Prise en main | Yeti SB5.5c : l’éloge de la déraison

Par Olivier Béart -

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Prise en main | Yeti SB5.5c : l’éloge de la déraison

Lors de notre récent voyage aux USA, nous avons eu l’occasion de prendre en main le Yeti SB5.5c, dernier né de la gamme de la mythique marque du Colorado. Roues de 29 pouces, 140mm de débattement derrière et 160mm à l’avant, tarif astronomique : récit d’une journée de pur ride au guidon de ce vélo de tous les superlatifs.

Yeti_SB5.5c_Details_Test_Copyright_Sram_VojoMag-18Nous n’allons pas vous refaire les présentations complètes, dans la mesure où nous avons déjà consacré un article détaillé au vélo lors de sa sortie. Mais on ne résiste pas à vous refaire un petit tour du propriétaire, dans la mesure où nous avons le vélo sous les yeux. C’est l’occasion de voir certains angles et quelques points précis qui n’avaient pas été montrés sur les photos communiquées par la marque à la sortie de l’engin.

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-13La première chose qui marque quand on voit le vélo, c’est son cadre très ramassé et sloping. Avec ses grandes roues de 29 pouces et son cadre compact, il prend des allures de hot-rod des sentiers. Ajoutez son arrière courbe et son triangle avant agressif, il est tout bonnement irrésistible. Comme tous les Yeti actuels, il est d’office en carbone (poids annoncé de 2,7kg avec amortisseur) et aucune déclinaison plus accessible n’est prévue pour le moment. Il a par contre un petit frère plus orienté marathon/trail, le SB4.5c en 120mm de débattement.

On retrouve la suspension Switch Infinity propre à la marque, avec son système de point de pivot « flottant » qui repose sur un petit système en forme de « H » développé avec Fox et le long duquel le pivot principal peut coulisser. Vous trouverez plus d’explications dans la vidéo contenue dans cet article. L’amortisseur retenu est un Fox Float X et le débattement est de 140mm. Pour l’avoir déjà testée sur le Yeti SB5c en roues de 27,5″, nous savons qu’il s’agit sans aucun doute d’une des suspensions les plus abouties du moment.

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-19A l’avant, le Yeti SB 5.5c est prévu pour recevoir des fourches en 150 ou 160mm de débattement, comme ici  avec une excellente Fox 36 équipée de la cartouche Fit4, plus simple que la RC2 mais néanmoins toujours diablement efficace.

Yeti_SB5.5c_Copyright_OBeart_VojoMag-1-2Avec une telle proue, la géométrie est très, très agressive. L’angle de direction est de 66,5° et celui de selle de 73,5°, histoire de préserver les qualités de pédaleur de l’engin. Nous avons pris le vélo en taille M, pour deux testeurs de 175 et 179cm, soit un reach de 421mm qui est combiné à une potence de 50mm (Easton Havoc en 35mm de diamètre, couplée à un cintre de la même famille en 800mm de large). Attention, il n’y a que trois tailles sur ce modèle : M, L et XL.

Si vous ajoutez à tous ces chiffres des bases courtes (437mm) mais un empattement de près de 1200mm, ainsi qu’un boîtier de pédalier bas (346mm), vous obtenez une définition pour le moins engagée du All-Mountain. A tel point qu’on a du mal à croire que le Yeti SB5.5c va se cantonner à ce type d’usage et si ce n’est pas une géométrie axée enduro/race, on ne sait plus comment on s’appelle !

Pour compléter la panoplie, notre modèle d’essai est doté d’un train roulant digne de celui roulé par Richie Rude en EWS avec des roues sur base de moyeux DT Swiss 350 (en format Boost avant/arrière) montés avec de très robustes et rigides jantes DT XM481 en 30mm de largeur interne, ainsi qu’une formidable monte de pneus Maxxis Minion DHF 2.5 devant et Agressor en 2.3 derrière. Petite précision : malgré la présence du format Boost et de roues de 29, le cadre n’est pas compatible avec des roues de 27,5″ équipées en pneus Plus, puisque le bras arrière n’accepte des pneus que jusque 2.4 de section.

Yeti_SB5.5c_Details_Test_Copyright_Sram_VojoMag-12Dernier détail, outre l’inévitable tige de selle télescopique RockShox Reverb et les freins Sram Guide, le bike est équipé d’une transmission Sram XO1 avec un pédalier RaceFace Turbine en mono-plateau de 30 dents. Ne cherchez pas d’attache pour un dérailleur avant, il n’y a que de quoi mettre un anti-déraillement ISCG ! Voilà un vélo sur lequel les nouvelles transmissions Sram Eagle 12 vitesses trouveront tout leur sens. Bon, on ne se tient plus, on va rouler !

Yeti SB5.5c : sur le terrain

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-4Pour nous accompagner lors de ce test, nous avons pu compter sur la présence à nos côtés du très expérimenté Sam Peridy, qui, outre sa longue carrière dans le journalisme vtt, a aussi un coup de guidon démoniaque que plusieurs titres de champion de Monde Master en DH viennent confirmer. A deux, votre serviteur et Sam, nous avons alterné les runs au guidon de cette machine de rêve.

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-3Si, sur le papier et en images, le vélo est particulièrement excitant, cela implique aussi de grandes attentes et le vélo va devoir se montrer à la hauteur pour ne pas nous décevoir. La prise en main de ce magnifique joujou se fait relativement aisément, et pour cause, sa géométrie tombe sous le sens. En effet, son long reach/top tube, même pour un médium aux standards actuels, permet de rouler avec une petite potence (50mm), et surtout de se sentir très à l’aise même au pédalage. Le poste de pilotage est parfait et même le cintre en 800mm qui aurait pu sembler un peu large nous a, au contraire, semblé très naturel sur un 29 pouces de cette trempe et sur les sentiers roulés à Toro Park.

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-6Notre terrain de jeu justement, parlons-en ! Toro Park est un parc naturel situé à quelques encablures de Monterey et du circuit de Laguna Seca où se déroule la Sea Otter Classic. Si nous avons choisi de nous évader de l’enceinte du circuit, c’est parce que les trails aux alentours ne permettent pas de tester autre chose qu’un bike de XC. Or, ici, il nous fallait du bien plus costaud. Et c’est ce que nous avons trouvé !

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-8Après plus d’une heure d’ascension de colline en colline pour accéder aux plus hauts sommets sous un soleil de plomb et quasiment sans arbres pour nous abriter, nous nous sommes gavés dans une succession de descentes dont la diversité nous a permis de voir les capacités du vélo dans des contextes assez différents : du chemin de chèvre accroché à flanc de pente au début pour jouer au trialiste, du flow plein gaz sur un sentier shapé à la perfection, au grip de folie et agrémenté d’innombrables passages à gué, puis enfin des portions plus raides et rocailleuses sur la fin. Bien sûr, il ne s’agit que d’une prise en main et pas d’un vrai test longue durée, mais c’est néanmoins très instructif.

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-7Les premiers coups de pédales sont révélateurs. Même si les pneus ont tendance à « scotcher » un peu le vélo, il n’en reste pas moins un très bon rouleur. Son montage light (12,7kg) permet vraiment de rouler et de grimper n’importe où. Son grip à la roue arrière est tout simplement ahurissant. Il avale les pétards comme personne, même s’il faut toujours relativiser un peu car le sol du coin est assez accrocheur à faible vitesse. Néanmoins, l’autre vélo que nous avons roulé ce jour là (un Norco Optic en 27,5 »… quasiment trois fois moins cher) n’est pas arrivé à nous emmener au sommet des mêmes portions. Le secret du Yeti SB5.5c : probablement ses bases courtes (437 mm) pour le « pep’s » quand il faut accélérer et pour placer le poids au plus proche de l’axe de roue arrière, mais aussi son avant long qui laisse le champ libre quand il faut pédaler et qui permet de plaquer l’avant au sol.

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-12Bien entendu, si ce SB5.5c s’est montré plutôt docile et performant au pédalage, son gros point fort réside sans aucun doute dans le dénivelé négatif. En effet, ses suspensions ultra performantes mixées à une géométrie et un châssis quasi irréprochables forment un trio vraiment inédit.

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-9Plutôt joueur, le Yeti SB 5.5c se laisse très facilement apprivoiser, et ce dès les premiers mètres de descente. La qualité des gommes Maxxis et leur montage en tubeless sur des jantes en 30mm de large offrent un grip rarement atteint. Même le terrain ultra sec et sablonneux de la Californie, si spécifique et éloigné de nos repères habituels, n’a pas eu raison de cette monte plus que performante qui nous a permis de pousser le châssis dans ses derniers retranchements.

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-2La sensibilité des suspensions n’est pas anodine non plus au grip présent en toutes circonstances. Rien ou presque ne vient interférer dans la relation entre la roue et le sol. Il en résulte un comportement exemplaire, à la fois docile et rassurant mais aussi très grisant en raison des vitesses atteintes. On aurait pu croire que la fourche en 160 mm de débattement n’allait pas coller avec un débattement moindre à l’arrière (140mm). Que nénni ! La corrélation se fait parfaitement entre les deux, notamment grâce à l’efficacité de la suspension Switch Infinity qui permet carrément d’oublier cette différence, sans oublier la rigidité du cadre qui se marie bien avec la fourche body-buildée sans toutefois verser dans l’excès.

Verdict

Yeti_SB55c_Test_Copyright_OBeart_VojoMag-5Que dire en guise de verdict, si ce n’est que cette prise en main du Yeti SB5.5c nous a complètement conquis. Tout comme le Evil The Wreckoning, le Santa Cruz HightTower ou encore le YT Jeffsy, Yeti croit aux vertus du 29 pouces pour faire des vélos capables de gommer la rigueur du terrain et ses dangers pour doper le plaisir. On peut peut-être regretter qu’il ne soit pas possible de monter des pneus 27,5+ pour avoir deux vélos en un comme sur le Santa Cruz HighTower, mais quand on voit le plaisir qu’on prend à placer ces grandes roues au millimètre, à virevolter sur le sentier, à se prendre pour un pilote d’EWS avec le vent qui siffle dans nos oreilles comme seul témoin des vitesses inavouables auxquelles on est en train de rouler car le vélo rend tout d’une facilité déconcertante… eh bien on en oublie toutes ces histoires de standards et de formats de roues. Il ne reste que le plaisir. Et le Yeti SB5.5c fait définitivement partie de ces vélos dont on ne peut pas juste dire qu’ils sont bons. C’est carrément un générateur d’émotions. Et ça, ça n’a pas de prix. Ou plutôt si. Hélas.

Plus d’infos : www.yeticycles.com/bikes/sb55c

ParOlivier Béart