La ruée vers l’Or : une aventure en pneus étroits avec le Santa Cruz Stigmata
Par Esteban Hendrickx -
Il y a presqu’un an, Santa Cruz présentait le nouveau Stigmata et l’un d’entre eux atterrissait chez moi. Dans mon salon en fait, entre un VTT, un autre gravel et la machine à café. Parfait ! Cela faisait un moment que je l’attendais et il n’a pas fallu bien longtemps pour qu’il soit en un morceau et relativement prêt à l’usage. Le montage de quelques accessoires et le visionnage d’un tuto sur la connexion des composants Sram AXS plus tard, tout était en place.
Autant le dire de suite, ceci n’est pas un test comme vous avez l’habitude d’en lire sur Vojo, c’est le récit de quelques semaines passées en compagnie de cette machine de rêve, au cours d’une saison de vélo passée à découvrir d’autres façons de rouler. Principalement en lycra. Oups…
Vous le lisiez quelques lignes plus hauts, ce Santa Cruz Stigmata avait comme voisin un autre gravel avec lequel j’ai un peu expérimenté : le Triban RC520 LTD. Même si on fait ici le grand écart en matière de budget et de positionnement, je pourrais reprendre exactement la même intro : “Des pneus plus étroits, un cintre qui nous fait plonger plus bas mais un esprit de plaisir et d’exploration commun : le gravel n’est pas exactement du VTT mais c’est par contre tout ce que l’on aime.” Tout en insistant vraiment sur la fin : “Tout ce que l’on aime.” Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est le vélo avec lequel j’ai pris le plus de plaisir à rouler depuis bien longtemps. Le plus de plaisir à pédaler et à essayer des tas de choses. C’est le vélo que j’ai enfourché pour aller chercher du pain à la boulangerie par tous les temps, le vélo avec lequel j’ai relié 2 abbayes trappistes ou encore le vélo avec lequel j’ai pris le départ de mon premier triathlon. C’est sans doute le vélo pour lequel l’expression “copain de jeu” collerait le mieux !
Présentation
Même si ce n’est pas un test, le geek en moi ne peut pas s’empêcher de vous partager quelques détails de ce fameux “vélo”. De profil, nous avons affaire à un Santa Cruz Stigmata de 2019 en taille 54 (quand il est sorti, on vous l’a présenté ici : www.vojomag.com/news/santa-cruz-stigmata-2019-une-gravel-plus-vtt-que-jamais). La marque l’annonce à 7,81 kg dans ce somptueux montage délicatement nommé “Red AXS Reserve / Carbon CC / 700cc” mais je dois admettre ne jamais avoir pris le temps de le peser voire même de réfléchir à comment on pèse ce genre de vélo… avec ou sans pédales ?
Comme son nom l’indique, le vélo est équipé d’un cadre en carbone CC (fibre haut de gamme chez Santa Cruz), d’un groupe Sram Red AXS (en double plateaux) et de roues Santa Cruz Reserve en carbone. Globalement, entre ça et des composants Easton, Cane Creek et WTB, il n’y a rien à jeter, que du contraire !
De face, nous avons à faire à des pneus Maxxis Rambler de 40mm de large qui seront par moment remplacés par des Schwalbe Pro One en 30mm.
Voilà pour le tour du propriétaire.
Ah , non ! Petit détail : il est jaune moutarde.
Premiers tours de roues
Franchement, j’en ai marre. A chaque fois que je commence à rouler avec un nouveau vélo, il pleut et la sortie se termine comme un enfer sans nom. Ici, c’est à 15km de l’arrivée que le ciel décide de tout lâcher et je finis par devoir m’arrêter au bord d’une route devenue dangereuse à cause de l’absence de visibilité. Big up d’ailleurs à cet homme dans son pick-up, arrêté à 2 mètres de moi et qui a juste regardé l’eau ruisseler paisiblement de mon casque jusqu’au sol. Thanks, dude.
L’avantage de l’épisode est que je suis maintenant fixé : le groupe Sram AXS semble bien résister à l’eau et je peux l’emmener partout sans arrière-pensée ! C’est là que commence mon exploration de la région et mes changements réguliers de pneus pour passer de la monte gravel à la monte route. L’opération n’est d’ailleurs pas toujours aisée et faire claquer les pneus demande parfois autant de patience que de liquide anti-crevaison.
Everyday I’m gravelin’
Tous les chemins mènent à Rome ! Ou bien à la supérette du coin quand on a faim. C’est vraiment bien mieux comme citation en fait, parce qu’on a tous un pote (qui a dit “foireux” ?) qui dit toujours “Oh, il doit rester 30 minutes hein”.
Non, pas 30min. 2 heures et des côtes où je sens mes mollets lessivés et où j’entends les pneus arracher des morceaux de bitumes. Même si j’en rajoute, cette sortie gravel est la plus longue que j’ai jamais engloutie.
Alors que l’on discutait de chaussettes sur WhatsApp, Nico me propose de participer à une sortie qu’il organise quelques semaines plus tard. Une sortie gravel par chez lui, près de Dinant (et de ses couques), avec un petit groupe. Même si j’ai déjà roulé plusieurs fois dans le coin, c’est ici une toute nouvelle approche et je bas à nouveau mon record de la plus longue sortie gravel. Des paysages au top, un groupe homogène qui avance bien et une potence qui se desserre parce qu’il manque le top-cap (merci les copains, faites vous plaisir dans les commentaires…c’est cadeau !), c’est sans doute la sortie qui me convaincra le plus de l’intérêt de ce genre de vélo. Jamais je ne pourrais couvrir autant de terrain avec mon VTT et prendre du plaisir sur un chemin large et poussiéreux comme à ce moment-là.
Rouler sur un vélo de gravel tout rigide, c’est sans doute aussi prendre un peu de recul par rapport à nos VTT hyper-capables actuels qui demandent de rouler de plus en plus vite ou fort pour prendre du plaisir. Une expérience plus simple et peut-être plus vraie au final. Est-ce que mon VTT est devenu ennuyant pour autant ? Non ! Mais il est peut-être devenu plus contraignant en m’obligeant à me déplacer pour en profiter, au lieu de simplement passer le pas de porte, sauter sur la selle, et partir pour quelques heures.
24,275km – 414m de D+
Mai 2019, un mariage (et quel mariage !), de l’eau aromatisée au malt en quantité douteuse et une question : les gars…ça vous chauffe pas, un triathlon ? Ou quelque chose du genre. En tout cas, l’idée est là et dès le lendemain (ou quelques jours plus tard mais ça n’a pas le même effet) un groupe Facebook est créé : Three sports, Five guys. Avec du recul, partir sur un triathlon en distance sprint ne demande pas vraiment d’entrainement très spécifique si le seul but est d’arriver au bout, mais là, sans trop connaître le sujet, tout le monde se lance à fond ! Entre partage de bons plans, de screenshots Strava et de vidéos pour arriver à démonter des pédales, mon téléphone passe sa vie à vibrer. Les sorties en groupe s’enchainent autant que les cappuccinos et nous voilà arrivés au grand jour !
11 août 2019, La Gileppe, 7h00.
À côté des vélos aéro et des pneus de 23mm, mon gravel au cintre large et évasé monté en pneus de 30mm n’a pas vraiment l’air à sa place. Cela dit, je me sens bien dessus, il est léger et les pneus sont solides et roulants, ce qui en fait un candidat idéal pour cette épreuve.
(Points bonus : je peux frimer en jouant avec mon dérailleur sur mon téléphone, alors ça fait pro. Hum.)
Le départ est lancé, la nage est passée et le pédalage peut commencer. A part une petite crampe, tout se passe bien et l’ensemble du groupe terminera ce premier triathlon entier ! Alors depuis, le groupe Facebook a perdu un peu de vitesse mais la motivation reste présente et tout le monde visait les distances olympiques pour 2020. Suspense !
La ruée vers le Val d’Or
Le calendrier avance bien et je passe les dernière semaines d’août sur mon VTT, histoire de pouvoir partir à Finale Ligure quelques semaines plus tard dans de bonnes conditions. C’est aussi à ce moment-là que la nouvelle tombe… le petit Stigmata devra bientôt faire ses bagages et quitter mon salon ! La planning n’est pas idéal mais une des dernières sorties que je voulais faire sur ce vélo consistait à parcourir le GR des Trappistes à coup de pédales. L’agenda ne permet pas de libérer 2 jours pour cela et, après avoir réussi à débaucher un ami en dernière minute, nous décidons de n’en faire qu’une partie en reliant l’abbaye de Rochefort à celle d’Orval. Bouclable en une journée sans souci, la trace s’annonce variée et vallonnée. Tout pour me plaire !
Le départ est donné avec un peu de retard à cause d’un souci d’adresse mais les kilomètres s’enchainent ensuite et tout se passe plutôt bien. Toute la trace n’est pas adaptée au vélo et il faut parfois envisager un peu de portage, mais rien de grave. Nous sommes partis légers et bien équipés, les paysages ne déçoivent pas. Ce n’est pas une région dans laquelle je roule souvent et on en profite vraiment à fond.
Le vélo se fait oublier et son poids permet d’avancer sans dépenser trop d’énergie. Cette fois-ci, le vélo n’est pas mon seul copain de jeu et Flo, qui avait également fini son premier triathlon récemment, ne lâche rien. Il faut dire que même si je sais qu’il aime rouler, je le soupçonne d’aimer la bière encore un peu plus que le vélo…. c’est parfait pour cette sortie, c’est tout ce que l’on cherche !
Une petite erreur de trace nous envoie sur un détour d’une vingtaine de kilomètres sur route avant de reprendre le bon chemin. C’est dans cette portion, ni très agréable, ni prévue, que Flo commence à montrer des signes de faiblesse et c’est lors d’une longue côte que le rythme chute vraiment. On fait énormément de pauses, le compteur n’avance plus vraiment et le ciel commence à se montrer menaçant. Si on n’arrive pas à reprendre rapidement notre rythme de croisière, l’arrivée dans les temps est vraiment compromise.
Cette côte touche à sa fin mais les dégâts sont là : mon compagnon n’a plus de jambes, plus de jus et les arrêts se multiplient. Encore très loin de notre objectif, on part alors sur un plan de repli. Ce nouveau projet n’a rien d’excitant : de longues lignes droites traversent le paysage et on ne fait jamais 100 mètres sur le plat. Les vallons incessants et le ciel menaçant finiront par achever Florentin qui ira se mettre à l’abri le temps que je fonce récupérer la voiture.
Alors que j’arrive enfin à le retrouver sur un parking, la pluie commence à tomber et on a tout juste le temps d’empiler les vélos dans le coffre avant de voir un temps qui ne me donne aucune envie d’être dehors.
On n’aura pas atteint l’abbaye et en arrivant à Rochefort, notre point de départ, il n’est plus possible de prendre une bière : double échec ! Mais est-ce vraiment le mot ? Certes, on a pas atteint l’objectif mais ça reste à mes yeux une excellente sortie dont on parle aujourd’hui encore (et pour laquelle j’ai une collection de blagues sans limite) et puis… j’avais de l’Orval à la maison, quel con.
See you later!
Cette aventure en terres Gaumaises sera la dernière vraie sortie de ce vélo pour moi. Entre temps, il fera encore quelques trajets jusqu’à la boulangerie ou au café cycliste du coin (coucou, Mur !) mais ses crampons resteront propres. Un gros nettoyage et emballage plus tard, il est prêt à rentrer au bercail alors que je suis en train d’explorer les montagnes italiennes. Specialized dédiait récemment un clip à l’Epic d’Annika Langvad qui se terminait par “It was an Epic’s epic life” et même si je suis très loin de comparer mes quelques mois d’égarement aux performances d’Annika sur une course comme le Cape Epic, l’épitaphe de ce Santa Cruz Stigmata ne serait, à mes yeux, pas bien différent. C’est le vélo sur lequel j’aurai découvert une autre façon de rouler et avec lequel j’aurai atteint plusieurs objectifs en peu de temps. C’est un vélo qui aura connu autant le gravier que le tarmac et autant de plaisir que de douleur.
Est-ce que ce n’est pas ça, la recette d’une bonne saison ?