Dopage | Mathias Flückiger innocenté et de retour en 2023 ?
Par Léo Kervran -
Le bout du tunnel pour Mathias Flückiger ? Mi-août, le Suisse était temporairement suspendu par Swiss Sports Integrity, l’agence anti-dopage suisse, après un potentiel contrôle positif au Zeranol lors du championnat national. Depuis, le pilote Thömus-Maxon, vainqueur de deux manches de coupe du monde en 2022, n’a eu de cesse de clamer son innocence et a sans surprise porté l’affaire devant les tribunaux. La décision vient d’être rendue et elle est en sa faveur :
Ce nouveau communiqué publié cette fois directement par l’entourage de l’athlète revient sur les différentes procédures qui se sont déroulées dans cet intervalle et se montre particulièrement critique envers le comportement de Swiss Sports Integrity depuis le début des évènements.
On apprend notamment que suite aux décisions « douteuses » de Swiss Sports Integrity sur le premier échantillon, la chambre disciplinaire de Swiss Olympic (l’organisme qui dirige le sport en Suisse) a décidé de suspendre provisoirement toute procédure relative à Mathias Flückiger chez l’agence anti-dopage, ce qui explique notamment pourquoi le fameux échantillon B n’a jamais été analysé.
Pour rappel, on vous expliquait dans notre précédent article que la décision de Swiss Sports Integrity de déclarer l’échantillon comme positif allait à l’encontre des règlements de l’Agence Mondiale Anti-dopage, qui recommandait de classer le prélèvement comme « atypique » au vu des éléments du dossier (produit incriminé, faible concentration, tests négatifs peu avant et après).
La procédure suspendue, Mathias Flückiger a ensuite pu porter de nouvelles informations devant la chambre disciplinaire : une analyse de cheveux par un expert du domaine qui s’est avérée négative, des preuves d’une contamination alimentaire ou encore des preuves scientifiques et des documents de l’Agence Mondiale Anti-dopage qui montrent « qu’il est très peu probable que [le Zeranol] ait un effet anabolisant chez l’homme », en usage classique comme en micro-doses. Le communiqué précise à ce sujet que « les structures chimiques de la testostérone et du Zeranol sont fondamentalement différentes, tout comme leur mécanisme d’action ».
Après avoir étudié ces arguments, la chambre disciplinaire a donc décidé de lever la suspension provisoire du pilote suisse. Swiss Sports Integrity est dans l’obligation de se conformer à cette décision et doit requalifier l’échantillon en « échantillon atypique ».
Qu’est-ce que cela signifie ? Selon le Code Mondial Anti-Dopage, un échantillon atypique est « un rapport d’un laboratoire accrédité par l’AMA ou d’un autre laboratoire approuvé par l’AMA qui nécessite un examen plus approfondi conformément au Standard international pour les laboratoires ou aux documents techniques connexes avant la détermination d’un résultat d’analyse anormal ». En d’autres termes, il s’agit d’un résultat qui dévie légèrement de la norme, suffisamment pour être remarqué mais pas assez pour être classé catégoriquement comme anormal (c’est-à-dire positif). Des examens supplémentaires sont alors requis et, normalement, aucune suspension ne doit être prononcée sur un résultat atypique.
Du côté de Mathias Flückiger, on ne cache pas son soulagement. Sauf nouveau rebondissement, le pilote Thömus-Maxon devrait donc être autorisé à réintégrer les pelotons pour la prochaine saison : « Je ne me suis jamais dopé. La décision de la chambre disciplinaire est un très grand soulagement pour moi. J’ai vécu les cinq pires mois de ma vie. Après des mois d’attente extrêmement stressante, je suis à nouveau optimiste pour l’avenir. Sur le plan sportif, je suis plus motivé que jamais et je travaille chaque jour à mon retour. Pendant plus de cinq mois, je n’ai participé à aucune compétition. Pendant cette période, j’ai chuté de la 3e à la 24e place au classement mondial et ma position de départ s’est massivement détériorée en conséquence. Je manque également d’entraînement en compétition et j’ai manqué toute la deuxième moitié de la saison, avec les temps forts que sont les championnats d’Europe et les championnats du monde. Je suis maintenant en train de planifier ma saison 2023 et je veux recommencer à courir bientôt. »
Un tel communiqué publié par l’athlète incriminé est toujours à prendre avec quelques pincettes mais on ne peut nier que Mathias Flückiger semble apporter de solides éléments en faveur de son innocence et Swiss Olympic en a décidé de même. Avec la qualification en échantillon positif et la suspension provisoire, Swiss Sports Integrity aurait-il outrepassé ses fonctions ? On peut comprendre la volonté d’avoir des règles anti-dopage toujours plus strictesafin de décourager les athlètes qui pourraient avoir l’idée de tricher mais il ne faut pas oublier que la biologie reste un domaine complexe. Pour Mathias Flückiger en tout cas, la vie semble enfin reprendre son cours et si son innocence venait à être confirmée par une autre partie, on ne pourra que se réjouir de le voir de retour au départ en 2023.
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Le communiqué complet :
La suspension provisoire de Mathias Flückiger est levée
Grand succès provisoire pour Mathias Flückiger ! La Chambre disciplinaire de Swiss Olympic (DK) a décidé que le résultat atypique du test au Zeranol ne peut pas être considéré comme un échantillon dopant positif. Cela signifie que la suspension provisoire imposée par Swiss Sports Integrity (SSI) le 18 août sera levée après environ 120 jours. Pour Flückiger, il s’agit d’un très grand et important succès dans la lutte pour prouver son innocence.
« Je ne me suis jamais dopé. La décision de la chambre disciplinaire est un très grand soulagement pour moi. J’ai vécu les cinq pires mois de ma vie. Après des mois d’attente extrêmement stressante, je suis à nouveau optimiste pour l’avenir. Sur le plan sportif, je suis plus motivé que jamais et je travaille chaque jour à mon retour », déclare Flückiger, très satisfait.
Flashback : le 16 septembre 2022, Mathias Flückiger et son équipe avaient soumis à la DK un dossier détaillé avec des explications et des indications de disculpation. Ce faisant, Flückiger demandait la levée immédiate de la suspension provisoire.
La preuve circonstancielle disculpatoire la plus importante :
– la DK s’est vue démontrer de manière réaliste, avec les preuves associées, comment la contamination alimentaire a pu se produire.
– Le profil stéroïdien de Flückiger est normal, absolument anodin.
– Flückiger a fait prélever indépendamment un échantillon de cheveux le 31 août 2022, qui a été analysé par le professeur Pascal Kintz de l’Université de Strasbourg le 12 septembre 2022. Kintz est le plus grand expert mondial dans ce domaine et s’est notamment fait un nom dans les analyses de cheveux dans les procédures pénales. L’analyse des cheveux s’est avérée négative. Aucune trace de Zeranol ou de ses métabolites n’a été trouvée dans les cheveux de Flückiger. Cela signifie que Mathias Flückiger n’a ni ingéré de petites quantités de Zeranol sur une longue période, ni une plus grande quantité sur un jour précis.
– Peu avant le résultat atypique du test effectué lors du championnat de Suisses à Leysin, deux échantillons négatifs ont été prélevés sur Flückiger.
* Lundi 30 mai 2022, contrôle d’entraînement par le SSI, 6 jours avant les championnats de Suisse XCO de Leysin.
* Vendredi 10 juin 2022, contrôle de la compétition par l’UCI/ITA, 5 jours après les championnats de Suisse, après la victoire en coupe du monde de XCC à Leogang.
– Il existe plusieurs preuves et conclusions scientifiques permettant d’exclure un scénario de dopage dans le cas de Mathias Flückiger : les preuves scientifiques disponibles sur le Zeranol montrent qu’il est très peu probable qu’il ait un effet anabolisant chez l’homme. Le Zeranol n’est donc pas utilisé comme stéroïde anabolisant, ni dans les milieux de la musculation, ni par les athlètes (statistiques de l’AMA). Le Zeranol n’est pas non plus utilisé en microdoses en raison de son inefficacité (contrairement à la testostérone et aux stéroïdes anabolisants androgènes de type testostérone). Les structures chimiques de la testostérone et du Zeranol sont fondamentalement différentes, tout comme leur mécanisme d’action.
C’est clair : le SSI n’aurait jamais dû prononcer une telle interdiction provisoire s’il avait suivi « l’Avis aux parties prenantes concernant les cas potentiels de contamination de la viande » de l’Agence mondiale antidopage AMA. Cet avis de l’AMA précise ce qui doit être fait dans un tel cas avant que l’échantillon dopé puisse être considéré comme un « résultat d’analyse anormal » (« échantillon positif »). Le SSI n’a pas suivi la plupart de ces étapes. Le fait est que le SSI n’aurait jamais dû évaluer l’échantillon de Flückiger comme positif en premier lieu, mais seulement comme atypique. Or, un échantillon positif est une condition préalable à l’imposition d’une interdiction provisoire, ou à la mise en place de l’échantillon B.
C’est précisément pour cette raison et à cet égard que la DK avait pris une première décision importante en faveur de Flückiger le 28 septembre 2022. La DK avait stoppé temporairement le SSI super provisoirement (sans audition du SSI). Cela signifie que tous les délais d’une procédure normale de dopage étaient suspendus jusqu’à nouvel ordre. Ainsi, la DK n’a pas permis à SSI de poursuivre la procédure « normale » dans un cas de dopage avec l’ouverture de l’échantillon B.
La levée de l’interdiction provisoire avec effet immédiat à partir du 17 décembre 2022 est énormément importante pour Flückiger à plusieurs égards : « Pendant plus de cinq mois, je n’ai participé à aucune compétition. Pendant cette période, j’ai chuté de la 3e à la 24e place au classement mondial et ma position de départ s’est massivement détériorée en conséquence. Je manque également d’entraînement en compétition et j’ai manqué toute la deuxième moitié de la saison, avec les temps forts que sont les championnats d’Europe et les championnats du monde. Je suis maintenant en train de planifier ma saison 2023 et je veux recommencer à courir bientôt. »
L’affaire revient maintenant à SSI. Conformément à l’avis des parties prenantes, l’Agence nationale antidopage peut, tout au plus, réévaluer l’échantillon A du 5 juin 2022 comme un résultat d’analyse anormal ou atypique. SSI ne peut pas légalement contester la décision de la DK.