L’E-Tour du Mont-Blanc condamné par la justice
Par Adrien Protano -
La sentence vient de tomber : 65 000 euros d’amende et trois mois de prison avec sursis pour les organisateurs du E-Tour du Mont-Blanc, une course d’e-bike se déroulant durant trois jours autour du plus haut sommet d’Europe. Absence d’autorisation, marquage indélébile et cohabitation difficile avec les autres usages des sentiers et chemins : retour sur cette affaire et cette condamnation :
Du 13 au 16 aout 2020 se déroulait le Verbier E-bike festival, un week-end dédié au VTT à assistance électrique mêlant salon, randonnées et courses. Dans cette dernière catégorie, l’épreuve phare était l’E-Tour du Mont-Blanc, une course d’e-bike apparue en 2019 et réservée uniquement aux élites. Le programme de cette épreuve était particulièrement alléchant : une course en duo de 3 jours couvrant 300km et 16000m de dénivelé.
Le parcours de cette édition 2020 faisait découvrir aux pilotes de magnifiques paysages montagnards en passant notamment par Verbier, Courmayeur, les Houches ou encore la réserve naturelle de Contamines-Montjoie. Si le passage d’un événement VTT au sein d’une réserve naturelle est possible, il nécessite cependant des étapes de concertation et des demandes d’autorisation… ce que les organisateurs ont omis. Aucune autorisation ni déclaration n’avait été accordée par la préfecture.
« Les équipes en binôme d’athlètes sont passées au cœur de deux tourbières rares et surtout protégées de la réserve naturelle des Contamines-Montjoie »
Le but de telles démarche administratives est d’éviter tout dommage irréparable à la nature et de permettre le bon fonctionnement de l’épreuve vis-à-vis des autres usagers des chemins et sentiers. Et cette édition « illégale » de l’E-Tour du Mont Blanc vient parfaitement démontrer l’utilité et la nécessité de ces étapes en amont de toute organisation : « Les équipes en binôme d’athlètes sont passées au cœur de deux tourbières rares et surtout protégées de la réserve naturelle des Contamines-Montjoie, détruisant les pieds d’une plante carnivore sensible et protégée » indique le parquet de Bonneville.
De plus, le balisage du parcours avait été réalisé à la peinture indélébile, laissant des marques encore aujourd’hui visibles sur une série d’arbres. Pour finir, tout cela fut organisé un week-end de forte affluence touristique (mi-août), sur des chemins très prisés des marcheurs… difficilement conciliable avec une course élite d’e-bike, où les pilotes roulent généralement très fort.
« Si cette condamnation peut paraitre sévère, elle veut servir d’exemple : les espaces naturels protégés ont une très haute valeur patrimoniale. »
Après la course, le gestionnaire de la réserve naturelle a constaté des dégâts importants et a ouvert une enquête. Ce 21 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Bonneville a rendu son jugement en condamnant l’association à 50 000 euros d’amende. Quant au représentant légal de la structure, il a écopé d’une amende de 15 000 euros, de trois mois de prison avec sursis et d’une interdiction d’organiser une manifestation similaire durant une année. Si cette condamnation peut paraitre sévère, elle veut servir d’exemple : les espaces naturels protégés ont une très haute valeur patrimoniale.
Qui plus est, pour les amoureux de la nature tels que nous vététistes, il est de notre devoir d’y prêter une attention particulière. D’autant plus à l’heure actuelle, où de nombreuses associations se battent afin de permettre à chacun de vivre la passion du VTT. Entre interdiction d’accès aux forêts sous couvert des « dégâts occasionnés par les VTT » et difficulté de cohabitation avec les autres usagers, il est temps d’adopter une pratique du VTT durable et responsable. Et des événements tels que l’E-Tour du Mont Blanc doivent être exemplaires. Notre passion du deux-roues peut se pratiquer au sein des forêts et aux côtés des autres usagers, mais seulement s’il est synonyme de respect et de cohabitation.
Mise à jour – jeudi 24 novembre 2022
Ce mercredi, l’organisateur réagit « Nous sommes présentés comme des barbares qui saccagent la montagne, ce n’est pas acceptable« . Il explique avoir eu l’accord de l’ensemble des villes-étapes concernant l’édition 2019, et que pour l’édition incriminée, il avait obtenu l’autorisation du canton du Valais et de la commune de Bagnes pour le même parcours avec les mêmes villes-étapes. Aujourd’hui, il se rend compte que la demande d’autorisations devait concerner « chaque kilomètre du parcours ».
Celui-ci donne également sa version des faits et explique qu’une interdiction formelle pour les automobiles et les motos existe dans cette zone protégée, mais qu’elle ne concerne pas les vélos. Selon l’organisateur toujours, le passage s’effectue, à ce niveau, sur un tracé en bois. Le soucis est que, parmi les 36 participants, 8 d’entre eux ont dévié du parcours sur une longueur d’environ 15 mètres et ont effectivement causé des dégâts aux tourbières.
« C’est une erreur que nous reconnaissons et que nous assumons en tant qu’organisateur. Mais, contrairement à la vision du ministère public de Bonneville, nous n’avons pas traversé cette zone avec des bulldozers… » conclut l’organisateur, qui compte faire appel du jugement rendu par le tribunal de Bonneville, et demande à ce que le principe de proportionnalité de la peine par rapport au dommage soit respecté.