Prise en main | Bulls Wild Edge Team Di2 : chasseur alpin
Par Olivier Béart -
Le Bulls Wild Edge Team Di2 est l’arme d’un des teams marathon les plus réputés au monde, dans lequel on trouve des gars comme Urs Uber, Karl Platt ou encore les jeunes retraités Stefan Sahm et le sympathique Thomas Dietsch. Leur cahier des charges : un vélo ultra léger, qui grimpe comme un hardtail, mais qui apporte un surcroît de grip et de confort sur les longues distances. Nous avons roulé sa dernière évolution dans les Alpes, sur les terres de la MB Race.
Il y a deux saisons, l’équipe a pu étrenner un nouveau jouet : le Bulls Wild Edge. Celui-ci a été légèrement revu cette année au niveau de la biellette de suspension, qui pouvait gêner certains pilotes au niveau des cuisses. C’est donc cette dernière version que nous avons eu l’occasion de rouler dans les Alpes en compagnie de Thomas Dietsch (mais pas avec son vélo… bien trop grand pour nous), sur les pentes empruntées par la désormais célèbre MB Race, après avoir pu rouler aussi le premier modèle sur nos terrains habituels.
Cadre
Bulls a fait évoluer son Wild Edge il y a deux ans afin de remettre son modèle phare au goût du jour. Certaines choses n’ont pas changé, comme la position de l’amortisseur sous le tube supérieur afin de laisser l’intérieur du triangle avant libre pour deux grands bidons (vital sur les longues distances). Cette position a aussi l’avantage de faciliter l’accès au blocage quand on ne dispose pas de commande au guidon, ou d’avoir un trajet de câble simple et fluide si c’est le cas.
Outre le positionnement de l’amortisseur, la suspension arrière fait appel à une cinématique de type 4 Bar Linkage comme, par exemple, sur les précédentes versions du Specialized Epic. Habituellement, ce type de suspension, qui offre ici 100mm de débattement, est connu pour être fort actif, confortable, mais aussi assez sensible au pompage. Nous verrons plus loin qu’entre la théorie et la pratique, il y a une certaine marge…
Le cadre s’allège aussi, avec une construction désormais 100% carbone, y compris les deux petites biellettes situées au niveau de l’amortisseur. Les lignes deviennent plus furtives et nettement plus contemporaines que le précédent qui avait de faux airs d’ancien Scott Spark. Bulls annonce un poids de cadre autour de 2kg avec amortisseur, soit dans la très bonne moyenne du segment.
C’est très subtil, mais le vélo a encore légèrement évolué pour cette saison, avec des biellettes plus compacte afin de ne plus risquer de venir toucher les cuisses de certains pilotes, une visserie revue (nous avions cassé un des axes sur la première version) et des roulements mieux dimensionnés pour fiabiliser l’ensemble et éviter les craquements. Avoir des gars qui roulent (beaucoup), ça aide pour faire évoluer les produits !
Détail amusant, on retrouve une tige de selle en diamètre 27,2… enfin, presque ! Il s’agit en effet d’un modèle aplati doté de capacités de déformation pour filtrer les petites vibrations, et qui nécessite le placement d’une cale dans le tube de selle pour être fixé. Il est spécifique à Bulls, qu’on retrouve aussi sur le hardtail haut de gamme de la marque, le Black Adder (voir notre test). La présence de la « cale » ne facilite pas le réglage de la hauteur de selle, mais rien de rédhibitoire et même sur un full comme celui-ci, on peut percevoir légèrement son action. Pas bête, donc.
Le Wild Edge est aussi compatible double plateau, grâce à une patte permettant le montage d’un dérailleur avant. Une fois encore, vu le programme, ça se tient, car cela permet d’avoir une cassette avec un étagement resserré, sans compromette l’étendue des développements disponibles. Un paramètre vital quand on enchaîne les longues ascensions, puis les portions roulantes et les descentes rapides.
Géométrie
La mise à jour du Bulls Wild Edge se concentre aussi sur la géométrie, qui évolue au niveau du Reach allongé (443mm en taille 48/M) et aussi des bases qui se raccourcissent. Rien d’extrêmement court, puisqu’on est à 445mm, mais on venait de… 460mm sur l’ancienne version ! Ce qui est, par contre, extrêmement long, puisqu’on ne rencontre plus aujourd’hui ces valeurs que sur certains e-bikes. Cela dit, si l’objectif est d’avoir de la traction en côte et un vélo avant tout stable pour les marathons, cela se tient.
Bulls reste aussi très conservateur au niveau de l’angle de direction, avec 71°, alors que la tendance est plus aujourd’hui autour de 69° en XC/Marathon, voire moins. Voilà qui va rendre la direction vive, mais qui risque de ne pas rendre le Bulls Wild Edge particulièrement à l’aise dans les descentes les plus techniques. Cela méritera d’être vérifié.
Equipement, versions et tarifs
Un des points forts de Bulls, c’est toujours le rapport qualité/prix/équipement de ses vélos. Encore une fois, c’est le cas, puisqu’on peut s’offrir un Wild Edge dès 2999€. Les équipements ne sont bien sûr pas les mêmes (on est sur un montage en Shimano SLX, fourche Reba, périphériques et roues alu), mais le cadre est par contre identique.
On grimpe ensuite très vite au-delà de 5000€ avec deux offres, en XT Di2 (5199€) ou Sram XX1 Eagle (5799€), chose rarissime chez Bulls qui est habituellement fidèle à Shimano, mais qui n’a pu résister aux sirènes du 1×12.
Enfin, notre modèle Wild Edge Team Di2 est ce qui se fait de mieux, avec un montage en Shimano XTR Di2, roues DT Swiss XRC1200 (en 22,5mm de largeur), des périphériques FSA en carbone et une fourche RockShox RS-1 qu’on n’a plus trop l’habitude de voir depuis le retour en force de la SID. Il se murmure d’ailleurs que pour 2019, les nouveaux Wild Edge seront montés en Fox… comme les vélos du team qui sont déjà passés à la concurrence. Au niveau du tarif, le modèle Team est affiché à 6599€. Une belle somme, mais un tarif très bien placé quand on regarde la concurrence où il faut parfois débourser plusieurs milliers d’euros supplémentaires pour prétendre à un équipement similaire.
Bulls Wild Edge Team Di2 : le test terrain
C’est en compagnie du grand (par la taille comme par le palmarès et la sympathie) Thomas Dietsch, que nous avons mené cette prise en main du Bulls Wild Edge Team Di2, sur des terrains qui lui sont familiers : les Alpes.
Premier constat : en côte et dans les accélérations, vu sont poids plume, c’est une bombe ! Dire qu’il roule tout seul est évidemment exagéré, mais on est sans aucun doute en présence d’un des vélos les plus performants et explosifs que nous avons essayé. Avec un SAG classique autour de 25%, il n’y a absolument aucun pompage, même sans utiliser le levier de blocage. On ne se sent d’ailleurs pas pénalisé du tout par l’absence de commande au guidon pour l’amortisseur. Il y en a juste une pour la fourche et c’est bien suffisant.
Sur les petits chocs, le confort est présent et on sent que les vibrations sont bien atténuées. C’est aussi en partie dû à la tige de selle très flexible, rare sur un full suspendu mais qui n’est pas une ineptie vu le programme du vélo et son caractère naturellement assez ferme.
Mais dès que les impacts deviennent un peu plus gros, ça sautille et la différence avec un bon hardtail confortable ou un softail type BMC Team Elite n’est pas flagrante. Vu l’absence de pompage, on se décide à baisser la pression jusqu’à 30, voire 35% de SAG. Et c’est une bonne idée car cela permet de gagner en confort lorsqu’on est assis sur le selle et surtout en grip dans les ascensions techniques, sans pour autant avoir une suspension qui s’affaisse ou qui oscille au pédalage.
Après avoir trouvé ce bon compromis au niveau de la suspension et constaté son tempérament explosif en côté, va-t-on pouvoir aussi se lâcher complètement en descente ? Hélas non, pas vraiment. Dans les singletracks sur terrain plat, le Bulls Wild Edge est maniable, vif et très agréable. Par contre, dès qu’il y a de la pente et qu’on rentre dans des portions plus délicates, c’est le vélo qui devient justement plus… délicat.
Le poids est fort porté sur l’avant, la suspension arrière reste très haut dans le débattement et qui semble ne faire qu’atténuer les gros impacts sans réellement les absorber ; sans compter sur l’angle de direction fort droit : tous ces paramètres n’aident absolument pas à se sentir à l’aise lorsqu’il faut négocier des passages raides ou jonchés de gros obstacles.
Des réglages encore plus fins des suspensions (à l’aide de « volume spacers » et autres joyeusetés) nous auraient peut-être aidé à profiter mieux du Wild Edge, mais cela ne fait pas tout. A l’heure où certains XC modernes s’apparentent à de petits vélos d’enduro en descente, on n’est plus habitué et on serre les fesses en attendant que cela passe… et on attend d’arriver dans la côte suivante pour pouvoir à nouveau rouvrir les gaz en grand.
Verdict
Le Bull Wild Edge, c’est un peu Dr Jekyll et Mr Hyde : une crème en montée, mais une machine caractérielle en descente. Au fond, pour le programme précis pour lequel il a été conçu, à savoir des marathons alpins très physiques mais pas forcément toujours hyper techniques, il fait le job. Mais c’est une vision très germanique de la chose et certains marathons, comme la MB Race ces dernières années, emmènent aussi les coureurs dans des descentes qui demandent de bonnes compétences techniques, tant de la part du pilote que de la machine. Par rapport aux XC modernes qui permettent désormais toutes les excentricités, le contraste est flagrant et ne joue pas à l’avantage du Bulls Wild Edge à nos yeux. A chacun de savoir ce qu’il recherche. Mais s’il rentre dans vos critères, alors son rapport poids/prix peut se montrer séduisant.
Plus d’infos : https://www.bulls-bikes.com