Prise en main : Liv Intrigue Advanced, la nouvelle carte maîtresse
Par Elodie Lantelme -
Il avait quitté le paysage avec l’apparition conjointe, voilà 2 ans, du Pique, un modèle XC trail ciselé, et du Hail, gros enduro polyvalent de Liv. Cette année, l’Intrigue revient dans une version Advanced, avec notamment une déclinaison haut de gamme développée par la pilote Rae Morrison pour la marque féminine créée en 2008 au sein du groupe Giant. Et ce n’est pas la seule chose qui nous a réjouie lors de sa prise en main, à Squamish, en Colombie Britannique. Mais il y a un « mais »…
Et puis, déplacer une partie de la presse mondiale à près de 9000 kilomètres de son biotope, c’est s’assurer d’un décalage horaire conséquent. Neuf heures. Idéal pour vite savoir si, une fois en selle et passablement altérée par le jetlag, ce nouvel Intrigue allait se révéler un allié ou un fardeau à emmener. Mais tout doux bijou, passons par les présentations d’usage !
Lancé en 2014, ce tout-suspendu positionné trail polyvalent a ensuite disparu deux ans plus tard pour laisser place au très incisif XC trail en 120 mm Pique et à l’enduro « versatile » en 160/150-150 mm Hail. « Nous avons eu beaucoup de retours de femmes qui regrettaient la disparition de l’Intrigue, se souvient Erin Lamb, chef produit global de Liv. Nous les avons entendues. » D’où ce nouvel Intrigue qui revient sous une forme revisitée, plus agressive, « pimpée ».
À l’image de Ludi Scholz, manager de Liv monde depuis 2015, dont l’Intrigue Advanced est résolument le bébé. Si vous êtes allergique à l’humain dans les histoires de développement produits, nous vous invitons à passer au paragraphe suivant. Sinon, si vous pensez que le vélo vaut aussi pour les hommes et les femmes qui sont derrière, juste un mot sur Ludi, que nous connaissons, qui travaillait à Innsbruck dans un laboratoire de biologie et envoyait suffisamment du bois au guidon dans son Autriche natale pour être choisie par Giant en vue de guider l’équipe pro dans la reconnaissance des spéciales des Enduro World Series. Or, Ludi n’assistait pas à cette présentation canadienne de son « bébé ». Parce qu’elle est en congé maternité. Une histoire de femmes d’aujourd’hui, en somme, qui décident de ne pas choisir entre carrière professionnelle et épanouissement personnel.
Liv Intrigue Advanced vs Intrigue
Voilà pourquoi, sur le papier, ce nouvel Intrigue Advanced lui ressemble : il a l’air de ne pas vouloir choisir. Entre accessibilité et performance, notamment. Alors que le premier Intrigue était en aluminium, l’Advanced, lui, passe au carbone composite pour les triangles avant de tous ses modèles, y compris la Version 2, positionnée entrée de gamme.
Conformément à la tendance globale, la géométrie, revue, laisse place à un angle de direction de 66,5° (contre 68° sur l’ancien Intrigue), pour favoriser la mise en confiance dans la pente. Dans le même esprit, le top tube s’est allongé de près d’un centimètre en taille S, tout comme le reach (+ 2 cm en taille M) et les bases arrière (+ 1,5 cm en taille M), pour un empattement global de 1167 en taille M.
Inversement, le stack, lui, a été réduit, pour, selon Erin Lamb, « favoriser une position plus agressive ». Ce qui a pris un coup de court, surtout, c’est la longueur de la potence (ajustable en hauteur via 5 spacers), désormais en 35 mm, contre 70 pour feu l’Intrigue. « Nous voulions vraiment que le vélo reste agile de l’avant, afin d’augmenter la sensation de contrôle », précise Erin.
Conçu pour rester un tout-suspendu polyvalent qui ne rechigne pas au pédalage, le Liv Intrigue Advanced voit son angle de selle passer de 73,5 à 74,5°, afin de rendre le pédalage plus ergonomique.
Ce qui favorise également le pédalage, c’est la cinématique Maestro. Sortie en 2009, cette architecture bâtie autour de 4 points de pivot qui en créent un flottant continue de faire ses preuves en matière de capacité à conserver le train arrière au sol, évitant ainsi les pertes de rendement tout en lissant les petits chocs.
La luxueuse Version 0 ancre Liv dans le très haut de gamme. Une bonne chose pour tirer vers le haut l’ensemble de la production féminine. Sauf que…
Au cœur de cette cinématique-phare du groupe Giant, pour la Version 0 – la plus haut de gamme – de son Intrigue Advanced, Liv a greffé une pièce maîtresse inédite dans cette configuration : l’amortisseur DVO Topaz 2 T3.
Utilisé par les pilotes pro du team Liv, Rae Morrison et Leonie Picton, sur les Enduro World Series, celui-ci développe 150 mm à la course spécialement retravaillée, nous dit Rae, pour l’Intrigue Advanced et sa combinaison avec le Maestro. L’Intrigue Advanced signe ainsi le début de la collaboration avec DVO, jusqu’à présent réservée à la compétition, pour une production en série.
« En série très limitée », devrait-on dire. Car cette version 0 montre résolument l’envie de Liv de ne pas être considérée uniquement comme une marque grand public faisant du volume. Erin : «Nous n’avons pas réfléchi en termes commerciaux pour la Version 0, nous voulions simplement créer le meilleur vélo possible sur ce segment et tirer le marché vers le haut. »
D’où des équipements en cohérence avec cette vision volontairement élitiste. Amortisseur DVO spécifique, donc, couplé à la fourche DVO Diamond en 150 mm.
Un cintre Truvativ Carbon Descendant en 780 mm pour les tailles M et L (760 pour S et XS) est couplé à la potence Aka de la même marque.
La transmission est confiée à Sram avec son Eagle X01 en 1×12 (plateau de 30 dents à l’avant, cassette en 10×50 à l’arrière, pour un étagement le plus large possible) et se retrouve protégée par un guide-chaîne MRP.
Sram toujours côté freins, avec les Guide RSC en 180 mm à l’avant comme à l’arrière, mais aussi pour les pédalier et manivelles, avec les GXP Dub Press Fit et X01 Dub en 170 mm (165 pour le modèle XS).
Nouvelle selle Contact SL maison, et nouvelles jantes TRX également, en 30 mm de largeur intérieure avec système de rayons sans crochet en carbone, ponctuées de rayons Sapim.
L’ensemble supporte des Maxxis High Roller II en 27,5 avec des sections différenciées : 2.5 à l’avant pour plus de stabilité, et 2.4 à l’arrière, pour moins grever le rendement. Le tout étant compatible avec un montage en 2.6 pour gagner encore en sensation de sécurité, quitte à y laisser un peu plus d’agilité et – surtout – en rendement.
Que du beau, donc, qui fait rêver sur la fiche technique et s’envoler le prix à la sortie, avec un tarif public annoncé de 6900 euros, qui fait de l’Intrigue Advanced l’un des VTT tout-suspendu de série réellement spécifiques femme les plus chers du marché. À notre connaissance, seul l’enduro Liv Hail Advanced 0, à plus de 7200 euros, joue dans cette catégorie.
Le constructeur taïwanais déploie donc la puissance de feu permise par son statut de premier manufacturier mondial pour transformer le très haut de gamme féminin en un véritable marché. Bien sûr, celui-ci, comme souvent chez les marques, restera peut-être un marché de niche, réservé à quelques passionnées de beau matériel ayant ou s’en donnant les moyens. Mais un modèle d’élite-vitrine du savoir-faire d’une marque tire vers le haut l’ensemble de la production de VTT femme.
Donc on se réjouissait d’autant plus de cette version 0 qu’elle se trouve complétée de 2 autres modèles, plus accessibles et également proposées en 4 tailles (XS à L) : le Liv Intrigue Advanced 1 à 4580 euros environ et l’Advanced 2, à 3200 euros environ. Seul hic, comme pour le Hail Advanced lors de son lancement voilà deux ans, les versions 0 et 1 ne seront pas commercialisées en France. Seule la version 2 le sera, donc, cette année.
Interrogés, les services de Liv France expliquent les raisons de leur choix: «Nous avons privilégié le lancement de l’Intrigue Advanced 2 car nous nous devons d’apporter le meilleur rapport équipement/prix sur ce segment. (…) Nous savons que le gap au-delà de 3 500 € est très compliqué à capter. Pour répondre à ce besoin All-Mountain tout-suspendu performance, nous souhaitions offrir ce tout nouveau cadre Advanced, tout en y associant un niveau de specs à la hauteur, sans pour autant crever le plafond prix avec un niveau d’équipement trop onéreux. La marque Liv n’a plus besoin de modèle « vitrine » très cher pour trouver ses clientes, mais d’un produit, d’un design et d’un rapport prix/équipement qui correspondra parfaitement aux attentes.»
Si l’on veut bien entendre les arguments de la valeur du cadre Advanced – le même pour toutes les versions, ce qui permettra ensuite à chacune de l’upgrader si besoin –, la perspective de cette non-commercialisation française nous laisse pourtant comme un goût amer. Parce qu’on demeure toujours un peu frustrée de voir, excepté Juliana, les VTT féminins trop souvent cantonnés aux entrées ou milieu de gamme, avec des composants régulièrement sous-dimensionnés par rapport à leurs homologues homme. «Non mais, les filles sont plus légères, elles roulent moins vite, moins fort », tout ça… On connaît la chanson, et à vrai dire, elle agace : c’est sûr que c’est compliqué d’envoyer du gros sur une piste noire d’enduro en se sentant en sécurité avec une fourche de 120 ! Là, oui, ça demande une maîtrise technique élitiste au moins aussi énervante que l’élitisme financier !
Et si on changeait les perspectives, en pensant, comme le font certains naturalistes, que l’organe crée la fonction ? À savoir : c’est parce qu’on possède un vélo très bien équipé, valorisant, sécurisant, qu’on va rouler mieux et plus fort. Et puis, on a tout simplement envie de dire que nous aussi, « nous le valons bien »! Car même si elles ne sont pas légion, certaines filles sont prêtes à mettre plus de 3500 euros dans un vélo. Elles se retrouvent alors avec une offre spécifique plus que réduite sur le marché français, et vont voir ailleurs, dans les gammes mixtes. Ce qui vraiment est dommage, d’autant que l’offre produit, elle, existe. Et nous l’avons testée, avec la prise en main des versions 0 et 1.
Prise en main
Liv Intrigue Advanced 0, la haute couture de l’enduro/trail féminin
Comme pour la version électrique de l’Intrigue, enfourcher un Liv se fait toujours avec aisance, grâce à la forme sloping étudiée de son cadre, basée sur des études posturales menées par la marque.
Une fois en selle, on peut apprécier la vue sur la peinture de cadre soignée de cette version haut de gamme. Assortie aux embouts de guidon, à la visserie du pack DVO et au vernis des filles de l’équipe Liv, ça fait son effet « jusqu’au bout des ongles».
Pour régler l’amortisseur DVO, Liv recommande d’ajuster le SAG juste sous la base des lettres, facile à repérer. 80 PSI dans la fourche, 1,5 bar dans le pneu arrière, 1,4 à l’avant… reste le tube de selle à ajuster.
Et là, il va falloir choisir, car la course de 100 mm de la tige télescopique, un peu juste pour notre mètre 71 et la taille M du cadre, ne nous permet pas de pédaler à la fois en position haute et de la baisser suffisamment à notre goût pour les sections descendantes. Misant sur un profil de roulage plutôt descendant pour cette courte journée, nous sacrifions un peu de confort au pédalage en rognant sur les 69 cm idéaux de hauteur de selle.
Une toute petite boucle dans des bois sans trop de relief permet de peaufiner les réglages, et notamment celui de la fourche, qui reprend 10 PSI après un petit plongeon en toute fin de course dans un virage. Rien de méchant, mais sur les conseils de Rae Morrison, on ajuste ainsi le volume d’air et en même temps, on prend conscience des possibilités étourdissantes de réglages de la DVO. L’assurance de pouvoir l’adapter à vos préférences de roulage sans recourir aux tokens mais en ajustant les différents volumes d’air, pour n’avoir plus, ensuite, qu’à jouer avec la molette supérieure, graduée de 1 à 6 afin d’ouvrir ou fermer l’ensemble.
Place enfin à la découverte des véritables trails de Squamish ! Et ça commence fort, par la longue montée en forêt de Fifty Shades of green. L’étagement de la transmission fait merveille, ce ne sont pas les pignons qui manquent, mais plutôt les jambes sous cette chaleur écrasante, qui réclameraient presque une section de pneus un brin plus fine.
Toutefois, quitte à sacrifier encore un peu plus au rendement et afin de garder l’adhérence pour franchir les racines en montée, nous avons préféré placer l’amortisseur en position médiane – la position fermée ayant tendance, dans cette configuration sur un sol poussiéreux assez glissant, à occasionner quelques pertes de grip sur les relances trop appuyées.
En position médiane, le duo avec la cinématique Maestro colle l’Intrigue au sol : il nous a donc semblé que seuls notre forme physique et votre niveau technique étaient les limites de notre capacité de franchissement en montée. Et sentir que le vélo, lui, aurait plutôt tendance à vous pousser qu’à vous freiner, c’est vraiment appréciable !
Car quelques courbes serrées ascendantes ont laissé apprécier aussi la pertinence de cette potence et de ce stack raccourcis : la roue avant se place où on le souhaite, entre les racines et les cailloux saillants de Squamish, que la sécheresse de cet été 2018 met particulièrement à nu. L’arrière, lui, a toujours suivi de façon imperturbable durant ce galop d’essai.
On ne répétera jamais assez que les prises en main durant les présentations des nouveaux modèles sont en général très courtes, qu’elles permettent donc juste de dresser à grands traits le caractère d’un vélo. Mais l’Intrigue Advanced, dans cette luxueuse version 0, nous a donné l’impression d’un vélo à l’agilité remarquable, tout en s’avérant sain et sécurisant.
En descente, nous avons tout basculé en mode ouvert, et ça nous a ouvert… des horizons. Sur les fameux rock rolls qui signent l’identité de la Colombie Britannique, dans les salades de racines, ls marches rocheuses, l’Intrigue file droit. On a pris seulement soin de slalomer avec la roue avant, histoire d’éviter les plus gros obstacles, mais même sur ces derniers, les DVO n’ont jamais été pris en défaut.
Un comportement bien secondé par le choix des pneus : si les Maxxis High Roller ne sont pas les plus légers du marché, contrairement aux Schwalbe Nobby Nic de première monte choisis pour la première version de l’IIntrigue, pour la mise en confiance et la robustesse, les Maxxis, eux, sont présents. Aucune crevaison n’aura ponctué ce roulage, malgré un terrain agressif.
Si l’on devait trouver une petite ombre au tableau, outre le débattement de la tige de selle télescopique un peu trop chiche en M à notre goût, ce serait un revers des qualités de l’Intrigue Advanced. Car l’inconvénient, quand on est un VTT en 150 mm qui vous met en confiance et vous invite à « pimper » votre ride, c’est que les 180 mm de disques pour les freins peuvent sembler légers. Ou plutôt, dans certaines longues descentes, nous avions le sentiment de perdre un peu de puissance au niveau du frein arrière. Une purge aurait peut-être suffi à régler ce point de détail qui n’a pas affecté nos consœurs, à voir. Ce qui était à voir aussi, c’était à quoi pouvait ressembler le roulage sur la version 1.
Liv Intrigue Advanced Version 1, compromis sans compromission
Matériau du cadre, géométrie, fixation Trunnion de l’amortisseur et cinématique Maestro restent inchangés. Toute la question allait donc être de savoir si les specs de cette version 1 ne grèveraient pas trop l’excellente impression créée par la version 0.
Sur celle-là, le pack DVO est remplacé par un combo Fox Float DPX 2 Performance en 150- fourche Fox Float 36 Performance en 150 mm.
Tout comme les freins, passés en Guide RS, la transmission descend d’une catégorie mais reste Sram, avec du GX au lieu de l’X01. Plateau de 30 dents à l’avant et cassette 10×50, pas de changement ici non plus.
Le poste de pilotage évolue également, avec un cintre maison Contact SL et la potence idoine, en 35 mm toujours.
Évidemment, la couleur évolue, et le vert-effet peau de serpent laisse place à un rouge métal.
Comme le squelette du vélo ne change pas, nous retrouvons à son guidon la maniabilité bluffante de la version 0 et apprécions son habileté sur les modules canadiens.
Nous ne pouvons pas dire que l’ensemble Fox a manqué à son devoir, au contraire. Plus simple à ajuster en roulant, la Fox 36 lit le terrain et ne fait pas défaut dans les sections engagées et jonchées de racines dodues. Idem pour l’amortisseur. Sur cette courte journée de ride, on retrouve le côté sain et sécurisant éprouvé avec la version 0.
En revanche, on a l’impression de jouer davantage avec les vitesses pour trouver le bon rapport et, surtout, de lutter plus pour mener le vélo en haut des trails. À cela, 2 pistes d’explication: le jetlag qui s’installe et le poids supérieur du combo Fox, qui tend à coller davantage l’Intrigue sur les trails et à faire ainsi plus appel aux jambes de sa pilote. Et quand, cf. la première piste, celles-ci ne sont pas là, le tout peut se révéler un peu laborieux au pédalage.
En conclusion
Avec cet Intrigue Advanced, Liv vient clairement répondre à une demande du marché et combler le trou de sa gamme entre Pique et Hail. Pourvu de sérieux arguments en matière de comportement sain, l’Intrigue l’est aussi dans ce côté « race glamour » que Liv peaufine année après année. Et c’est pour cette raison que nous continuons, malgré les performances de la plateforme Advanced en général, à regretter que les 0 et 1 ne soient pas distribuée en France. Elles auraient joué le rôle de fer de lance haut de gamme et permis d’enrichir un créneau du marché du VTT féminin négligé: celui du haut de gamme.
Cela aurait aussi contribué au repositionnement de Liv, qui semble travailler à ne pas seulement être perçue comme une enseigne produisant du volume à destination du marché le plus grand public possible, mais de plus en plus comme une marque d’excellence, de passion, qui décline en série ses avancées en compétition. Alors il reste une solution: vous manifester auprès de votre revendeur et faire remonter que, oui, il existe bien une demande pour ces déclinaisons parlant plus à la passion d’un « porn-bike » qu’à la raison du porte-monnaie, car le distributeur reste à l’écoute du marché. Pourquoi ne pas présenter ces versions plus haut de gamme sur un événement comme le Roc d’Azur, qui permettrait de prendre la température de l’accueil qui leur est réservé ? Ne pas avoir à choisir et disposer de la plus large palette de modèles possibles, on a le droit de croire au Père Noël, non?