à des tarifs concurrentiels et attractifs. On constate par contre que les versions carbone moyen et haut de gamme augmentent de façon plus significative. On ne parle même pas du S-Works qui ne se refuse rien et auquel le rôle de porte-drapeau autorise quelques écarts. Mais on vise plutôt des modèles carbone qui ne descendent pas sous les 4000€ ! Ok, ils sont bien équipés et on a même droit au nécessaire de réparation complet avec le Swat. Ok, il y a aussi la parité euro/dollar qui ne joue pas en notre faveur, mais Specialized doit faire attention de ne pas se priver d’une partie de sa clientèle qui voudrait bien craquer, mais qui ne pourra point faute d’avoir les finances adaptées. Et ce serait dommage car ce nouveau Camber a de quoi séduire beaucoup de monde.