Prise en main | Rocky Mountain Altitude Powerplay – Comme un pavé dans la mare
Par Paul Humbert -
Avec le lancement de l’Altitude Powerplay, Rocky Mountain entre dans la bataille du vélo électrique et propose quelque chose d’unique. La marque canadienne présente un vélo conçu comme un Altitude, l’enduro de la gamme Rocky, mais les ingénieurs s’affranchissent des contraintes des motoristes en développant un système qui leur est propre. Découvrez le Rocky Mountain Altitude Powerplay et nos premières sensations après quelques heures passées à son guidon :
Dès notre arrivée à Valberg, on comprend que Rocky souhaite faire les choses en grand et que ce lancement est bien différent de ceux de ses vélos « classiques ». Presque l’ensemble de la presse VTT est conviée, l’équipe de Tribesportsgroup, le distributeur français, est présente et les sentiers de l’Enduro World Series n’attendent plus que nous.
Ce rassemblement sur le sol français n’est pas un hasard. C’est en Europe que le vélo électrique grandit et se développe quand en Amérique du Nord, ces nouveaux vélos peinent encore à trouver leur public en raison de contraintes d’accès aux sentiers. Les marques sont pourtant conscientes du véritable « eldorado » qu’ils représentent. Le savoir-faire et la demande se trouvant en Europe, Rocky Mountain s’est tourné vers son distributeur français, Tribesportsgroup, pour mettre au point ce vélo où il sera vendu. Pour l’équipe de Cogolin, c’est un gros projet et une belle opportunité. Des dizaines de prototypes ont ainsi traversé l’Atlantique en vue de se promener dans le massif des Maures et bénéficier d’un véritable « retour terrain » pendant les 28 mois de développement. Les équipes commerciales françaises seront ainsi on ne peut plus confiantes au moment de proposer cette nouvelle machine à leur réseau de revendeurs.
« Le Rocky Mountain Altitude Powerplay est un Altitude », la marque ne laisse pas planer de doute. En taille L, cette nouvelle machine a une géométrie identique à celle du modèle « classique » présenté dans sa dernière mouture il y a quelques semaines (à retrouver ici : https://www.vojomag.com/news/rocky-mountain-altitude-2018-canadiens-peaufinent/ ). L’objectif de Rocky Mountain était de proposer un vélo électrique, évidemment le « meilleur du marché », offrant la sensation la plus naturelle de pédalage et se rapprochant le plus d’un vélo « classique ». L’Altitude Powerplay développe 150mm de débattement à l’arrière et 160mm à l’avant. Il offre, comme le modèle traditionnel, la possibilité de faire évoluer le point d’ancrage de l’amortisseur via le système Ride9 et est ici présenté en version « full carbone ». On repère toutefois des bases en aluminium sur ce vélo équipé de roues de 27,5 pouces (non « Plus » mais avec tout de même de gros pneus « Wide Trail » en 2.6, nous y viendrons plus loin).
Le coeur de la bête est son moteur et Rocky Mountain se distingue de ses concurrents en se détournant des grands motoristes pour développer sa propre solution. La marque canadienne appartient à un groupe, ProCycle, et bénéficie des avancées technologiques de la firme du groupe spécialisée dans la motorisation de vélos de ville. La marque a travaillé main dans la main avec Rocky Mountain pour le développement de ce moteur « designed in Canada ».
La première chose que l’on remarque, c’est le point d’ancrage du pédalier. Alors qu’habituellement, des manivelles sont fixées sur le moteur et entraînent ce dernier, ici, un vrai boitier de pédalier est installé sur le triangle avant. C’est la chaîne et sa tension qui viennent actionner le moteur via une petite roulette située juste derrière le cache du moteur. Facile à entretenir, tout comme les roulements, elle se remplace aisément en magasin. Une chaîne standard est utilisée.
L’objectif de Rocky Mountain est d’offrir une assistance très coupleuse, naturelle et silencieuse. Sans assistance, il n’y a pas de frein au pédalage et on conserve une relative autonomie. Le moteur offre trois modes complétés par un mode « marche ». Une petite commande au guidon est le seul témoin de la présence d’un moteur au niveau du poste de pilotage. Pas d’affichage numérique, mais juste de quoi activer le moteur et évoluer entre les modes. Une petite LED vient faciliter la visualisation. La commande reste somme toute assez volumineuse car cette dernière abrite une interface bluetooth permettant d’interagir avec l’application eBikeMotion (Ios et Android). Cette dernière permet de nombreuses options de personnalisation, notamment au niveau de l’assistance, de l’autonomie et de la navigation.
Le moteur du Powerplay affiche 250W et est conçu pour une cadence de pédalage allant de 65 à 80 rpm. À l’instar du Levo de Specialized, le capteur de vitesse est caché au niveau du disque de frein arrière. Juste sous le guidon, on repère également un petit boitier qui offre un port USB.
L’autre élément que l’on repère rapidement, c’est l’intégration de la batterie. Cette dernière est complètement cachée dans le cadre et ne peut être sortie « facilement ». Le développement de cet Altitude a été ponctué de choix forts, parfois clivants, et ici, il n’est pas possible de retirer la batterie. Il faut donc la recharger sur le vélo (et donc disposer d’une prise à proximité) et ne pas souhaiter se lancer sur des courses nécessitant un changement de batterie (comme la TransV, par exemple).
Pour des raisons de maintenance et d’entretien, il sera toutefois très facile pour les magasins agréés de déposer le moteur et la batterie. Cette dernière affiche 500Wh dans la version d’entrée de gamme et 632Wh dans les versions haut de gamme. Elle est composée de cellules Samsung. C’est une autre liberté qu’a pu prendre Rocky Mountain en développant son propre moteur : la marque peut ainsi choisir les composants et les cellules de sa batterie librement. Une plateforme et un stock européen seront mis en place pour le SAV de ce Rocky Mountain Altitude Powerplay. Rocky Mountain annonce également un temps de chargement réduit par rapport à la concurrence grâce à sa batterie de 48V. En deux heures, 80% de la charge seront effectués.
Dans le cadre, un petit « fourreau » en carbone vient accueillir les câbles qui entrent par l’avant du cadre et qui glissent ainsi sous la batterie. Quatre vis et neuf broches tiennent le moteur. Une fois démonté, ce dernier offre des plots de connexion très faciles d’identification et sans être un ultra-spécialiste, tout bon mécanicien pourra prendre en charge le démontage et le remontage de ce dernier.
Du côté des caractéristiques moins visibles, on retrouve un boîtier de pédalier avec une ligne de chaîne et un Q-Factor de type DH. Le vélo a la possibilité d’accueillir un bidon. Des roulements équipent les oeillets d’amortisseur pour une plus grande sensibilité sur les petits chocs et on retrouve évidemment une interface Boost à l’avant comme à l’arrière.
Du côté de l’équipement, Rocky Mountain a fait le choix de pneus « Wide Trail » en section 2.6 sur des jantes de largeur interne 36mm. Des fourches FOX issues de la série Ebike équipent les modèles et Sram installe sa transmission EX spécifique Ebike.
La gamme du Rocky Mountain Altitude Powerplay est composée de trois modèles. Le premier, le Powerplay 50, est affiché à 5999 euros, équipé d’une batterie de 500Wh et de suspensions RockShox. Le second modèle, le Powerplay 70, sera disponible à 6999 euros, en deux coloris et avec la « grosse » batterie de 632Wh. Enfin, le modèle le plus haut de gamme, le Powerplay 90 s’échangera, lui, contre 9699 euros et sera équipé de roues en carbone. En taille M, les poids annoncés sont de 21,6kg pour la version 90 et 22,3kg pour les autres versions.
Wade Simmons, un des pionniers du freeride au Canada, a été impliqué dans le développement de ce vélo. Il nous en dit quelques mots : « Rocky Mountain est une petite famille et je connais bien les ingénieurs. Nous avons testé pas mal de vélos électriques avant de nous lancer. Pour moi qui ai commencé avec ce qu’on appellerait des vélos de XC puis de DH, j’aime ce qu’on appelle aujourd’hui « l’enduro ». J’ai perdu l’esprit de compétition et avec les vélos électriques, j’adore les possibilités qui s’ouvrent à nous, particulièrement en montée. Nous voulions un vélo qui ressemble vraiment à un vélo et qu’il soit « shreddable ». Il a été difficile d’arriver au bon poids et de trouver nos marques avec des prototypes en aluminium. Pour le moteur, le plus difficile a été de réussir à obtenir un pédalage qui ne soit pas « on » ou « off ». On a vraiment travaillé sur la manière dont l’assistance est délivrée. »
Rocky Mountain Altitude Powerplay 70 : prise en main
C’est dans la roue de Greg Germain de 1001 Sentiers que nous faisons nos premiers mètres sur le Rocky Mountain Altitude Powerplay. À Valberg, dans les Alpes Maritimes et aux portes du Mercantour, les spéciales des Enduro World Series nous attendent. Il ne faudra d’ailleurs pas longtemps pour qu’elles nous voient arriver sur nos machines. Nous sommes au guidon du modèle 70 et ce dernier semble très joueur. La longue batterie positionnée presque jusqu’au bout du tube inférieur nous faisait craindre un avant bien pataud mais il n’en est rien. Le vélo semble très maniable et on sautille sans mal à son guidon.
Dans la pente, il nous a fallu un léger temps d’adaptation pour trouver nos repères avec cette machine et ses pneus offrant un gros ballon sans toutefois devenir « flous ».
Le Rocky Mountain Altitude Powerplay nous a surpris par son agilité et ses capacités en descente. Il est tout simplement bluffant et il n’y a qu’au freinage qu’on ressent réellement le poids de l’assistance électrique. Pendant notre prise en main, le vélo s’est montré excellent à la fois dans les portions ouvertes et rapides et dans les sections plus lentes et techniques. On soulève sans mal l’arrière du vélo et on décolle sans arrière-pensée les roues du sol. Le compromis trouvé au niveau du train roulant est très pertinent pour ce vélo qui s’adressera à un public averti. La rigidité de la machine rend le pilotage on ne peut plus plaisant dans les terres grises de Valberg.
Au pédalage, les trois modes du moteur sont bien équilibrés et l’objectif de proposer une assistance « naturelle » est pleinement atteint. Le moteur ne pousse pas le vélo dès le premier coup de pédale et on ne joue pas avec l’élan de ce dernier. Bref, il ne fera rien de plus que ce que vous lui demanderez ; un constat qui vaut pour les trois modes.
Il faudra évidemment pousser cette prise en main plus longuement pour tirer les premières conclusions mais nous terminons sous le charme cette première sortie. Du côté des points à améliorer, on reprochera à la commande son manque d’ergonomie et de « clics » francs permettant de se repérer dans le feu de l’action. Annoncé comme silencieux, le moteur est toutefois mis en branle par une roulette bruyante et causant de petites vibrations. Du côté des composants, pour une pratique sportive et « enduro », la transmission Sram EX ne nous semble pas la plus en phase avec le programme, notamment en raison du fait qu’elle ne permet de passer qu’une vitesse à la fois (voir la présentation ici).
Une chose est certaine, si Rocky Mountain ne fait pas partie des pionniers de l’électrique, la marque a toutefois effectué un superbe travail pour proposer un produit qui n’a pas d’équivalent à l’heure actuelle. Le vélo sera disponible dans les prochaines semaines.
Plus d’infos : www.bikes.com/fr
Photos : Matt Wrag/RM, Paul Humbert/Vojo