France | Marquage obligatoire des vélos neufs : quelques explications
Par Léo Kervran -
Depuis le 1er janvier, tous les vélos achetés neufs en magasin ou en ligne doivent obligatoirement porter un code d’identification et être enregistrés dans un fichier national, qui doit permettre aux forces de l’ordre de retrouver facilement le propriétaire en cas de vol du vélo. Comment cela fonctionne-t-il ? Quels sont les enjeux ? Qui est derrière cette mesure ? Alors que la mise en place du système a été quelque peu retardée par la crise sanitaire, Vojo fait le point pour vous aider à y voir plus clair.
Le cadre
- « Apporter partout des solutions pour sortir de la dépendance à la voiture individuelle »
- « Accélérer le développement des nouvelles solutions de mobilité »
- « Réussir la transition écologique »
- « Construire une programmation des infrastructures au service des transports du quotidien »
Pas besoin de réfléchir très longtemps pour comprendre que le vélo a un rôle notable à jouer dans ce cadre.
Derrière cette initiative, on retrouve la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB) et l’Union Sport & Cycle (USC), une organisation qui regroupe plus de 1400 entreprises du secteur de l’activité physique. Leur constat est simple : en France, au moins 300 000 à 400 000 vélos sont volés chaque année (selon le rapport 2017 de l’Observatoire National de la Délinquance et l’étude de 2003 de l’IFRESI), mais seulement 7 % d’entre eux sont retrouvés et rendus à leurs propriétaires. Plus de 150 000 vélos retrouvés ne sont pas rendus à leurs propriétaires, faute de moyen de les retrouver.
Avec la mise en place de cette identification obligatoire, elles espèrent voir diminuer le nombre de vols (avec l’effet dissuasif du marquage) et rendre plus facilement les vélos à leurs propriétaires s’ils sont retrouvés.
Jusque là, plusieurs systèmes de marquages cohabitaient (dont un reconnu officiellement, le Bicycode), mais les bases de données n’étaient pas uniformisées, ce qui limitait nettement leur portée et leur efficacité.
Comment ça fonctionne ?
Chaque vélo a droit à son propre code, composé de 10 caractères alphanumériques (pour éviter les confusions avec d’autres formes proches, pas de I, de L, de O ou de U donc seulement 31 caractères utilisables). Une fois marqué, le vélo est enregistré dans le Fichier National Unique des Cycles Identifiés (FNUCI), avec ses caractéristiques et les informations du propriétaire pour compléter l’identification.
Ce fichier est géré par l’Association pour la Promotion de l’Identification des Cycles (APIC), un nouvel organisme créé par la FUB et l’USC précisément pour gérer ce dispositif. Les données qu’il contient, réservées aux forces de l’ordre et à leurs partenaires (fourrières par exemple) ne sont bien sûr pas accessibles pour de l’exploitation commerciale, mais pourront être utilisées dans le cadre d’études statistiques, en respectant bien sûr le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).
Désormais, lorsqu’on achète un vélo neuf, le magasin doit donc s’occuper de faire le marquage et de saisir les informations du modèle vendu dans le fichier national.
On pense bien sûr au numéro de série du cadre, qui aurait pu servir d’identifiant à la place de ce nouveau système mais avec un peu de réflexion, il est facile de comprendre pourquoi ce choix n’a pas été retenu : il n’est pas toujours facile à lire/trouver selon les vélos, les codes utilisés ne sont pas les mêmes chez toutes les marques…
Désormais, lorsqu’on achète un vélo neuf, le magasin doit donc s’occuper de faire le marquage (on revient sur les modalités juste après) et de saisir les informations du modèle vendu et du client à l’opérateur dans le fichier, via la plateforme mise à disposition par l’opérateur agréé qui fournit également la solution de marquage. En cas de changement du statut du vélo (volé, en vente, vendu d’occasion, repeint…) ou de coordonnées, c’est au propriétaire de faire les démarches pour garder la fiche du vélo à jour.
En ce qui concerne le marquage, il existe plusieurs procédés : gravage par micro-percussion ou laser, étiquette adhésive, capsule de résine… Toutes ne sont pas adaptées à tous les cadres (on évitera le gravage sur du carbone par exemple) mais l’Etat ne ferme la porte à aucune solution, la seule exigence est de garantir « la permanence de [l’identifiant] et son inaltérabilité, hors le cas de dégradation volontaire ». Chaque procédé doit recevoir une validation officielle avant de pouvoir être utilisé. On espère que les différents procédés qui seront validés seront tous compatibles avec les garanties constructeurs, notamment en ce qui concerne les gravages.
Et côté esthétique ? On ne va pas se le cacher, le Bicycode n’était pas particulièrement discret ou beau à voir. D’un côté, c’est plutôt une bonne chose pour la dissuasion, mais de l’autre, on comprend que vous n’ayez pas très envie de coller un gros autocollant bleu sur votre vélo au color-matching étudié jusqu’aux écrous de rayons et rails de selle. Dans le décret, on lit que « l’identifiant est mis en place sur le cadre du cycle sauf circonstances particulières et il est lisible sans difficulté sur un cycle en stationnement » et l’APIC nous a précisé que « l’objectif est que les forces de l’ordre puisse repérer facilement l’identifiant sur le vélo, sans avoir à le manipuler ».
Un cadre au final assez vague, qui laisse une certaine marge de manœuvre aux marques (lorsqu’elles sont présentes par leur propre réseau, comme Giant ou Specialized) et au magasin pour choisir l’emplacement du marquage mais aussi son apparence. On peut assez facilement imaginer quelque chose de relativement discret et bien fait, sur le haut et l’arrière du tube de selle par exemple.
Mon vélo était déjà marqué, que dois-je faire ?
Si vous avez déjà fait une démarche d’identification de votre vélo (Bicycode, Recobike…), le code de votre vélo sera transféré dans le fichier national sans que vous n’ayez rien à faire, à condition que votre fiche soit complète et à jour. Si ce n’est pas le cas, elle sera détruite et le code placé sur votre vélo n’aura plus qu’un effet dissuasif. Nous vous invitons donc à vérifier sur la plateforme de votre opérateur si toutes les données ont bien été rentrées, afin que le transfert puisse s’effectuer correctement.
Quid de la VPC ?
Pour les ventes en lignes, il n’y a aucun aménagement de prévu et c’est toujours au vendeur de s’occuper du marquage. Pour cela, deux solutions ont été évoquées :
- le vendeur est équipé d’une solution d’identification et réalise la procédure avant d’envoyer le vélo au client,
- le vendeur n’est pas équipé d’une solution d’identification mais il a noué des partenariats avec des enseignes « physiques ». Dans ce cas, il fournit un « bon de marquage » à son client avec le code prévu pour le vélo, client qui se rend ensuite dans un des magasins pour terminer le processus d’identification.
Des sanctions ?
Qui dit obligation, dit aussi sanction en cas de non-respect de la loi. Elles concernent uniquement les professionnels qui dérogeraient à leur obligation de marquage ou de transmission des informations au fichier national : ils s’exposent à une amende correspondant à une contravention de première classe soit 11 € minimum et jusqu’à 38 €. En revanche, il n’y a rien de prévu pour les particuliers qui rouleraient avec un vélo non marqué acheté après le 1er janvier ou qui oublieraient de transmettre les informations du nouveau propriétaire après une revente sur le marché de l’occasion.
On notera tout de même que le gouvernement a décidé de faire preuve d’une certaine tolérance pendant le premier trimestre de l’année pour laisser le temps aux magasins de s’adapter malgré le retard sur la mise en place du système pris pendant la crise sanitaire.
Quelques réflexions
Sur le papier, le dispositif est intéressant, mais certains points soulèvent tout de même quelques questions. Tout d’abord, la mise en place du système : alors qu’il est officiellement en vigueur depuis plus d’une semaine, rien n’est prêt. A l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’y a aucun opérateur agréé, donc pas de procédé de marquage reconnue par l’Etat ni de plateforme de saisie pour les professionnels. Selon l’APIC, que nous avons contacté, cela devrait prendre encore quelques semaines. Pour tout vous dire, nous pensions initialement sortir cet article plus tôt, en fin d’année dernière, mais le manque d’informations nous avait poussés à attendre un peu, en espérant que les choses s’éclaircissent début janvier. Quelques semaines plus tard, rien n’a changé…
A l’avenir, cette obligation d’identification s’appliquera également aux vélos vendus en occasion par des professionnels (à compter du 1er juillet 2021). En revanche, rien n’est obligatoire pour les particuliers, pour l’instant. Nous avons cherché à savoir si cela était prévu ou en réflexion, mais nous n’avons pas obtenu de réponse claire sur ce sujet.
Une autre question est celle du coût de l’identification. Si on se base sur ce qui existait avant le 1er janvier, cela devrait tourner entre 5 € et 30 € selon la solution utilisée (un encapsulage dans de la résine est plus cher qu’un gravage). La loi n’encadre pas les tarifs et l’APIC nous explique que « le coût n’est pas fixé par la loi puisqu’il existe déjà un marché. Il est libre et sera fonction de la technologie employée. Il y aura des procédés plus chers que d’autres, en effet. C’est au choix du client final. » Un choix relativement limité puisque toutes les technologies ne fonctionnent pas sur tous les matériaux de cadre (on vous déconseille de faire graver par percussion votre cadre en carbone ou en titane)…
Enfin, on peut se demander pourquoi ce système n’a pas été directement mis en place et uniformisé au niveau européen. Selon un communiqué des ministères qui travaillent sur cette mesure (Transport, Intérieur et Ecologie), c’est quelque chose qui est suivi avec attention par d’autres pays et une mise en place à grande échelle est peut-être envisageable à plus long terme. Dans notre milieu (celui du vélo « haut de gamme », comparé aux montures utilitaires pour les déplacements urbains), les vélos volés ont souvent tendance à traverser les frontières rapidement et on ne peut s’empêcher de penser qu’un système uniformisé à l’échelle de l’Union Européenne, avec une base de données unique, serait bien plus efficace que 27 dispositifs différents qui cohabitent. En tout cas, ce n’est pas le code qui posera problème puisqu’il existe un peu moins de 820 mille milliards de combinaisons différentes (31^10) avec le système choisi par la France…
Les chiffres l’attestent, l’identification semble être efficace pour rendre le vélo à son ou sa propriétaire après un vol, sans même parler de l’effet dissuasif plus difficilement mesurable. Ce système uniformisé au niveau national est donc plutôt une bonne chose, à condition d’être pleinement exploité par les forces de l’ordre ensuite. Si les solutions proposées par les (futurs) opérateurs agréés permettent d’allier respect du cadre légal, discrétion esthétique et maintien de l’intégrité du cadre, c’est quelque chose que nous recommanderons sur tous les vélos, car plus le fichier national sera complet et plus il sera efficace. En revanche, nous espérons que la zone d’ombre autour du coût du procédé sera rapidement clarifiée car en l’état, cela laisse les opérateurs en position de force et ouvre la porte à d’éventuelles dérives.
Plus d’informations :
Le décret n° 2020-1439 du 23 novembre 2020
La section du Code des transports