Prise en main | Giant Reign 29 : l’enduro polyvalent
Par Léo Kervran -
En 2019, Giant dévoilait une nouvelle plateforme en 29″ pour son vélo d’enduro, le Reign. Développé pour répondre aux attentes des pilotes de la marque, pour qui le 27,5″ devenait un peu juste sur les tracés toujours plus exigeants des EWS, il se distingue de la concurrence par son débattement arrière : « seulement » 146 mm. Est-ce suffisant pour une vraie pratique engagée ? Réponse sur les sentiers de La Clusaz en compagnie de Jey Maréchal, l’ambassadeur de la marque taïwanaise.
Le Reign, c’est l’un des plus anciens vélos de la gamme Giant : né en 2005 sous les traits (déjà !) d’un tout-suspendu d’environ 150 mm de débattement, c’était le premier vélo de la marque a utiliser la désormais célèbre architecture de suspension Maestro à point de pivot virtuel (voir notre lexique des cinématiques).
Le Reign a ensuite évolué en même temps que le marché et en 2015, après s’être absenté un an du catalogue, il passe en 27,5″ puisque Giant croit alors dur comme fer dans le potentiel de cette taille de roue pour toutes les pratiques. Aujourd’hui, le Reign existe en 27,5″ et en 29″, mais au vu de l’offre en « petites roues » (2 modèles, contre 6 en 29″), il y a fort à parier que cette taille disparaîtra rapidement de la gamme.
Pour construire cette nouvelle plateforme, les ingénieurs Giant ont tiré parti des capacités des roues de 29″ à effacer les obstacle et des sensations procurées par la suspension Maestro, qui donnent souvent l’impression d’offrir plus de débattement qu’il n’y en a réellement. Plutôt que de chercher à tout prix à faire rentrer 160 ou 170 mm derrière, ils se sont donc concentrés sur l’optimisation de son fonctionnement, quitte à ce que les valeurs annoncées n’aient rien d’extraordinaire. En revanche, devant c’est bien une fourche d’enduro qu’on retrouve avec du 160 mm d’origine, voire 170 mm sur la version SX (non disponible en France).
En taille L, la géométrie est un mélange assez surprenant entre modernisme et un certain classicisme. En effet, le vélo affiche un reach très long de 493 mm mais un angle de direction « droit » de 65°, loin des derniers Commencal Meta AM ou Specialized Enduro qui frôlent les 63,5°. Sur les autres tailles, on revient dans la moyenne des productions actuelles, avec un reach à 455 mm en taille M par exemple. En parallèle, le vélo affiche un angle de tube de selle à 76,8° et des bases à 439 mm, des valeurs équilibrées qui sont cohérentes pour un Giant. En effet, la marque a la réputation de faire des vélos sains et faciles à prendre en main mais manquant parfois un peu de saveur.
Côté gamme, tous les vélos ne sont pas disponibles dans chaque pays car, comme un importateur, chaque antenne nationale de Giant choisit les vélos qu’elle estime les plus adaptés à son marché. Ainsi, pour les versions avec cadre en carbone, 3 modèles sur 4 sont disponibles en France : Advanced Pro 29 0 (8 500 €), Advanced Pro 29 2 (4 300 €) et kit cadre + amortisseur (3 500 €). A l’inverse, en Belgique seule la version Advanced Pro 29 1 (4 999 €) apparaît sur le site de la marque. C’est la même chose pour les cadres aluminium, en France seul le Reign 29 2 (2 900 €) est proposé à la vente tandis qu’en Belgique, on ne peut acheter que le Reign 29 1 (3 799 €).
Le Giant Reign 29 sur le terrain
Comme vous l’aurez constaté au travers des photos de présentation « statique », notre modèle d’essai est le Reign Advanced Pro 29 2, la plus accessible des versions avec cadre carbone. Affiché au tarif de 4 300 €, il est équipé de suspensions RockShox Lyrik Select et Deluxe Select+, d’une transmission Sram NX Eagle, de freins Shimano MT520 (disques en 200 mm) et de roues « maison » Giant AM29 en 30 mm de largeur interne. Les périphériques, de la tige de selle au poste de pilotage, sont également des produits Giant. On note enfin la présence de série d’un guide-chaîne + bash MRP, quelque chose devenu de plus en plus rare aujourd’hui avec l’agencement narrow-wide des dents du plateau.
Petite particularité de cette version d’essai, notre vélo était équipé du multi-outils Giant Clutch à ranger dans le pédalier. Très complet vu le peu d’espace disponible (emplacement pour attache rapide, dérive-chaîne, démonte obus, clé à rayon, clés hex 2,5/3/4/5/6 mm et T25), il est aimanté à une bague fendue à insérer grâce à un petit coup de maillet. Giant propose cette bague en 3 versions, pour convenir à tous les pédaliers. Si nous ne pouvons pas nous prononcer quant à sa tenue dans le temps, nous ne l’avons ni perdu ni entendu bouger tout au long de la journée.
Une fois les pressions (suspensions et pneus) faites, nous partons en direction des traces enduro du bikepark de La Clusaz. En début de journée, nous avons un peu de mal à trouver l’équilibre sur le vélo. La marque recommande la taille L pour des pilotes de 1m79 à 1m88 et quand on se situe précisément à l’entrée de cette fourchette, le Reign peut apparaître un peu long. On sent bien que le vélo est construit pour mettre le pilote à l’aise et pour être facile à prendre en main mais on sent aussi qu’il faudra quelques descentes pour trouver la bonne position et exploiter pleinement le cadre.
Effectivement, une fois les premiers 1500 m de dénivelé négatif avalés cela va bien mieux et nous ne luttons plus pour trouver l’adhérence avec la roue avant ou se faufiler dans les enchaînements de virages serrés. Le Reign apparaît alors très sain et surtout équilibré. Si on le compare au dernier Commencal Meta AM, que nous avons essayé récemment et qui affiche le même reach, le Giant est bien plus facile à faire tourner dans les épingles. Grâce à son angle de direction à 65°, contre 63,6° pour le Meta ? Probablement et cela nous rappelle encore une fois que lorsqu’il est question de géométrie, tout est une question d’alchimie, on ne peut pas se baser sur une seule cote pour émettre des hypothèses quant au comportement du vélo.
La contrepartie de cette vivacité supplémentaire, c’est un peu moins de sécurité dans la pente ou à haute vitesse mais pas de méprise, le degré de stabilité offert par le Reign est largement suffisant pour de l’enduro. C’est plutôt le Commencal qui pousse les choses très loin, avec des capacités dans le domaine qui frisent celle d’un vélo de freeride ou de DH.
La conséquence d’un châssis équilibré et d’une rigidité bien dosée, c’est qu’on en vient finalement assez vite à trouver les limites des composants. Le montage est cohérent et fonctionne de façon tout à fait satisfaisante mais on sent qu’il y a matière à pousser les performances un cran plus loin avec des composants plus haut de gamme.
Côté suspensions, le montage d’origine pousse à faire des compromis : devant, il faut choisir entre support et efficacité lorsqu’on attaque, ou confort à vitesse plus faible et sur les plus petits chocs. Derrière, le petit amortisseur RockShox Deluxe suit comme il peut mais un modèle avec plus de volume offrirait plus de constance tout au long de la descente, tandis que des réglages dissociés de compression et rebond hautes et basses vitesses aideraient à affiner le comportement général du vélo.
Côté freins, si les MT520 d’origine offrent eux aussi des performances honnêtes et permettent de rouler sans arrière-pensée, un modèle plus endurant permettra de s’économiser un peu plus dans les longues descentes, sans avoir à appuyer sur le levier de plus en plus fort.
Le seul vrai point négatif de ce montage, ce sont les pneus. Les Maxxis DHF et DHR II sont des profils connus et adaptés à la pratique mais ce n’est absolument pas le cas de la carcasse Exo, bien trop légère et fragile. De l’Exo+ serait un minimum, voire du DoubleDown si vous êtes plutôt lourd ou que avez un pilotage engagé. Ici, on est obligé de surgonfler au détriment du confort comme de l’adhérence et c’est regrettable.
Et ces 146 mm de débattement alors, est-ce suffisant ? La réponse est oui ! La suspension du Reign n’est pas celle qui a le plus de « pop », on pourrait qualifier son comportement d’assez neutre mais la course de l’amortisseur est très bien gérée et nous n’avons jamais eu l’impression de manquer de débattement, même dans des successions rapides de chocs importants ou sur des réceptions à plat. On sent tout de même qu’on n’a 170 mm de débattement, le vélo n’est pas un modèle de confort dans ces conditions mais on reste toujours en contrôle.
L’autre intérêt de ce débattement en apparence faible pour un enduro, c’est que malgré la sensibilité de la suspension sur les petits chocs, le pompage est limité. Il y en a suffisamment pour que ce soit visible mais on ne s’en rend presque pas compte en pédalant et nous n’avons jamais activé le levier de blocage, même sur les quelques sections de route ou de chemin large que nous avons empruntées. De manière générale, il faut reconnaître que ce Reign 29 pédale bien pour un enduro, bien mieux que ses prédécesseurs qui étaient assez patauds et ce même dans ce montage accessible donc assez lourd (14,84 kg en taille M d’après Giant).
On peut sans difficulté envisager de longues sorties à son guidon, la position est agréable et d’un point de vue sensations au pédalage, on a plus l’impression d’être sur un all-mountain que sur un enduro. Cela dit, n’oublions pas que ce modèle est équipé de pneus légers qui ne sont évidemment pas pour rien dans cette sensation et des carcasses plus adaptées à l’enduro feront très certainement perdre en dynamisme.
Par l’esprit qui s’en dégage, ce Giant Reign 29 nous fait penser au Canyon Strive. C’est un vélo d’enduro moderne mais qui sait rester accessible à tous, que ce soit d’un point de vue niveau de pilotage ou terrain de pratique. Sur le papier, cette version Advanced 29 2 est loin d’être le meilleur rapport qualité/prix du marché, mais nous avons été agréablement surpris par les performances de l’ensemble qui dégage une belle impression de cohérence et d’équilibre. Sans gros point noir mis à part les pneus, le vélo peut tout à fait s’envisager tel quel dans le cadre d’une utilisation régulière, y compris en compétition. Pas de note pour cet essai, cela n’était qu’une courte prise en main le temps d’une journée, mais c’est exactement le genre de vélo qu’on aurait aimé conserver un peu plus longtemps pour le faire évoluer par petites touches et voir son véritable potentiel…
Note : après quelques semaines, le Reign est revenu nous voir et nous avons cette fois pu le garder un moment ! De quoi affiner nos sensations et publier un véritable test, à retrouver ici : Test | Giant Reign 29 : enduro, mais pas seulement
Plus d’informations : giant-bicycles.com