L’UCI revoit sa réglementation pour les athlètes transgenres
Par Léo Kervran -
Dans un communiqué publié récemment, l’UCI a annoncé avoir revu les règles qui permettent aux athlètes transgenres femmes (personnes assignées hommes à la naissance développant ensuite une identité de genre féminine) de prendre part à des compétitions dans les catégories féminines. Objectif, faciliter la participation de ces athlètes aux compétitions internationales tout en garantissant l’égalité des chances.
Le nouveau règlement
A partir du 1er mars, les athlètes transgenres femmes devront désormais avoir un taux de testostérone dans le sang inférieur à 5 nmol/L pour être autorisées à courir dans la catégorie Femmes. Auparavant, l’UCI se basait sur la norme du CIO de 2015, qui demandait aux athlètes d’avoir un taux inférieur à 10 nmol/L. Par ailleurs, l’athlète devra aussi prouver que ledit taux sera resté sous le seuil des 5 nmol/L pendant au moins 12 mois avant la compétition.
Par souci de cohérence, l’UCI a également incité les fédérations nationales à suivre son exemple et à adopter cette nouvelle réglementation.
Le VTT a connu peu d’athlètes transgenres jusque-là et à notre connaissance, une seule est toujours en activité en coupe du monde. Il s’agit de Kate Weatherly, championne de Nouvelle-Zélande de DH en 2019 et deux podiums en coupe du monde, à gauche sur la photo ci-dessus. Pour elle, ce changement de règles (qu’elle approuve) ne devrait pas poser de problème puisqu’elle confiait il y a quelques mois à nos confrères de Wide Open dans une longue interview que son taux se situe autour de 0.4 nmol/L.
Pourquoi la testostérone ?
La participation des athlètes transgenres femmes dans les catégories féminines en compétition est un sujet compliqué car il renvoie à la définition d’une femme, quelque chose qui n’est pas si simple qu’on pourrait le croire. Dans le sport, l’idée d’utiliser le taux de testostérone dans le sang comme critère principal pour déterminer si une athlète a le droit ou non de concourir dans les catégories féminines est apparu dans les années 2000 et est aujourd’hui la norme, ce qui ne l’empêche pas d’être critiquée. Ce fut notamment le cas en athlétisme avec les affaires liées aux athlètes hyperandrogènes Caster Semenya et Dutee Chand.
Pour rappel, la testostérone est une hormone stéroïdienne et la principale hormone sexuelle mâle chez l’humain. Elle est produite par les gonades, c’est-à-dire les testicules ou les ovaires. On estime qu’une concentration moyenne pour un homme se situe entre 9 et 32 nmol de testostérone par litre de sang tandis que chez les femmes, la fourchette va de 0.3 à 2.5 nmol/L. Cependant, il est très complexe d’établir ce qu’est un niveau « normal » de testostérone car la concentration de l’hormone dans le sang varie selon le lieu de vie, l’alimentation, l’état de santé, l’âge, le niveau d’activité physique, l’heure dans la journée ou encore le cycle menstruel chez les femmes. Il existe ainsi de grandes variations inter-individuelles, à tel point que les valeurs extrêmes se chevauchent, entre une concentration haute chez une femme et une concentration basse chez un homme. De la même façon, toutes les femmes et tous les hommes ne réagissent pas de la même façon à une même quantité de testostérone.
La testostérone est active tout au long de la vie mais c’est une hormone clé de la puberté. C’est à cette période que le taux de testostérone augmente fortement chez les hommes et qu’elle commence à avoir des effets sensibles, ce qu’on appelle les caractères sexuels secondaires. La testostérone permet notamment aux hommes d’avoir des os plus gros et plus denses, une masse maigre (muscles) plus importante, plus de globules rouges ou encore une taille supérieure à celle d’une femme. Autant d’éléments qui peuvent fournir un net avantage dans certains sports et qui sont au cœur de la discussion sur la participation des athlètes transgenres femmes.
Geler le taux de testostérone avant la puberté avec des médicaments permet de bloquer ces effets. Combiné avec un traitement d’hormonosubsitution, cela permet à une personne transgenre femme de ne jamais développer ces caractères sexuels secondaires. En revanche, si la transition a lieu après la puberté, l’hormonothérapie ne sera pas aussi efficace. La baisse du taux de testostérone, la fonte musculaire et la diminution du nombre de globules rouges auront bien lieu mais la densité osseuse ne changera pas. Seule la privation totale d’hormones sexuelles permet de faire baisser la densité osseuse.
L’autre élément à prendre en compte, c’est que la testostérone n’a pas le même effet selon le type d’effort. En activant la croissance musculaire, cette hormone permet d’augmenter la force et c’est pour cette raison qu’elle est inscrite dans la liste des produits dopants, en tant que stéroïde anabolisant. En revanche, plusieurs études ont montré que les taux de testostérone dans le sang étaient extrêmement faibles chez des athlètes hommes d’endurance. Il semblerait que plus on tend vers des efforts d’endurance voire d’extrême endurance, moins la testostérone joue un rôle important dans la performance. Ainsi, il y a 27 % d’écart entre les records du monde homme et femme d’haltérophilie (477 kg contre 348 kg) mais seulement 6 % sur les records du 100 km sur route en athlétisme (6 h 9 min 14 s contre 6 h 33 min 11 s).
Le débat sur les athlètes transgenres, leur inclusion et l’égalité des chances est un sujet complexe. Avec cette révision de règlement, l’UCI a fait le choix qu’elle estime le plus juste pour permettre à tous les athlètes de participer dans les meilleurs conditions. L’une des principales limites de cette décision, c’est que la norme fixée par la fédération internationale est différente de celle du CIO. Cela ne pose pas de problème pour le moment mais espérons que les institutions s’accorderont rapidement sur une norme unique pour clarifier la situation.
Pour en savoir plus :
Interview de Kate Weatherly sur Wide Open (en anglais)
Notre article sur les autres changements de règlement pour 2020