Rencontre | Julien Absalon & Titouan Carod : l’avenir se prépare
Par Paul Humbert -
Difficile de ne pas tomber dans le cliché du « maître » et de « l’élève » au moment de vous raconter notre rencontre avec Julien Absalon et Titouan Carrod. Si cette relation évidente existe, ce qui se construit entre eux au sein de l’équipe BMC va également plus loin. Chacun apprend de l’autre et les moments passés sur des vélos sont aussi importants que ceux qui se déroulent à côté. Nous avons retrouvé les deux athlètes au moment de la coupe de France XCO de Marseille. Au chaud dans un camping car, un café à la main à quelques mètres d’un circuit boueux qui se prépare à les accueillir, nous discutons de ce qui fera leur saison 2017.
Fort logiquement, nous commençons avec Titouan Carod, le « petit » nouveau du team. Si il sort tout juste de la catégorie U23, il en sort avec deux victoires consécutives au classement général de la coupe du Monde. De quoi partir sur de bonnes bases même si on sait que la transition vers la catégorie Elite n’est pas toujours évidente. L’intersaison a commencé pour lui avec des tractations « À la fin de la saison dernière, j’ai eu des propositions. J’ai laissé assez logiquement la priorité à Scott mais finalement c’est BMC qui s’est le mieux positionné. C’était très intéressant et ça s’est fait super vite. » Quand on le questionne sur la saison à venir, il fait preuve d’humilité : « Pour moi, tout est nouveau, je ne veux pas m’imposer de stress ou d’objectifs. On va voir. ». Avant de passer la parole à son nouveau coéquipier qui n’est autre que Julien Absalon, on détecte une certaine sérénité au moment de débuter une saison dans « l’ombre » du palmarès de Julien : « ça ne me dérange pas, je démarre sans pression ».
Fraicheur et technicité
Dans la mécanique bien rodée de l’équipe BMC, l’arrivée d’un nouveau pilote pourrait laisser insensible Julien Absalon, le pilier, lui aussi bien installé, d’un team qui joue sur le devant de la scène depuis plusieurs années. Pourtant, l’arrivée de Titouan n’est pas passée inaperçue et on se doute que le pilote a eu son mot à dire : « Déjà, c’est humainement très sympa. Titouan apporte une fraicheur, il est Français et c’est probablement le plus technique du circuit en pilotage. On va pouvoir s’aider sur les réglages du vélo. Nous sommes très méticuleux tous les deux, peut-être plus encore que les suisses-allemands. ». Si une simple collaboration pourrait contenter tout le monde, on sent que Julien Absalon a envie d’aller plus loin avec son nouveau et jeune coéquipier : « Forcément j’ai aussi envie de laisser ma trace en accompagnant le début de carrière de Titouan. Cette année est potentiellement ma dernière saison mais je vais rester impliqué pendant au moins deux ans avec le team et BMC pour du développement. ». Autant dire que Julien Absalon n’est pas prêt de disparaître des écrans radar après la fin de sa carrière sportive, et c’est tant mieux !
À Marseille, au moment où tout le monde espérait étrenner ses nouvelles tenues sous un beau soleil, c’est une tempête hivernale (toute proportions gardées, nous sommes dans le Sud de la France…) qui accueille les athlètes. L’occasion pour nous de nous pencher avec les deux pilotes sur leur préparations d’inter-saison. Pour Julien Absalon, pas de cyclo-cross cette année : « Je n’avais plus envie », mais une Mégavalanche à La Réunion et pas mal de temps passé sur un vélo d’enduro pour se préparer. On le retrouvait fréquemment sur les reliefs de l’Azur Bike Park à Roquebrune sur Argens qui intègre maintenant ses boucles d’entraînement : « Ce que j’ai travaillé en vélo d’enduro, je viens ensuite le valider avec mon vélo de xc. ». Le Vosgien a déjà des idées derrière la tête pour son « après-carrière XCO » et de nombreux autres formats de course lui font envie. Pendant l’hiver, il a également retrouvé Titouan pour un stage de route.
Fini le cyclocross, vive l’originalité
On croisait également Julien Absalon chez Stride, le bike-park indoor de Strasbourg : « C’est vraiment un super endroit. Je passe de la pumptrack aux différents parcours et zones techniques. BMC m’a monté un vélo de 4cross qui a été champion du monde. C’est étrange de repasser sur un 26 pouces mais c’est parfait pour le programme. Il va tout de même falloir que je remette un frein avant pour le parcours de XC indoor. ». Là bas au moins, il n’était pas embêté par ses allergies au pollen qui le freinent à chaque début de saison depuis plusieurs années : « j’ai entamé, voilà 3 mois, une désensibilisation contre les problèmes d’allergie qui me bloquent à chaque début de saison. Après 2 mois sur 3, les résultats ne sont pas encore probants mais on va attendre encore un mois avant d’avoir le fin mot de l’histoire. C’est aussi peut-être un mal pour un bien et cela va me permettre de monter en puissance. »
L’hiver, c’est également le moment où les athlètes se font plaisir et pour Titouan Carrod, sa préférence va à la moto. Le plaisir se mêlant à l’utile, la moto est désormais au planning de son inter-saison : « J’ai des potes qui m’ont fait découvrir ça et j’ai adoré. Je savais qu’après le Roc, je pouvais y aller à fond. Maintenant, j’intègre la moto dans mon entraînement. C’est très complet, je roule vite, on est très gainé, on fait de la force, de la proprioception et on travaille ses réflexes. Étrangement, j’ai d’abord eu très mal aux mains, puis ça passe et c’est aux jambes que j’ai le plus mal en fin de session. » De son côté, Julien Absalon n’est pas en reste et la moto est également un pêché mignon pour lui, mais il résiste à la tentation : « C’est un cadeau que je me suis fait après les mondiaux il y a quelques années. J’ai eu une enduro puis une cross et j’ai arrêté avant une grosse échéance. Pour ne plus être tenté et ne pas me blesser, j’ai fini par la vendre. ».
Motivation à domicile
Entre deux questions, Pauline Ferrand Prévot passe une tête dans le camping-car. L’occasion pour nous de demander à Julien ce que vivre et s’entraîner avec une telle athlète peut lui apporter sur le plan sportif : «Avant tout de le motivation. Nous avons les mêmes objectifs, on part ensemble aux entraînements etc. Le programme de Pauline diffère par moment, quand elle se prépare pour les classiques belges par exemple. ». À quelques kilomètres de là, Titouan est sur la même longueur d’onde, «les arguments sont les mêmes que ceux de Julien. Avec Lucie (Urruty) on se motive et si nos parcours diffèrent parfois, on se motive mutuellement »
La fin d’après-midi approchant, les deux pilotes se dirigent vers leurs mécanos avant la course du lendemain. Nous retrouverons ensuite Titouan sur le bord du tracé, observant le terrain, cherchant à optimiser sa monte de pneumatiques. Julien Absalon quant à lui entame, sans pression, une saison qui le verra monter en puissance vers les échéances de l’été. À l’issue de la course, le pilier de l’équipe BMC terminera 4ème et Titouan Carod, 9ème.
Photos : Jérémie Reuiller & Paul Humbert/Vojo