Quel pneu gravel Specialized choisir ?

Par Olivier Béart -

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Quel pneu gravel Specialized choisir ?

Très présente en gravel avec pas moins de trois modèles à son catalogue, Specialized développe aussi, comme en VTT, ses propres pneus. Que valent-ils sur le terrain ? Quel modèle choisir en fonction de sa pratique ? Nous avons organisé deux face-à-face pour y voir plus clair : 

Avant toute chose, il faut savoir que les pneus Specialized gravel sont un peu décalés vis-à-vis de la majorité de la production : quand la plupart des marques se sont accordées sur deux sections principales, 40 et 45 mm, Specialized propose du 42 et du 47 mm.

Ces 2 mm de différence n’auront certainement pas un grand effet sur le terrain face à un bon choix de profil et de carcasse, mais attention à la compatibilité avec le vélo : si le fabriquant du cadre donne 40 mm ou 45 mm maximum, 42 et 47 mm pourraient passer tout juste… ou ne pas passer du tout. Chez Specialized, la question ne se pose évidemment pas (les Crux, Diverge et Diverge STR acceptent tous du 700×47) mais si des pneus testés ici vous intéressent après la lecture de cet article, renseignez-vous bien sur les capacités de votre monture.

Pathfinder 42 vs Tracer 42 : le semi-slick, ça fonctionne vraiment ?

Profil semi-slick ou plus polyvalent ? Cette « petite » largeur (40 ou 42 mm, on les met sur le même plan), qui représente à nos yeux le minimum pour le gravel, est populaire chez celles et ceux qui cherchent la légèreté ou ont une part non négligeable de route dans leur pratique du gravel. Le 40 ou 42 mm est peut-être moins performant que du 45 ou 47 mm sur du chemin, encore plus si celui-ci est un peu abîmé, mais son poids et sa surface frontale plus faible lui offrent des avantages certains sur les sols durs et roulants.

Petite particularité de ce test, Specialized nous a fourni les pneus chacun dans une carcasse différente : le Tracer, à gauche ci-dessus, est dans la carcasse standard « Pro » avec une construction en 60 tpi tandis que le Pathfinder, à droite, est en version « S-Works « , plus souple grâce à une carcasse en 120 tpi doublée d’un léger renfort baptisé Grid Race. La différence est encore accentuée par la couleur des flancs, puisque si les deux existent à la fois en noir et en tan, on a ici le Tracer couleur noire et la Pathfinder en tan. Sur le papier, l’absence de noir de carbone dans les flancs doit lui procurer une pointe de souplesse en plus.

Le Tracer, c’est donc le pneu polyvalent de la famille. Dans cette version Pro en 700×42, nous l’avons pesé à 550 g et c’est celui qui est monté d’origine sur le Diverge STR, le gravel « presque tout-suspendu » de Specialized (lire Présentation | Specialized Diverge STR : un gravel en apesanteur). Comme de coutume pour un pneu polyvalent, son dessin est fait de beaucoup de crampons bas, d’un côté à l’autre du pneu. Il n’y a pas de différence réellement marquée avec les crampons latéraux et son profil est assez rond. La section est conforme à ce qui est annoncé, comme pour le Pathfinder d’ailleurs : 41,9 ou 42 mm sur les roues Roval Terra C en 25 mm de largeur interne.

Au milieu des profils semi-slicks, le Pathfinder se distingue un peu plus. Beaucoup plus léger que le Tracer Pro dans cette version S-Works (465 g sur notre balance, 85 g de différence par pneu soit 170 g sur la paire), il est surtout radical avec une bande de roulement parfaitement lisse et aucun pavé latéral prononcé, contrairement à ce qu’on peut trouver chez Pirelli ou Vittoria notamment. A la place, on a des petits crampons très bas qui courent de la zone de transition jusqu’au bord des flancs, un dessin qui offrira certainement beaucoup de sécurité sur les sols les plus durs jusqu’au tarmac mais pourrait être un peu dépassé sur les terrains plus fuyants. On le trouve en première monte sur les vélos Crux et Diverge.

En mouvement, sans surprise le Pathfinder roule mieux… mais on ne s’attendait pas une différence aussi marquée ! Même montés sur des roues 200 g plus lourdes, ce qui équilibre presque exactement la différence de poids entre les pneus, on a l’impression d’avoir un train roulant nettement plus léger qu’avec les Tracer.

Le vélo réagit mieux sous la pédale en montée, prend plus facilement de la vitesse en descente et la conserve mieux sur le plat. C’est un régal ! Surtout, et c’est le plus étonnant, on ne perd rien dans les autres domaines. Grâce à sa carcasse plus souple, le Pathfinder S-Works se montre plus confortable (les deux pneus étaient à 1,8 bar, montage tubeless, pour un pilote de 63 kg) et cette souplesse lui permet aussi d’aller chercher le grip qui pourrait lui manquer de par son profil très roulant.

En face, le Tracer Pro a du mal à suivre. Plus lent dès qu’il faut pédaler, peu importe qu’on soit sur le plat ou en montée, il n’offre pas grand-chose de mieux en descente. On s’en sort un peu plus facilement dans les montées les plus raides où l’on joue avec les limites de l’adhérence des pneus mais en étant précis avec son poids de corps, le Pathfinder passe aussi. Sur les virages fuyants, comme une piste 4×4 un peu caillouteuse, les deux modèles pèchent par l’absence de crampons latéraux prononcés et demandent la même attention dans le pilotage. A nos yeux, le Pathfinder S-Works sort donc clair vainqueur de cette confrontation en 42 mm.

Tracer 47 vs Rhombus 47 : a-t-on besoin de tous ces crampons ?

Quand on passe sur la largeur d’au-dessus, le 45/47 mm, on distingue deux camps : celles et ceux qui cherchent des profils très roulants, presque semi-slick mais avec un certain volume pour aller vite sur les chemins voire en compétition, et d’autres qui s’aventurent peut-être sur des sentiers plus variés, et ne seraient pas contre quelques crampons en plus pour un supplément de sécurité. C’est dans ce deuxième cadre que ce test s’inscrit, avec un Rhombus Pro en 47 mm (à gauche) opposé à un Tracer Pro (à droite) en 47 mm également.

Le Rhombus, c’est donc le « gros » pneu de la gamme gravel Specialized et il ne s’en cache pas tant son dessin fait plus penser à un pneu de VTT qu’à autre chose. Les solides pavés latéraux se veulent rassurant et on note qu’ils sont placés en quinconce, de manière à offrir une passage progressif sur l’angle dans les virages. Au centre, on conserve une bande de roulement bien marquée. Son dessin, en « V » emboîtés, laisse imaginer un pneu assez agressif au niveau de l’adhérence, tant à l’accélération qu’au freinage, mais peut-être pas le plus roulant… De série, il n’est monté sur aucun modèle de vélo, la marque américaine lui préférant des profils en apparence plus polyvalents. Nous avons pesé cette version Pro à 625 g en 700×47 : les crampons, ça pèse lourd !

Pas de changement pour le Tracer Pro, qui est exactement le même pneu que celui testé en 42 mm mais ici en version 47 mm… officiellement. Sera-t-il plus intéressant dans cette section ? A l’instar du Rhombus, nous avons mesuré les deux pneus à 45,5-46 mm de large sur des jantes Roval Terra C en 25 mm de largeur interne, soit plus étroit qu’avancé par Specialized mais aussi plus proche du standard du marché. Côté poids, il affichait 565 g sur notre balance, soit 115 g de plus que son « petit frère » en 42 mm mais 60 g de moins que le Rhombus Pro 47.

Sur le terrain, surprise, le Rhombus pédale de façon tout à fait correcte et on n’a pas l’impression de traîner un « gros » pneu. Mieux, il fait une vraie concurrence au Tracer ! En relance on ne voit pas vraiment de différence et au train, on donnerait presque un petit avantage au Rhombus. Est-ce parce que sa bande de roulement est plus « nette » que celle du Tracer, qui s’étale un peu plus avec son dessin en « éclairs » ? En tout cas, que ce soit sur la route ou les pistes, le Rhombus n’a rien a envier au Tracer dans cette section… et forcément, lorsqu’on s’aventure sur des passages plus techniques, il le surpasse.

Avec ses beaux pavés latéraux, le Rhombus offre un grip latéral sans faille et se montre rassurant dans toutes les conditions, que ce soit pour monter dans un dévers ou pour pencher un peu plus le vélo en descente, afin de tenir une trajectoire sans toucher aux freins. A l’inverse, le Tracer donne l’impression de demander plus de doigté. Les limites sont moins claires, le pneu « prévient » moins et si on peut parfois tailler les mêmes courbes qu’avec le Rhombus, son caractère est clairement moins rassurant.

Côté confort, les deux modèles font jeu égal et avec une pression de 1,7 bar (lire Dégonflez vos pneus (de gravel), vous nous remercierez !), on retrouve les mêmes sensations que sur le Pathfinder S-Works 42, plus souple mais plus étroit et donc un peu plus gonflé. Cependant, ça ne suffit pas au Tracer pour revenir dans le match et à nos yeux, le Rhombus reste plus intéressant. Ses gros crampons réussissent à offrir l’adhérence et la sécurité qu’on attend d’eux tout en parvenant à se faire oublier lorsqu’on n’en a pas besoin.

Section de 42 mm ou 47 mm ?

On a vu ce que ça donnait pour les profils mais quelle section choisir si à la place de choisir sur son vélo ? Plutôt 40-42 mm ou 45-47 mm ? C’est une question… à laquelle nous ne pouvons pas répondre pour l’instant. Specialized ne nous a fourni qu’un seul modèle dans les deux tailles avec la même configuration de gomme et carcasse et nous nous garderons bien de faire des généralités à partir d’un seul pneu.

En revanche, on peut tout de même relever deux ou trois choses :

  • la carcasse a une importance primordiale, peut-être plus encore qu’en VTT avec une pratique tranquille du XC. En gravel, on a beaucoup moins de volume et les différences de souplesse se ressentent d’autant plus. Une carcasse souple améliore le confort, le rendement et même l’adhérence en permettant au pneu de se déformer plus facilement sur les petits obstacles. Est-ce qu’il faut privilégier la carcasse à la section ? C’est une question à laquelle il faudra répondre et qu’on note pour un futur test mais en attendant, on ne peut que vous conseiller de privilégier des constructions en 120 tpi si vous passez beaucoup de temps en gravel.
  • avec une assistance électrique, ce n’est pas la même chose. Ici, on parle avec l’expérience de tests précédents (Mondraker Dusty, Scott Solace Gravel eRide…) mais si le 40 mm peut être considéré comme la section « minimum » en gravel classique, on ne descendrait pas en dessous de 45 mm sur un vélo avec assistance. Le poids plus élevé requiert un volume plus important pour retrouver le même niveau de confort et 40 mm sur un e-gravel, c’est franchement désagréable.

Conclusion

Décidément, le Tracer n’a pas la vie facile. Avec des étonnants Pathfinder et Rhombus, bien plus polyvalents que leur profil ne le laisse penser, le pneu gravel « passe-partout » de Specialized semble réellement perdre de son intérêt. Difficile de tirer des généralités pour toutes les marques de pneus à partir de ce seul test mais si on ne devait retenir qu’une chose, c’est que choisir « par défaut » un profil polyvalent n’est peut-être pas l’idée la plus judicieuse en gravel. En identifiant bien sa pratique, un profil beaucoup plus roulant ou à l’inverse plus cramponné peut apporter beaucoup sans inconvénient notable.

Plus d’informations : specialized.com

ParOlivier Béart