Portrait | Pauline Ferrand-Prévot : l’or sinon rien !

Par Olivier Béart -

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Portrait | Pauline Ferrand-Prévot : l’or sinon rien !

Pauline Ferrand-Prévot l’a fait ! Seuls les Jeux Olympiques manquaient encore à son palmarès déjà légendaire, et c’est désormais un manque comblé. Vojo revient sur la carrière de celle qu’on peut d’ores et déjà qualifier de plus grande cycliste féminine de l’histoire.

Le chemin de cette quête olympique commence en Champagne. Reims n’est pas nécessairement la première ville à laquelle on pense quand on parle de VTT ou même de cyclisme. C’est pourtant là que Pauline Ferrand-Prévot nait en 1992. La famille est sportive, ses parents font du vélo et elle est apparentée à un certain Ludovic Dubau, champion de France XC en 1994 et père de Luca et Joshua Dubau. Ça, c’est pour planter le décor, et pour expliquer que ce n’est pas tout à fait par hasard qu’elle a débarqué dans le cyclisme.

On parle bien de cyclisme et pas d’une discipline en particulier, parce qu’une des particularités de Pauline Ferrand-Prévot est d’avoir brillé dans toutes les disciplines : route, cyclocross et bien sûr VTT. Une polyvalence aujourd’hui bien acceptée et même popularisée par d’autres coureurs (Pidcock, Van der Poel, Pieterse,…) mais qui n’avait absolument rien d’évident à l’époque !

L’éclosion avant l’explosion

Chez les cadettes et puis en juniors, on décèle déjà le talent multiple avec un titre de championne d’Europe de contre-la-montre junior décroché en 2009, couplé quelques jours plus tard avec le titre en VTT XC. Deuxième des championnats du monde sur route, c’est à VTT qu’elle s’adjuge son tout premier maillot arc-en-ciel la même année.

En Espoirs, elle poursuit sur les deux fronts, avec de belles places d’honneur sur route et en cyclocross, mais surtout des succès marquants à VTT, en enchaînant 4 victoires en 5 participations à la coupe du monde XC U23 en 2011 ! Pour la saison 2012, elle quitte prématurément le team Lapierre pour rejoindre l’armada Rabobank (Stichting Rabo Women). Ses débuts chez les Elites se passent bien. Très bien même : en signant son premier podium lors de la 2e manche de la saison 2012 à Houffalize, elle décroche son billet pour les JO de Londres ! Trop tôt pour des Jeux ? Peut-être. Elle termine 26e, loin derrière sa compatriote Julie Bresset qui décroche la médaille d’or. Mais elle est jeune et on se dit que c’est une bonne expérience acquise.

En 2014, c’est l’explosion : championne de France de cyclocross, vainqueur de la Flèche Wallonne, 2e du Giro féminin, deux victoires en coupe du monde VTT et surtout un premier titre mondial Elite sur route conquis en septembre à Ponferrada ! C’est l’événement : elle est la première Française à décrocher ce maillot depuis Jeannie Longo. A star is born !

En 2015, c’est l’année de la confirmation en tout-terrain avec ses titres de championne du monde de cyclocross et de VTT ! Elle devient ainsi la première cycliste de l’histoire à cumuler les titres dans les trois disciplines. Mais le conte de fées marque un coup d’arrêt après cette période faste, avec une fracture du plateau tibial qui met fin prématurément à sa saison de cyclocross.

Passage à vide

C’est le début d’une série noire, avec une année 2016 marquée par les blessures et les abandons. Souffrant d’une sciatique, elle abandonne ou termine très loin en coupe du monde VTT. Elle est malgré tout sélectionnée pour les Jeux de Rio, où elle termine 26e sur route et où elle abandonne à VTT… tout en défrayant la chronique en raison de sa supposée relation avec Julien Absalon, qu’ils officialiseront un peu plus tard après être sortis tous les deux de cette période de remous.

2017 marque le début de sa renaissance. Elle signe avec le team Canyon-Sram pour se relancer. Et ça marche, mais elle n’est plus aussi dominatrice, même si elle gagne le championnat de France et si elle termine 3e du championnat du monde XC. La reconstruction prend du temps, et le chemin est semé d’embuches. En 2018, une explication est trouvée à son « plafond de performance » : elle souffre d’une artère bouchée à la jambe gauche, qui limite forcément ses capacités. Début 2019, elle se fait opérer. Est-ce le début du vrai come-back ?

Le grand renouveau… avec un couac

Le déclic se produit pendant l’été 2019, à Val Di Sole, où Pauline Ferrand-Prévot renoue avec la victoire en coupe du Monde VTT. Sa première depuis 2015 ! La fin de sa traversée du désert est définitivement actée quand elle va chercher son deuxième maillot de championne du monde VTT à Mont-Ste-Anne, quatre longues années après le premier ! Moins d’un mois plus tard, elle ajoute encore un maillot arc-en-ciel supplémentaire à sa collection en allant décrocher le titre marathon… alors que c’est sa première course sur ce format.

2020, rebelote : en janvier, elle doit à nouveau se faire opérer de l’artère iliaque. Mais elle réussit une nouvelle fois son retour en décrochant une victoire en coupe du monde et le titre de championne du monde. Elle semble en pleine possession de ses moyens en vue des Jeux Olympiques de Tokyo, mais nous sommes en période covid et le calendrier sportif est profondément chamboulé avec, en point d’orgue, l’annulation des JO. Partie remise !

Glissade, crevaison : les JO de Tokyo qui se tiennent finalement en 2021 sont un véritable chemin de croix pour la Française, qui termine seulement 10e alors qu’elle comptait parmi les favorites. Le coup est dur à encaisser, les commentaires acerbes se déchaînent et l’accablent. Mais se relever, elle sait le faire.

L’entrée dans la légende

En 2022, elle cloue le bec à tous ses détracteurs en réalisant une moisson historique de… tous les titres mondiaux en tout-terrain ! Short-track, XC olympique, marathon et même gravel : rien ne lui résiste ! Elle écrit sa légende et devient la plus grande collectionneuse de maillots arc-en-ciel différents de l’histoire. Mais cela met encore un peu plus en évidence le seul titre qui se refuse encore à elle : celui de championne olympique.

En 2023, elle décide de rejoindre le team Ineos-Grenadier. Une équipe de route à la base, dans laquelle elle retrouve un certain Tom Pidcock, champion olympique en 2021, mais aussi champion du monde de cyclocross et vainqueur d’étape sur le Tour de France. Elle rentre dans une phase encore plus scientifique et complète sa préparation avec, déjà, un seul objectif : l’or à Paris. En plus du corps, elle entame une phase de préparation mentale qu’elle avait négligée jusque-là.

Certains trouvent qu’elle se renferme, et c’est vrai qu’elle est moins accessible qu’avant sur les circuits, surtout pour la presse généraliste dont elle veut se protéger. Elle est beaucoup moins présente sur les réseaux sociaux aussi, et elle en disparaît même un moment. « J’ai voulu me préserver, garder toute mon énergie pour mon sport et cet objectif de performance. Je me suis mise dans ma bulle pour ne rien regretter », dira-t-elle lors d’une de ses seules apparitions face à la presse juste avant la course olympique. La suite va lui donner raison. A elle, et aux personnes dont elle a su s’entourer dans sa quête de cet objectif.

Paris, mon amour

Force est de constater que, sportivement, le pari est réussi : nouveaux titres de championne du monde XCC et XCO en 2023 et une moisson sans partage de victoires en 2024 avec 8 victoires en 9 courses. A la veille des Jeux, elle apparaît sereine, presque détachée par rapport à cet objectif qui est celui de sa carrière. Le signe, sans doute, d’une préparation sans faille et d’une confiance inébranlable.

Le jour J, tout se déroule comme prévu. La poisse, c’est pour les autres : crevaison pour Pieterse, chute pour Lecomte. Elle, elle survole. Une attaque, une minute d’avance, deux, trois,… la messe est dite ! Pauline Ferrand-Prévot est championne olympique, à Paris, devant un public qui crée une véritable marée bleu-blanc-rouge pour l’accueillir.

Alors qu’elle avait activé le mode « poker face » depuis le début de la saison, en ne laissant transparaître que très peu d’émotions lors de ses succès, elle laisse cette fois apparaître un grand sourire sur son visage. Puis, des larmes de bonheur s’échappent du coin de ses yeux écarquillés au moment de la cérémonie protocolaire. Cette fois, elle peut savourer l’instant. Et se tourner vers de nouveaux défis, puisqu’elle a annoncé son souhait de retourner vers la route en 2025. Avec, sans doute, pour objectif le Tour de France féminin, qui n’existait pas il y a 10 ans quand elle était aussi la reine de l’asphalte.

Le récit complet de la course Dames des Jeux Olympiques de Paris 2024 : JO Paris 2024 | VTT Femmes : Pauline Ferrand-Prévot, un sacre en apothéose

ParOlivier Béart