Mondraker Enduro Team Race à Davos : le plein d’endorphines
Par Kristien Achten -
Davos, canton des Grisons, Suisse, début septembre. Le Mondraker Enduro Team Race était inscrit dans nos agendas depuis un certain temps. Difficile de ne pas être impatientes avant une course d’enduro en duo dans un tel environnement. Sur le papier, la route entre les Flandres et Davos paraît longue mais avec Laura, ma coéquipière néerlandaise, c’était « long time no see ». Rires et discussions n’ont pas arrêté tout au long de la route et en un rien de temps, nous nous sommes retrouvées dans les Alpes suisses, aussi belles que dans nos souvenirs !
Arrivées en fin d’après-midi, nous sortons de la voiture pour récupérer nos plaques de cadre. Après de longs mois sans compétitions, ça fait plaisir de voir autant de vététistes réunis à nouveau. La plaque, c’est fait, le transpondeur aussi, c’est parti !
Il est temps de trouver notre bel hôtel et de manger un morceau. Un briefing en ligne nous fournit les informations nécessaires sur les spéciales et le timing pour le jour suivant. L’itinéraire a été partagé par Komoot. Ventres pleins, la journée de voyage derrière nous, il est temps de se glisser sous la (moelleuse) couette et de rêver aux superbes sentiers que nous affronterons ensemble le lendemain.
Jour 1 : Spéciales 1-3 et 2710 m D-
7h30 : Réveil, petit-déjeuner (le Bircher muesli suisse, fait maison, est vraiment l’aliment idéal pour une journée à la montagne), puis il est temps de se mettre en tenue : casque intégral, coudières, genouillères, sac à dos avec dorsale, masque… Ainsi harnachées, nous quittons l’hôtel pour rejoindre le départ
9h30 : dans la file d’attente pour la première remontée mécanique du Jakobshorn. L’ambiance est légère, on retrouve de vieux amis, on s’en fait de nouveaux, on vérifie une dernière fois les vélos… Afin de prendre nos marques sur ce terrain, nous choisissons de descendre à la station intermédiaire de la remontée pour se lancer sur une première piste. Le « EXIT trail » est l’un des sentiers les plus shapés de Davos-Klosters mais avec ses petits sauts et larges virages, c’est l’échauffement parfait.
Jakobshorn, 2 600 mètres d’altitude, quelle vue ! La première partie, très physique, de l’Epic Trail Jakobshorn ne compte pas pour le chronomètre et complète la mise en route. Idéal pour trouver la bonne concentration et finir de réveiller le corps.
Impossible toutefois de rater le début de la spéciale : à chaque départ, un commissaire est présent et responsable aussi bien du signal de départ que… de l’animation musicale. Entre basses rugueuses et sons alpins suisses, les hauts-parleurs sont généreusement utilisés pour stimuler les coureurs et faire monter la pression. Toutes les 30 secondes, une équipe part sous les acclamations et les encouragements.
Tactique : moi en tête, Laura derrière … Un high five et c’est parti. Une ligne droite flowy nous plonge dans le bain. Concentration dans les premiers virages en épingle à cheveux. Tourner avec précision et regarder devant soi. Les petites relances, combinées à l’altitude, font monter en flèche notre rythme cardiaque et notre fréquence respiratoire atteint très vite des sommets. C’est tout un défi de maintenir la concentration et la vitesse alors que les avant-bras commencent à hurler. 50 mètres avant l’arrivée, un drapeau annonce la fin de la spéciale. Béni soit-il ! Mon cœur bat la chamade, nous sommes remplies d’adrénaline jusqu’à en déborder mais la course est lancée !
Vous reprendrez bien une dose de « dopage » naturel ? La deuxième spéciale est totalement différente de la première, beaucoup plus de sol forestier, de racines humides et aussi un défi physique bien plus présent. C’était clairement l’une des spéciales les plus difficiles de la course. Concentration sur les racines glissantes, relance après les virages en aveugle, explosion de puissance dans les petites montées techniques… Il faut vraiment être en forme pour les courses d’enduro.
Un mètre avant l’arrivée, une racine m’envoie au sol de la façon la plus « élégante » possible et je passe la ligne en rampant pour ne pas perdre de temps. Hilarité et schadenfreude pour Laura et nos amis et c’est d’autant plus ridicule que la même racine a aussi envoyé Jeffry, un collègue de Vojo, au tapis quelques secondes plus tôt. Rien de grave heureusement et c’est avec un grand sourire sur le visage que nous nous empressons de rejoindre la spéciale suivante.
Spéciale 3, le parcours « signature » vers la vallée du Teufi, un classique à Davos. On commence sur une ligne de crête à couper le souffle, au sens propre comme au sens figuré. Pas facile de contrôler ses nerfs sur ce chemin étroit et sinueux… Mais quelle image de rêve, on fait vraiment du vélo dans une carte postale.
Quelle belle première journée… Chasser le chrono à deux sur les plus beaux sentiers qu’on ait pu rouler ! Un dernier arrêt à l’arrivée pour vérifier nos temps et nous filons à l’hôtel pour se coucher tôt.
Jour 2 : Spéciales 4-8 et 3 340m D-
Petit-déjeuner, préparation du sac à dos, vérification du vélo, pression des pneus et c’est reparti. Le classement général détermine le groupe de départ et nous partons donc avec le groupe de 8h45 vers la première remontée… ou plutôt le premier train. Le Parsennbahn nous emmène dans un paysage lunaire, dans lequel seuls ressortent les rubalises bleues Mondraker. Elles ne s’intègrent pas tout à fait dans le paysage, mais elles nous mènent au départ de la première spéciale du jour, la 4e au total.
Les gravillons noirs et meubles cèdent rapidement la place à une verte prairie alpine. Le sentier est de plus en plus humide à cause de la fonte des eaux de montagne mais aussi plus sale, la faute aux (très belles) vaches alpines, reines de ces alpages.
C’est si beau de voir comment les cellules du cerveau fonctionnent quand on repère des traces. « Ah, ça doit être la meilleure ligne ! » : on suit ces instructions… et on finit dans une énorme mare de boue. Mauvais choix, ce n’était pas le chemin le plus rapide. Laura a juste le temps de changer de vitesse et continuer, mais en ce qui me concerne… Eh bien, l’odeur nous fait vite comprendre que ce n’est pas de la boue sur mes jambes. Dommage (ou tant mieux pour vous) qu’on ne puisse pas capturer ça avec des mots.
On rejoint malgré tout la cinquième spéciale. Ici, le départ est difficile à négocier, avec des virages très serrés en dévers. Laura réussi tout juste à garder sa roue avant sur le bord du chemin, mais le coéquipier de Jeffry est sorti un peu ici. Plus loin, la traversée d’un ruisseau me nettoie instantanément les jambes, enfin ! Un dédale de chemins s’ensuit, parfois humides et glissants, parfois secs et meubles. L’instinct de Laura est aiguisé et cette fois, elle choisit les bonnes lignes. Plus d’erreurs !
Une belle montée à travers la forêt nous amène sur la spéciale 6, pleine de racines dans une forêt humide. Depuis le départ, on peut voir les deux premiers virages, donc nous déterminons rapidement la ligne à prendre. Extérieur, extérieur à nouveau et ensuite … un énorme tapis de racines, qui selon le commissaire suisse est raisonnablement sec.
« Regarde juste le point final, regarde juste le point final. » Mais où se trouve ce point final ? Je ne m’en sors pas trop mal mais Laura a dû mettre le pied à terre et ce n’est pas facile sur des racines « humides » et glissantes. Un singletrack rapide à travers une forêt plus aérée nous mène à l’arrivée. Court mais intense. Maintenant, c’est l’heure du déjeuner !
En haut de la remontée, un délicieux plat de pâtes nous attend, vue sur les montagnes offerte. Un rapide café et nous repartons en direction de la spéciale 7, où la musique rock nous accompagne à nouveau. Un high five et c’est parti. Le tracé serpente à travers les prairies alpines, on a une large vue du sentier et il faudrait lâcher un peu plus les freins mais ce n’est pas évident. On file d’un chemin à l’autre avant plonger dans les sections raides puis de négocier notre passage sur les racines. On se surprend à crier sous nos casques en approchant de la ligne d’arrivée, la faute à la caféine ou à l’adrénaline ? Quel coup de fouet !
La liaison vers la dernière spéciale du jour est plus difficile. Nous essayons de grimper aussi calmement que possible, en profitant de l’eau du glacier. Certains ont même opté pour un bain glacé. Une thérapie de choc pour de meilleures performances ? La remontée de Gotschna nous permet d’atteindre à nouveau le sommet et le dernier départ de la journée. Nous avons de plus en plus confiance dans le vélo, les pneus, le terrain et nous-mêmes, on se détend de plus en plus et nous laissons le vélo faire ce pour quoi il a été conçu : descendre à fond.
L’organisation nous avait peut-être gardé le meilleur pour la fin aujourd’hui car sur cette spéciale, nous avons couvert tous le spectre de l’enduro. Un départ en douceur, des virages serrés, une section à haute vitesse, deux énormes rochers, des ravins dans une prairie alpine, un autre champ de racines et pour finir, un incroyable sol forestier meuble. Laura part en tête mais se fait surprendre sur la première pierre. J’ai vu la ligne plus tôt et je la dépasse pour qu’on puisse garder notre vitesse. Dans le dédale de ravines, nous alternons et on vole presque à travers la forêt, au-dessus des racines. Nous passons l’arrivée côte à côte, quel travail d’équipe ! C’est ainsi que cela devrait être, s’aider et se renforcer mutuellement, prendre le relais lorsque l’autre est en retard et vice-versa.
De retour au village, des histoires et des images plein la tête, nous passons rincer les vélos avant une douche bien méritée et un bon repas dans un bar hipster local. Encore un jour de course !
Jour 3 : Spéciales 9-14 et 3 660m D-
Nous n’avons même pas encore complètement digéré notre petit-déjeuner et déjà les pentes se dressent devant nos roues. Après environ une heure de montée (rien ne presse), notre journée commence réellement sur un singletrack à flanc de montagne. Extrêmement étroit, avec des rochers saillants… excitant. La concentration est d’emblée de mise, on ne peut se permettre aucune erreur ici. Cinq longues traversées en zigzag, comme l’indiquait la carte.
Une fois sur le sentier, bien sûr, on ne remarque plus rien de tout cela. Cinq kilomètres de course, cinq kilomètres à contrôler les avant-bras brûlants, à protéger les mollets grinçants des crampes, à trouver les bonnes lignes sur les racines encore humides et, surtout, à s’amuser. Un sprint à l’arrivée et notre petit déjeuner était complètement digéré.
Si la spéciale 9 était la plus longue, l’étape 10 est de loin la plus technique. Baptisée Chalbersäss, c’est l’autre classique de Davos Klosters. Très brute, des virages serrés, des chutes inattendues… Toutes nos compétences techniques ont été mises à contribution, jusqu’à l’orientation puisque Laura a fait une petite erreur de parcours et m’a perdu un moment. Il n’est pas facile de retrouver la bonne piste alors que l’adrénaline vous monte aux oreilles. On reste calme, on respire et on se reconcentre…
Après l’étape la plus longue puis la plus technique, reste l’ultime test physique. Spéciale 11 : pedal it, damn it ! Une descente rapide nous lance directement dans les alpages, où nous attend une montée raide sur l’herbe encore humide. On remonte la selle et c’est parti. Pédaler, pédaler, pédaler, encore pédaler… un petit virage et ça redescend, avec le cœur au bord des lèvres ce qui rend le chemin encore plus étroit et raide. Heureusement, une récompense nous attend à l’arrivée : première équipe féminine sur cette spéciale !
Une fois remonté, nous apprécions le transfert sur le magnifique Panorama Trail au-dessus de Klosters. Quelques nuages de pluie gris complètent le tableau. Le commissaire de la spéciale 12 a dû apprécier la vue. Avec enthousiasme, nous sommes briefés sur ce qui nous attend : gauche rapide, droite, gauche, section rapide et ensuite les « virages ». Ça paraît simple. Donc, gauche, droite, gauche, toutes les deux en position aérodynamique sur le guidon, freins grands ouverts puis, effectivement, les « virages ». Des épingles serrées et techniques, les unes après les autres, sans fin. La bonne position, la bonne pression, nous filons vers l’arrivée comme prévu. Quel progrès nous avons fait en trois jours !
De retour au point de départ à Davos, il est temps de déjeuner mais un orage et une pluie menaçants nous poussent à remonter rapidement pour cocher les deux dernières étapes avant que la météo ne se dégrade trop. Qu’importe, ce sera un goûter plutôt qu’un déjeuner.
Nous avions été prévenus, la spéciale 13 est rapide mais caillouteuse. Nos jantes carillonnent à plusieurs reprises et nous croisons les doigts, pas de crevaison, pas maintenant ! Pas le temps de faire un contrôle approfondi, la spéciale 14 enchaîne immédiatement mais elle est bien plus accessible et nous la connaissons déjà. En effet, cette spéciale n’est rien d’autre que le « EXIT Trail », celui-là même qui nous a servi d’échauffement l’avant-veille. Première descente du week-end, dernier secteur chronométré de l’épreuve, la boucle est bouclée et maintenant, c’est bikepark time !
L’atmosphère sur la ligne d’arrivée était électrique. Tout le monde s’acclamait, s’encourageait, s’applaudissait et l’énorme orage n’a fait rien d’autre qu’ajouter au plaisir et à l’effervescence. Tout le monde a été appelé en héros. Derniers à descendre de la montagne, les commissaires ont eu droit à une ola avant de terminer par du ventriglisse dans l’herbe trempée. Une atmosphère exubérante, une expérience merveilleuse.
La soirée de clôture s’est poursuivie au même rythme. Nous étions la troisième équipe féminine à entrer sur la scène improvisée. Outre les catégories hommes et mixtes, il y avait également une catégorie 77+ et l’unique catégorie « fun ». Equipe « fun » ? Oui, les équipes de trois à six personnes partent dans une catégorie distincte. Les règles sont les mêmes, le premier à partir et le dernier à finir fixent le temps. Le reste dépend de vous. Drôle de décalage de voir ces trains de vététistes flâner sur les sentiers, mais il est clair que tout le monde s’est amusé.
Côté organisation, rien que d’excellentes choses. La Bike Academy Davos gère cet événement depuis des années et elle le fait avec passion et plaisir. Tout le monde a été emporté par leur enthousiasme. Une communauté très unie, ça se sent. Le nombre élevé de personnes qui reviennent après leur première participation confirme le charme de cet événement. Unique par sa forme, son emplacement et son atmosphère et pas si cher, compte tenu du fait qu’on est en Suisse. Nous le recommandons vivement !
La prochaine edition de Mondraker Enduro Team Race à Davos a lieu du 1 à 3 Septembre 2022. La registration ouvre le 27 Decembre 2021 à 10.00. Soyez prêts! La derniere fois toutes les places de départ etaient pris en 4 jours …
Plus d’informations : www.enduro-team.ch
Les itinéraires de nos 3 jours de course : Komoot
Photos : Andographie et (c)alphafoto.com
Et si cela ne suffit pas à vous mettre l’eau à la bouche, regardez la vidéo de l’édition 2021 et laissez-vous emporter par le cadre magnifique et les sentiers sans fin de l’événement.