Loïc Bruni, l’exigence au bout des doigts
Par Paul Humbert -
Direction les Crankworx et le paddock de descente pour retrouver Loïc Bruni et l’équipe Specialized Gravity. Sous la tente, nous rencontrons également le staff Magura qui aiguille notre objectif vers les leviers de freins du champion du Monde. Sur des MT7, Loïc Bruni et son mécano Jack Roure ont conçu un levier en phase avec les exigences du pilote. Récit d’un développement qui pourrait paraître anodin, mais il n’en est rien.
L’année dernière, Magura a vu les choses en grand et fait le choix d’équiper toutes les équipes Specialized. Descente, enduro et XC, tous sont freinés par la marque allemande.
Là où notre intérêt s’éveille, c’est quand nous découvrons des leviers de frein en titane sur le vélo de Loïc Bruni.
Pour la petite histoire, le précédent partenaire de l’équipe était Formula et le champion du Monde avait également guidé le développement d’un frein pour satisfaire ses exigences. Et quand une victoire peut se gagner ou se perdre sur un freinage, on comprend bien que ces exigences soient plus que légitimes.
Mécano historique de Loïc Bruni, Jack Roure nous explique l’histoire de ce frein : « Loïc aime avoir de la puissance immédiate dans les freins parce qu’il ne freine pas beaucoup mais quand il sollicite son freinage, il faut immédiatement du répondant. On a fait des tests pendant l’hiver, on a essayé plusieurs solutions, des plaquettes… La puissance lui a un peu fait peur au début mais il s’y est vite habitué, et le premier feeling a vite été bon.
L’étrier est un MT7 avec des plaquettes « performance » classiques et le maître-cylindre est également d’origine. Ce qui change, ce sont les leviers parce qu’il est compliqué avec les doigts, Monsieur Bruni. Le touché du frein est vraiment important pour lui. On essaye de le faire rouler plein fer, les mains sur le guidon alors quand il attrape le levier, il faut qu’il soit vraiment à son doigt.
Le levier traditionnel était trop épais au goût de Loïc et l’ergonomie ne lui plaisait pas.
On est partis du levier d’origine Magura. Les ingénieurs de la marque nous ont fait des modèles en plastique qu’on pouvait limer, ajuster et ça c’est fait comme ça. Maintenant, ce levier est en titane, conçu en 3D.
Comment se sont passés les échanges avec les ingénieurs ?
C’était bien, ils étaient vraiment à l’écoute et ils étaient présents avec nous pendant nos tests au Portugal notamment. On est partis d’un dessin, ils nous ont ensuite fait un levier nu avec des plastiques un peu plus épais et on limait.
Le service course présent sur les coupes du Monde nous aide si on a un gros souci, si on est pressés avec plusieurs pilotes. Ils passent tous les jours dans le paddock.
Nous sommes devant le Demo 8 équipé de capteurs d’acquisition de données. Quelles informations recueilles-tu au niveau du freinage ?
On se sert des capteurs pour connaître les points de freinage. On vient se « brancher » sur la durit avec un capteur de pression. On voit quand Loïc freine, à quelle vitesse il rentre dans le virage et à quelle vitesse il ressort. On ne s’en sert pas pour développer le frein mais on va voir si les freinages sont rapides, appuyés, si Loïc va toucher le frein sans s’en rendre compte.
Au freinage, on va souvent perdre du temps à l’entrée ou à la sortie du virage. Je vais pouvoir dire à Loïc si il peut freiner plus tôt ou plus tard, si il peut lâcher…
2 bars de pression appliqués sans s’en rendre compte et on va perdre 0,2 ou 0,3 secondes. Ça ne va pas l’arrêter mais le chrono le verra. À Fort William, cet exercice est vraiment probant et ça nous a vraiment aidés.
C’est l’ouverture de la tente qui vient conclure notre discussion. Loïc rentre de son premier run d’entraînement avec un vélo plein de données prêtes à être analysées.
Pendant que Jack s’affaire derrière son ordinateur, on en profite pour échanger avec le champion du Monde en titre sur son levier « custom » et la génèse de celui-ci, côté pilote :
«On a été agréablement surpris par les premiers tests des freins. On était prêt à y aller mais les leviers étaient bizarres pour moi. Ils étaient loin et trop incurvés pour avoir un bon touché, on a donc changé ça.
Ces leviers sont plus plats et je préfère nettement ceux-là. L’attaque est également différente et peut-être un peu plus puissante.
Le travail effectué précédemment avec Formula t’a permis d’aller plus vite dans le développement ?
Oui, avec Formula on était partis dans de mauvaises directions avant d’arriver à ce qui nous plaisait. Cette fois-ci, on est allés directement dans le bon sens. Les ingénieurs étaient vraiment motivés et à l’écoute.
Arrives-tu à bien exploiter sur la piste les données que Jack te donne après tes runs avec le vélo d’acquisition ?
Des fois tu sens quand tu n’es pas bon dans les freinages et lui voit des vitesses de roues vraiment saccadées. Là, on utilise surtout ça pour connaître l’impact sur les suspensions mais il est capable de me dire quand je n’ai pas fait un bon run. »
Retrouvez également notre visite chez Magura réalisée l’année dernière : https://www.vojomag.com/magura-les-coulisses-du-changement/