Rencontre | Quand le team XC Santa Cruz FSA passe en mode enduro
Par Christophe Bortels -
On les a vus toute la saison sur les circuits de coupe du monde de XC, mais début octobre, à Finale Ligure, Maxime Marotte, Luca Braidot et Martina Berta ont enfilé genouillères, dorsale et casque intégral pour participer en équipe à une compétition d’enduro, et pas n’importe laquelle : l’Industry Trophy, organisé dans le cadre du Trophée des Nations des Enduro World Series ! Les trois coureurs du team Santa Cruz FSA nous racontent cette expérience hors du commun :
Le premier week-end d’octobre, les meilleurs enduristes de la planète se retrouvaient à Finale Ligure pour la 2e édition du Trophée des Nations afin d’y défendre leurs couleurs nationales par équipes de 3 pilotes. Et parmi les différentes épreuves organisées en marge de cet évènement, il y avait l’Industry Trophy, disputé sur un format similaire mais réservé aux équipes liées à des marques.
C’est en jetant un oeil à la liste de départ de cet Industry Trophy que, à côté du nom d’équipe « MET Helmets », on a remarqué trois noms bien connus de la scène VTT… mais pas vraiment en enduro : Maxime Marotte, Luca Braidot et Martina Berta. Oui, il s’agit bien du team Santa Cruz FSA aligné en coupe du monde de XC, presque au complet et au départ d’une épreuve d’enduro de niveau mondial !
Mais que faisaient-ils là ? C’est en réalité MET, leur sponsor casques, qui leur a proposé de constituer une équipe pour l’Industry Trophy, histoire de boucler la saison en beauté et de manière originale. Une grande première pour les trois coureurs qui n’avaient jamais roulé à Finale ni sur une épreuve d’enduro. Mais pas vraiment de quoi faire peur à trois crosseux habitués aux circuits de XC modernes, généralement bien techniques. L’équipe terminera d’ailleurs 4e du classement (et 1ère équipe mixte) au terme des quatre spéciales exigeantes qui figuraient au programme de l’épreuve !
Juste après cette performance, Maxime Marotte, Luca Braidot et Martina Berta se confiaient sur leur week-end d’enduro :
Le principal changement pour vous, c’est que vous n’étiez pas sur un circuit que vous connaissez par coeur. Comment s’est passée l’adaptation à un format de course où on roule des traces qu’on ne connaît pas vraiment ?
Martina Berta : Tu essaies de ne pas sortir de ta zone de confort, de regarder un peu plus loin que d’habitude et puis tu y vas et tu essaies de survivre… (rires) Ça a marché, donc je suppose que c’était la bonne approche !
Maxime Marotte : Le jour des entraînements, on a essayé d’analyser les choses et de s’en souvenir. Mais là, après la course, on peut dire qu’on avait presque tout oublié. On se disait « là il faudra faire attention à ce virage, et à celui-là aussi » et puis tu attaques la spéciale et tu oublies toutes les sections délicates. On s’est sortis de piste une ou deux fois tout simplement parce qu’on ne s’en rappelait pas ! Je pense que les spécialistes de l’enduro sont vraiment forts pour faire un virage et se souvenir de comment et où passer. Moi je ne me souvenais de rien. Peut-être pas assez d’oxygène dans le cerveau, qui sait (rire) !
Luca Braidot : C’est vraiment très différent du XC, où les descentes te permettent de récupérer. Ici, c’est le contraire, tu y vas à fond en descente et on a découvert que ça demandait vraiment un gros effort là aussi.
D’habitude, en XC, vous choisissez une ligne et vous vous y tenez lors de chaque tour, ou vous changez parfois de ligne pendant la course ?
Maxime : Non, en XC tu as ta ligne et tu la gardes. On a un plan B mais on s’en tient à notre ligne autant que possible. C’est différent ici parce que tu dois t’adapter à ce que tu vois. Je pense que Luca a vraiment un don pour rouler à l’aveugle. J’ai pu voir hier lors des entraînements que même quand il ne connaît pas il parvient quand même à vraiment bien lire le terrain, comment il peut être, où et comment freiner. Il est vraiment très bon pour ça. C’était une belle expérience à ce niveau-là aussi, de ne pas rouler une trace que l’on connaît depuis des années.
En termes d’intensité, c’est très différent vu que vous poussez à fond pendant toute la course en XC alors qu’ici en enduro c’est un effort plus long. Vous étiez quand même à fond tout le temps ?
Luca : On était à fond tout le temps.
Martina : J’ai atteint 195 pulsations par minute en spéciale, donc on peut dire que j’étais à fond !
Maxime : En liaison on peut y aller à son rythme et ça ne fait pas vraiment mal. Mais dans une spéciale de 15 minutes, la quantité d’énergie dépensée est assez impressionnante. J’étais vraiment haut en termes de fréquence cardiaque, de respiration et tout. Physiquement c’est très exigeant. Du coup, quand tu es bien entraîné pour pousser sur les pédales, ce qui est notre cas, c’est clairement un avantage.
Quel est votre regard sur les différences entre les deux disciplines, en termes de matériel, de protections, etc ?
Maxime : Grimper avec un vélo d’enduro, c’est autre chose ! (rires) Quasi tout est différent en fait. Avec un casque intégral on sent moins le flux d’air, et avec le masque en plus on sent moins la vitesse. En se sentant davantage protégé, on se sent plus calme je trouve.
Le vélo est complètement différent. On a reçu nos vélos assez tard, à vrai dire j’ai même reçu le mien hier et il n’était pas vraiment à ma taille. Les pneus sont plus rigides, le feeling est différent, il faut vraiment charger l’avant pour sentir quelque chose. Si on n’y va pas assez fort on ne sent vraiment pas ce qui se passe sous le pneu avant.
En XC, la carcasse du pneu est vraiment fine, du coup on sent tout et on a du confort. En plus, ici, les vélos freinent très fort avec ces disques et ces pneus, tu appuies sur le levier et tu t’arrêtes. Le cerveau doit apprendre les limites. Je les apprenais derrière Luca, parfois je me disais « ça ne va pas passer » mais ça passait. Luca est bon pour repousser les limites et déconnecter le cerveau (rires) !
Martina: Oui, ça c’est clair [rires].
Physiquement, quelle partie du corps est la plus éprouvée là, après la course ?
Tous les trois : Les bras !
Maxime : Et les pieds ! Je pense que les enduristes règlent leurs cales au milieu pour avoir plus de stabilité. Mais pour nous en termes de biomécanique, on doit les mettre plus en avant pour l’efficacité au pédalage. Du coup en descente on perd en stabilité. Il n’y a que Martina qui a roulé avec des vraies chaussures d’enduro, moi je n’ai pas retrouvé les miennes. Même chose pour Luca.
Vous pensez que cette expérience en enduro va vous aider pour le XC ?
Tous les trois : Oui, bien sûr !!
Martina : C’est vraiment utile parce qu’on s’habitue à la vitesse. Comme Max le disait, aux entraînements je freinais comme si j’étais sur un vélo de XC, et puis on se met à pousser de plus en plus loin. C’était clairement une bonne expérience que j’utiliserai en XC.
Est-ce que vous prévoyez d’avoir un vélo d’enduro et de rouler davantage sur ce format la saison prochaine ?
Martina: Oui, c’est dans mon programme de rouler davantage en enduro. Mais cet hiver je vais aussi travailler sur ma technique en XC.
Pour conclure, qu’est-ce que vous avez le plus apprécié ou détesté dans cette expérience ?
Martina : J’ai vraiment détesté Luca quand il a pédalé à fond à la fin de la spéciale 2. (rires) Mais il a payé pour la focaccia à midi alors ça va ! (rires)
Maxime : J’ai adoré parce que ce sont de nouvelles limites pour le cerveau. On a appris spéciale après spéciale. Je pense que la première est celle où nous avons perdu le plus de temps. Et puis on a été de plus en plus proches des premiers. C’est vraiment un processus d’apprentissage. On l’a fait dans de bonnes conditions, avec du bon matériel – notre mécano Claudio a eu beaucoup de travail mais il a fait du bon boulot sur les vélos -, et en étant bien protégés, ce qui est très important. Là, avec toutes les protections, avec le gros casque même si c’est un casque d’enduro, la dorsale, les genouillères, on sait qu’on peut se permettre de se crasher, même si ce n’est pas ce qu’on souhaite. On n’est pas habitués à tout ça, en XC on n’a rien du tout. Sur des traces rocheuses comme celles-ci, si tu te sors sans protections, tu souffres pendant deux semaines. Et quand tu te sens bien protégé, ça aide à lâcher les freins et à y aller !
Photos : Ulysse Daessle / MET Helmets