Récit | BC Bike Race : l’expérience canadienne ultime

Par Adrien Protano -

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Récit | BC Bike Race : l’expérience canadienne ultime

Course VTT mythique,  la BC Bike Race est une épreuve d’une semaine organisée en Colombie-Britannique. Au programme : 7 jours de course avec 251 km et 6500 m de dénivelé, mais surtout une majorité de singletracks et de sentiers techniques, tant en montée qu’en descente. En haut de sa liste des « courses de rêves », Jérôme Clementz nous partage son récit : 

Course mythique faisant rêver la majorité des passionnés de VTT, la BC Bike Race se déroule comme son nom l’indique en Colombie-Britannique. Lancée en 2007, la course a exploré au fil des années l’énorme province canadienne : de la Sea To Sky (Vancouver-Whistler en passant par Squamish) jusqu’à l’Okanagan davantage à l’intérieur des terres, tout en passant par la Sunshine Coast… Chaque année a droit à son unicité, ce qui permet à la course de conserver son charme et son lot de surprises.

Pour cette édition 2024, c’est sur l’île de Vancouver que les organisateurs ont donné rendez-vous aux courageux participants. Sur cette île de 430 km de long et 80 km de large (pour 750.000 habitants, dont la moitié autour de la capitale Victoria), les possibilité en termes de trails sont presque infinies… Une situation parfaite pour notre envoyé spécial, qui a déjà visité plusieurs fois le continent à l’occasion de compétitions internationales !

Pour s’aligner face à cette difficile semaine d’épreuve et partager l’expérience depuis l’intérieur, c’est Jérôme Clementz qui s’est désigné. A-t-on encore besoin de présenter l’ex-pilote international français d’enduro ? On lui laisse la parole :

Il y en avait une qui émergeait en tête de mes rêves, c’était la BC Bike Race!
Jérôme Clementz

Adepte des courses à étapes en enduro depuis ma première expérience en 2011, cela faisait quelques années que l’idée de participer à un concept similaire au format XC me trottait dans la tête !  Il existe une longue liste de courses de ce type tout au long de la saison, avec chacune leurs particularités… Mais il y en avait une qui émergeait en tête de mes rêves, c’était la BC Bike Race ! Alors quand Tracy Moseley m’a suggéré d’y participer, la décision fut vite prise et me voilà embarqué dans une nouvelle aventure, que je suis ravi de partager avec vous !

7 jours de course, 3 camps et 5 sites différents

Pour cette édition 2024, la course démarre à Victoria avec un prologue et une première étape. On met ensuite le cap vers le nord dans la Cowichan Valley, suivi d’une étape à Nanaimo. Les deux étapes suivantes prennent place à Cumberland, et la dernière est finalement à Campbell River. Une sacrée logistique donc, mais aussi (et surtout) l’opportunité de varier les plaisirs, les terrains et de faire découvrir une grande partie de ce que la région peut offrir à ces 500 participants venant de 36 pays. On compte notamment une vingtaine de Français et Belges plus ou moins habitué à ce genre d’épreuves. Chaque endroit dispose d’un réseau de trail conçus pour les VTT, géré par une association locale et avec un style particulier… De quoi bien expérimenter la Colombie-Britannique en une semaine seulement !

Au niveau de l’inscription, le pilote peut choisir sa formule et créer son package selon ses besoins, ses envies et son budget en ce qui concerne le logement, les repas et les transports. Il est possible de dormir dans les tentes installées par l’organisation, de venir avec son camping-car/van ou alors de choisir son propre hôtel/gîte en se débrouillant.

Ce n’est peut-être pas le plus équitable en termes de performance mais ça permet une flexibilité selon son budget et le confort recherché. Et surtout pour la plupart des participants ce n’est pas le résultat final en termes de place qui compte mais principalement l’expérience et le challenge de venir à bout de ce défi ! En tous cas les organisateurs ont une solution pour combler tout le monde. De mon côté ce sera logement en tente, déplacement en bus scolaire de l’organisation et repas à la cantine générale accompagné de mon pote Thomas Lapeyrie qui ne m’a pas laissé m’embarquer seul dans cette aventure !

Le campement est doté de douches (chaudes) et toilettes mobiles dans des semi-remorques qui se déplacent dans chaque camp, choses que l’on voit peu en Europe. Il y a également une équipe de masseurs, un atelier mécanique, des bénévoles attentionnés qui lavent le vélo à la fin de la journée et répondent à toutes les questions éventuelles, des tapis de yoga pour s’étirer, des food-trucks et buvettes (en mode diététique, ou non, en fonction des envies), une zone de recharge pour les appareils électriques et même un mail journalier qui rappelle le programme et le timing de la journée à venir. Bref, tout est géré aux petits oignons et on vit clairement dans une bulle !

Sans oublier l’indétronable Brett Tippie au micro pour l’animation !

Que ce soit au village des tentes où le réveil se fait à coup de mégaphone et de « Poulet sonore », du côté des van/camping-car ou encore autours des buvettes et autres stands du village départ/arrivée, nous sommes dans une ambiance de franche camaraderie et presque de camp de vacance. Pas de frontières ici, tout le monde discute ensemble, échange et partage sa vision du VTT. On ressent une atmosphère relax et la bonne météo de la semaine ne fait qu’augmenter cette impression !

Le parcours, ça ressemble à quoi ?

Premier conseil : ne vous fiez pas à la distance ou au dénivelé ! Sept jours de course avec 251 km et 6500 m de dénivelé, c’est costaud mais ce n’est pas le programme le plus effrayant qui soit… à un petit détail près : on parle ici principalement de sentiers techniques, tortueux, et jonchés de racines, dalles, pierres et autres. Oubliez la moyenne de 30 km/h et préparez-vous à sortir vos meilleur atouts techniques. Si cette épreuve était en haut de ma liste de « courses qui font rêver » c’est bien pour cela : rouler en XC engagé, affronter les fameux sentiers canadiens et en prendre plein la vue dans les forêts primaires.

Spoiler : on a été bien servis ! Personnellement, j’ai adoré les sentiers et les défis proposés, que ce soit des montées trialisantes, des descentes « flow » sur des pistes imaginées pour le VTT ou encore des sentiers techniques qui imposent de trouver le rythme, placer les roues et la puissance au bon endroit. Au final les étapes vont de 1h30 à 3h pour les meilleurs et de 3h à 8h pour les moins rapides. Tout le monde finit bien fatigué mais avec le sourire. La variété du tracé est aussi une des forces de l’organisation, qui permet de ne jamais s’ennuyer ou de dépasser les limites. Après une journée chargée vient généralement une étape plus calme niveau distance, dénivelé ou difficulté afin de préserver les organismes et que tout le monde y trouve son compte.

Mes choix matériels

Pour trouver la solution qui permet de profiter un maximum de l’épreuve et avoir un vélo qui correspond à ses attentes, il est possible d’envisager le problème de différentes manières et cela s’aperçoit clairement dans le choix des montures des participants. Les deux options les plus courantes sont :

  • Une option « Performance » avec un vélo typé XC tout-suspendu, offrant 120 mm de débattement et des pneus à profil bas. Cette catégorie nécessite une certaine aisance technique et d’engagement pour les descentes mais permet d’avoir un vélo plus léger et au rendement amélioré
  • Une option « Confort/ Plaisir» avec un vélo typé All-Mountain développant 130 ou 140 mm de débattement, équipé de pneus avec plus de crampons et un cintre plus relevé. De quoi grimper confortablement tout en étant armé pour affronter les descentes de manières plus détendue.

De mon côté, étant plutôt à l’aise techniquement j’ai opté pour un Cannondale Scalpel, équipé de suspensions électroniques RockShox SID / SIDLuxe Flight Attendant de 120 mm de débattement. Le train roulant est composé de roues Mavic Crossmax XLR en 30 mm avec des pneus Michelin Jet XC2 en 2,35. J’ai choisi un plateau de 32 dents (associé à une cassette de 10-52), même si les leaders ont eux opté pour du 36. Pour le reste, mon choix s’est tourné vers une tige de selle RockShox Reverb AXS en 150 mm, une potence assez courte et un cintre Burgtec avec 20 mm de rise.

L'idée était d'avoir une machine vive et efficace en montée tout en conservant une position plus relevée pour être à l’aise dans le franchissement et les descentes.

Jérôme Clementz

L’idée était d’avoir une machine vive et efficace en montée tout en conservant une position plus relevée pour être à l’aise dans le franchissement et les descentes. C’était ma première expérience concrète du Flight Attendant, et cela s’est révélé parfait pour ce type d’épreuve où l’on n’a plus besoin de penser au mode idéal, surtout que le temps de décision est fort limité vu que l’on roule à vue. J’ai été un peu optimiste au niveau de la monte des pneus et à refaire je favoriserais plutôt un Michelin Force ou Wild à l’avant pour améliorer l’adhérence sur l’angle (notamment dans des conditions assez poussiéreuses). Enfin, les deux bidons se sont révélés être une bonne option pour ne pas perdre de temps aux ravitaillements.

Mon compatriote Thomas Lapeyrie a plutôt choisi l’autre voie avec un Focus Jam en 140 mm de débattement et une fourche Manitou Mattoc en 150 mm. Pour le confort et l’efficacité, il a choisi une paire de roues carbone de chez Neo Wheels avec rayons Berd Polylight.

Le panel de vélo est aussi large que la diversité des tenues : les gars en semi-rigide et lycra cohabitent avec les pilotes d’enduro aux pédales plates et casques intégraux sur la même course ! Un grand chapeau également à notre ami japonais Nakano Kosei en single-speed rigide qui finira tout sourire et qui a déjà promis de revenir en 2025.

La course et ses résultats

Avec le plateau le plus relevé de l’histoire de la BC Bike Race, la course a été serrée et indécise jusqu’au bout, tant chez les hommes que chez les femmes. Passés de peu à côté d’une sélection aux JO (le Canada ayant privilégié un U23) et en grande forme, les deux Canadiens du Maxxis Factory Racing – Sean Fincham et Andrew L’esperance – ont dominé de bout en bout avec 3 victoires chacun en 6 jours et n’étaient séparés que de 30 secondes au départ de la dernière étape. Andrew L’esperance aura tout tenté le dernier jour en attaquant dès le début, mais il ne réussira pas à lâcher Sean Fincham qui l’emporte finalement devant son coéquipier.

Pour la troisième marche du podium, Tyler Clark et Peter Disera se sont battus jusqu’au bout avec seulement 5 secondes d’écart à l’entame de la dernière journée de course. Tyler Clark finira par prendre l’ascendant sur son rival et s’empare de la 3e place finale après plus de 10h40 d’effort sur la semaine.

 

Côté féminin, Maghalie Rochette et Evelyn Dong se sont livré une féroce bataille. D’abord à coup de secondes, avant qu’Evelyn Dong prenne une belle avance sur la 4eme étape, suite à une crevaison de Maghalie Rochette. Il n’en fallait pas moins pour déclencher la furie de Maghalie Rochette qui fera parler sa puissance sur les étapes 5 et 6, avant d’aborder l’ultime épreuve de la semaine en gestion. Cette dernière journée est remportée par la championne nationale du Canada Hailey Smith, troisième du classement général.

De mon côté, je me suis pris au jeu de la course après un bon prologue et j’ai puisé dans mes réserves pour une 17e place au général et une 4e place en catégorie Master, avec environ deux heures de retard sur les vainqueurs. La lutte était intense sur chacune des étapes. Sans repères sur des courses par étapes de ce genre, j’ai essayé de gérer mes efforts pour en garder sous la pédale jusqu’au bout. J’ai opté pour une stratégie dite de « negative split » : à savoir en partant dans ma zone de confort, m’alimentant régulièrement et accélérant progressivement en fin de journée pour tout donner. En début de semaine le cardio montait jusqu’au max (192 pulsations) avec une moyenne à 175 ; en fin de semaine par contre, le maximum n’était plus qu’à 175 et la moyenne redescendue à 160.

La connaissance de son corps et de ses zones d’entrainement est sans aucun doute un grand plus sur ce genre d’épreuve. Même si un entrainement professionnel n’est pas nécessaire, je vous conseillerai tout de même de préparer physiquement et techniquement ce genre d’épreuve. Le fait de garder un peu de fraicheur permet aussi de rester dynamique et de continuer à prendre du plaisir dans les descentes techniques… surtout lorsqu’on sait qu’il n’est pas rare de descendre des pistes noires (à savoir « Black Diamond » au Canada) durant les étapes.

J’ai personnellement beaucoup apprécié la variété des terrains, des longueurs d’étapes, des types de trails… Pour moi, le plus dur et le plus stressant était les départs en groupe et les premiers kilomètres plus rapides en peloton pour se placer. Une fois la guerre de placement finie et l’entrée sur les sentiers, je pouvais enfin souffler, m’exprimer et lancer la machine et le plaisir. Si vous n’êtes pas aussi compétitif, ces sections permettent également de s’échauffer et de faire défiler quelques kilomètres tranquillement.

Même si la course faisait rage, il faut noter le bon esprit, l'entraide et le fair-play qui règnent entre les participants.
Jérôme Clementz

Même si la course faisait rage, il faut noter le bon esprit, l’entraide et le fair-play qui règnent entre les participants. Par exemple, si je laissais passer certains concurrents en montée, ils me laissaient ensuite rapidement la voie libre en descente, le tout souvent accompagné d’encouragement d’un côté comme de l’autre. Au bout de quelques jours on se retrouve souvent avec les mêmes concurrents sur le parcours et on apprend à se connaitre, on échange, on collabore, ce qui rend l’épreuve encore plus sympathique et conviviale !

Une variante enduro ?

A noter également que cette année, l’organisation avait ajouté une section chronométrée en descente chaque jour pour faire un classement du meilleur descendeur. C’est Max McCulloch, le polyvalent pilote Rossignol, qui s’impose chez les Hommes et Catharine Pendrel chez les Femmes. Tracey Moseley était bien partie pour l’emporter durant la semaine, mais elle s’est arrêtée pour venir en aide à un participant qui s’était déboité l’épaule sur l’une des sections chronométrées, et a ainsi renoncé à une éventuelle victoire. Entraide !

On retient quoi d’une telle expérience :

La beauté des tracés, les souvenirs, les nouvelles connaissances… C’est clair, on ne ressort pas indemne d’une semaine comme celle-là ! J’ai encore imprimé dans mon cerveau des bouts de sentiers magiques, je me ressens encore me faufiler entre les arbres avec une vue sur la côte pacifique tout en poursuivant un groupe de pilotes devant moi, fatigué mais avec un grand sourire sur les lèvres, pour finir la course en me jetant dans un lac perdu en montagne. J’en avais rêvé en regardant les images, je suis heureux de l’avoir fait. Certes ce n’est pas une expérience donnée – comptez 2200 € pour l’inscription tout compris – mais si l’envie vous en prend, sachez que c’est l’expérience d’une vie ! Les inscriptions pour 2025 sont d’ores et déjà ouvertes et au vu du nombre de personnes qui se sont réinscrites directement, je ne suis pas le seul qui a apprécié la semaine. Alors si l’expérience vous tente, ne tardez pas à vous y intéresser et planifiez le début de l’été 2025 au Canada.

Pour plus d’informations : https://bcbikerace.com

Crédit photo : BC Bike Race

ParAdrien Protano