Prise en main | Privateer 141 : une géo, une suspension, et basta !

Par Olivier Béart -

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Prise en main | Privateer 141 : une géo, une suspension, et basta !

Privateer, c’est une petite marque anglaise née en 2019 et basée à Partridge Green, un petit village du Sussex. En apparence, pas le meilleur endroit pour faire du VTT, mais il ne faut pas toujours se fier aux apparences… La marque dispose d’une équipe expérimentée et se lance sur le marché avec une approche bien particulière : miser tout sur la géométrie et la qualité de la suspension, tout en utilisant le plus possible de tubes et de pièces « standards » pour garder un prix au ras des pâquerettes. Nous avons pu découvrir ce concept lors d’une sortie avec leur « petit » vélo, le 141. Présentation et prise en main dans les Dolomites :

Privateer a été créé par l’équipe de The Rider Firm, qu’on retrouve aussi derrière les roues Hunt ou les gants Dissent 133. Le nom de la marque signifie « pilote privé » et cela traduit bien l’idée qui a poussé The Rider Firm à se lancer dans la conception de vélos complets : leur volonté est de proposer des vélos accessibles d’un point de vue financier mais qui ne rendent rien en termes de performance (géométrie et suspension) aux références des grandes marques.

Un programme ambitieux et, pour s’y tenir, l’équipe a opté pour une voie assez originale : la plupart des tubes de leurs vélos (en aluminium 6066-T6) sont directement issus du catalogue d’un grand sous-traitant asiatique, sélectionnés avec soin mais sans aucune modification mis à part la coupe aux bonnes dimensions. Cela leur permet d’économiser du temps et de l’argent sur cette partie pour mieux se concentrer sur les points essentiels : la géométrie et la cinématique de suspension du vélo, la conception de quelques pièces « clé » comme la biellette ou le tube de selle et des équipements de bon niveau.

Ceci explique donc les formes simples, au niveau de la douille de direction, du tube supérieur et des haubans ou des pattes pour la roue arrière notamment mais aussi cette impression de « déjà vu » qu’on peut avoir en regardant les Privateer. Puisque les tubes sont issus d’un catalogue, il est tout à fait possible de les retrouver ailleurs, chez d’autres marques.

En revanche, autour de la suspension les formes sont plus travaillées. En effet, Privateer est ici intervenue pour adapter le tube de selle ou les bases à ses besoins (placement du point de pivot par exemple) et a même dessiné sa propre biellette (en une seule pièce pour la rigidité), afin d’obtenir exactement la cinématique souhaitée.

Comme le 161, le premier vélo de la marque, cette suspension adopte une architecture de type 4 bar linkage avec un amortisseur flottant, c’est-à-dire placé entre les bases et le basculeur (pour plus d’explications sur les différentes architectures, voir notre lexique des suspensions). Elle développe ici… 141 mm de débattement ; le nom du vélo ne laissant aucune place à l’imagination.

La cinématique est presque identique à celle du 161, avec simplement quelques changements mineurs pour s’adapter à la différence de débattement. Elle se caractérise notamment par un anti-squat élevé, 145 % au sag et supérieur à 100 % sur la plus grande partie du débattement. A l’avant, on retrouve une fourche en 150 mm de débattement en offset court (37 ou 42 mm selon la taille).

Comme certaines marques, Privateer a fait le choix de s’affranchir des tailles classiques S/M/L/XL et propose à la place sa propre échelle : P1, P2, P3 et P4. Cela demande un peu plus d’investissement au pratiquant, qui doit savoir ce qu’il aime rouler, et à la marque, qui doit savoir comment le conseiller, mais sur le papier, l’idée n’est pas mauvaise. Elle oblige à réfléchir au choix de son vélo pour avoir quelque chose de réellement adapté à son terrain et son style de pilotage, au lieu de prendre une taille M par habitude et par défaut parce qu’on mesure 1m75 (par exemple).

Une échelle différente donc, et des cotes qu’on peut qualifier de radicales pour un « petit » vélo polyvalent : angle de direction à 64,5°, reach à 465 mm en P2 et 485 mm en P3, angle de tube de selle autour des 78,5°…  S’il est censé être plus versatile que son grand frère le 161, le 141 reste donc toute de même assez nettement tourné vers le plaisir de pilotage en descente. On note que la longueur des bases varie selon la taille (de 434 mm en P1 à 452 mm en P4), de façon à garder un équilibre et un comportement similaires sur tous les vélos. Autre petite particularité, les modèles en P1 sont équipés de roues de 27,5″, jugées par la marque plus adaptées pour cette taille que les roues de 29″ montées sur les P2, P3 et P4.

Par ailleurs, qui dit vélo pour pilote privé dit vélo fiable et simple à entretenir. Privateer l’a bien compris et de nombreux détails du vélo sont conçus en ce sens comme les roulements de suspension (au nombre de trois dans le pivot principal pour mieux distribuer les contraintes), les passages de gaines (en externe pour le frein arrière et le dérailleur) ou le boîtier de pédalier fileté, au standard BSA73. Des plots ISCG 05 permettent de monter un guide-chaîne, même si le vélo n’en est pas équipé d’origine. Au final tout cela se ressent un peu sur la balance, puisque le cadre avec amortisseur est annoncé à 3,7kg. Mais le but n’est pas ici de faire le vélo le plus léger possible…

Le Privateer 141 est proposé en version kit cadre, à 1 799 € avec amortisseur Fox Float DPX2 ou en vélo complet, dans un montage affiché à 3 979 €. Un tarif qui le place plutôt dans le haut de gamme des modèles en aluminium mais les composants ont été sélectionnés avec soin pour offrir le meilleur ratio prix/performance possible.

On retrouve ainsi des suspensions Fox Performance Elite, avec un amortisseur DPX2 et une fourche 36 Grip, des freins Magura MT5 avec levier 1 doigt identique à celui des MT7 (à la place de la version 2 doigts montée d’origine sur ces freins) et disques en 203/180 mm, transmission Shimano SLX / Deore XT (chaîne, cassette et dérailleur / shifter), une tige de selle OneUp V2, des roues Hunt Trail Wide en 30 mm de largeur interne et des pneus Schwalbe Magic Mary / Hans Dampf en 2.35 de section et carcasse Super Trail (remplacés par des Pirelli sur notre modèle de test – voir notre essai).

Privateer 141 : le test terrain

Nous n’avons pas eu l’occasion de peser précisément le vélo, mais quand on le soulève avant de partir rouler, on sent de suite que ce n’est pas un poids plume. On doit tourner largement autour de 15-16kg. Quand on recherche la fiabilité à un prix contenu, il n’y a pas de miracles… Pourtant, quand on donne quelques coups de pédale pour aller chercher les beaux singletracks du coin, on n’a pas du tout l’impression de se trainer, ou d’avoir un boulet accroché au pied.

Ce Privateer 141 est un peu un cas d’école qui aide à remettre les choses en perspective : même au pédalage, dans cette catégorie de vélos (on ne parle pas de XC race), une bonne géométrie et une bonne suspension valent mieux qu’un vélo super léger ! Le tube de selle droit et la cinématique très neutre au pédalage permettent vraiment d’avaler du dénivelé positif et d’envisager un usage trail sans réel souci. Bien sûr, ce n’est pas là qu’on va vraiment pouvoir s’énerver et sortir le grand jeu en mode full attack, mais n’ayez crainte, même à la montée, le dahu a plus de ressources qu’il en a l’air sur papier !

Nous avons eu l’occasion d’enchaîner plusieurs pistes du bike-park de Paganella, dans les Dolomites, ainsi que des trails plus naturels. Sur le bike-park, aux pistes bien lisses et bien shapées, il se montre particulièrement à l’aise. Son débattement est peu mis à contribution, sauf dans quelques sauts qu’il digère parfaitement malgré la présence de seulement 141mm à l’arrière. C’est plutôt la qualité de sa géométrie qui fait merveille. Stable quand on prend de la vitesse, il permet d’enchaîner les virages relevés avec autant de plaisir que de sérénité.

Ça commence bien, et on a la banane au moment d’aller tâter de la grosse caillasse dans des singles plus naturels (dont nous n’avons hélas pas d’images). Là, les suspensions montrent une certaine fermeté. Il faut tenir le vélo dans le cassant, et on sent que le débattement n’est pas énorme (le 161 serait sans doute plus à l’aise pour ce genre de chose), mais on n’a jamais l’impression d’aller taper au fond ou que le vélo est dépassé par les événements. Du moment qu’on se concentre pour garder les rênes, c’est un vrai plaisir et on est surpris par les vitesses de passage qu’il autorise.

Dans les passages très raides ou les zones où on doit un peu chercher la trajectoire, il sait se montrer conciliant et, en cas d’erreur d’appréciation, il nous a plusieurs fois sauvé la mise. Les grandes roues, l’angle de direction couché, son cadre long : tout cela aide bien à aborder les zones les plus anarchiques avec une bonne dose de confiance dans la mesure où on sait qu’on a toutes les cartes en main pour réussir. Et là non plus, on n’a pas l’impression de se coltiner un gros vélo paresseux. Au contraire, il fait totalement oublier son poids et donne une réelle impression de légèreté par ses capacités à changer facilement et rapidement de trajectoire, ainsi qu’à s’envoyer en l’air à la moindre occasion. En tout cas, on sent qu’il a de la personnalité. Beaucoup même ! Et qu’il a été développé par des gars qui roulent, avec l’envie de faire un vélo « pour les copains », qui met le fun et le côté pousse au crime en tête de son cahier des charges. Néanmoins, on l’imagine plus sur des pistes rapides que dans de petits sentiers étroits où il faut se faufiler tel un chat.

Quant aux équipements, jamais nous n’avons eu l’impression qu’ils étaient sous-dimensionnés. L’idée d’avoir un dérailleur arrière et des composants pas trop chers aide même à se lâcher en se disant que si on « pète un truc », on ne se ruinera pas en le changeant. Mention spéciale aussi pour les roues Hunt qui inspirent confiance, mais qui ont la bonne idée de ne pas de montrer trop raides ou exigeantes. De vraies roues alu tolérantes comme on l’attend de ce matériau, et qui complètent bien le cadre qui est, lui, plutôt rigide et un peu « monolithique » (mais avec des tubes basiques, difficile de faire des miracles à ce niveau). On saluera aussi les pneus Pirelli très solides et accrocheurs qui nous ont bien aidés à nous lâcher… et à éviter les crevaisons dont étaient victimes dans le même temps quasi tous nos compagnons de sortie équipés de gommes d’autres grandes marques.

Verdict

L’essai de ce Privateer 141 aide à remettre les choses à leur vraie place. Qu’est-ce qui compte vraiment sur un vélo ? Un dérailleur arrière « Shimasramxtreagle » ? Un pédalier carbone ? Des freins avec des disques en tungstène refroidis à la poussière cosmique ? Non. Ce qui compte vraiment, ce sont les fondamentaux : un cadre avec une bonne géométrie et une bonne suspension. Ajoutez de bonnes roues au comportement cohérent par rapport au châssis, et vous avez là les vraies bases d’une machine qui va vous procurer du plaisir de pilotage et des performances. Vous voulez un vélo stylé, ludique et performant pour vous amuser sur vos spots favoris et pour envisager quelques belles virées en bike park, tout en gardant d’honorables qualités de pédalage ? Vous aimez le côté « brut de décoffrage » ? Alors ce Privateer mérite certainement que vous vous y intéressiez. 

Plus d’infos : https://www.privateerbikes.com/products/privateer-141
Photos action : Bike Connection Agency – Luigi Sestili

ParOlivier Béart