Les voeux de la rédaction : ce qu’on souhaite au monde du VTT pour 2021

Par Paul Humbert -

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Les voeux de la rédaction : ce qu’on souhaite au monde du VTT pour 2021

2020 aura été une année complexe, et quand nous rédigions nos voeux pour 2020, nous étions, comme vous, loins de nous douter de ce qui attendait le marché du cycle. Pourtant, si pour certains, on peut parler d’année noire, 2020 aura toutefois permis d’ouvrir les yeux de beaucoup de monde sur le potentiel de nos vélos. Aujourd’hui, Vojo rassemble toujours plus de lectrices et lecteurs passionnés et toute l’équipe vous est reconnaissante de votre fidélité. Nous avons tendu un clavier à une grande partie de la rédaction pour connaître les souhaits de ses membres pour le monde du VTT en 2021 :

Paul : transformer l’essai

Inutile de vous rappeler pourquoi, en 2020 nous avons assisté à un véritable « boom » du vélo. Qu’il soit urbain ou plus sportif en VTT, nombreux sont ceux qui ont pu profiter de cet engouement. ll convient toutefois de « transformer l’essai » et d’offrir un cadre de pratique pour ces nouveaux adeptes de la discipline. On parle d’infrastructures cyclables en ville, mais également de lieux de pratiques pour les VTT. Chez Vojo, nous ne sommes pas les derniers à aller chercher les petits chemins tortueux cachés dans les montagnes, mais il serait illusoire, et pas souhaitable, d’imaginer un volume plus important et moins aguerri se lancer sur ces mêmes sentiers. Quand on débute et qu’on progresse, on a besoin d’être rassuré, encadré, encouragé et il est encore difficile de s’y retrouver tant le sport peut paraître complexe pour un oeil non averti. C’est donc l’occasion de se faire connaître pour les monitrices, les moniteurs et les acteurs du tourisme offrant des itinéraires adaptés. C’est également l’occasion de se réinventer pour des stations de montagne qui n’ont pas toujours pris au sérieux les vélos ou de s’inventer pour les zones plus urbaines qui pourraient développer une offre de « trail center » et booster leur économie locale.

Au moment où je termine la rédaction de ce paragraphe, je réalise qu’il reprend les grandes lignes de mes voeux formulés au début de l’année 2020. Il faut admettre que de belles réalisations ont depuis vu le jour et que de nouvelles initiatives prouvent que nous avançons dans la bonne direction. Toutefois, il reste du chemin à parcourir et il faut continuer de militer et de défendre notre sport pour qu’il se démocratise encore et qu’on soit plus nombreuses et nombreux à partager de bons moments de sport, de découverte et de plaisir dans une nature respectée.

Chez Vojo, c’est également à nous de vous proposer du contenu pointu mais vulgarisé, des tests de vélos dans toutes les gammes et des formats différents. En 2020, vous avez pu voir notre chaîne Youtube se développer, des podcasts naître et toujours plus de contenu 100% maison vous être proposé. 2021 ira dans la même direction, avec plus de visages féminins, encore pas mal de surprises et on garde au chaud de belles idées pour retrouver Vojo sur papier.

Oli : respect et espoir

Comme en France, où sont basés Paul et Léo, la Belgique de Christophe, Esteban et votre serviteur a elle aussi vécu un engouement tout particulier pour ses espaces naturels. La Wallonie, très verte et regorgeant de magnifiques forêts, a vu arriver un afflux tout à fait inhabituel de touristes, promeneurs et autres sportifs en tous genres, dont une belle proportion de vététistes. En soi, c’est une très bonne chose. Mais quelque part, cela a mis le doigt « là où ça fait mal », à savoir sur le manque d’intérêt suscité jusqu’ici par la véritable gestion de tout ce qui touche au rôle social de la forêt, et plus particulièrement à son rôle socio-récréatif.

Besoin de s’aérer, besoin de ressentir un certain sentiment de liberté pour échapper aux contraintes sans cesse plus fortes et aux interdictions mises en place ailleurs, besoin de se rapprocher de la nature, de ses racines : les motivations pour se rendre en forêt et dans les espaces naturels sont nombreuses. Pour certains, dont nous faisons partie, le sport est le moyen favori pour venir dans la forêt, pour l’apprécier et pour s’y amuser tout en la respectant. Il n’y a pas que le naturaliste ou le randonneur en grosses chaussures de marche qui aime la forêt et qui est attaché à sa région. Nous aussi, même si nous l’apprécions de manière sportive, nous avons un lien très fort avec elle. 

Alors, oui, nous roulons certes en dehors des grandes allées terrassées et stabilisées comme des quasi routes (dont, bizarrement, on ne questionne jamais l’impact sur les écosystèmes et la biodiversité). Oui, on aime les petits chemins – les sentiers diront certains – qui sont tortueux, sinueux, naturels, variés et plein de relief. Devrait-on en avoir honte ? S’en excuser ? Non. Tout d’abord, à part quelques véritables sentiers où la cohabitation est effectivement très complexe, voire impossible, et qui peuvent bien légitimement être réservés aux piétons, le respect n’est pas une question de largeur de la voirie. On peut être un authentique cycliste imbécile irrespectueux et nuisible sur un Ravel/une voie verte asphaltée et un vététiste courtois et respectueux sur un petit chemin technique. Puis, ces chemins et sentiers constituent eux-mêmes des “voies de la biodiversité” et jouent un rôle important en la matière. Si nous comprenons qu’une multiplication anarchique et/ou à l’infini des chemins et sentiers peut s’avérer préjudiciable, la présence de ceux-ci sous des formes variées, étroites et naturelles est aussi vitale pour les écosystèmes. Nous comprenons donc mal que la question des nouveaux cheminements ait été vue de manière si négative… d’autant que si cette question a beaucoup animé les débats en Wallonie ces derniers mois, l’existence de ces cheminements est tout sauf nouvelle et se compte en années, voire en dizaines d’années.

Après, il faut aussi savoir balayer devant sa porte : le shape sauvage et irréfléchi de véritables pistes avec parfois aussi des terrassements pour construire d’énormes bosses est un vrai souci. Nous devons en avoir conscience. Mais si on en est arrivé là, c’est aussi parce que beaucoup ont été lassés d’être méprisés, ignorés ou carrément rabroués par des autorités pas du tout disposées à prendre le temps de les écouter, de les comprendre et d’essayer de rencontrer leurs envies de sport, de sensations, et de recherche d’un exutoire sain. Par contre, de tout temps, de nouveaux cheminements sont apparus, d’autres ont disparu. Cela fait partie de la vie de nos espaces naturels. 

Clairement, nous espérons un changement radical au niveau de la manière d’aborder ces thématiques, permettant d’envisager avec ouverture d’esprit, de manière apaisée et sereine les questions de circulation en forêt. A ce titre, l’exemple Ecossais est très intéressant, dans la mesure où l’émergence de nouveaux trails “non (encore) autorisés” ne déclenche pas automatiquement un réflexe de sanction/interdiction/fermeture, mais tout un processus d’évaluation et d’échange avec les utilisateurs en vue d’envisager (ou non) une officialisation sur base d’une démarche claire, constructive et participative.

Ce que nous espérons au final et de manière plus large, c’est de sortir le VTT d’un simple régime de « tolérance » dont le bénéfice peut lui être retiré à tout moment de manière assez arbitraire. L’augmentation de la fréquentation de nos espaces naturels ne doit pas faire peur. Elle est normale. C’est même une très bonne nouvelle car les meilleurs défenseurs de la nature sont ceux qui la fréquentent, qui la vivent et dont la passion dépend de sa préservation. Par contre, les problèmes que cet engouement crée montrent que pendant trop longtemps on a laissé perdurer dans nos forêts un régime assez moyenâgeux qu’on n’accepterait plus nulle part ailleurs. Qu’on a négligé la place du simple citoyen, du simple sportif, du promeneur dans nos espaces naturels en faisant, au mieux, comme si on ne le voyait pas. Il est temps de vraiment rétablir les équilibres entre les différentes fonctions de nos forêts. En Wallonie, la législation (quand on la lit bien) est déjà très performante, ouverte et soucieuse du principe fondamental de liberté de circulation, même si celui-ci peut bien sûr connaître certaines limitations. Pourtant, dans les faits, c’est hélas encore bien différent.

La MBF Belgium a choisi de jouer cartes sur table avec les autorités (commune/DNF – l’ONF Wallon) pour trouver ensemble des solutions permettant de poursuivre à la fois une pratique intéressante, attractive et technique du VTT sur des terrains qui nous sont chers, et d’officialiser un maximum de traces pour pouvoir y rouler en étant certain à 100% de respecter la législation ainsi que les écosystèmes et la biodiversité, sans avoir sans cesse une épée de Damocles au-dessus de la tête.

Espérons donc que 2021 marque l’avènement d’un type de gestion plus ouverte et participative des massifs forestiers, prenant en compte la voix et les souhaits des utilisateurs, tout en préservant les équilibres nécessaires avec les autres fonctions de la forêt (nous ne demandons pas un “tout au loisirs” forcément nuisible et intenable sur le long terme). Gérer les forêts en partenariat avec des groupes d’usagers, avec eux, plutôt que contre eux ou malgré eux, nous semble bien plus efficace, durable et prometteur pour l’avenir.

En attendant, notre meilleur atout, c’est notre exemplarité dans le respect des espaces naturels dont nous ne sommes que les invités, et aussi dans le respect des autres. Marcheurs, cavaliers et autres amateurs de sports d’extérieur sont nos alliés, même si certains aiment nous opposer. Oubliez vos temps Strava ! Un bonjour, un sourire, une adaptation de la vitesse ou même un temps d’arrêt : voilà des gestes simples, mais qui font toute la différence si on veut transformer le « diviser pour mieux régner » en « l’union fait la force ».

Tout ce qui précède vous semblera peut-être bien naïf, mais n’oubliez pas que tout changement naît d’une utopie. Et que jamais un général n’a gagné une bataille en pensant qu’il allait la perdre. Alors, pour 2021, je vous souhaite de garder deux mots en tête : respect et espoir.

Christophe : un certain retour à l’essentiel

Vous vous souvenez du fameux « monde d’après » ? Oui, celui auquel on aspirait durant le premier confinement au printemps 2020. C’était le temps des grandes remises en question, du souhait d’un retour à l’essentiel, à plus de simplicité. Mais alors que la crise sanitaire n’est pas encore terminée, loin de là je pense, on sent bien que finalement, ce monde d’après, il ressemblera quand même fort au monde d’avant… et peut-être même en pire, avec un regain de l’individualisme, du doute, du rejet.

Mais il y a au moins un monde qui ne sera plus jamais comme avant : celui du vélo. Nombreux sont ceux à avoir découvert qu’entre son foyer et son boulot, il y a un fantastique espace de liberté qui ne demande qu’à être exploré, et que sur deux roues c’est encore plus agréable. Le nombre de pratiquants a explosé, les chemins, bois et forêts ont été pris d’assaut, tout comme les vélocistes. Avec comme conséquence un peu inattendue mais logique, une pénurie de vélos, composants et même accessoires, et des délais sans cesse plus longs annoncés en cas de commande…

Pour ceux qui se sont mis au VTT récemment, l’incompréhension et la frustration face à ces pénuries peuvent être grandes. Mais pour les autres, qui ont la chance d’être déjà équipés pour la pratique du VTT, ne serait-ce pas là l’occasion de revenir aux fondamentaux, de revoir sa façon de consommer ? Évidemment, les marques ne manquent pas d’idées pour susciter l’envie, cultiver l’insatisfaction permanente, le besoin de toujours plus, toujours mieux, et un média comme Vojo a bien conscience qu’il fait partie de cette chaîne qui en quelque sorte incite à la consommation. Mais ai-je vraiment besoin de ce nouveau cadre, de cette nouvelle fourche, de ces nouvelles roues ? Peut-être, mais peut-être pas…

Et si à la place on en profitait plutôt pour se pencher sur d’autres aspects, de ceux qui ne s’achètent pas, ou alors qui ne coûtent pas bien cher ? Travailler sa technique plutôt que miser sur toujours plus de débattement, s’assurer que ses suspensions sont réglées de manière optimale et bien entretenues, vérifier l’orientation de son cintre, la hauteur et le recul de sa selle, se pencher sur la mécanique et pourquoi pas investir dans de l’outillage, faire des tests de pression des pneus, revoir sa manière de pédaler, s’alimenter correctement en cours de sortie, éventuellement perdre quelques kilos qui se sentiront bien plus que quelques centaines de grammes grappillées sur le vélo, etc. Bref, les possibilités d’amélioration sont, si pas infinies, en tout cas bien plus nombreuses qu’on ne le pense. Et on serait surpris de voir à quel point elles peuvent impacter la sacro-sainte « expérience utilisateur » !

Voilà donc en résumé ce que je souhaite au monde du VTT pour 2021 : que les pénuries nous permettent au moins de garder à l’esprit que le plaisir de l’acte d’achat ne devrait jamais, au grand jamais, prendre le pas sur le plaisir de rouler…

Léo : un peu d’ouverture

J’aurais bien aimé émettre des vœux un peu plus légers et ne pas revenir sur 2020, histoire de finir cet article sur une note un peu plus joyeuse, mais il faut croire qu’il est difficile de se projeter sur l’année qui vient sans revenir sur celle qui vient de s’écouler… Olivier évoquait la place du VTT en Belgique avec la façon dont il aimerait voir bouger les choses, et dans ce dossier comme dans tant d’autres, il est un élément qui complique les choses : la difficulté qu’on a en ce moment à débattre, à discuter en bonne intelligence avec des inconnus. C’est quelque chose qu’on entend un peu partout et malheureusement, cela s’applique aussi au VTT. Les sujets de controverses dans notre belle discipline ne manquent pas et il est parfois difficile d’échanger des idées avec quelqu’un qui n’a pas le même point de vue.

On a bien sûr le droit d’avoir un avis sur tout, mais l’exprimer et chercher à l’imposer comme la vérité sans avoir d’expérience et de connaissances sur le sujet est au minimum idiot, quand ce n’est pas dangereux. De même pour ce qui est de ne pas comprendre que quelqu’un puisse avoir un avis ou une expérience différente. Pour vous comme pour nous, le VTT est avant tout une passion, une activité que l’on pratique simplement pour son plaisir, et à ce titre, il vaudrait mieux éviter pour notre santé mentale à tous que la discipline se transforme en repère pour querelles de clochers bien peu constructives. Ouvrons-nous, ouvrez-vous, essayez, testez, découvrez !

Le VTT est un sport jeune, qui est amené à évoluer de façon encore importante et il serait bien dommage de se priver de nouvelles choses pour de simples idées pré-conçues, établies sur des bases un peu (beaucoup) bancales. La curiosité ne fait pas de mal, bien au contraire.

Je vous souhaite une très bonne année et beaucoup de plaisir sur les sentiers !

 

ParPaul Humbert