Marathon : dans la légende du Grand Raid Verbier-Grimentz
Par Olivier Béart -
Le Grand Raid Verbier-Grimentz est un des plus anciens marathons vtt et sans aucun doute une des épreuves les plus légendaires du calendrier. Martin Dupuis, un de nos reporters marathoniens, était de la partie sur l’édition 2016. Il vous propose de revivre cette course de légende en sa compagnie… sur la longue distance de 125km !
Le vélo passe entre les mains de mécanos avertis et reçoit le célèbre autocollant à l’effigie du Grand Raid
Première bonne surprise, le contrôle technique est revenu à Verbier, ce qui facilite un peu la logistique déjà compliquée que cette course en ligne implique ! Les bénévoles sont super sympas et tout se passe assez vite. Le vélo passe entre les mains de mécanos avertis et reçoit le célèbre autocollant à l’effigie du Grand Raid. Un petit cadeau en prime et me voilà prêt à rejoindre mon hôtel. Pour le souper, je rejoins quelques bons amis et on fait le plein de forces grâce au buffet pasta à volonté ! A 21h30, me voilà au lit, j’espère juste pouvoir me reposer correctement malgré un certain stress toujours présent avant une grosse course…
Samedi à 4h30, mon réveil me tire du lit et, directement, je m’efforce de manger. Pas facile, mais il est indispensable de bien s’alimenter très tôt, histoire de ne pas terminer sa digestion sur les pentes de la première côte. A 5h30, je pars à l’échauffement à travers Verbier qui est encore plongé dans la nuit. Malgré l’heure, les rues sont déjà bien remplies de bikers. Impressionnant ! Je retrouve facilement mes amis et, ensemble, on parcourt un petit bout de la côte de départ.
A 6h30 précise, alors que le ciel s’éclaircit à peine, le starter lâche la meute de 700 coureurs !
Pour l’instant, la météo est plutôt douce mais les organisateurs ont déjà prévenu que la pluie arrivera en fin de matinée. Vers 6h15, c’est avec les poches bien remplies de gels, barres et veste de pluie que je rejoins le box des licenciés, juste derrière le box des favoris, où sont présents quelques grands noms comme l’ancien vainqueur Urs Huber, Karl Platt, Lukas Flückiger, Arnaud Rapillard, Emeric Turcat mais aussi Sébastien Carabin. L’émotion est palpable ! A 6h30 précise, alors que le ciel s’éclaircit à peine, le starter lâche la meute de 700 coureurs ! Les favoris se lancent déjà dans la bataille alors que dans le gros du peloton, on sent que les autres concurrents sont plutôt prudents car ils savent que la journée risque d’être longue !
Pour ma part, je me cale dans un rythme prudent avec un équipier et, ensemble, nous abordons ce premier col qui nous mène jusqu’à Les Ruinettes (2200m). Quel plaisir de voir le soleil se lever et colorer les montagnes environnantes !
A la station de télécabine des Ruinettes, le public est déjà nombreux. Les gens crient votre nom, merci les plaques nominatives ! Tout juste le temps d’attraper un gobelet tendu par un bénévole et je me glisse dans un petit groupe, histoire d’être bien protégé pour la partie plate sur piste qui mène jusqu’au col de la Croix de Cœur. Directement après, je m’élance dans la première descente de col vers la station de la Tzoumaz (1510m). Sur piste rapide et parfois défoncée, cette descente peut être piégeuse, surtout si on la roule à fond !
Heureusement, je la connais par cœur et j’arrive sans encombre en bas où je prends à la volée un bidon au premier ravito. A partir d’ici et jusque Nendaz (1290m), le parcours est plus calme et emprunte des pistes roulantes, toujours montantes ou descendantes mais jamais bien longtemps et avec quelques jolis points de vue sur la vallée du Rhône. Après le ravito de Nendaz, voici enfin le premier single et la célèbre descente sur piste de ski. Assez secouante et fun ! Je suis content d’arriver en bas sain et sauf car mon frein avant est aux abonnés absents, sans doute les plaquettes qui n’étaient pas assez rodées….
De nouveau, il y a une superbe ambiance dans la station, les gens sont venus en masse encourager les coureurs et on a droit, comme d’habitude, à un petit air de cor des Alpes ! On traverse Nendaz en profitant d’un chouette single parfois pentu, rempli de racines et de cailloux. J’en profite pour dépasser quelques concurrents peu à l’aise dans le technique… La suite est toujours du même acabit, des pistes à travers bois, et je suis content de constater que mes jambes tournent bien ! Ca sent la bonne journée mais je reste calme et concentré sur mon alimentation !
Au ravito de Veysonnaz (1330m), je reprends un bidon, une barre et je m’attaque à une montée qui est un peu plus longue. Au bout de celle-ci, un chouette single nous dépose au pied de la station des Collons (1780m). Le public est à nouveau là, et ça aide beaucoup à garder le moral car il reste encore plus de 90 km et pas loin de 4000m de dénivelé à avaler !
Je quitte la station via un beau petit single qui est suivi par des pistes de ski bien pentues où mon frein me fait de nouveau des frayeurs… Ma course a failli se terminer dans les bâches de sécurité ! Mais bon, j’en ai vu d’autres et comme je suis toujours entier, je traverse les belles petites rues du village d’Hérémence où je me fais ravitailler. Quel luxe et surtout quel confort de ne pas devoir embarquer tous les gels et barres en une fois dans ses poches ! Merci Christian !
Pour moi, le Grand Raid commence vraiment une fois passé Hérémence et je sais bien que si les jambes sont déjà dures, ça ne sera pas facile de faire un bon temps ! Heureusement, ce n’est pas le cas et je file vers le col qui mène à la Mandelon (2030m). Avant ça, il faut gravir quelques lacets sur le versant d’en face et profiter d’un bon ravito ! Comme à chaque fois, j’échange mon bidon vide contre un bidon de boisson isotonique. Me voici enfin sur les pentes de ce col, toujours accompagné de Benjamin, mon équipier, qui est un compagnon de route expérimenté et très régulier ! Notre rythme est toujours excellent, le cardio est sage et il ne pleut toujours pas… Les dieux du vtt sont avec nous !
Deuxième grosse difficulté du parcours, cette ascension est longue et éprouvante ! Petit à petit, je remonte des coureurs, sans doute trop optimistes, et j’attends patiemment de voir les alpages arriver, signe que le ravito se rapproche. Le ciel s’obscurcit de plus en plus… Les nombreux lacets s’enchainent et je continue mon ascension tout en souplesse, je me sens bien, contrairement à mon Benji qui concède quelques mètres… J’arrive seul au ravito et c’est avec un certain plaisir que j’avale un bon bol de bouillon ! Quel plaisir d’enfin absorber un peu de nourriture salée ! Je remonte en selle et j’attaque la fin de cette montée sur une piste de moins en moins roulante… Les cailloux sont plus nombreux et il faut un peu choisir sa trace.
On contourne petit à petit la montagne pour pénétrer plus en avant dans le Val D’Hérens et ces belles montagnes ! La pluie fait son apparition et les nuages nous gâchent presque la vue… La Dent Blanche et le Cervin ne sont pas loin.
Au bout de la piste, le chemin devient single et je dois aborder la célèbre zone technique de l’alpage de la Mandelon sous un petit crachin qui va rendre le franchissement bien plus piégeux ! Entre deux cailloux, je jette un coup d’œil à gauche sur le versant d’en face et je vois déjà le Pas de Lona qui m’attend. Malgré quelques concurrents attardés, je négocie plutôt bien le single et sans prendre le temps de mettre ma veste de pluie, je fonce dans la longue descente vers Evolène. Celle-ci aussi je la connais par cœur ! Hyper rapide, sur des pistes gravillonneuses et tortueuses, elle n’est cependant pas très difficile et permet presque de se reposer avant de s’attaquer au plat principal !
Heureusement pour moi, la pluie s’arrête définitivement et je prends beaucoup de plaisir à dévaler les quelque dix kilomètres de pistes vers Evolène. Je fais juste attention sur la fin, quand le parcours pique dans la foret et devient franchement plus technique avec quelques racines !
La traversée d’Evolène (1380m) permet d’admirer un des plus beaux village du Valais, avec ses chalets en bois brûlé et balcons fleuris. Je pense évidemment à me ravitailler car cela fait déjà 5h que j’ai quitté Verbier et que la plus grosse difficulté se présente enfin devant moi. Je quitte Evolène en franchissant l’habituelle passerelle métallique qui enjambe la route principale qui dessert toute la vallée. Un biker suisse me rejoint et m’encourage à le suivre. On se rend compte qu’on vise le même temps et donc nous décidons de faire quelques kilomètre ensemble tout en essayant de garder un rythme soutenu. On s’élance ensemble sur les pentes raides qui nous emmènent vers Eison. Toutefois, avant d’y arriver, il reste à dévaler un single qui serpente dans les sous-bois. Pas très technique mais il y a quand même du flow et donc bien fun au final !
Après ce petit répit, on reprend de la hauteur et on arrive enfin à Eison (1650m). Je retrouve mon ravitailleur et je remplis mes poches avec mes dernières cartouches alimentaires (encore des gels et des barres et surtout un petit coup de coca pour nettoyer mon estomac). J’en profite également pour passer au stand technique pour mettre un coup d’huile sur ma chaine, pas envie de prendre des risques alors que tout se passe parfaitement pour l’instant !
Sur ce temps, mon camarade suisse est déjà parti et je repars sur une petite trace sympa mais bien raide. Ca commence à faire chauffer les jambes, normal après presque 100 kilomètres ! Et dire que dans quelques minutes, de l’autre côté de la montagne, Urs Huber va franchir la ligne en vainqueur, pulvérisant également le record de l’épreuve en descendant sous les 6h ! Respect Monsieur Huber !
Pour ma part, j’attaque modestement la très longue montée vers L’A Vieille. Il s’agit sans aucun doute du plus gros morceau de la journée et je sais par expérience qui ne faut surtout pas s’emballer en lâchant ses dernières cartouches ! Je continue mon pédalage en souplesse. Cerise sur le gâteau, je remonte une dizaine de concurrents qui semblent un peu à la peine ! Ca fait plaisir ! Une des grosses difficultés de cette ascension est qu’on n’en voit jamais la fin…
Une fois de plus mon expérience me permet de bien gérer mon effort et je retrouve même mon camarade suisse que je dépose dans les derniers lacets avant d’atteindre le célèbre ravito de L’A Vieille (2370m). Il faut dire qu’il s’agit du dernier point de neutralisation (celle-ci est fixée à 16h). De nombreux bikers y sont amassés pour profiter des victuailles proposées et même d’un stand de massage ! Encore une fois, je ne m’arrête pas, saisissant juste un bidon à la volée.
A partir d’ici, je me prépare à affronter les pires chemins de la journée ! Un single étroit, sorte de chemin de chèvre, à profil montant et parsemé de cailloux et de concurrents des autres distances bien cuits. Pas facile de slalomer entre tous ces obstacles, surtout que mes jambes commencent à me faire payer l’addition de la journée…
J’alterne donc roulage et poussage en essayant de ne pas forcer dans les passages scabreux ! Petit à petit, le paysage devient lunaire et je sais que l’enfer (ou le paradis) n’est plus très loin. Et puis survient ce que tout le monde redoute le plus : le portage du Pas de Lona… Ma tactique est simple : pousser, pousser et encore pousser, sans jamais essayer de voir le sommet ! Les jambes sont dures et la fatigue bien présente mais ma tête ne veut rien entendre et c’est dans un état de semi conscience que je m’efforce de poser un pied devant l’autre ! Pas toujours facile de trouver du grip avec les chaussures vtt !
Le truc inoubliable du Pas de Lona, c’est indéniablement son ambiance ! On croit rêver, malgré l’altitude et le temps un peu maussade, il y a du monde partout et les spectateurs encouragent absolument tout le monde ! Respect et bonne humeur, on en redemande ! A nouveau, on a droit à un concert de cor des Alpes !
Magique ! Il faut au moins venir une fois dans sa vie de biker apprécier ce Pas de Lona ! Mélange de souffrance, de fête, le tout dans un décor incroyable ! La pente s’adoucit enfin et j’aperçois l’arche qui marque le sommet du Pas de Lona (2787m). Encore quelques encouragements qui font du bien au moral et je saute en selle ! Plus besoin de ravito, je fonce plein gaz dans un single très ludique qui traverse le plateau au pied du Basset de Lona.
Difficulté souvent négligée ou méconnue, il s’agit bien du point culminant du Grand Raid à 2792m d’altitude. Je jette mes dernières forces dans ce dernier petit col. Je serre les dents, je pèse de tout mon poids sur les pédales mais je sens que mes jambes sont presque vides… C’est donc au courage que je termine cette petite grimpette ! A peine le col franchi et j’en prends plein les yeux !
J’ai beau m’y attendre, la vue est carrément incroyable : le lac de Moiry, d’un bleu glacé, et les montagnes qui l’entourent, forment un magnifique spectacle ! Je me reconcentre assez vite malgré tout car la dernière descente jusque Grimentz est tout sauf de la rigolade !
La piste devient moins sinueuse et surtout plus rapide et je me cramponne à mon guidon !
Ici, les gens qui ont tracé le parcours nous ont réservé le meilleur pour la fin : une piste rapide mais parsemée de gros cailloux, de nombreux lacets alternant de courbes rapides et serrées ! Arrivé au niveau du lac, la piste devient moins sinueuse et surtout plus rapide et je me cramponne à mon guidon !
Un double sentiment m’habite : l’envie de me faire plaisir et surtout d’aller très vite et la peur de tout gâcher et de rater un chrono que je présume au-delà de mes ambitions les plus folles ! Ouf, je parviens entier au barrage et je plonge dans le single qui rejoint le pied de cet énorme édifice.
Ici, le pilotage devient important et tout peut basculer à chaque instant ! Difficile se concentrer après toutes ces heures ! Je fais de mon mieux et je me faufile entre tous les pièges, franchis sans encombres le torrent à deux ou trois reprises.
Je la connais bien cette descente, qui a déjà terrassé de grands champions (demandez à Christophe Sauser ce qu’il en pense) et j’arrive dans la partie la plus ardue et secouante, celle où je me demande si mes bras vont tenir le coup ! Quelques petits lacets dans des champs de cailloux et puis enfin un petit pont en bois qui annonce une très longue ligne droite, toujours dans la caillasse, bien pentue et qui mène vers le village d’arrivée ! Je me fais déposer par un concurrent qui ne doit sans doute pas toucher à ses freins… Impressionnant le gars !
J’entends au loin le speaker et après une petite chicane, j’aperçois finalement le chapiteau de l’arrivée ! Comme toujours, l’émotion me rattrape et je sens une petite larme monter ! C’est plus fort que moi, j’aime le Grand Raid ! A peine la ligne franchie, je retrouve quelques copains. On se félicite et voilà qu’on se raconte déjà nos aventures respectives ! Encore une belle journée sur le Grand Raid !
Liens utiles : Le site du Gran Raid – la course aura lieu les 18 et 19 août 2017