Présentation | Canyon Spectral:ON : on a roulé l’e-bike made in Koblenz
Par Elodie Lantelme -
Canyon est un des derniers grands acteurs du milieu du VTT à se lancer dans l’électrique. Mais si la marque a mis longtemps à sortir son premier e-bike, le Canyon Spectral:ON que vous avez sous les yeux, cela fait 3 ans qu’on travaille dessus dans le bureau R&D situé à Coblence, ainsi que dans le Sud de la France, du côté d’un certain Fabien Barel qui a largement participé au développement. Voici la présentation détaillée de cet électrique de dernière génération, bardé de petits détails originaux, et que nous avons eu l’occasion de prendre en main :
Le fait que Canyon soit une marque de vente en ligne exclusivement joue aussi un rôle. Il faut une large distribution des pièces aux quatre coins du monde, des SAV performants et bien structurés, ainsi que des produits qui ont fait leurs maladies de jeunesse car même si Canyon n’abandonne pas ses clients dès le lendemain de l’achat, le consommateur ne peut compter sur un revendeur pour l’assister en cas de galère. Voyons cela en détail :
Moteur et batterie
Pour son Spectral:ON, Canyon a fait le choix du moteur Shimano. Compact et léger, le Shimano Steps E-8000 est celui qui offrait le plus de liberté au niveau du design aux ingénieurs de la marque. Un de leurs critères lors du développement était de conserver les bases les plus courtes possibles. Et pour le coup, c’est réussi, puisque le Canyon Spectral:ON établit un record à 430mm, soit exactement la même mesure que son frère sans moteur !
Outre ce point fondamental, Fabien Barel nous explique avoir testé toutes les autres solutions du marché et préféré la Shimano pour son côté doux mais puissant, ainsi que la possibilité de pédaler au-delà de 25km/h sans emmener de la pignonnerie hors assistance (coucou Bosch). Cerise sur le gâteau, Shimano propose des manivelles très courtes (en 165mm sur le Spectral:ON) qui évitent de taper un peu partout en côte. Dernier argument non négligeable, même s’il n’est pas technique : Shimano dispose d’un réseau de service mondial hyper développé, à même de dépanner un consommateur n’importe où dans le monde.
Du côté de la batterie, dont le positionnement est un enjeu majeur sur les vélos électriques en raison du poids important qu’elle représente et de l’importance du centrage des masses sur un vélo, le Canyon Spectral:ON fait partie des vélos qui choisissent d’intégrer… une batterie non intégrée ! Traduction : Canyon opte pour la batterie externe proposée par Shimano car elle est nettement plus compacte, mais le cadre est ensuite construit autour d’elle de telle façon qu’elle s’oublie dans l’architecture globale du châssis et qu’elle se retrouve au plus près possible du moteur. Voilà qui rappelle un peu le Commençal Meta Power au niveau de la philosophie et du look (même si la batterie est ici mieux intégrée), ou encore les derniers Moustache qui sont, eux, en Bosch.
Un châssis… aux roues différenciées !
Plongeons-nous maintenant un peu plus dans la réalisation du cadre lui-même. Le Canyon Spectral:ON adopte une partie supérieure qui a bel et bien un air de famille avec les Torque et Spectral non motorisés présentés il y a peu. Mais la partie basse est spécifique, avec un berceau très travaillé pour recevoir la batterie. Cette dernière est amovible, ce qui facilite la recharge quand on n’a pas la possibilité d’avoir une prise juste à côté du vélo.
Petit détail non négligeable sur le terrain : malgré la batterie non intégrée, le Canyon Spectral:ON accepte un porte-bidon et une bouteille compacte. « On pense qu’on va s’adresser à des rouleurs avec ce vélo, des gens qui aiment partir à l’aventure, explorer. Alors, dans ce cadre, le porte-bidon est indispensable, » martèle Daniel Oster, le « papa » du Spectral:ON. Un carter spécifique protège aussi le bas du moteur et un guide-chaîne intégré prend place au niveau du pédalier.
Tiens, vous ne voyez pas quelque chose en regardant les images ? Mais oui : la taille des roues ! Moustache avait déjà utilisé cette solution, et elle est ici reprise par Canyon sur le Spectral:ON, mais dans une interprétation un peu différente : du 27,5+ derrière et du 29″ devant. Un choix que nous ne pouvons que valider et dont nous avons été parmi les « early adopters » (voir notre dossier sur les différentes tailles de roues et les avantages d’un tel mélange).
Selon Fabien Barel, un tel choix est particulièrement pertinent sur un VTTAE car il permet de maximiser la traction à l’arrière, tout en ayant une roue avant plus précise, sans flottement dans les appuis, et encore plus capable de survoler les obstacles. Au niveau des pneumatiques, le choix de Canyon s’est porté sur le Maxxis Minion DHR II à l’arrière en 2.8, sur jante de 35mm, et sur du Maxxis Minion DHF en 2.5 Wide Trail à l’avant, sur jante de 30mm.
En passant, si on ne voit pas plus ce type de configuration sur des vélos classiques… c’est tout simplement parce que l’UCI l’interdit. Mais en VAE, point de règles similaires ! Espérons que les vélos « classiques » (et surtout l’UCI) en prennent de la graine…
Une géométrie… variable
Au niveau de la géométrie, on se retrouve avec des valeurs très proches de celles du Spectral classique, notamment au niveau des bases en 430mm dont nous avons parlé d’emblée car il s’agit d’un beau petit exploit sur un VTTAE.
On note aussi qu’il y a pas moins de 5 tailles, avec un XS (en roues de 27,5, sans 29 devant) et un XL… Mais ce n’est pas le seul raffinement !
Regardez les angles de direction et de selle : ils comportent deux valeurs. La raison ? Canyon, qui est un habitué de la géométrie variable depuis le fameux Shape Shifter qui équipe le Strive d’enduro, a doté son Spectral:ON d’un dispositif similaire. Cette version est beaucoup plus discrète et compacte, puisqu’elle est située au niveau de l’ancrage de l’amortisseur sur le tube supérieur, mais il y a une grosse différence avec celle du Strive, c’est qu’il faut s’arrêter et sortir une clé pour changer l’ancrage. Cela permet de faire varier les angles de 0,8° et de donner soit plus de polyvalence à l’engin, soit de le typer plus « DH ».
Suspension
Du côté des suspensions, le Canyon Spectral:ON offre 150mm de débattement à l’avant comme à l’arrière, avec une version bodybuildée à 160 au niveau de la fourche.
La courbe de la suspension arrière a été travaillée par Canyon de sorte à offrir des performances adaptées au poids de l’électrique (21,55kg annoncés pour le Spectral:ON). Le début de course est sensible pour le confort et la traction, mais il y a nettement plus de progressivité ensuite pour assurer un bon maintien, et la fin de courbe est nettement plus raide pour éviter de talonner. La suspension a aussi pour but de rester bien active au freinage. L’amortisseur accepte aussi des volume spacers.
Equipement
Fidèle à son habitude du souci du détail, Canyon est allé jusqu’à concevoir quelques équipements spécifiques pour ce modèle. A commencer par une selle spécifique SD:ON avec un arrière relevé permettant de mieux se caler en côte, ainsi que d’un bec large et d’un évidement central permettant d’éviter tout engourdissement alors qu’on reste plus assis sur un e-bike.
Canyon a aussi mis l’accent sur le freinage avec des étriers 4 pistons sur l’ensemble de la gamme et des disques de 200mm, histoire d’arrêter l’engin malgré son poids et de ne pas avoir trop d’échauffement dans les longues descentes. Enfin, il est aussi équipé de composants dits de « catégorie 3e », c’est-à-dire testés selon les plus hautes contraintes par la marque et 50% plus de charge par rapport à la catégorie 3 lors des tests de fatigue.
La gamme Canyon Spectral:ON
La gamme Canyon Spectral:ON comptera pas moins de 6 modèles, dont deux spécifiques pour femmes. Le premier prix s’établit à 3799€ et la version la plus luxueuse est tarifiée 5999€.
Enfin, l’expédition se fera dans une toute nouvelle caisse dédiée et adaptée au poids ainsi qu’à la présence de la batterie. Les pré-commandes pourront être effectuées à partir du 8 mars 2018 sur le site de la marque (cela devait être la date initiale du lancement, mais l’embargo a été grillé par un confrère anglophone « distrait »).
Canyon Spectral:ON : premier test terrain
Il était là, sur son promontoire, pendant la présentation des autres modèles féminins. Impossible de ne pas le remarquer… et de ne pas demander à l’essayer, même pour une courte escapade dans l’arrière-pays niçois. En fait, nous aurons le droit à deux sorties d’une heure trente. Une en compagnie de Daniel Oster, le chef produit qui a développé le Spectral, et l’autre avec Fabien Barel, triple champion du monde de DH et qui a également œuvré au développement de cette nouvelle pièce maîtresse dans la gamme Canyon. Court, mais instructif.
Pour rouler de nombreux vélos électriques depuis quelques années dans mes Alpes, nous avions hâte d’enfourcher celui-ci. Enfin… hâte… La prise en main du nouveau hardtail Grand Canyon femme (à découvrir bientôt, mais le planning de publication a été un peu perturbé avec ces fuites d’un confrère indélicat, ouch !) avait pas mal entamé les troupes. Les jambes étaient fatiguées. Raison de plus pour voir comment ce Spectral ON allait pouvoir nous épauler – ou pas – afin de continuer à profiter des sentiers sudistes.
Même s’il faut bien sûr relativiser au vu de la durée du roulage, la première impression en montant sur ce Canyon électrisé en taille M pour mon mètre 70, c’est : « comme à la maison ». La forme sloping du cadre a ceci de bien qu’elle ne vous rejette pas quand vous enfourchez le vélo (ça me vexe toujours un peu quand je tape le pied dans le cadre à la mise en selle). Là non, tout se fait naturellement. Le cintre en 760 ne paraît pas surdimensionné.
Bon, je connais bien une petite erreur AW013 (caractéristique du moteur Shimano E-8000 lorsque vous l’allumez tout en ayant le pied posé sur une pédale) à la mise en route, mais ce sera la seule de ces deux brèves sorties. Pas de quoi s’en offusquer.
En quittant le camp de base de ce lancement presse au guidon du Spectral:ON, je me souviens précisément m’être dit : « C’est comme si je sortais mon vélo du garage et que je partais pour un tour à côté de chez moi… » Sauf que les sentiers n’ont pas la même allure qu’en Haute-Savoie. Mais rapidement, vient cette sensation que la seule limite du jour à ce roulage sera la mienne. Celle dans la tête, entendez. Vous savez, cette petite voix qui vous souffle « Tu peux aller en haut de ce raidard… ou pas. »
Car le vélo répond présent partout sur ce terrain de jeu de Fabien Barel qui mêle terres grises et dalles en pierre, petites montées raides ponctuées de pierres et de racines et coups de cul en descente. Ce qui m’a le plus bluffée ? L’impression que même dans les sections raides, l’avant ne décolle pas et l’arrière garde la motricité à chaque instant. Auparavant, même sur des e-bikes très aboutis (type Scott e-Spark), le franchissement en montée avec son corollaire – conserver la motricité sans cabrer – avait pu être délicat dans certaines sections.
Là, on ne peut que louer l’excellent travail mené sur la suspension, qui permet à la cinématique de fonctionner de façon optimale et de mêler adroitement motricité et grip à l’avant. Si je ne suis pas passée dans certaines montées raides, je ne le devais qu’à moi-même (dur pour l’amour-propre, mais bon signe pour le vélo). Car la roue arrière en 2.8 motrice fameusement.
Autre découverte avec ce Spectral:ON, le vrai travail de « lissage » du moteur Shimano depuis la première version. Testée sur le Mondraker eCrusher et sur le Scott eSpark, notamment, celle-ci nous avait laissé le souvenir d’un Boost survitaminé difficile à exploiter dans les sections délicates et d’un étagement pas assez harmonieux entre les modes (Trail et Boost trop éloignés, et Eco et Trail trop proches). Là, nous n’avons plus rien ressenti de tout ça, juste apprécié l’absence de friction, la facilité de pédalage et le sentiment d’avoir, comme le dit Fabien Barel, « un vélo classique qui saurait assister son pilote ».
Suspensions, pneus, jantes, freins, tout concourt à ce que les sections descendantes s’avalent sans se poser (trop) de questions. La sensation de confiance et d’emmener un vélo sain est vraiment plaisante, attestant du travail global mené sur le Spectral pour l’enduriser davantage (voir notre prise en main du modèle Unisex non électrisé). Autre choix technique pertinent : la longueur des manivelles en 165. À aucun moment, même dans les relances au cœur de sentiers parsemés de cailloux, on n’a touché. Et ça, c’est vraiment plaisant !
Tout comme ce bourrelet à l’arrière de la selle, qui permet de se sentir calé dans les montées moins raides mais plus longues (il y a d’ailleurs une version spécifique femme, plus large, dont on a goûté le confort et qui possède également ce bourrelet). Ce dernier s’avérera sans doute précieux les jours boueux, pour éviter de trop glisser sur la selle même avec un fessier bien maculé. À l’instar du choix de roues de tailles différenciées, standardisé par Moustache à ses débuts, ces inspirations issues du monde de la moto (bien connu de Fabien Barel, par ailleurs pilote d’enduro moto de talent puisqu’il a remporté une manche nationale la saison précédente) s’avèrent judicieuses sur le terrain.
Premières conclusions :
Après – encore une fois — cette très courte prise en main, difficile de ne pas être élogieux et enthousiaste à l’égard de ce vélo, qui va ratisser large et sans doute séduire une catégorie de clients qui connaissent déjà un peu l’ebike et sont freinés par des tarifs restant somme toute élevés dans la plupart des marques. Ceci aura peut-être un effet bénéfique afin d’éviter la course à l’armement et l’inflation de tarifs fous. Même si, côté design, on s’attendait peut-être à quelque chose de plus léché et démonstratif, on a la confirmation que, pour l’instant, dans l’électrique, la fonction guide le crayon. Et, sur le terrain, avec ce Spectral:ON, Canyon donne l’impression d’avoir réussi son entrée dans l’électrique, avec l’association pertinente de solutions techniques et d’équipements adéquats à son programme. Un vélo bien né, donc, qu’on a hâte de tester plus longuement pour en tirer toute la « substantifique moelle »
Plus d’infos : www.canyon.com