La boisson d’effort maison : à vos bidons !
Par Léo Kervran -
Pas trop fan des poudres du commerce mais l’eau du robinet vous paraît un peu juste pour les longues journées sur le vélo ? Vous êtes compétiteur mais vous aimeriez bien savoir et choisir ce qui va dans votre bidon ? Vojo s’est penché sur la question et vous propose trois recettes de boissons d’effort à faire soi-même à la maison, le tout agrémenté de quelques explications sur le pourquoi du comment des boissons d’effort.
Avant de passer aux recettes, nous avons voulu en savoir un peu plus sur ce qui fait une bonne boisson d’effort. La nutrition est un domaine particulièrement pointu et parfois sujet à controverse et, pour éviter toute approximation, nous nous sommes tournés vers France Vega, diététicienne, pour avoir quelques explications.
Une boisson d’effort a deux rôles principaux : hydrater l’athlète et apporter de l’énergie facilement assimilable. Pour avoir une hydratation optimale, il faut comprendre comment fonctionnent les échanges entre les intestins et le sang. Tout est une histoire de concentrations, avec le phénomène d’osmose. La boisson et le sang ont des concentrations différentes en glucides et autres éléments. Une fois dans l’intestin, la boisson n’est plus séparée du sang que par une fine membrane perméable. Des échanges vont alors se faire entre les deux liquides jusqu’à que les concentrations soit équilibrées entre les deux côtés.
Notre sang (le plasma sanguin, pour être précis) contient lui aussi du glucose, entre 0,7 et 1,1 g /L à jeun. Selon le principe d’osmolarité et sans rentrer dans détails techniques trop complexes, une boisson qui contient moins de 52 g / L de glucose favorisera la réhydratation. A l’inverse, une boisson dosée à plus de 52 g / L aura un apport en glucides important mais elle entraînera une déshydratation.
Si l’effort dépasse une heure et demie, il est nécessaire d’associer à la boisson un complément solide.
Lorsque la température est élevée (disons au-dessus de 20°C), on privilégiera donc une boisson dite hypotonique (schéma de gauche), avec 25 à 30 g de glucose par litre pour optimiser l’apport en eau. En revanche, si la température est plus fraîche on pourra choisir une boisson isotonique (au centre), c’est-à-dire contenant environ 50 g de glucose par litre pour se réhydrater et profiter en plus d’un apport en glucides. En ambiance vraiment froide, une boisson très légèrement hypertonique (à droite) est envisageable car le corps consomme plus d’énergie, mais attention à ne pas dépasser 60 à 90 g de glucides par heure, le maximum que notre corps peut oxyder (c’est-à-dire utiliser). Au-delà, les glucides restent dans l’intestin et fermentent, provoquant ainsi un désordre intestinal. Par ailleurs, si l’effort dépasse une heure et demie, il est nécessaire d’associer à la boisson un complément solide.
Reste à savoir quel sucre utiliser. Dans les boissons d’effort, on préfèrera ceux avec un index glycémique bas, comme le miel ou le sirop d’agave qui contiennent tous deux du fructose (un isomère du glucose). Cela signifie que le taux de sucre dans le sang (la glycémie) augmentera de manière régulière et étalée dans le temps après avoir bu, ce qui facilitera son utilisation par les muscles et préservera les stocks musculaires de glycogène. A l’inverse, un sucre à index glycémique élevé aura un effet rapide sur le corps mais il entraînera un pic important dans la glycémie, ce qui risque de la déséquilibrer par la suite. A réserver pour les gels coup fouet en fin de course.
Pour les efforts longs, on peut remplacer le miel ou le sirop d’agave par de la maltodextrine. La maltodextrine est un glucide dérivé du maïs, du blé ou de la pomme de terre et est de ce fait une association de plusieurs sucres, généralement du glucose et du maltose. Elle n’a pas un goût sucré et permet ainsi d’obtenir une boisson concentrée en glucides sans paraître trop sucrée, ce qui la rend plus facile à boire. De plus, la maltodextrine se digère plus facilement que le fructose, quelque chose d’utile lorsqu’il fait chaud et que l’effort est intense.
On peut ensuite ajouter d’autres éléments importants qui participent au bon fonctionnement du corps, comme le sel et le potassium qui sont tous deux éliminés par la sueur. Dans les cas extrêmes, la perte de sel par la sueur peut entraîner une hyponatrémie (baisse de la concentration en sodium dans le sang) qui peut être fatale. Il est impossible de compenser totalement la perte de sel avec une boisson car elle serait trop salée pour être facilement assimilable par le corps, mais une pincée de sel (pas plus) permet néanmoins de compenser un peu la perte, sans entraîner de désordre digestif ou de déshydratation cellulaire.
Le potassium est un élément chimique impliqué dans la contraction musculaire (transmission du potentiel d’action, la « commande » émise par le cerveau vers les muscles) ainsi que dans le métabolisme glucidique et lipidique de l’organisme. Il a aussi un rôle alcalinisant et permet de maintenir l’équilibre acido-basique, souvent mis à mal sur les efforts longs. On estime qu’il en faut autour de 3,5 g par jour pour un adulte en bonne santé. Il est présent en quantité non négligeable dans les lentilles, pruneaux, amandes et dattes mais aussi dans les bananes et les carottes. Attention, si le potassium est vital, il est aussi toxique en cas de surdosage, voire létal dans des cas extrêmes.
Enfin, on pourra intégrer à la boisson des antioxydants, un type de molécule qui n’est pas essentiel mais qui participe au bon fonctionnement du corps à l’effort. On les retrouve dans les baies et fruits exotiques, l’hibiscus (grâce aux anthyocanes, un pigment) ou encore le curcuma (merci la curcumine, un autre pigment qui a aussi un rôle anti-inflammatoire). Les antioxydants permettent à l’organisme de lutter contre les radicaux libres libérés lors de l’effort. On évite ainsi le vieillissement cellulaire prématuré ainsi que diverses inflammations.
En dessous d’1h d’effort voire 1h30, de l’eau suffit. Le corps n’a pas le temps d’assimiler suffisamment les glucides apportés par la boisson (il faut au moins 30 à 40 minutes) donc autant s’en passer et privilégier la réhydratation. France nous rappelle justement que « on ressent la sensation de soif dès que l’on perd 0,5 % d’eau, soit environ 250 mL. A ce moment, on a déjà perdu 10 % de nos capacités en termes de force, de vitesse… »
Voici donc trois recettes maison, toujours imaginées sur les conseils de France et adaptées aux différentes conditions que l’on peut rencontrer toute l’année à vélo. Les doses sont prévues pour 1 L de préparation, à compléter avec de l’eau du robinet ou de l’eau en bouteille faiblement minéralisée.
Evidemment, dans le cas d’une utilisation en compétition nous vous conseillons tout de même de tester les recettes avant le jour J afin d’éviter les mauvaises surprises, comme pour tout nouveau produit. Autre point important avec l’entretien, il faut penser à bien vider et rincer ses bidons ou sa poche à eau dès la fin de la sortie pour éviter le développement de moisissures.
Effort de durée moyenne (1h-1h30 à 3h)
Recette de base, pour une température ambiante supérieure à 20°C :
– 100 g de jus de fruits 100% pur jus. A vous de choisir selon vos goûts, tous les fruits fonctionnent mais France a tout de même quelques préférences : « Je conseille les jus de fruits avec des baies (myrtille, framboise) ou fruits exotiques (goyave, mangue) qui ont de meilleures propriétés antioxydantes. Vous pouvez y ajouter un bout de cuillère à café de curcuma en poudre pour l’effet anti-inflammatoire et si vous préférez d’autres fruits, un filet de jus de citron pour le côté antioxydant. »
– 20 g de miel ou sirop d’agave
– une pincée de sel.
⇒ 30 g de glucide / L de boisson
Si la température est inférieure à 10°C, doubler la dose de jus de fruit (200 g) et de miel ou de sirop d’agave (40 g), pour obtenir une boisson à 60 g de glucide par litre. Entre 10°C et 20°C, on peut faire évoluer les quantités dans cette fourchette pour ajuster le dosage à la température et au niveau d’effort.
Effort long (plus de 3h)
Recette de base, pour une température ambiante supérieure à 20°C :
– 150 g de nectar de banane. D’un point de vue purement diététique et gustatif, il serait préférable de remplacer ces 150 g par 110 g de banane mûre écrasée mais nous avons essayé et cela donne des mixtures assez épaisses, qui fonctionnent mal avec la plupart des poches à eau. « Comme pour les efforts plus courts, on peut ajouter un bout de cuillère à café de curcuma en poudre pour l’effet anti-inflammatoire et un filet de jus de citron pour le côté antioxydant. »
– 40 g de jus de fruit 100 % pur jus
– 10g de maltodextrine
– une pincée de sel
⇒ 35g de glucide / L de boisson
Si la température est inférieure à 10°C, augmenter la dose de jus de fruit à 140 g et celle de maltodextrine à 30 g pour obtenir une boisson à 60 g de glucide par litre. Entre 10°C et 20°C, on peut faire évoluer les quantités dans cette fourchette pour ajuster le dosage à la température et au niveau d’effort.
Boisson d’attente
Enfin, dans le cas d’une compétition, la préparation d’une boisson d’attente est quelque chose à considérer. Une boisson d’attente permet de maintenir la glycémie entre le dernier repas et la course, pour éviter d’utiliser les réserves de glycogène avant même de commencer (le stress d’avant course est gourmand en ressources). Sa composition est donc légèrement différente d’une boisson d’effort. Autre intérêt, elle force à boire, ce qui permet de partir correctement hydraté. Sur des efforts courts, c’est elle qui va apporter les glucides qui seront utilisés par le corps pendant la course, puisqu’il leur faut au moins 30 minutes pour être assimilés.
La recette ci-dessous est donnée pour 500 mL de boisson, à compléter avec de l’eau :
– 15 g de maltodextrine (pour éviter de mettre trop de fructose qui pourrait causer des désagréments digestifs)
– 1 cuillère à soupe de miel
– 1 cuillère à soupe de curcuma en poudre
– 2 pincées de sel
– facultatif : 1 goutte d’huile essentielle de citron (pour le goût, effet anti-oxydant, calme les nausées et mal de ventre au début de l’épreuve)
Nous testons les recettes « effort moyen » et « effort long » depuis plusieurs mois et si l’apport réel de ces boissons par rapport à de l’eau toute simple n’est pas facile à quantifier précisément, nous sentons moins de fatigue après deux ou trois heures de vélo que lors des sorties avec uniquement de l’eau dans les bidons ou la poche à eau. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les dosages sont très agréables et nous n’avons jamais eu l’impression de boire quelque chose de trop ou pas assez sucré ou qui manquerait de goût. N’hésitez pas à les essayer, à les adapter et nous faire vos retours sur le sujet !