JO Tokyo 2020 | XCO Hommes : Tom Pidcock, la consécration
Par Léo Kervran -
Quelle course ! Avec des rebondissements du début à la fin, de belles batailles, des hommes forts au rendez-vous et un très beau parcours, l’épreuve Hommes de VTT XCO des Jeux Olympiques de Tokyo a séduit sur tous les plans. A trois jours de ses 22 ans, et alors qu’il devrait encore courir chez les Espoirs en coupe du Monde, le prodige Britannique Tom Pidcock a remporté le titre olympique après une course parfaite. Revivez avec nous cette journée historique à travers notre portfolio exclusif :
Note importante, les coureurs étaient encouragés par du public ! En effet, les Jeux sont censés se dérouler sans spectateurs autour des arènes mais Izu, la ville où se trouve le parcours de VTT, est située dans une autre préfecture que Tokyo (celle de Shizuoka). La situation vis-à-vis du Covid y est différente, pour ne pas dire meilleure, et les organisateurs ont donc pris la décision d’autoriser les spectateurs à se rendre aux abords du circuit. Cette année, le VTT fait donc partie des rares disciplines pour lesquelles les épreuves vont pouvoir se dérouler presque comme si de rien n’était. Une chance !
Quant au parcours justement, une partie des pilotes le connaît depuis le Test Event d’octobre 2019 et on sait qu’il est particulièrement plébiscité. Nerveux, technique, spectaculaire et même joli pour ne rien gâcher, les pilotes s’amusent en le roulant et c’est une grande réussite. Certains ont bien chuté à l’entraînement, comme Jordan Sarrou samedi, mais sans gravité et sans que cela n’entache leur opinion. L’organisation a su alterner des sections très artificielles composées d’énormes rochers avec des passages beaucoup plus naturels (souvent raides, en dévers et dans la poussière) pour créer un tracé moderne qui n’a pas à rougir face aux meilleurs circuits de coupe du Monde.
Le petit peloton peut permettre à des pilotes de créer la surprise
Au jeu des pronostics, bien malin celui ou celle qui avait annoncé le podium du jour. D’un côté, on a le retour des deux « épouvantails » Tom Pidcock et Mathieu van der Poel. Le premier revient de blessure, le deuxième sort du Tour de France. Seront-ils au niveau ? De l’autre, les têtes d’affiches « habituelles » cette saison, comme Mathias Flückiger et Ondrej Cink. Entre les deux, des outsiders et solides prétendants à une médaille comme nos deux Français Jordan Sarrou et Victor Koretzky, Nino Schurter, Anton Cooper… Sans oublier Henrique Avancini, qui a manqué les coupes du Monde de Leogang et des Gets pour mieux se préparer chez lui, et beaucoup d’autres pilote capable de créer la surprise grâce au petit peloton (seulement 38 coureurs).
15h à Tokyo, le départ est donné ! Victor Koretzky prend le meilleur départ mais bien vite, c’est son coéquipier chez KMC-Orbea Milan Vader qui se positionne en tête de course. Les pilotes partent pour une start-loop suivie de 7 tours complets et à ce stade, on cherche surtout à bien se positionner pour ne pas se faire surprendre. Surprendre, c’est justement ce qu’essaye de faire Avancini dans le premier tour. En tête d’un peloton qui commence à s’étirer, le Brésilien prend à plusieurs reprises quelques mètres d’avance sans réellement attaquer. Cependant, Nino Schurter et Milan Vader veillent au grain et ne le laissent pas s’échapper.
Quelques centaines de mètres plus loin, alors que les coureurs filent dans une descente, premier rebondissement : Mathieu van der Poel se rate complètement et chute violemment sur le Sakura Drop, le plus gros saut du circuit ! La roue avant du Néerlandais plonge dans le trou et l’envoie valser plusieurs mètres plus bas (images à retrouver ici pour la France et ici pour la Belgique).
Visiblement sonné et touché au dos ou à la hanche, il mettra près d’une minute à repartir, abandonnant sur ce soleil tout espoir de médaille ou de titre au pays du soleil levant. Il quittera finalement la course quelques tours plus loin, vaincu par la douleur et la déception.
Un soleil au pays du levant et Mathieu Van der Poel abandonne tout espoir de titre ou de médaille.
On apprendra plus tard qu’il pensait que la passerelle mise en place par l’organisation pour les reconnaissances était toujours en place, alors qu’il était bien spécifié dans les documents relatifs à la course qu’elle serait retirée, et que Milan Vader lui aurait rappelé qu’elle serait absente et qu’il fallait sauter. Une faute regrettable et, il faut le dire, un peu stupide mais qui n’a heureusement pas eu de grave conséquence, Van der Poel étant sorti indemne de l’hôpital au moment où nous écrivons ces lignes.
Dans le deuxième tour, l’armada suisse passe à l’attaque. D’abord seuls puis ensemble ou chacun à leur tour, Nino Schurter et Mathias Flückiger attaquent une fois, deux fois, trois fois… Chaque tentative est reprise mais le rythme est très élevé et fait mal à tout le monde, à tel point que leurs concurrents craquent un par un. Moins dominateur qu’il y a 5 ans, Nino Schurter montre néanmoins qu’il n’abandonnera pas son titre sans se battre ! Au moment de repasser sur la ligne pour terminer la boucle, ils ne sont plus que trois en tête puisque Tom Pidcock a réussi à les accompagner.
Derrière, Victor Koretzky et Anton Cooper sont à quelques secondes puis vient un trio composé d’Henrique Avancini, Luca Braidot et Milan Vader. Ondrej Cink est alors 9e et seul en poursuite, tandis que Jordan Sarrou, auteur d’un départ moyen, gravite autour de la 10e place avec Alan Hatherly et Vlad Dascalu.
Situation stable dans le troisième tour, ou presque. Devant, Anton Cooper fait l’élastique derrière les trois hommes de tête, parfois sur le point de rentrer mais sans jamais réussir (pour l’instant) à vraiment faire la jonction. Cependant, Victor Koretzky n’est pas seul puisqu’il bénéficie d’une nouvelle locomotive en la personne d’Ondrej Cink. Le Français est très à l’aise techniquement et le Tchèque plus emprunté mais meilleur grimpeur. Les deux pilotes vont-ils collaborer pour revenir sur l’avant de la course ? Il n’y a qu’une grosse dizaine de secondes à boucher.
Avec le début du quatrième tour arrive la mi-course et c’est le moment choisi par Tom Pidcock pour accélérer. Le Britannique attaque dès le début de la boucle, dans une montée avec deux traces possibles et précisément au moment où Cink et Koretzky allaient rentrer. Conséquence logique, les deux hommes ne font pas la jonction et c’est Mathias Flückiger qui prend en chasse Pidcock, alors que Schurter et Cooper semblent accuser un peu le coup.
Pidcock sait qu’il ne doit pas laisser Flückiger revenir et pendant plus d’un tour, les deux pilotes se livrent à distance un duel homérique. La poussière a rendu le parcours très piégeux mais le Britannique fait beaucoup moins de fautes techniques qu’en début de course et parvient à maintenir un petit écart, une dizaine de secondes au maximum. Finalement, c’est le Suisse qui craquera le premier : alors qu’il était presque revenu sur son adversaire, il glisse dans une montée et doit mettre pied à terre, laissant ainsi filer de précieuses secondes. Pidcock n’en demandait pas tant !
Un autre pilote va se charger de secouer ce petit groupe : David Valero s’immisce maintenant dans la lutte pour le podium !
A deux tours de la fin, la première et la deuxième place semblent bien définies mais la bataille pour la troisième place bat encore son plein. Koretzky, Cooper et Schurter roulent toujours ensemble et se voient bientôt rejoints par Ondrej Cink, qui ne se pose pas de question et prend immédiatement les commandes du groupe. Pas pour longtemps cependant puisque quelques minutes plus loin, on le retrouve à pieds et visiblement écœuré : il a crevé et déjanté de l’arrière, à l’opposé de la zone technique. Toutefois, ce fait de course ne nous surprend pas vraiment car le Tchèque est connu pour ses lacunes techniques face à ses adversaires et sur un tel circuit, il devait vraisemblablement outrepasser ses limites pour rester au contact en descente.
En l’absence de Cink, c’est un autre pilote qui va se charger de secouer ce petit groupe : après un départ complètement raté (35e à l’issue de la start-loop), l’Espagnol David Valero est remonté peu à peu et fait la jonction avec le trio à l’entame de la dernière boucle ! Il accélère dans la foulée et seul Nino Schurter est en mesure de le suivre, même si Victor Koretzky n’est pas loin.
Seul devant, empêtré dans son drapeau et en larmes, Tom Pidcock prend le temps de savourer avant de franchir la ligne d’arrivée. A 21 ans et seulement 8 semaines après sa fracture de la clavicule, il est champion olympique de VTT XCO ! Déjà la consécration pour le Britannique, au terme d’une course maîtrisée de bout en bout. S’il roule normalement pour l’équipe de cyclisme sur route Ineos-Grenadier, il a déclaré a plusieurs reprises cette année que le VTT était son sport de cœur et qu’il était « né pour faire du VTT ». De quoi nous donner espoir de le revoir plus souvent sur les sentiers ?
Mathias Flückiger termine à la deuxième place, un résultat qui le satisfait amplement. Le Suisse a réalisé une course pleine et a tenté à plusieurs reprises de faire tourner les choses à son avantage mais Pidcock était tout simplement trop fort. Avec la pluie, attendue demain pour la course des femmes, cela aurait peut-être été différent, mais avec des « si »… En attendant Lars Forster et Filippo Colombo dans les prochaines années, voici le nouveau chef de file du XCO suisse !
Et pour la troisième place ? A la surprise générale, David Valero a réussi à se débarrasser de Nino Schurter et se présente seul sur la ligne d’arrivée, quelques secondes devant le Suisse qui ne peut que s’avouer vaincu ! Valero n’est pas un inconnu, il avait notamment réalisé une excellente saison 2017 (2e à Nove Mesto, 4e du classement général de la coupe du Monde) mais il avait bien reculé dans la hiérarchie depuis 2019 et on ne s’attendait pas du tout à le voir à la bataille à cette place aujourd’hui.
L’Espagnol s’était visiblement parfaitement préparé pour cette course et cela a payé. On saluera son excellente gestion de course puisqu’il termine avec les meilleurs chronos des 5e, 6e et 7e tours. Sa dernière boucle supersonique est tout simplement le meilleur temps en course ! Pour l’anecdote, ce résultat fait curieusement écho à celui de son compatriote Carlos Coloma à Rio, qui avait surpris en décrochant le bronze dans le dernier tour après une belle bataille avec Maxime Marotte.
Nino Schurter s’est battu jusqu’au bout pour une médaille mais termine malheureusement au pied du podium pour ce qui était vraisemblablement sa dernière olympiade. En début de course, on s’est pris à rêver d’un retour du grand Nino au meilleur moment mais le Suisse est, comme (trop ?) souvent cette année, tombé sur plus fort que lui à Tokyo. Sans regrets, il aura animé toute la course et fait preuve de beaucoup de classe en étant le premier à venir féliciter Tom Pidcock ! Il ne rattrapera probablement jamais Julien Absalon au palmarès des Jeux Olympique et peut-être pas non plus sur le nombre de victoires en coupe du Monde, mais il restera à coup sûr une des légendes de l’histoire du XC.
Une poignée de secondes derrière Schurter, c’est une arrivée au sprint qui se dessine entre Victor Koretzky et Anton Cooper pour la cinquième place ! Il faudra la photo finish pour départager les deux pilotes mais c’est bien le Français qui s’est montré le plus rapide sur ces derniers mètres, ou le plus efficace au jeté de vélo. En coupe du Monde, une cinquième place signifierait un podium mais ce n’est pas le cas sur les Jeux Olympiques. Il y a forcément une pointe de déception tant le podium était proche pendant la plus grande partie de la course mais il n’a pas commis d’erreur et a couru de façon très juste, sans efforts superflus. Les 4 hommes devant lui étaient tout simplement plus forts aujourd’hui, c’est le lot des courses d’un jour et il n’y a aucun regret à avoir.
Jordan Sarrou se classe finalement 9e après une course régulière. « Pas à 100 % » selon ses propres mots, le champion du Monde s’est battu avec ses armes du jour. A 28 ans, il devrait encore avoir au moins une chance de revanche dans 3 ans lors des JO de Paris !
Côté Néerlandais, Milan Vader termine finalement 10e, une trentaine de secondes derrière Jordan Sarrou. Comme en coupe du Monde, il a réalisé un très bon départ avant de plafonner un peu mais il a su se reprendre avant de s’écraser complètement. 10e pour ses premiers Jeux Olympiques à 25 ans, voilà un résultat sur lequel construire quelque chose de solide pour les années à venir.
Enfin, chez les Belges, Jens Schuermans finit en 18e position. Face à un peloton bien plus réduit qu’en coupe du Monde, il y avait la place pour faire mieux et il se dit lui-même « déçu du résultat » mais comme les autres, il va maintenant pouvoir penser à la suite. De la saison d’abord, avec la reprise de la coupe du Monde début septembre à Lenzerheide, puis au processus de qualification pour Paris 2024, qui va arriver rapidement !
Résumé :
- Tom Pidcock (GBR), 1:25:14
- Mathias Flückiger (SUI), + 0:20
- David Valero Serrano (ESP), + 0:34
- Nino Schurter (SUI), + 0:42
- Victor Koretzky (FRA), + 0:46
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