Interdiction temporaire aux VTT à Bourg-St-Maurice : quelles leçons en tirer ?

Contexte 

Bourg-Saint-Maurice est une petite ville de Savoie surplombée par la station des Arcs. Son centre-ville est relié aux remontées mécaniques de la station par un funiculaire. Ce service de transport public permet une pratique du VTT gravity, et ce presque toute l’année, même hors saison quand le bike-park est fermé. (Nous avions d’ailleurs consacré un sujet à Bourg-St-Maurice il y a quelques mois). 

Quand on traverse Bourg-Saint-Maurice, il ne faut pas bien longtemps pour croiser des vététistes qui filent vers les nombreux sentiers, ou qui discutent au pied du funiculaire. Le club des Arcs Mountain Bike compte plus de 110 licenciés et le bike-park a accueilli de nombreuses compétitions de descente. En ajoutant à ça les magasins de cycles et les autres acteurs du tourisme sportif, le vélo au sens large est un véritable acteur économique du territoire. 

Côté chiffres : on comptabilisait jusqu’à 1300 passages quotidiens dans le funiculaire au printemps 2024. Ce funiculaire dessert une piste de descente de niveau noir baptisée « la 8 », ainsi que des sentiers partagés. 

En parallèle de l’offre existante sur le bike-park et sous le funiculaire, sont en préparation : une piste bleue accessible depuis le haut du funiculaire, un site de XCO et un site de trial. Comprenez par là que des sommes conséquentes d’argent public sont allouées à des projets vélo. Une fois ces projets mis en place, une piste noire, « Super 8 », plus élitiste sera mise en place, mais la priorité de la commune reste l’accès aux sentiers à un plus grand nombre de vététistes.

Le tableau semble idéal, pourtant, certaines crispations sont arrivées à leur paroxysme ces dernières semaines. La cause : un rassemblement freeride hors des sentiers ayant eu une résonance large sur les réseaux sociaux. 

La pratique freeride, un sujet épineux 

La problématique freeride n’est pas nouvelle mais elle a, d’après la mairie, considérablement augmenté ces dernières années : parcelles privées traversées, dégradations répétées dans la forêt gérée par l’ONF… Bourg-Saint-Maurice a mesuré une augmentation considérable de cette pratique ces deux dernières années et ne souhaite pas se laisser « déborder », sous peine de perdre la confiance des habitants du territoire. L’exemple du Pleney à Morzine est souvent cité, au même titre que d’autres endroits où des pistes VTT sont barrées ou pire, piégées. 

L’augmentation des passages hors sentiers a cristallisé des tensions ciblant la communauté VTT sans distinction, mettant ainsi en péril les projets de création de pistes, l’accès aux sentiers et aux remontées. Les plaintes des particuliers sont ainsi remontées jusqu’aux décisionnaires en mairie, peinant à garantir la maîtrise de l’activité et à défendre la pratique auprès de futurs propriétaires de parcelles qui seront traversées par les prochaines créations de pistes. 

Pourquoi est-ce que cette pratique freeride existe ? La réponse est moins simple qu’il n’y paraît. Elle peut exister en réponse à un manque de tracés adaptés, mais l’expérience nous prouve qu’elle continue souvent d’exister même quand l’offre est plus étoffée. Elle devient alors plus marginale, avec moins d’impact, et se déplace dans des zones où les contraintes cadastrales sont moins fortes. Et à Bourg-Saint-Maurice ? Notre expérience sur place nous a permis de comprendre que la « tentation » est grande. Les pistes freeride sont facilement accessibles, et on est vite tentés d’y plonger, d’autant qu’aucun élément de signalisation n’éveille notre attention au départ des sentiers ou dans les gares du funiculaires. Du côté de la mairie, on nous glisse :  “La pratique freeride est prise comme un dû, mais chacun doit se prendre en main.”

La mairie rappelle également que si les pratiquants « pointus » font partie intégrante de la communauté vélo, le public « piste bleue » reste le coeur de la cible visée par la destination. Et que le succès des initiatives populaires ouvrira des opportunités pour des pistes plus engagées et techniques. L’inverse étant moins évident.

Le 24 mars 2025, coup de tonnerre : le funiculaire opéré par la ADS / La Compagnie des Alpes ferme ses portes aux vélos, tous les vélos, à la demande de la mairie de Bourg-Saint-Maurice. Il aura fallu attendre le 12 avril 2025 pour la réouverture.

Quelles actions mener maintenant ?

Comment aurait-on pu empêcher cette fermeture pénalisante pour l’ensemble de la communauté (et qu’on ne peut que condamner) ? La mairie admet qu’une sensibilisation supplémentaire aurait dû être mise en place avec des panneaux de sensibilisation. Est annoncé : la mise en place de panneaux et balises pour qu’il n’y ait plus d’ambiguïté  quant aux pistes autorisées. 

La commune tente également de mobiliser davantage la communauté de vététistes locaux, acteurs économiques du vélo via la création de groupes WhatsApp visant un meilleur échange sur l’accès aux sentiers. L’ONF collabore également avec les acteurs du vélo. Les riders peuvent y signaler des obstacles présents sur les pistes afin que les agents municipaux puissent les enlever. Une charte a été établie entre les acteurs socio-professionnels autour du vélo et les commerçants partenaires poussent à la création de l’équivalent de la For You Card de Finale Ligure. 

La mairie communique également sur la mise en place d’opérations de contrôles et de sanctions en cas de pratique freeride (contraventions pouvant aller jusqu’à 1500 €).

Que retenir ?

On vous avait déjà partagé notre sentiment lors de notre découverte estivale du bike-park des Arcs et des sentiers au dessus de Bourg-Saint-Maurice : si une « destination » peut réussir le pari du développement du vélo à grande ampleur, c’est bien Bourg-Saint-Maurice. Avec une offre touristique estivale et de larges possibilités de pratique hors saison, notamment grâce au funiculaire, Bourg-Saint-Maurice a de quoi développer une communauté de vététistes déjà existante et qui ne demande qu’à grandir.

Le développement du vélo au sens large est bien entamé à Bourg-Saint-Maurice, mais comme dans toute phase de croissance, on rencontre des obstacles. À l’adolescence, on peut avoir envie de tout rejeter en bloc, mais à Bourg-Saint-Maurice, on encourage la communauté vélo, la mairie et les acteurs externes à travailler ensemble et à communiquer pour préparer un terrain pérenne au développement large du vélo. Tout le monde se remerciera.

Le vélo est là pour rester et personne ne le freinera, alors balayons devant notre porte, et faisons-nous entendre pour que l’étincelle créée par un petit groupe de vététistes puisse se développer et accueillir une large communauté de pratiquants.

Notre découverte de Bourg-Saint-Maurice en été :  www.vojomag.com/bourg-saint-maurice-les-arcs-sil-ne-devait-y-avoir-quun-spot