Opinion | Nouvelle réglementation sur l’éclairage vélo en France : qu’en penser ?

Par Adrien Protano -

  • Staff pick

  • Nature

Opinion | Nouvelle réglementation sur l’éclairage vélo en France : qu’en penser ?

Voir et surtout être vu, voilà l’un des mantras de tout cycliste qui se respecte. Que ce soit pour rouler en hiver durant lequel les journées sont courtes ou en nocturne durant le reste de l’année, un accessoire est indispensable : l’éclairage ! Cependant, la réglementation française a récemment évolué et soulève de nombreuses questions. Opinion et explication : 

Avec l’hiver encore bien là, difficile de parvenir à sortir le vélo sans qu’il ne fasse noir. Dans de telles conditions, certains usages s’imposent, comme celui d’être vu par les autres usagers… Une règle qui dépasse donc la saison hivernale pour s’imposer durant toute l’année. Pour remplir ce devoir (eh oui, c’est un point de législation), un élément s’impose : l’éclairage.

Sujet d’actualité puisque la France vient d’adopter cet hiver un nouveau décret modifiant le Code de la route et qui porte en partie sur l’éclairage à vélo (Décret n° 2024-1074 du 27 novembre 2024 relatif aux engins de déplacement personnel motorisés et aux cycles, et modifiant le Code de la route).

Jusqu’à présent, pour circuler à vélo en toute légalité lorsque la visibilité est insuffisante, il était obligatoire que le vélo soit équipé d’un feu de position jaune ou blanc non éblouissant à l’avant (article R.313-4 du Code de la route) et d’un feu de position rouge à l’arrière (R.313-5).

Si ce récent décret fait débat, c’est pour la modification qu’il apporte à l’article 5.313-5, précisant que ce feu arrière « ne doit pas être clignotant« … Un retour en arrière donc puisque celui-ci avait été admis par un précédent décret en 2016. Une décision qui a du mal à être comprise par grand nombre de cyclistes et qui nous a également fait sourciller à la rédaction.

En pleine journée, l'interdiction de feu clignotant n'est donc pas prévue par la loi.

Une petit précision s’impose toutefois : une lecture à contrario de l’article permet de deviner une autorisation de feu clignotant en pleine journée, puisque l’article débute par « la nuit, ou le jour lorsque la visibilité est insuffisante« … En pleine journée, l’interdiction de feu clignotant n’est donc pas prévue par la loi. À chacun maintenant d’apprécier une visibilité « insuffisante« , étant donné qu’une indication précise n’est prévue dans le texte de loi.

On notera cependant que l’article R313-25 ajoute que « les feux et signaux ne peuvent être à intensité variable, sauf ceux […] des feux de position arrière [….] « . Une lampe où la luminosité varie, sans jamais s’éteindre, est donc autorisée, ce que l’on retrouve sur certaines lampes haut de gamme sous un mode habituellement baptisé « pulse ». Voilà qui remplacera peut-être le clignotement à l’avenir.

Cette interdiction de feux clignotants sur un vélo, on la retrouve toutefois dans de nombreux pays voisins à la France. C’est notamment le cas des Pays-Bas, de l’Autriche ou encore de l’Allemagne où la StVZO (à savoir la législation allemande sur les licences routières) précise que cette interdiction s’explique par le fait que les feux clignotants peuvent distraire les autres usagers de la route. Dans d’autres pays, on motive ce choix en détaillant que les feux clignotants sont réservé aux véhicules d’urgence, permettant aux autres usagers d’être spécifiquement avertis d’une situation d’urgence.

Finalement, pour notre sécurité en tant que cycliste, vaut-il mieux une lumière fixe ou clignotante à l’arrière ? De nombreuses études existent sur le sujet, mais parviennent à des conclusions variées, à tel point qu’il est difficile de se prononcer. D’un côté, une lumière clignotante a (nécessairement) tendance à davantage attirer l’attention des autres usagers et à renvoyer l’image d’un usager faible, mais peut aussi mener à davantage de distraction et de difficulté en termes d’appréciation de distance pour les usagers qui nous suivent.

En discutant entre nous au sein de la rédaction, nous nous sommes rendu compte que nous avions également des habitudes différentes : certains utilisent le mode clignotant en toute circonstance, là où d’autres le réservent pour la journée (et basculent en mode fixe une fois la nuit tombée). Désormais, la question ne se posera plus : lumière fixe pour tous…

À l’exception de nos lecteurs belges ! L’article 82.1 (de l’arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière et de l’usage de la voie publique) indique que « les cyclistes doivent utiliser à l’avant et à l’arrière un feu fixe ou clignotant non éblouissant ». Suite aux récentes discussions provoquées par le nouveau décret français, les autorités belges se sont montrées rassurantes : l’interdiction des lampes arrières clignotantes n’est pas prévue en Belgique.

On peut déplorer le manque de transparence sur les raisons qui ont conduit à l'interdiction du caractère clignotant de la lampe arrière.

Au final, ce que l’on peut véritablement déplorer dans ce récent décret français, c’est le manque de transparence sur les raisons qui ont conduit à l’interdiction du caractère clignotant de la lampe arrière. N’aurait-il pas été plus juste de s’attaquer au positionnement précis des feux et à leur intensité lumineuse (certains optent pour des lampes excessivement puissantes), plutôt que d’en venir à une interdiction pure et simple ? Une distinction dans la réglementation entre conditions de faible luminosité en journée et conditions nocturnes n’aurait-elle pas fait sens ? Ou encore, entre conditions urbaines/centre-ville (où il y a de nombreuses sources lumineuses) et les zones de campagne ?

On peut également regretter que cette décision ait été prise sans considération apparente pour les dépenses que cette modification de législation allait entraîner. Toute une série de feux arrière ont une autonomie correcte en mode clignotement, mais insuffisante lorsqu’elles sont utilisées en lumière fixe, tandis que d’autres ne disposent même pas du tout de mode fixe. On pense ici notamment aux feux arrière intelligents (comprenez là dotés d’un radar et qui ajustent l’intensité lumineuse en fonction de la distance du véhicule qui nous suit) tels que le Garmin Varia, qui deviennent de facto illégaux sur les routes françaises (à moins de les utiliser sans la fonction radar, ce qui est bien dommage). On a toutefois appris récemment que le constructeur était en train de déployer une mise à jour logicielle pour remédier à ce problème, en reprenant le fonctionnement du modèle existant pour le marché allemand (Varia RCT716) où la législation est similaire.

Ce décret a également apporté des précisions positives !

On terminera sur une note plus encourageante : ce décret a également apporté des précisions positives. Il est désormais officiellement autorisé de s’équiper d’une lumière personnelle… mais seulement en complément d’une lumière fixée sur le vélo (et évidemment non clignotante). On pense notamment ici à l’ensemble des casques qui intègrent un feu rouge à l’arrière.

Ou encore aux sur-chaussures dotées d’une lampe rouge sur le talon, ou à tout le moins d’éléments réfléchissants. À ce sujet, une étude de l’université de Clemson en 2017 a montré que le temps de perception était 1,7 fois plus rapide que lorsqu’une lumière clignotante était montée sur la tige de selle; et 5,5 fois lorsqu’on le compare à une lumière fixe.

 

L’étude intitulée « The Daytime Conspicuity Benefits of Rear-Facing Bike Lights » réalisée par Darlene Edewaard et publiée en août 2020 est disponible juste ici : https://open.clemson.edu/all_dissertations/2682/

Si cela n’était pas formellement interdit jusqu’à présent, cette possibilité de lumière personnelle n’était pas non plus prévue dans la législation. Une clarification qui ne peut pas faire de mal !

S’il suscite bien des débats, le récent décret français a pour objectif d’améliorer la sécurité des cyclistes, un postulat de départ louable et encourageant. Cette interdiction de feux clignotants peut être contestée pour son manque de justification et ses implications pratiques, mais elle s’inscrit dans une volonté de mieux cohabiter entre usagers de la route, en dictant les bonnes façons de s’équiper et de se signaler pour les cyclistes. Espérons que les futurs ajustements législatifs trouveront un équilibre entre sécurité, praticité et innovation technologique !

Par  Adrien Protano