Prise en main | Structure SCW1 : objet roulant non identifié

Par Adrien Protano -

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Prise en main | Structure SCW1 : objet roulant non identifié

Qu’on aime ou qu’on adhère pas, le Structure SCW1 est un de ces vélos qui font tourner les têtes, sans laisser personne indifférent. Fruit d’une réflexion sur le bien-fondé des fourches télescopiques « habituelles », le SCW1 est construit autour d’une fourche à parallélogramme faisant partie intégrante du cadre. Curieux comme nous sommes, nous n’avons pas refusé l’occasion de passer une journée au guidon de cet ovni. Voici ce que nous en avons pensé :

Bizarre, drôle, étrange, révolutionnaire… biffez la/les mentions inutiles ! En tout cas, une certitude : ce VTT ne laisse personne indifférent. Derrière cette plateforme peu commune se cache en réalité Loni Hull, un des membres fondateurs de l’équipe Motoczysz, victorieuse à quatre reprises sur la course de moto TT Zero de l’île de Man. Le Canadien, également fan de VTT, a depuis quelques années décidé de transférer son savoir-faire dans le monde du deux roues, mais sans moteur cette fois.

Sa dernière création n’est rien d’autre que le Structure SCW1, construit autour d’un cadre entièrement en carbone développant 150 mm de débattement et chaussé de roues en 27,5″… et bien sûr de cette fourche originale tout droit sortie de l’imagination de Hull.

La fourche attire tous les regards, mais il faut regarder ce vélo comme un ensemble. Le châssis, fait entièrement en carbone, est imaginé pour répondre aux contraintes de la fourche et à la manière dont celle-ci transmet les chocs au reste du cadre. Il n’est donc pas envisageable d’imaginer ce SCW1 avec une fourche « traditionnelle » ou, dans le sens contraire, cette fourche aux allures de monstre sur un autre châssis.

Sur ce modèle, le carbone est présent du début à la fin : le triangle avant, les bases, les haubans ou encore l’imposant basculeur sont faits en fibre noire.

Au-delà d’avoir une ligne visuelle propre à lui, cet ovni est surtout le fruit d’une réflexion concernant les cinématiques de suspensions existant jusqu’ici. Le constat était clair pour l’homme derrière ce SCW1 : « Un vélo, qu’importe la marque, n’est pas optimal durant les phases de freinage, du fait de la compression de la fourche. » Hull a donc repris un principe déjà appliqué dans la moto, à savoir celui d’une suspension avant offrant une réelle cinématique, contrairement aux fourches classiques qui s’enfoncent de manière « bêtement » rectiligne. Ce n’est pas tout fait une première dans le VTT car BMW avait déjà présenté des modèles avec suspension Telever à l’avant, mais on peut dire que jamais personne n’était allé aussi loin que Structure dans le vélo.

Selon Hull, sa technologie WTF (pour Without Telescopic Fork, ainsi que pour les réactions qui peuvent l’accompagner…) permet de maintenir la même qualité de motricité et de réactivité des suspensions durant les phases de freinage. Cette construction si particulière est en réalité composée de deux « linkage arm » faisant la jonction entre le cadre et la fourche, ainsi que d’un bras oscillant entre la fourche et le tube supérieur… et finalement d’un amortisseur que l’on a l’habitude de retrouver à l’arrière, plus précisément un DVO Topaz T3.

On retrouve donc bien deux jeux de direction sur ce Structure SCW1 : un premier situé au niveau de la fourche « double té » en carbone, et un second au niveau du tube supérieur et du poste de pilotage .

Lors des phases de compression, l’angle de direction peut varier  jusqu’à -7° tandis que l’empattement du vélo augmente

Étant donné que l’amortissement de l’avant ne se fait pas sur un axe fixe (dans la même direction sur tout le débattement), par simple enfoncement d’un piston comme sur une fourche classique, l’angle de direction ne varie pas durant la compression (de l’amortisseur à l’avant uniquement) pour rester fixe à 66°. Par contre, lors des phases de compression des deux amortisseurs, l’angle de direction peut varier  jusqu’à -7° tandis que l’empattement du vélo augmente. « L’empattement du SCW1 s’allonge jusqu’à 12 mm de plus lorsqu’il est complètement comprimé, contrairement à la majorité des modèles du marché qui voient leur empattement se réduire d’environ 70 mm. Cela permet d’obtenir un vélo plus équilibré, et qui met davantage en confiance durant les divers franchissements et lors des portions à haute vitesse » explique la marque.

On notera qu’il est possible de modifier le réglage d’anti-plongée situé au niveau du tube diagonal. Le changement s’effectue en remplaçant l’insert en aluminium qui accueille le roulement du pivot principal et il influence le niveau d’enfoncement de la fourche quand on charge l’avant. Le triangle de suspensions à l’avant de ce SCW1 est, selon la marque, 25% plus rigide que la majorité des fourches classiques du marché. « De plus, cette technologie WTF a l’avantage de disperser les vibrations davantage dans le cadre, et non dans les bras du pilote », explique Structure.

Contrairement à la surprenante suspension avant, la cinématique à l’arrière est bien plus classique puisque c’est une conventionnelle architecture 4 bar linkage que l’on retrouve, et plus précisément Horst Link (cf. Petit lexique illustré du VTT : toutes les clés pour comprendre ).

Comme pour l’avant, c’est un amortisseur DVO Topaz T3 qui est aux commandes à l’arrière. Au-delà d’être de la même taille et dans les mêmes spécifications (métrique, Trunion, 205 mm x 62,5 mm) que l’amortisseur à l’avant, les deux DVO Topaz T3 disposent également du même réglage de compression haute vitesse spécifique.

Le cadre est équipé d’un guidage interne destiné à accueillir les gaines et Durits. L’entrée se fait au niveau du haut de ce qui fait office de tube supérieur et un passage dans le triangle arrière est également prévu. Pour la Durit du frein avant, un passage interne au sein de la fourche est également présent.

On notera aussi la présence d’un boîtier de pédalier fileté, d’une patte ISCG-05 destinée à accueillir un guide-chaine ainsi que d’une petite trappe située sous le tube diagonal permettant d’y placer une batterie de Shimano Di2. Point négatif, la seule fixation capable de recevoir un porte-bidon se situe sur cette petite trappe, ce qui ne s’avère pas être l’endroit idéal au vu du programme du vélo…

Au niveau de la géométrie, ce SCW1 est plus conventionnel que son look ne laisse l’imaginer. En taille G2, on retrouve ainsi un reach à 461 mm, des bases de 435 mm et un angle de tube de selle à 77°. Le SCW1 est proposé en 3 tailles (G1 – G2 – G3) pour un éventail de pilotes allant de 1m65 à 1m97.

C’est dans sa livrée « Foundation Series« , à savoir une édition limitée en coloris or et carbone, que nous avons eu la chance de prendre en main ce Structure SCW1. Uniquement disponible sous forme de kit-cadre au prix de 6999€, à savoir le cadre ainsi que les deux amortisseurs DVO Topaz, le reste du montage est libre.

Structure SCW1 : le test terrain

Contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer à première vue, le réglage de la suspension avant de ce Structure SCW1 s’avère assez facile. La marque recommande une pression d’air à l’avant d’environ 65% à 75% de la pression utilisée dans l’amortisseur arrière. Nous avons opté pour une pression de 115 PSI pour un poids d’environ 80 kg, et un réglage d’anti-plongée intermédiaire.

En montée et dans les portions roulantes, le Structure SCW1 est confortable et bien à sa place. Sans être le plus efficace, il n’est pas à la traîne pour un vélo all-mountain/trail de 150mm de débattement et offre le support nécessaire durant les ascensions. Le poids (autour de 14 kg) n’est évidemment pas innocent dans ce petit manque de sportivité, mais le comportement neutre des suspensions au pédalage et la bonne rigidité du châssis permettent de grimper assez facilement et d’oublier le poids de l’engin. Le DVO Topaz est équipé d’un réglage de compression offrant trois positions (Climb, Traverse et Descend), nous n’avons cependant nullement ressenti le besoin de basculer sur une position plus ferme lors des portions ascendantes et sommes restés sur le mode « Descend » tout du long.

L’histoire est différente pour l’amortisseur situé à l’avant : en montée, celui-ci a tendance à pomper, et particulièrement une fois debout sur les pédales. Il est également doté de cette commande permettant de switcher entre les trois positions, et le passage sur le mode intermédiaire ou « climb » permet de corriger le tir et d’obtenir un comportement davantage efficace.

Lorsque la pente s’inverse, le Structure SCW1 se révèle véritablement. Si le look ne nous avait que moyennement convaincus, la sensibilité que cette architecture apporte n’a laissé personne indifférent. Le ressenti sur les petits chocs est très doux et la fourche semble coller au sol. Clairement, sur ce point, on donne raison au concepteur : son système est complexe, mais le gain en sensibilité sur les impacts petits et moyens est bien réel.

Évidemment, cette plateforme demande un petit temps d’adaptation au vu de sa spécificité. Rouler sur un vélo doté d’une cinématique de suspension à l’avant donne des sensations différentes d’une fourche télescopique. Pour essayer de vous faire ressentir ce qu’on a perçu, c’est un peu comme si le vélo passait au travers de l’obstacle, et non pas juste par-dessus.

La sensibilité de la fourche, associée au cadre bien rigide, donne un ensemble très agréable à piloter. Le Structure SCW1 dans sa globalité offre ainsi une bonne balance entre précision et confort. Même dans le raide et les terrains accidentés, le vélo brille par sa sensibilité, son support dans les phases de freinage et sa maniabilité.

Si toute l’attention est portée sur cette fourche WTF, il convient de noter que la suspension arrière est également très agréable. L’assiette du vélo est bonne, l’ensemble fonctionne parfaitement de concert et il y a de de quoi permettre au pilote de lâcher les freins sans arrière-pensée.

Pour avoir déjà roulé par le passé avec le BMW Telever et avec des fourches à cinématique ou anti-plongée (type Hurrycat), il est clair que Structure propose une solution beaucoup plus aboutie et convaincante, notamment parce qu’on est plutôt sur une gestion de la plongée plutôt que sur une (vaine) tentative d’élimination. Au final, même s’il y a un petit temps d’adaptation, on comprend vite le fonctionnement du vélo et il reste possible de jouer activement avec le poids du corps pour charger la roue avant, ce qui est vital pour obtenir du grip en virage.

Point noir cependant pour le montage en roues de 27,5″ selon nous. S’il est vrai que le sentiment de « petite » roue est atténué par la manière de fonctionner de la suspension avant, une roue de 29 permettrait toutefois de passer un cap supérieur, notamment en termes de grip latéral… Il se dit que la marque travaille sur une version 29, ce qui est une bonne nouvelle !

Cette technologie WTF est composée de nombreux roulements et pivots. La question de l’entretien vient donc d’office rapidement à l’esprit. D’autant plus au vu du placement de ces roulements ainsi que des contraintes et torsions latérales auxquels ceux-ci sont soumis. Une telle interrogation nécessiterait évidemment un test de longue durée pour pouvoir se prononcer. Nous pouvons cependant déjà vous dire que notre modèle de test, qui est un des seuls vélos de démonstration en Europe, et qui a donc parcouru de nombreux kilomètres – ne faisait aucun bruit parasite et qu’aucun jeu n’était à noter sur le châssis. Il nous faut aussi préciser que Structure offre une garantie à vie sur l’ensemble des roulements.

Le mot de la fin

Ne pas se fier aux apparences ! Voilà la leçon de morale qui pourrait résumer la journée passée au guidon de ce Structure SCW1. Bien plus que fréquentable, cette plateforme aux allures d’OVNI ne se limite pas juste à une curiosité visuelle… Elle propose de réels petits avantages perceptibles sur le terrain. L’architecture spécifique de la suspension avant offre beaucoup de confort tandis que la rigidité du châssis produit la précision nécessaire pour obtenir un vélo agréable à piloter. Notre plus grand regret est qu’il soit uniquement disponible en roues de 27,5″ à l’heure actuelle. Nous ne pouvons qu’imaginer l’apport bénéfique des roues de 29″ sur un tel châssis. Évidemment, tous ces avantages de l’architecture WTF ont un prix, mais si vous voulez rouler sur un vélo bien différent de celui de votre voisin, c’est clairement la solution.

Pour plus d’informations : https://structure.bike

ParAdrien Protano