Prise en main | Giant Reign 2018, allongé et fignolé
Par Paul Humbert -
C’est en Europe, et en présence du leader de son équipe d’enduro EWS, que Giant a présenté son nouveau Reign 2018. Le chef de file de la gamme enduro est remis au goût du jour en suivant les attentes de Josh Carlson et, plus largement, de cette discipline exigeante qui continue sans cesse d’évoluer. Le nouveau Giant Reign 2018 est plus long, se veut plus dynamique et taillé pour la recherche de vitesse. Nous l’avons essayé sur les hauteurs de Santa Caterina Valfurva, au nord de l’Italie. Présentation et premières impressions :
C’est dans les mains de Josh Carlson que nous avions repéré le prototype du nouveau Giant Reign 2018 lors des dernières Enduro World Series. Le vélo est apparu pour la toute première fois publiquement à Madère dans une version encore en aluminium à l’époque.
C’est en Italie, à Santa Caterina Valfurva, que nous avons retrouvé le pilote Australien, installé au Canada et qui avait fait le déplacement pour l’occasion.
Très sympathique, il nous explique qu’il envisageait de basculer sur un Giant Trance (le all-mountain de la marque taiwannaise) pour les EWS les plus physiques, faute d’avoir le dynamisme suffisant avec son Reign. Il a toutefois changé totalement d’idée depuis qu’il est passé aux mains du millésime 2018 du Reign.
Bonne nouvelle pour les ingénieurs de la marque puisque c’est dans cette direction qu’ils travaillaient depuis maintenant un an et demi. Jugé très bon et déjà bien abouti à de nombreux points de vue, le Giant Reign manquait toutefois d’un peu de dynamisme et de vivacité pour un usage orienté compétition, d’après les pilotes de la marque. C’est donc autour de cette problématique que tout a été repensé, en fignolant ce qui pouvait l’être et en adaptant la machine aux contraintes actuelles de l’enduro.
Le Giant Reign continue de proposer 160mm de débattement à l’avant comme à l’arrière. Malgré la position changeante de Giant sur le sujet, il s’équipe de roues de 27,5 pouces et la version « advanced » propose un triangle avant en carbone (tout en conservant un arrière en aluminium). Le choix du carbone n’a pas été retenu pour le triangle arrière car le gain de poids était négligeable sur ce modèle, les coûts de production bien plus élevés et la fiabilité moins assurée. Pour les roues, la question du 29 pouces, très à la mode en ce moment en enduro, a été écartée par Giant au bout d’une heure et demie de discussion: « Le 29 pouces n’est pas en phase avec ce que l’on recherche et n’était pas sollicité par nos pilotes. » Voilà la version officielle.
Si elle a été retravaillée, on retrouve évidemment la suspension Maestro chère à Giant. Pour rappel, cette dernière se décline sur toute sa gamme de la marque et s’articule entre deux basculeurs, 4 points de pivots, et un triangle arrière « flottant ». Les ambitions de la marque sont de toujours proposer une suspension efficace au pédalage et un excellent fonctionnement sur tous les types de chocs, même au freinage.
Sur cette version 2018 du Giant Reign, la biellette haute n’est plus construite en aluminium, mais en carbone, afin d’offrir une plus grande rigidité tout en gagnant un petit peu de poids.
Du côté de la suspension, ce qui change, c’est surtout la taille de l’amortisseur qui, avec sa monte trunnion (les points d’ancrage sont sur les côtés et intègrent les pas de vis, libérant ainsi plus d’espace pour l’hydraulique) et son standard Metric, s’allonge et permet d’offrir un ratio de compression plus bas. La marque annonce ainsi offrir une meilleure lecture des petits chocs par la suspension ainsi que de meilleures performances au pédalage. L’amortisseur est plus grand pour un travail plus en finesse tout au long des 160mm de débattement.
L’objectif est d’offrir de meilleures performances, et surtout, d’améliorer les capacités d’accélération du vélo, ses capacités à tourner et à continuer d’encaisser les plus gros chocs.
Cette monte d’amortisseur permet également de dégager plus d’espace pour de grandes tiges de selle télescopiques. Notre modèle de test en taille L était équipé d’une tige de selle de 120mm de débattement mais on nous annonce que les débattements varieront en fonction des tailles sur les modèles définitifs. Une nouvelle cartouche équipe la tige de selle Giant et deux commandes seront disponibles. Nous avons pu découvrir celle nécessitant une pression par le dessus.
C’est le fleuron de la gamme qui nous est présenté ; le Giant Reign Advanced 0, et ce dernier est équipé d’un amortisseur à ressort, de plus en plus plébiscité à haut niveau en enduro. C’est d’ailleurs avec Giant que Rockshox a commencé à travailler pour développer un blocage d’amortisseur pour ce « Superdeluxe coil ». La sensibilité et la lecture du terrain de ces modèles sont effectivement un cran au dessus des versions à air mais c’est souvent au pédalage qu’on retrouve les plus gros défauts. Il nous tardait donc de grimper sur ce vélo, même si on remarque également que cet amortisseur à ressort n’équipe que le modèle le plus haut de gamme. Tant pis pour les autres.
Le changement le plus flagrant sur ce nouveau Giant Reign 2018 reste sa géométrie. À sa sortie, le Reign se voulait comme le vélo le plus ouvert et le plus long pour la pratique de l’enduro. En 2017 (pour 2018) les ambitions ne changent pas et la mode est toujours à l’allongement. Le reach du vélo passe donc de 458 à 473 en taille L. C’est nettement plus qu’un gros enduro comme le Norco Range 29 ou même le Santa Cruz Nomad. La volonté de Giant est « d’ouvrir » la position de pilotage, permettant ainsi une plus grande liberté de mouvement à haute vitesse, en développement la sensation d’être « dans » le vélo, et non pas au-dessus.
L’angle de direction continue d’afficher 65 degrés, tout comme l’angle du tube de selle est toujours à 73°. En taille L, la longueur totale du vélo passe de 1217 à 1232mm.
Sur tous les vélos de la gamme, un cintre de 800mm de large est couplé à une potence de 40mm en taille S, 50 en M et L et 60 en XL.
Josh Carlson prend la parole à son tour pendant cette présentation bien huilée et ils nous fait part de son expérience : « Allonger l’avant du vélo a été une très bonne chose pour moi. Je suis même passé d’un vélo en taille L à une taille XL en raccourcissant la potence. Le vélo pédale mieux que jamais et j’arrive moins fatigué à la fin d’une EWS. J’aime beaucoup l’apport de l’amortisseur à ressort. C’est le même Reign, mais sans ses points faibles. »
On notera que le pilote a équipé son Reign d’une Rockshox Lyrik dotée de 180mm de débattement alors que le modèle grand public n’en affiche que 160.
Les passages de câbles ont été légèrement modifiés pour permettre notamment d’installer la commande au guidon du blocage d’amortisseur.
Le vélo est assez logiquement au standard boost (148/110mm). L’axe arrière se passe de levier pour déblocage à la main, évitant ainsi tous les risques d’accrochage. Un coup de clé allen règlera toutefois tous vos problèmes. Les bases sont protégées, tout comme le tube inférieur (la protection n’était pas présente sur notre modèle d’essai mais elle le sera sur les versions commercialisées).
On retrouve de nombreux composants « maisons » sur les Reign : la tige de selle et la selle, le cintre, les poignées…
La gamme Reign a deux facettes, avec d’un côté les modèles Advanced au triangle avant en carbone, et les Reign « simples » tout en alu, de l’autre. Deux modèles sont disponibles en finition Advanced et un seul est tout en aluminium. Le vélo sera commercialisé en quatre tailles. Un autre modèle en aluminium baptisé Reign SX offrira 10mm de débattement en plus et des équipements body-buildés.
Côté tarifs, le Reign Advanced 0 est annoncé à 7199€ pour 13,6kg et le Reign Advanced 1 à 4999€ et 13,6kg. Le Reign 1 affiche 4599 euros, le Reign 1.5 3199€ et 13,8kg et le Reign 2 est commercialisé à 2699 euros (nous n’avons pas les photos des deux derniers modèles). Le Reign SX affiche lui 3999 euros pour 14,4 kg.
Prise en main : Giant Reign Advanced 0 – 2018
À force de promenade, nous commençons à avoir parcouru de nombreux endroits accueillants pour le VTT et la liste de ceux à découvrir est longue comme nos deux bras, plus les vôtres. Giant a toutefois réussi à convier un petit groupe de journalistes dans un village italien qui était inconnu de tous, ou presque.
À 3 heures de route d’à peu près tous les aéroports, nous croisons la route du Giro d’Italia pour arriver dans le joli village de Santa Caterina Valfurva. Les derniers kilomètres parcourus nous laissent déjà présager de bonnes choses.
Mesurant 1m83, je grimpe, comme à mon habitude sur un vélo en taille L. Le Reign Advanced 0 est le porte étendard de la gamme. Suspensions haut de gamme, roues DT Swiss EX 1501 en 30mm de large, transmission Sram Eagle, cintre en carbone : tout y est.
Mes premiers tours de roues se font sur un single alpin rocheux et vallonné. On enchaîne les petites montées, les pierriers et les premiers virages. Une chose est déjà certaine, le vélo grimpe bien pour une machine de ce calibre. Comme on pouvait s’y attendre, le Giant Reign 2018 est long de l’avant et un temps d’adaptation est nécessaire.
Une fois la pente plus prononcée, on prend de la vitesse et on traverse différents terrains et obstacles sur notre parcours. La suspension Maestro est réellement bien aboutie et la finesse de lecture de l’amortisseur à ressort, toujours en mouvement, offre un confort assez réjouissant. Equipé d’un ressort de 400, je me dis toutefois que je m’amuserai à tester différents ressorts lors d’un prochain passage sur le Reign 2018.
Devant, la Rockshox Lyrik et sa nouvelle cartouche Charger font du Reign un vélo très bien suspendu. On ne plonge pas dans le débattement trop vite, la lecture des petits chocs est bonne et l’ensemble est bien rigide.
Dans les portions ouvertes et rapides, le vélo est un véritable régal. Je lui fais naturellement confiance et on peut, effectivement, rester au contrôle de la machine. C’est dans les portions un petit peu plus serrées que les choses se gâtent pour moi. Si tout se passe bien la majeure partie du temps, un moment d’inattention ou de fatigue me fait vite glisser sur l’arrière du vélo et on perd en précision. Le reach du vélo est un peu déroutant et une potence plus courte sera de rigueur lors d’un essai plus long.
Le programme de notre découverte était relativement mystérieux jusqu’à notre arrivée. C’est finalement par les airs, une quinzaine de vélos pendant dans le vide, que nous avons atteint le point le plus haut de notre ride. On ne vous mentira pas, ce genre de dépose en hélicoptère est tout sauf déplaisant mais cela correspond assez peu à notre vision du VTT et de l’impact qu’on souhaite avoir sur l’environnement qui nous entoure.
Inaccessible par les grands chemins, nos partons du bord d’un lac de montagne, entre ce qu’il reste de la neige de l’hiver et de gros blocs rocheux, pour une magnifique descente de plusieurs kilomètres.
La région est à la frontière avec la Suisse et le Giant Reign est particulièrement à l’aise dans les anciens et rocailleux chemins de contrebande.
À haute vitesse, cette nouvelle version du Reign me donne la sensation d’avoir plus de 160mm de débattement. Et quand c’est défoncé, je lui fais réellement confiance.
Dans les appuis, le vélo est effectivement bien dynamique, on conserve facilement de la vitesse et on ne s’affaisse pas à chaque coup de pédale. Un petit peu trop long sur le vélo, c’est la précision dans ces appuis qui est parfois venue à me manquer. S’il reste inchangé, le triangle arrière semble toutefois plus court, presque trop par rapport à l’avant.
La rigidité générale du vélo est vraiment bien dosée. On ne tombe pas dans l’excès et l’inconfort et le Reign 2018 offre toutefois toute la précision nécessaire pour un pilotage à haute vitesse.
En chipotant, je trouve quelques points à améliorer, comme la commande du blocage, assez peu ergonomique et instinctive. La selle, sur la tige de selle au débattement réduit sur notre modèle d’essai, avait aussi tendance, avec ses angles prononcés, à accrocher mon short.
Verdict
Je ne sentais pas le Giant Reign vraiment « daté » et la précédente version, déjà bien aboutie, évolue pour devenir une machine plus en phase avec son époque. Leader de l’industrie, Giant a su imposer sa dynamique quand il est question de géométrie et peut-être que les autres acteurs continueront d’aller dans cette direction. Pour la taille des roues, c’est moins sûr car on sent que la tendance est au 29″, mais je dois avouer avoir été pleinement satisfait par ce Giant Reign 2018 en 27,5 » lors de cette brève prise en main. Il demande toutefois de l’attention au moment de choisir sa taille de cadre. Une fois sur le bon cheval, la machine se révèle à la fois performante et assez accessible. Il me tarde de voir, lors d’une prise en main plus longue, si la machine saura vraiment s’ouvrir à un très large spectre d’utilisateurs pour la pratique de l’enduro au sens large, et pas uniquement dans une orientation compétition ou, du moins, assez engagée.
Plus d’infos sur le site de la marque : www.giant-bicycles.com
Photos : Sterling Lorence, PH