Dopage | Mathias Flückiger clame son innocence
Par Léo Kervran -
Nouveau rebondissement dans l’affaire de dopage de Mathias Flückiger. Resté discret depuis la révélation de son contrôle positif le 19 août dernier, le Suisse s’est exprimé pour la première fois sur le sujet hier soir par le biais de son équipe et clame son innocence, avec de nouvelles informations à l’appui. On fait le point :
Rappelez-vous, il y a 3 semaines l’organisme anti-dopage suisse Swiss Sport Integrity annonçait que le pilote Thömus avait été contrôlé positif le 5 juin dernier au Zeranol (lire
Mathias Flückiger provisoirement suspendu pour dopage), un produit anabolisant interdit par l’Agence Mondiale Anti-dopage.
Dans le communiqué publié par l’équipe Thömus-Maxon, on apprend que la quantité de Zeranol trouvée dans l’échantillon serait plus de 15 fois inférieure aux valeurs habituellement mesurées en cas de consommation de viande contaminée (l’usage du Zeranol pour la croissance du bétail est illégale dans l’Union Européenne mais autorisée en Amérique du Nord notamment).
De plus, Flückiger aurait produit deux résultats de tests négatifs peu avant et peu après le contrôle suspicieux, des éléments qui pourraient corroborer la thèse de l’accident. Le Zeranol est notamment naturellement présent dans les champignons du genre Fusarium, qui peuvent s’attaquer à de nombreux produits comestibles (tomate, melon, pastèque, oignon, pomme, concombre, courgette, pomme de terre…).
Cependant, l’échantillon qui a donné lieu au résultat positif a été testé dans un laboratoire différent des deux autres et présenté comme plus sensible. Suffisant pour mettre en évidence une stratégie de micro-doses ? Quand on vous dit que rien n’est jamais simple… Reste que l’affaire semble en effet bien plus compliquée qu’il n’y paraissait à première vue.
D’ailleurs, le communiqué précise qu’à la lueur de tous ces éléments (produit incriminé, faible concentration, tests négatifs), l’Agence Mondiale Anti-dopage recommande de classer le résultat comme « atypique » plutôt que comme « positif ». Des recommandations que n’a pas suivies Swiss Sport Integrity dans son communiqué initial.
C’est donc le flou complet pour l’instant et il faudra attendre de nouveaux prélèvements pour en savoir plus, telle que l’analyse de l’échantillon B. Mathias Flückiger a également demandé une analyse de cheveux pour essayer d’apporter de nouveaux éléments au dossier. En attendant, il reste provisoirement suspendu jusqu’à nouvel ordre par sa fédération.
Dans un sport à la relation au dopage aussi complexe que le cyclisme, la moindre accusation peut vite engendrer de gros dégâts. Il est vrai que les premiers communiqués officiels laissaient peu de place au doute mais ces nouveaux éléments rappellent qu’il faut s’abstenir de porter un jugement trop hâtivement, surtout quand une procédure est encore en cours. Si Mathias Flückiger venait à être innocenté avec une explication fiable, solide et rassurante (ce que nous souhaitons évidemment), on lui souhaite bon courage pour se relever de tout ça…
Le communiqué complet :
Mathias Flückiger clame son innocence et expose les faits de l’affaire
Près de trois semaines après la communication d’un échantillon A positif à la substance Zeranol, le vététiste suisse Mathias Flückiger s’exprime pour la première fois et clarifie : « Je n’ai pas sciemment ingéré de Zeranol. » La quantité apparemment trouvée dans l’échantillon A de Mathias Flückiger est si faible que l’échantillon A de Flückiger n’aurait dû être évalué que comme un « résultat atypique », mais pas comme un « résultat positif ».
A sa connaissance, Mathias Flückiger n’a jamais ingéré de substance interdite. Apparemment, le laboratoire accrédité par l’AMA à Lausanne a toutefois trouvé des quantités minimes de Zeranol dans l’échantillon A du 5 juin 2022.
Le laboratoire de Lausanne a donc souligné dans son rapport de contrôle antidopage sur l’échantillon A que cela pourrait indiquer la consommation de viande contaminée, d’autant plus que le Zeranol n’est pas connu comme un agent dopant. La plus petite quantité trouvée n’avait donc de toute façon aucun effet d’amélioration des performances.
Afin d’éviter les faux préjugés, l’AMA a publié une instruction à l’intention des autorités antidopage sur la manière de procéder dans de tels cas (Stakeholder Notice regarding potential meat contamination cases of June 1, 2021). Malheureusement, Swiss Sport Integrity n’a pas suivi cette instruction. Selon celle-ci, l’échantillon A de Mathias Flückiger n’aurait dû être évalué que comme un « résultat atypique », mais pas comme un « résultat positif ».
Cette évaluation aurait été indiquée d’urgence, notamment en raison des méthodes de mesure beaucoup plus sensibles du laboratoire de Lausanne (par rapport à d’autres laboratoires). La quantité apparemment trouvée dans l’échantillon A de Mathias Flückiger est plusieurs fois inférieure (0,3 ng/mL) à la valeur seuil pour une éventuelle contamination de la viande (5 ng/mL). En outre, Flückiger a fourni deux échantillons antidopage négatifs quelques jours avant et quelques jours après le contrôle du 5 juin.
Entre-temps, Mathias Flückiger a consulté les dossiers de Swiss Sport Integrity et a demandé toute la documentation (Documentation Package) du laboratoire de Lausanne concernant l’échantillon A. Swiss Sport Integrity a suspendu tous les délais jusqu’à la remise du dossier de documentation, c’est pourquoi aucun échantillon B n’a été demandé à ce jour.
Mathias Flückiger examine actuellement de manière intensive toutes les explications possibles quant à l’origine de ce résultat atypique. Une analyse de cheveux a déjà été commandée au Prof. Pascal Kintz et Mathias Flückiger a assuré Swiss Sport Integrity de sa volonté de coopérer pleinement à toute enquête.
En raison des investigations intensives, de la complexité de l’affaire et des procédures en cours, Mathias Flückiger ne fera pas d’autres déclarations pour le moment.