Lunettes de sport à la vue : et si on essayait d’y voir clair ?
Par Romain Viret -
Les yeux secs, des lentilles qui se décollent, une vue pas géniale, voilà ce que vivent des milliers de pratiquants de vélo et de sport. Longtemps balbutiantes ou peu optimales, les solutions de lunettes de sport à la vue se sont considérablement améliorées ces dernières années. Aujourd’hui, rares sont les corrections qui ne peuvent pas bénéficier de lunettes réellement adaptées à la pratique du sport. On vous explique tout ça avant de prendre la direction du laboratoire RX de Julbo :
Dans la population, on estime que pratiquement 7 personnes sur 10 portent des lunettes de vue. Au sein de la rédaction, si la majorité n’en a pas besoin, certains sont confrontés à ce problème. Conscients que nous n’étions pas les seuls dans ce cas et pour essayer de voir un peu plus clair sur le sujet, nous sommes allés interroger les marques du secteur et c’est ainsi que Julbo a proposé à notre équipe de découvrir tout le processus de conception de lunettes de sport adaptées à la vue.
Pour commencer, Julbo nous a orientés vers un opticien partenaire et c’est comme cela que nous nous retrouvons chez Alternativ’Optic avec Henri Welsch, opticien-lunetier depuis 14 ans et spécialisé dans les lunettes de sport.
Que ce soit pour le confort, la sécurité, la performance ou simplement une nécessité de voir clair, les arguments sont nombreux pour porter des lunettes adaptées lors de vos sorties. En effet, vos lunettes de vue du quotidien ne sont pas prévues pour une pratique sportive. En plus des risques de blessures en cas de chute ou d’impact sur les verres, le confort, le maintien et la protection ne seront pas au rendez-vous.
Aujourd’hui, le panel de choix de lunettes de sport est immense, montures ultra couvrantes ou à l’inverse extrêmement légères, verres spécifiques, photochromiques, et même personnalisation des couleurs des éléments de votre monture, il y en a pour tous les goûts.
Pour trouver la paire de lunettes qui vous correspond le mieux à vous et votre pratique, il est essentiel de se poser quelques questions. Eh oui, une très bonne paire de lunettes pour vous et votre pratique ne sera pas forcément la même pour quelqu’un d’autre.
« La majorité des personnes n’ont même pas conscience des solutions qui existent. Aujourd’hui, les lunettes de sport peuvent s’adapter à quasiment toutes les corrections. Malgré tout, il reste encore quelques limites sur les corrections très fortes, ceci en partie à cause de l’épaisseur des verres de correction et la compatibilité avec certaines monture très galbées ou proches du visage. »
Dans la plupart des cas, Henri nous confiait que les personnes faisant le choix de ne pas porter des lunettes de sport adaptées à la vue avaient vécu de mauvaises expériences, souvent à cause de mauvais conseils et surtout d’un manque d’information.
Est-ce que c’est adapté au vélo ?
Dans les lunettes de sport, on peut observer deux grandes catégories. D’un côté les lunettes de sport qui vont maximiser la protection en étant très couvrantes (souvent utilisées dans l’alpinisme ou dans les sports nautiques par exemple). De l’autre, les lunettes pour les sports d’endurance. Généralement, c’est sur ces dernières qu’il faudra se pencher.
Que ça soit en VTT, en gravel ou en vélo de route, les besoins sont assez proches des autres sports de plein air (le running ou le ski de fond par exemple). Pour ceux-ci, il est préférable de s’orienter sur des lunettes avec un champ de vision le plus grand possible tout en maximisant le flux d’air sur la face intérieure du verre pour éviter l’apparition de buée. Pour cela, il est important de choisir sa monture en fonction de son visage et pas seulement pour le côté esthétique. Les lunettes, c’est comme un casque, on ne peut que vous conseiller de les essayer avant de les acheter.
Outre la monture, le choix du verre est également très important ! En règle générale, les verres des lunettes de sport se doivent d’être résistants aux impacts ou aux griffures pour durer plus longtemps et vous protéger. Les lunettes de vélo n’échappent pas à la règle et font même partie des lunettes où ce point est le plus important à cause des branches, gravillons ou autres insectes qui tenteraient de croiser votre regard.
Généralement, les verres solaires sont catégorisés en fonction de leur niveau de filtration des rayons, mais ils ont aussi différentes teintes. Selon l’environnement dans lequel ils seront utilisés (chemins blancs, sous-bois, neige), celle-ci va varier. Pour une pratique VTT, privilégiez un verre qui garde une bonne luminosité et fait ressortir les différents reliefs. Tandis que pour une pratique vélo de route, partez plutôt sur des verres avec une filtration plus importante pour lutter contre l’éblouissement.
Des verres photochromiques (verre avec une teinte variable selon la quantité d’UV reçue) peuvent être vraiment intéressants pour le vélo avec les changements de luminosité entre forêt, sous-bois, route, etc. Mais aussi et surtout si on est obligé de garder nos lunettes dans chaque moment pour voir clair ! Pas d’inquiétude, même si cette idée reçue à la peau dure, les verres photochromiques sont maintenant relativement rapides au changement de teinte.
- Catégorie 0: Filtrent entre 0 et 19% des rayons du soleil. Généralement utilisés lors de mauvais temps ou dans des zones sombres (exemple : sous-bois)
- Catégorie 1: Filtrent de 20 à 57% des rayons du soleil. Teinte claire, utilisés en cas d’ensoleillement faible.
- Catégorie 2 : Filtrent 58 à 82% des rayons du soleil, sont peu foncés et sont adaptés à une luminosité moyenne
- Catégorie 3 : Filtrent 83 à 92% des rayons du soleil utilisés pour pratiquer des activités extérieures ou en cas de grande luminosité.
- Catégorie 4 : Filtrent jusqu’à 97% des rayons du soleil, utilisés en cas d’ensoleillement extrême (exemple : haute montagne ou à la mer). Attention, il est interdit de conduire avec cette catégorie de verres sur la voie publique.
Lunettes de sport à la vue, comment s’y prendre ?
Dans un premier temps, il peut être intéressant d’en parler à votre ophtalmologue. Étant le premier spécialiste de la vue avec qui vous êtes en contact, il pourra vous orienter vers la meilleure solution. Dans tous les cas, nous vous conseillons de vous rapprocher d’un opticien spécialisé dans les lunettes de sport à la vue. Lors de vos échanges, il sera important de bien définir la pratique dans le cadre de laquelle vous voulez utiliser ces lunettes afin que l’opticien vous propose ce qui répondra le plus à vos besoins.
Lorsqu’on parle de lunettes de sport adaptées à la vue, deux grands types de solutions s’offrent à vous.
Les kits optiques (verres correcteurs qui viennent en superposition des lunettes via une fixation). Cette solution à l’avantage de pouvoir s’adapter à toutes les montures et quasiment 100 % des corrections. En contrepartie, les kits optiques augmentent le risque d’apparition de buée, réduiront votre champ de vision et vont venir alourdir votre paire de lunettes. Cela reste malgré tout, la solution la moins chère (une centaine d’euros pour les moins chers, verre compris) et vous permet de changer de monture (à condition que la seconde monture soit compatible avec votre kit). Vos verres optiques sont également protégés par les verres des lunettes, qu’on peut changer à moindre coût s’ils sont griffés ou abîmés.
Les lunettes de sports avec verres correcteurs. Cette solution offre un champ de vision bien plus grand qu’un kit optique, avec moins de risque de buée (meilleur flux d’air) et sera plus légère. Accessible à partir de 250 €, cette solution pourra être limitée par le galbe trop important de quelques montures. Certaines technologies de verres ne seront pas compatibles avec cette solution, ou alors, il sera nécessaire de mettre la main au portefeuille avec des modèles pouvant atteindre plus de 700 € (verre progressif, photochromique, polarisant…). En cas d’impact sur le verre qui nécessiterait un changement, l’addition sera aussi plus salée.
Attention malgré tout, les personnes atteintes de forte myopie ou presbytie pourront être limitées dans leur choix de monture à cause de la forme et de l’épaisseur des verres utilisés pour ces corrections.
Découverte : le labo Julbo RX pour le sport à la vue
Créé en 1888 par Jules Baud suite à la demande des cristalliers chamoniards voulant se protéger les yeux lors de leurs expéditions en montagne, c’est en 2002 et après plus d’un siècle d’expérience que Julbo se lance dans la conception de lunettes multi-activités. Depuis l’intégration en 2015 d’un laboratoire de fabrication et d’intégration de verres correcteurs (RX lab), la marque française tente de proposer les meilleures solutions de lunettes de sport adaptées à la vue au grand public.
C’est à Longchaumois, au cœur du Jura français, que nous avons poussé les portes de ce fameux laboratoire Julbo RX pour vivre l’expérience de l’intérieur.
Avant de commencer à fabriquer quoi que ce soit, il faut déjà savoir ce que l’on veut. Que ce soit chez un opticien ou même depuis chez vous, Julbo met à disposition sur son site un catalogue interactif en fonction de votre vue. Il vous suffit de rentrer les informations de votre ordonnance et vous aurez accès à toutes les possibilités de verres et de montures qu’il est possible d’adapter à votre vue.
Avant de lancer la fabrication, Christophe Baudry (responsable des lunettes de soleil à la vue chez Julbo) prend les mesures de hauteur pupillaire (différence de hauteur entre les pupilles et le bas des lunettes) et des demi-écarts pupillaires (distance entre le centre des pupilles et le milieu du nez). Ces valeurs serviront à avoir une correction bien centrée par rapport aux yeux du pratiquant et seront d’autant plus importantes si l’on fait le choix d’un verre progressif.
Pour chaque verre, que ce soit pour des kits optiques ou des lunettes intégrant directement les verres correcteurs, les étapes de fabrication sont les mêmes. Avant de pouvoir être intégré dans une monture, un verre se doit de passer quelques étapes.
Réceptionné sous forme de palet « semi-fini », le travail des équipes du laboratoire de fabrication commence. Chaque verre est inspecté et protégé sur sa face extérieure avant même de rentrer dans la chaîne de fabrication.
Une fois maintenus dans leurs supports, les palets rentrent dans la surfaceuse. C’est dès cette première machine que le verre sera travaillé pour obtenir la correction souhaitée. Ensuite, c’est au tour du polissage, le verre va devenir le plus lisse possible pour faciliter et garantir la bonne adhésion des traitements qui seront appliqués sur le verre, mais aussi pour obtenir la parfaite transparence du verre.
Prochaine étape, la gravure, on repère le centre de la correction et grave un petit logo (quasi-invisible à l’œil nu) pour permettre au verre d’être ensuite découpé et monté comme il faut dans la monture. Avant d’être placé dans la monture, il y a encore quelques étapes. Si, jusque-là, la chaîne de fabrication ressemblait à ce qu’on imagine, avec de grosses machines en file indienne avec un bruit assez conséquent et quelques cartons qui traînent, le moment du traitement, c’est tout autre chose.
Une pièce pressurisée et des gants sont utilisés afin d’éliminer la moindre poussière de la pièce et pouvoir appliquer un vernis de protection sur le verre qui permettra de limiter l’apparition de rayures pendant vos sorties.
Vient l’étape de l’intégration des verres aux montures qui, une fois faite, laisse la place à une dernière inspection et un nettoyage avant l’emballage puis l’expédition.
Et c’est ainsi que près de 20 000 paires sont sorties du labo Julbo RX en 2023. Christophe nous confie que Julbo a une vraie envie de développer ce secteur notamment en prenant en compte, dès l’étape de conception et de design, la possibilité d’intégrer des verres correcteurs dans leurs futures montures.
En plus d’avoir des lunettes à la base conçues pour pouvoir intégrer des verres correcteurs, Julbo souhaite accompagner les opticiens avec des formations et des outils pour les aider à orienter les pratiquants, que ce soit pour le côté confort et/ou l’aspect performance.
Effectivement, ce n’est pas pour rien que l’on retrouve des lunettes qui sortent du laboratoire RX sur le nez d’athlètes internationaux à l’image de Mona Mitterwallner (double championne du monde de cross-country marathon), qui montre que voir clair lorsque l’on arrive sur un champ de racines ou que l’on roule pendant de longues épreuves est une grosse charge mentale en moins !
Et sur le terrain, qu’est-ce que ça donne ?
Après plusieurs semaines d’essais, voilà ce que notre rédacteur Paul en pense :
Voilà quelques semaines que je roule régulièrement avec les lunettes Julbo fabriquées à ma vue. Je dois dire qu’en choisissant mes montures, mes verres et en suivant toutes les étapes de taille et d’assemblage devant mes yeux, on s’attache vite à l’objet.
Je restais toutefois assez curieux de savoir si la solution allait me satisfaire. Une paire de lunettes de vue « classique », ça ne bouge pas trop de notre nez quand on ne fait pas de sport, et on est habitué au champ de vision qu’elle nous offre. Avec des lunettes de sport, le champ de vision est différent et ça peut changer pas mal de sensations. Autre question que je me posais, comment ces lunettes gèrent la buée ?
Depuis des années, je porte des lentilles de contact, et comme beaucoup de monde, je les supporte de moins en moins bien : yeux secs, inconfort visuel… Et il faut avouer que ce n’est pas toujours pratique non plus quand il faut les mettre ou les enlever sur le parking avant une sortie de vélo. Côté hygiène, on repassera, mais je m’y suis habitué.
Quand j’enfile les lunettes de sport Julbo à ma vue, je suis surpris, et un peu dérouté par l’effet « nouveauté ». Tous les porteurs de lunettes connaissent ça : quand on change de correction ou de monture, il faut une petite heure pour s’habituer aux nouveaux « contours » de sa vision. Passé cette courte période d’adaptation, les lunettes se font très vite oublier côté vision. Niveau confort, on remarque un petit poids en plus par rapport au lunettes de sport « standard », du fait des verres taillés et intégrés au verre « support », mais ce n’est pas rédhibitoire.
Passons en avance rapide quelques semaines plus tard. J’ai vraiment adopté ces lunettes pour la polyvalence de leurs verres, la tenue de la monture et le confort visuel. Je n’ai pas plus de buée que sur les autres lunettes que je porte, je n’ai pas d’inconfort visuel ou de maux de tête et j’ai même l’impression de voir un peu mieux. Le champ de vision est largement suffisant pour la pratique du vélo.
Le seul point négatif de cette solution, c’est les « à-côtés », et je réalise que je fais le choix de prendre ces lunettes de sport à la vue quand je pars faire une sortie rapide derrière chez moi, et que je n’ai rien prévu de plus. Si je veux m’arrêter boire un coup avec les copains, faire des photos dans le cadre d’un reportage ou de ne pas rentrer directement chez moi, ça implique de garder mes lunettes de vélo tout le temps sur le nez. Voilà le frein principal et les situations dans lesquelles je repasse aux lentilles. Pour le reste, c’est un vrai gain de confort !
Pour finir, nous tenons à préciser qu’ici, nous n’avons pas parlé de lunettes pour des pratiques en intérieur ou de sports de contact pour lesquels les besoins et les solutions sont assez différents de ce qui est destiné aux pratiques extérieures comme le vélo. Cet article est là pour vous donner des clés et vous informer des possibilités qui s’offrent à vous, mais nous vous invitons à vous rapprocher d’un professionnel si vous avez le moindre doute.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site Julbo