Prise en main | Unno Dash & Burn : des pièces de musée ? Non, Vojo les a testés !
Par Olivier Béart -
Unno a défrayé la chronique l’an dernier avec l’annonce de cadres en carbone ultra exclusifs fabriqués entièrement en Espagne. Après une longue phase de développement, liée au tempérament perfectionniste de leur créateur César Rojo, les premiers modèles viennent d’entrer en phase de production… ultra limitée. Vojo a eu la chance de pouvoir essayer le Unno Dash (130mm, roues de 29 pouces) et le Burn (160mm, 27,5 pouces), en exclusivité francophone. Voici nos impressions :
Dans la banlieue de Barcelone, César Rojo, une sorte d’alchimiste des temps moderne, travaille dans une ancienne usine reconvertie en lofts pour startups. Son activité principale : Cero Design, un bureau d’études qui travaille pour de nombreux grands noms de l’industrie du vélo et de la moto. Son « violon d’Ingres » : Unno, une marque de vélo sans équivalent qui a pour but de produire des vélos en carbone ultimes, fruits des dernières recherches de l’entreprise et véritable vitrine de son savoir-faire.
Tout est fait ici, à Barcelone, depuis la recherche et développement jusqu’à la production en passant par les tests. Les matériaux employés, les choix techniques, le mode de production : le souci du détail est poussé au plus loin dans tous les domaines, et le but n’est certainement pas de faire de la production de masse. Chaque modèle est d’ailleurs produit en édition très limitée, de 50 exemplaires maximum, vendus 5000€ l’unité… pour le cadre seul. C’est évidemment très cher, mais finalement plus compréhensible que dans le cas de certains cadres produits en masse en Asie et vendus à peine moins cher.
A terme, la marque compte disposer d’une « gamme » complète de 5 modèles, allant du semi-rigide de XC jusqu’au vélo de DH. Actuellement, deux modèles sont prêts pour la production : le Unno Dash (à gauche), sorte de « All-Mountain » radical en 130mm de débattement et roues de 29 pouces, ainsi que le Unno Burn (à droite), un enduro tout aussi exclusif, en 160mm et roues de 27,5 pouces. Le prochain sur la liste est le DH, et les modèles de XC sont prévus pour septembre 2018.
Si vous voulez en apprendre plus sur la genèse de la marque, le développement des vélos, la philosophie de travail de César Rojo et la production à l’unité des cadres, nous vous invitons à vous plonger dans « Vojo Magazine, Volume 1« , notre ouvrage papier annuel, dans lequel nous avons consacré un long dossier à Unno et nous vous faisons pénétrer dans les coulisses de l’entreprise. Ici, nous allons nous concentrer sur les vélos eux-mêmes et sur nos impressions au guidon.
Unno Dash
Si vous avez déjà entendu parler de la marque, le Unno Dash est certainement le modèle que vous avez vu. C’est ce 29 pouces en 130mm de débattement qui a servi pour les premiers développements des cadres Unno et les tests de cinématique. C’est un prototype que nous avons eu l’occasion de tester, mais c’est surtout au niveau de la finition et de petits détails de production que le vélo a évolué depuis, tout simplement parce qu’à ce prix, tout doit être parfait.
Même en version « carbone brut », sans la peinture qui a depuis rejoint les exemplaires de série (elle aussi très spéciale et prévue pour être particulièrement durable), la finition est exceptionnelle. Les fibres utilisées, produites par Mitsubishi, ne sont utilisées par aucune autre marque dans l’industrie du cycle et présentent des caractéristiques mécaniques hors normes qui permettent aux cadres Unno d’afficher un poids exceptionnel sans négliger la rigidité. Imaginez : le Dash fait moins de 2kg !
Unno a développé sa propre cinématique dual link brevetée qui, même si elle rappelle certains VPP, dispose de caractéristiques propres.
La cinématique du Dash a été optimisée pour être utilisée avec un amortisseur à air, et avec une fin de course légèrement régressive pour compenser le durcissement très prononcé des amortisseurs à air en fin de course. Le vélo étant prévu pour être polyvalent, l’anti-pompage est assez marqué (et optimisé pour rouler en mono 32 ou 34 dents) malgré un SAG recommandé autour de 35%.
Enfin, impossible de ne pas évoquer la géométrie très particulière du Unno Dash… et le fait qu’il n’existe qu’une seule taille, en gros M/L, mais qui doit pouvoir convenir à des bikers d’un peu moins de 170cm jusqu’à un peu plus de 190cm. Le reach est important : 455mm, et le vélo est prévu pour rouler avec une potence très courte. Rien d’étonnant quand on sait que c’est César Rojo qui a développé la Forward Geometry pour Mondraker !
L’angle de direction est très couché avec 65°, les bases hyper courtes pour un full en 29 pouces (430mm) et la douille de direction très basse afin de retrouver une hauteur de poste de pilotage comparable à celle d’un 27,5″. Bref, pas vraiment un vélo pour aller chercher le pain cette petite chose !
Unno Burn
Le Unno Burn est en quelque sorte le pendant « musclé » du Dash, avec plus de débattement (160mm contre 130) et des roues de 27,5″ qui restent, selon la marque, plus adaptées à ce type de pratique.
Bardé de capteurs de télémétrie, notre proto de test a servi à César Rojo pour prendre quelques mesures avec Nico Casteels, notre testeur, excellent pilote et d’un gabarit plus imposant que César, qui roule habituellement avec la machine pour les runs d’essai. Il était tout fier, à notre retour, de nous dire que nous étions loin des contraintes qu’il inflige à la machine quand il attaque. Mais bon, il a roulé au plus haut niveau en Coupe du Monde de DH, ce qui peut expliquer bien des choses ! Et pourtant, nous n’avons pas ménagé ces deux vélos, aux airs d’œuvres d’art, mais qu’il serait bien dommage de laisser prendre la poussière dans un luxueux garage tant elles aiment être martyrisées.
Prise en main
Sur deux demi-journées, nous avons enchaîné les runs sur de très belles spéciales d’enduro tracées sur les hauteurs de Barcelone ; Nico au guidon du Burn en 27,5 et votre serviteur sur le Dash en 29. Rouler sur des vélos aussi exclusifs procure un sentiment particulier. Les lignes sont incroyables, la finition déjà à tomber sur ces « mulets » et si on cherche une comparaison dans le domaine de l’automobile, c’est à des marques comme Pagani ou Koenigsegg qu’on pense, pour leur travail mixant artisanat et ultra haute technologie.
A la montée et sur les petits chemins plats qu’il faut d’abord emprunter avant de rentrer dans les vif du sujet, les vélos sont légers et pédalent très facilement, mais ils ne sont pas vraiment faciles à prendre en main. La géométrie n’est pas particulièrement extrême (on est loin d’un Nicolaï Geometron), mais le vélo demande à être dirigé avec poigne et engagement, même à basse vitesse.
Entre les cactus, on passe à l’attaque dès que la pente s’inverse. Et il n’y a pas le choix, un Unno, cela ne se pilote que rapidement. Pas le droit à l’erreur, il faut rester concentré. Le Unno Burn est très rigide et ne pardonne pas grand chose. On vit le terrain, chaque caillou, chaque compression, chaque changement d’appui. C’est physique, presque brutal, mais quel pied.
Le Unno Burn nous fait penser à certains skis, hyper performants pour qui a les cuisses et la technique pour les emmener, mais qui auront tôt fait de venir à bout des frimeurs mal préparés qui voudraient juste se pavaner avec de luxueuses lames aux pieds. Le Burn n’est pas réservé à une élite, mais il faut quand même un solide bagage et l’expérience d’autres montures pour vraiment le savourer à sa juste valeur.
Sur le Unno Dash, les roues de 29 pouces rendent la tâche un peu plus facile sur terrain chahuté, et on sent plus les bénéfices des grandes roues que les inconvénients du débattement réduit par rapport au Burn. Mais le Dash demande plus d’engagement pour virer. Logique me direz-vous.
Sur les deux vélos, la suspension est impressionnante. Assez dure en début de course et finalement assez peu active à basse vitesse, elle se libère complètement quand on accélère le rythme, dans la ligne directe de la philosophie globale de ces machines. Il n’y a aucun temps de retard, les successions d’impacts sont absorbées, non pas pour ménager le pilote, mais avant tout pour conserver le grip et le contact avec le sol, rappelant en cela le comportement de vélos d’enduro ou DH Race, pas réglés pour flatter le gaillard aux commandes mais juste pour aller vite.
Les runs s’enchaînent et les impressions se confirment, semblables pour les deux machines : accélérations, relances, changement de cap,… la moindre impulsion est transmise au vélo et le résultat est direct et sans temps de latence. Mais, comme souvent, c’est un comportement à double tranchant.
Tant qu’on a la pêche et qu’on est dans le rythme de la piste où l’on roule, c’est merveilleux et les sensations sont formidables. Et, même s’ils sont indicatifs, les chronos Strava étaient assez bluffants pour deux novices qui découvraient les pistes face à des locaux habitués à les limer (on est tout de même restés loin de César…). Mais tout cela demandait une dose d’énergie conséquente. Du coup, oui, tant qu’on est en forme c’est génial, mais attention au coup de bambou.
Pourtant, en discutant avec César par la suite, il nous explique que le vélo n’est pas parmi les plus rigides du marché. Mais c’est un ensemble et le comportement de la suspension, la géométrie exigeante ainsi que certains composants assez « hard » (coucou les roues Enve) ne sont pas là pour adoucir les bestioles.
Verdict
Wow. Voilà le genre de test dont on ne sort pas indemne. Les repères sont bouleversés par ces machines sans aucune concession, sorte de sport-proto en vente libre et « homologué » pour un usage quotidien. Mais pouvait-il en être autrement ? Chez Unno, tout est à l’avenant, pointu, extrême, extravagant. c’est comme manger dans un trois étoiles. Les goûts, les odeurs, les textures se bousculent, remettent en question ce qu’on croyait savoir ou connaître. Dieu que c’est bon que ce genre de chose existe aussi dans le milieu du VTT. Attention, drogue dure !
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