L’e-bike pour enfant, vraie ou fausse bonne idée ? Une expérience avec le Specialized Levo SL Kids

Par Olivier Béart -

  • Staff pick

  • Tech

L’e-bike pour enfant, vraie ou fausse bonne idée ? Une expérience avec le Specialized Levo SL Kids

Le vélo à assistance électrique a déjà ses détracteurs, alors quand il s’agit de modèles destinés à des enfants, on voit d’ici les yeux se lever au ciel et les grands cris se préparer : « on va en faire des fainéants », « et la culture de l’effort », « génération d’assistés », etc. Ok, on veut bien entendre, mais force est de constater que très peu des personnes qui tiennent ces propos ont réellement eu l’occasion de voir des enfants rouler sur ce type de vélo, de parler avec eux. Or, nous, c’est ce que nous avons fait, en mettant le nouveau Specialized Levo SL Kids dans les mains de plusieurs enfants, d’âges différents, plus ou moins expérimentés, et nous les avons écoutés. Ainsi que leurs parents. Voici ce qui en ressort :

 

Specialized n’est pas le premier venu sur le marché des vélos à assistance électrique destinés aux enfants. Ce n’est pas le premier non plus sur lequel nous avons eu l’occasion de faire rouler des enfants, mais tous les modèles que nous avions vus ou eu l’occasion de faire tester (brièvement) jusqu’ici au cours des 4 ou 5 dernières années présentaient des défauts intrinsèques trop importants que pour pouvoir réellement envisager de se faire un avis sur le concept même de vélo à assistance destiné aux enfants.

Concrètement, il s’agissait soit de vélos basés sur des châssis très basiques, à la géométrie dépassée, sur lesquels une batterie et un moteur dans le moyeu arrière avaient été simplement rajoutés sans plus de réflexion ; ou encore de vélos plus aboutis, parfois avec une double suspension, mais dont le poids global était vraiment trop élevé ou bien la gestion de l’assistance pas assez aboutie pour permettre une prise en main saine par nos jeunes testeurs.

Sans dire que le Specialized Levo SL Kids est le seul bon e-bike enfant du marché, ou qu’il est le meilleur, c’est en tout cas le premier qui nous a été proposé à l’essai et qui semblait, sur le papier, proposer tout ce qui fait, selon nous, un bon e-bike adulte, et aussi répondre aux critiques que nous pouvions faire aux précédentes machines que nous avions eu l’occasion d’avoir entre les mains… et que nous avions vite remballées.

Qu’est-ce qui fait un bon e-bike pour des enfants ?

Déjà sur un vélo enfant classique sans assistance, le poids est un élément crucial, et il l’est encore plus sur un VTT à assistance qui sera évidemment plus lourd de base. Oubliez les gros moteurs « full power » type Bosch Performance CX et les grosses batteries de 625 ou 750Wh, qui vont d’office donner des vélos bien trop lourds pour être manipulables correctement par des pilotes aussi légers.

Mieux vaut éviter les moteurs dans le moyeu. Ceux-ci sont plus adaptés à un usage route/gravel, mais moins adaptés au VTT, même pour des enfants,

Mieux vaut éviter aussi, si possible, les moteurs dans le moyeu. Ceux-ci sont plus adaptés à un usage route/gravel, mais notre expérience a montré que pour un usage VTT, même par des enfants, ils manquent de couple au démarrage et se montrent ensuite trop orientés vers la vitesse et pas assez fins dans leurs réactions pour convenir à l’usage dont nous parlons ici. Sans compter que, sur un tout-suspendu, ils créent un balourd au niveau de la roue arrière (masse non suspendue) au point de nuire au fonctionnement de la suspension (d’autant que les amortisseurs sur les vélos enfants doivent fonctionner avec très peu de pression).

Un VTT équipé d’un moteur central (situé au niveau du pédalier) fournissant une assistance dite « légère » (couple entre 35 et 60Nm), couplé à une batterie de 350Wh maximum, représente selon nous l’option la plus cohérente… et il se trouve que c’est justement ce que Specialized est un des premiers à proposer avec son Levo SL Kids qui a servi de base à cet article.

Un VTT e-bike pour enfants, qu’est-ce que cela permet de faire en plus ?

Avant l’âge de 10-12 ans, la musculature de l’enfant est très peu développée et transforme vite la moindre côte en un obstacle conséquent, voire insurmontable sur le vélo. Or, dès 4-5 ans, les enfants peuvent développer de réelles capacités techniques et de pilotage, qui donnent à beaucoup d’entre eux une aisance impressionnante en descente, voire même sur des sauts. Le souci, c’est qu’après avoir descendu, il faut remonter. Et, à moins de disposer d’un chemin régulier et à la pente pas trop forte juste à côté, cela se fait souvent très lentement, en poussant le vélo, ou avec l’aide d’un parent ou d’un moniteur.

Avec une petite assistance, l’enfant parvient à remonter plus systématiquement sur le vélo et découvre plus tôt le plaisir du pilotage en montée technique.

Avec une petite assistance, l’enfant parvient à remonter plus systématiquement sur le vélo et découvre plus tôt le plaisir du pilotage en montée technique. Il peut rouler davantage en autonomie et refaire plus de fois ses descentes préférées. Il n’y a qu’à voir l’énorme sourire de tous nos jeunes testeurs pour comprendre l’effet que cela fait sur eux !

Comme pour les adultes, cela permet aussi de niveler les différences physiques entre les enfants, en raison de leur âge, de leur morphologie. Cela rend plus faciles les sorties en famille ou en petit groupe, sans les longues attentes de l’un ou l’autre, toujours frustrantes.

Et l’effort dans tout cela ?

Allez dire à nos jeunes testeurs qu’ils n’ont fait aucun effort parce qu’ils roulent sur un VTT à assistance électrique, et vous verrez dans leur regard assassin combien vous avez tort ! Comme pour un vélo adulte, il s’agit bien d’une assistance, de filer un petit coup de pouce quand le physique ne suit pas (encore). Il faut toujours pédaler, et pas qu’un peu !

L’idée avec l’assistance, c’est de remplacer les phases rébarbatives de marche/poussage du vélo par du pédalage, bien plus intéressant et agréable. C’est aussi de faire un effort raisonnable, sans entrer trop dans le rouge ou sans créer un niveau de fatigue incompatible avec leur âge. C’est également d’être plus autonome que quand papa/maman/l’accompagnant pousse dans le dos ou bien tire l’enfant avec une corde (ce qui n’est pas facile voire dangereux sur certaines montées VTT).

C’est aussi de pouvoir faire un plus large panel de descentes et d’aller sur des terrains plus variés sans que l’adulte accompagnant doive se triturer les méninges pour savoir si les côtes seront faisables par l’enfant ou non. C’est aussi de pouvoir faire des sorties un peu plus longues sans épuiser complètement l’enfant et aller au-delà de ses limites. Ici, plusieurs de nos jeunes testeurs ont fait des randos de 40km/1000m de d+ avec leurs parents sans aller au-delà de leurs limites physiques. Et ils ont tous adoré pouvoir rouler plus longtemps !

Bien sûr, il est toujours possible et même souhaitable d’adapter les sorties en fonction de l’enfant. Mais, en dessous de 10-12 ans, leurs capacités physiques étant tellement en dessous de leurs capacités techniques, de leur motivation et de leurs envies, qu’avoir une petite assistance peut vraiment avoir un intérêt non négligeable pour ouvrir de nouveaux horizons.

Qu’on le veuille ou non, nous avons constaté que nos jeunes testeurs roulaient plus souvent et plus longtemps, avec plus de plaisir global quand ils avaient leur e-bike de test. Néanmoins, malgré quelques soupirs au début et quelques regrets de devoir rendre le Levo SL, tous nos jeunes testeurs sont retournés sans trop de mal à leurs vélos classiques.

Quels sont les défauts inhérents à un VTT à assistance électrique pour enfants ?

Bien sûr, il y en a et nous ne sommes pas en train de vous dire que tous les enfants devraient rouler en VTTAE ! Il y a clairement des terrains où ce genre de vélo est totalement inutile. S’il y a un vrai intérêt à la montagne ou dans des zones géographiques où les montées sont d’office un peu raides même si elles ne sont pas très longues, c’est moins, voire pas du tout le cas dans les régions au relief moins prononcé.

Le poids supplémentaire, même s’il est limité grâce au petit moteur et à la petite batterie, reste tout de même conséquent. Quand sa répartition est bien gérée, comme c’est le cas sur le Levo SL 24 pouces, ça peut passer pour les plus grands, mais c’est tout de même handicapant pour les pilotes les plus jeunes et les plus légers et on ne peut pas dire que le maniement est identique à celui d’un vélo classique. Cela dit, au moment de reprendre les commandes d’un vélo sans assistance, plus léger, tout ce qui a été réussi avec l’e-bike semble beaucoup plus facile.

Le prix constitue un gros frein. A 4000€, le Levo SL Kids est 2,75 fois plus cher que le Specialized Riprock Expert 24, l’équivalent sans assistance. Mais Specialized vient de proposer une grosse promo et de diviser le prix par... deux !

Puis, et là ce sont les parents qui parlent, il y a le prix. A 4000€, le Levo SL Kids est 2,75 fois plus cher que le Specialized Riprock Expert 24, l’équivalent sans assistance qui est proposé à 1450€. Ce qui est déjà une très grosse somme, que tous les parents ne peuvent/veulent pas mettre pour un vélo dont la durée d’utilisation par l’enfant restera somme toute assez réduite (2/3 ans maxi). Par contre, un élément a changé la donne juste avant la publication de cet article : Specialized vient de proposer une grosse promo et de diviser le prix par… deux ! A 2000€, le Levo SL Kids reste cher, mais tout de même nettement plus envisageable.

Reste la question de la revente. Sur les vélos pour enfant classiques, on sait que le marché de la seconde main est très actif et que les prix de revente restent élevés, ce qui permet souvent de compenser un investissement de départ plus important pour disposer d’un vélo de qualité. Pour un e-bike, le prix et la possibilité de revente sont nettement plus incertains. Entendons-nous : un e-bike kids devrait pouvoir se revendre sans trop de mal, mais il y a trop peu de transactions pour pouvoir réellement être certain d’une cote et la dépréciation risque d’être plus importante que pour un vélo classique.

Nous croyons donc plus au développement de formules de type location pour ce genre de vélo. Que ce soit à la journée pour faire une sortie en montagne en famille, ou pour une moyenne durée (quelques semaines/mois) en vue de varier les sorties et les plaisirs VTT avec son enfant, en complément d’un vélo classique. Ou même avec une formule de type leasing qui permet d’éviter la grosse sortie d’argent au départ et le stress de la revente.

A quel âge est-ce que cela peut avoir le plus d’utilité ?

Grande question ! Sur une draisienne c’est pour nous un non-sens (même si cela existe, il y a une gâchette et c’est plus une mini moto qu’un vélo). Sur des vélos de 14 à 16 pouces, les cadres sont pour la plupart trop petits et les enfants eux aussi trop petits/trop légers pour réussir à s’accommoder du surpoids d’une assistance. Allonger les sorties ou faire des côtes techniques n’a pas encore vraiment de sens à cet âge non plus. Il y a avant tout des bases à acquérir et à consolider.

L’intérêt se situe, de notre expérience, surtout pour des enfants qui ont l’âge/le gabarit pour rouler sur des vélos de 20 à 24 pouces. Ils ont alors de réelles capacités techniques, mais un physique pas encore assez développé pour suivre leurs ambitions, comme expliqué plus haut. Ensuite, à partir du 26/29 pouces, cela a selon nous moins de sens car le physique de l’enfant (qui devient un jeune ado) commence à se développer et à lui permettre d’affronter un panel de terrains bien assez large sans avoir recours à l’assistance.

Et le Specialized Levo SL Kids dans tout ça ?

Le Specialized Levo SL Kids 24 a confirmé beaucoup de choses que nous pensions sur le VTTAE enfant « idéal ». Le moteur central et la bonne répartition des masses avec la batterie de 320wh intégrée au tube diagonal donnent un vélo ludique, rassurant et très équilibré. Il a aussi une excellente géométrie qui joue un grand rôle dans le très bon comportement général et l’aisance ressentie par tous nos jeunes testeurs à son guidon, alors que certains avaient pu essayer d’autres petite e-bikes et n’avaient pas du tout été convaincus.

Les freins ont reçu quelques critiques (la forme des leviers surtout, pas géniale pour les mains des enfants), et nous avons noté une importante accumulation de boue au niveau du plateau avant et de sa protection en plastique, sans doute liée au fait que le moteur est plus près du sol (cela ne nous a jamais posé de gros souci sur le Levo SL adulte).

Par contre, RAS sur la transmission, la fourche, les pneus et un très bon point pour la tige de selle télescopique, vraiment indispensable et très appréciée par les enfants.

Quant aux modes d’assistance, nous ne savions pas vraiment si nos testeurs allaient les comprendre et les utiliser mais, oui, ils les ont bien compris et surtout bien utilisés. Chez les plus petits (8 ans), Eco et Trail ont suffi amplement, mais chez les plus grands (10 ans), le mode Turbo est régulièrement en action pour remonter au plus vite en haut de sa descente préférée ou bien pour s’essayer à ses premières montées impossibles. Quant à l’autonomie de la batterie, elle est largement suffisante et permet de faire sans mal 50km et plus de 1000m de d+ en allant à la même vitesse que les parents, ce qui est de toute façon un maximum pour des enfants de cet âge, même avec l’assistance.

Enfin, dernier point, on pourrait souhaiter qu’il y ait une déclinaison 20 pouces, et aussi pourquoi pas un tout-suspendu car, même si ce cadre semi-rigide est très bien né, vu le poids de l’engin, une suspension arrière serait un vrai plus.

Conclusion

Clairement, ce n’est pas la panacée et, encore une fois, nous ne sommes pas en train de vous dire avec cet article que tous les enfants devraient rouler sur un e-bike ! Par contre, balayer cette option d’un revers de la main au nom d’on ne sait quel grand principe, cela n’a pas plus de sens. Comme toujours, la réalité est bien plus nuancée et on ne peut nier qu’à certains moments de la vie d’un enfant, spécialement dans certaines régions au relief plus marqué, cette option a un réel intérêt. Reste la question du prix, qui va d’office limiter la diffusion de ce genre de vélo, mais qui peut être contournée si des formules de location à courte durée (pour des vacances par exemple) ou sur des périodes un peu plus longues venaient à se développer.

Plus d’infos : https://www.specialized.com/be/fr/turbo-levo-sl-kids

ParOlivier Béart