JO Tokyo 2020 : la sélection française et les prochaines étapes
Par Léo Kervran -
C’est officiel, ce seront bien Pauline Ferrand-Prévot, Loana Lecomte, Victor Koretzky et Jordan Sarrou qui défendront les couleurs de la France aux Jeux Olympiques de Tokyo ! Le CNOSF, le Comité National Olympique et Sportif Français, vient en effet de valider la liste que la Fédération Française de Cyclisme lui avait proposée. Désormais, les athlètes retenus vont pouvoir se concentrer sur les dernières lignes droites de leur préparation et nous avons justement pu en discuter avec Yvan Clolus, le manager de l’équipe de France VTT.
Le titre de champion du Monde de Jordan Sarrou, acquis il y a quelques mois à Leogang, a également joué en sa faveur, même si cette course ne figurait pas officiellement dans les critères de sélection. On se souvient aussi que Victor Koretzky avait terminé 2e du Test Event sur le circuit olympique en 2019, au sprint avec Nino Schurter, signe que le parcours lui convient parfaitement.
Si on prend un peu de recul, on réalise que tous ces athlètes ont gagné au moins une coupe du Monde ou un championnat du Monde dans les derniers mois. Cela situe un peu le niveau de l’équipe de France aujourd’hui !
Contrairement à ce que nous avions pu laisser entendre dans notre précédent article, il n’y a pas de poste de remplaçant officiel en VTT aux Jeux Olympiques. A la place, la fédération établit une liste de pilote « réservistes », qui pourront être appelés en cas de besoin. Pour Tokyo, les réservistes sont les suivants : Lena Gerault, Julie Bresset chez les femmes, Maxime Marotte, Titouan Carod et Thomas Griot chez les hommes.
La préparation
Pour les athlètes sélectionnés, il s’agit maintenant de préparer au mieux la course olympique, qui aura lieu le lundi 26 juillet à 15 h (heure locale, donc 8 h en France métropolitaine) pour les hommes et le mardi 27 juillet à 15 h heure locale pour les femmes. Quelles sont les prochaines étapes ? Voici quelques éclaircissements :
Le parcours
Le parcours des Jeux Olympiques de Tokyo se situe à Izu, dans la préfecture de Shizuoka, à environ deux heures de route au sud-ouest du centre de Tokyo et du village olympique. On sait depuis le Test Event d’octobre 2019 qu’il est atypique, composé de montées courtes mais raides et de passages particulièrement techniques et/ou impressionnants en descente. Il mesure 4,1 km et compte 150 m de dénivelé.
Comme pour les Jeux de Rio, la fédération s’est servie du domaine du CREPS de Boulouris pour recréer à l’identique des sections-clé du parcours, mesuré sous toutes ses coutures lors du Test Event. Cependant, ce qui est mis en place à Boulouris ne l’est pas seulement pour ces Jeux : Yvan Clolus nous explique que le travail réalisé ces derniers mois sur le site est « un cran au-dessus du travail réalisé pour Rio, ça servira pour les 4 à 8 ans qui suivent. On est sur un petit niveau DH / enduro mais c’est bien pour du XC. »
L’environnement et les conditions météo
Deux autres éléments pourront jouer un rôle déterminant lors des courses : le climat et le décalage horaire.
La région de Tokyo vit en effet sous un climat subtropical humide, ce qui signifie que les étés sont chaud et humide. Des conditions très compliquées pour fournir un effort physique intense comme le demande une course de XCO puisqu’elles rendent la thermorégulation très compliquée. Il fait chaud donc le corps transpire beaucoup pour évacuer la chaleur qu’il produit, mais comme l’air est chargé en humidité, la transpiration ne s’évapore pas et le corps ne se refroidit pas, ou pas bien.
« Ça fait 3 ans qu’on travaille sur le sujet«
Tous les athlètes ne sont pas égaux face à cet environnement et pour ceux qui n’y sont pas habitués, qui ne roulent pas toute l’année dans ces conditions (autrement dit, la majorité du circuit composé principalement d’européens et de nord-américains), il faut s’y préparer. On a par exemple vu l’équipe de France s’entraîner dans une « thermoroom », une salle à atmosphère contrôlée, lors d’un stage de pré-saison il y a quelques semaines.
Toutefois, le sujet est tellement crucial qu’Yvan Clolus ne peut pas nous en dire beaucoup : « Ça fait 3 ans qu’on travaille sur le sujet pour savoir ce qui marche mais aussi ce qui ne marche pas, pour chaque athlète. On a trouvé des choses originales, des choses sympas, des choses qui sont adaptées à chacun mais là c’est trop tôt pour en parler, ça ne va pas donner 100 W de plus mais ça peut peser dans la balance. »
Même chose pour le décalage horaire : le Japon est sur le fuseau horaire UTC +9, ce qui signifie qu’il y a 7 h de décalage avec la France métropolitaine en heure d’été (UTC +2). Quand il est 12 h chez nous, il est 19 h au Japon. Un tel décalage a un impact important sur le corps humain et, pour être performant sur une course, il faut limiter cet impact au maximum.
Il existe différentes stratégies pour s’adapter à ce décalage, comme modifier ses horaires de sommeil dans les jours précédant le départ, retarder au maximum le départ de son pays d’origine… La fédération dispose d’ailleurs d’un doctorant en contrat CIFRE (collaboration de recherche entre une entreprise et un laboratoire public), en thèse à l’université de Besançon, pour travailler sur l’anticipation du décalage horaire.
Mais là encore, nous n’en saurons pas plus pour le moment. La seule chose qu’Yvan Clolus peut nous confirmer, c’est que « tous les athlètes ne feront pas la même chose pour se préparer, les organismes ont des réponses différentes ».
Les relations fédération – athlètes – entraîneurs
On le sait, en VTT comme dans beaucoup d’autres sports, les athlètes roulent la plupart du temps pour une équipe privée et disposent de leur propre entraîneur, parfois lié à l’équipe. Or, pour les Jeux comme pour les championnats du Monde, les pilotes troquent le maillot de leur équipe habituelle pour celui de la sélection nationale, qui peut donc avoir son mot à dire sur la façon dont l’échéance est préparée. Yvan Clolus nous explique comment se passent ces relations entre les coureurs, la fédération et les entraîneurs :
« On est sur un mode de complémentarité, la fédération est consciente qu’elle ne peut pas faire tout toute seule pour le VTT et en même temps, les teams VTT ne sont pas des équipes de World Tour [sur route] avec 20 ou 40 M d’euros de budget qui peuvent tout gérer seul. Chacun amène ce qu’il peut amener.
Avec la fédération, on est plus sur un suivi au long cours, un suivi de carrière. Même si l’athlète change de team il retrouvera toujours les mêmes personnes chez nous.
En fait, on propose un menu et les athlète « picorent », mais ce n’est pas péjoratif du tout. Si un coureur peut venir au premier stage mais pas au deuxième ni au troisième, pas de souci. S’il peut venir aux trois tant mieux et s’il ne peut pas venir du tout mais qu’il fait les mêmes choses à côté avec son équipe, ça me va très bien. Le projet de l’athlète est au centre, je ne suis pas là pour me battre pour que tous les athlètes soient là tout le temps à tous les rassemblements.
« Chacun amène ce qu’il peut amener »
Pour les Jeux, j’échange depuis longtemps avec les entraîneurs personnels sur la préparation, sur tout ce qui a été testé depuis des années, ce qu’on connaît des athlètes… Avec les conditions actuelles et ce que nous demande le Japon, on fonctionnera peut-être un peu différemment après les championnats de France [du 8 au 11 juillet pour le XC], il n’y aura sûrement pas la préparation collective tous ensemble avec le staff pendant 10 jours comme d’habitude. Les athlètes travailleront plus dans leur coin mais ils ont besoin d’être sur les épreuves tardives, donc oui, on devrait les voir aux Gets puis aux championnats de France. »
Les relations entre athlètes
On l’évoquait en début d’article, la France dispose d’une très belle équipe pour ces Jeux, avec 4 pilotes qui peuvent légitimement prétendre au titre. D’un point de vue collectif, c’est l’idéal mais sur le plan individuel, ne faut-il pas craindre des tensions ou une pression supplémentaire à mesure que l’échéance se rapproche ? Yvan Clolus se montre confiant :
« C’est un problème de riche, je préfère avoir ça à gérer que 2 athlètes qui y vont pour faire un top 10. Chez les filles, on a 2 athlètes qui se respectent et qui ont l’habitude de travailler ensemble. La première chose, ça va être de construire solidement ces médailles. Rien n’est acquis, ça va être très dur et il ne faut surtout pas qu’on y aille juste pour récupérer nos médailles. D’autant qu’en face, on a aussi d’excellentes athlètes comme Rissveds, Neff, Terpstra… qui savent se préparer.
C’est pour ça que je veux faire travaillerPauline et Loana au maximum ensemble le plus longtemps possible, elles sont complémentaires pour consolider chacune leur médaille. Et être unis, c’est aussi faire peur aux adversaires. Chez les garçons c’est un peu la même chose, on a aussi des profils différents mais toujours des intérêts communs, donc s’ils veulent travailler ensemble, c’est très bien. »
Les mesures sanitaires
Si les institutions japonaises acceptent toujours d’organiser les Jeux, elles ont toutefois posé leurs propres règles du jeu. Des règles « au-dessus de tout ce qu’on a connu jusqu’à maintenant », nous confie Yvan Clolus. Jugez plutôt :
- Avant le départ
– un traçage au jour le jour (similaire dans une certaine mesure à ce que demande le protocole anti-dopage ADAMS toute l’année) au moins 15 jours avant le départ pour le Japon,
– déclarer sa température corporelle dans une application (française et japonaise) tous les jours pendant ces 15 jours,
– présenter deux tests PCR négatifs consécutifs réalisés dans les 92 h (soit un peu moins de 4 jours) avant le départ pour le Japon. Les tests doivent être réalisés dans des laboratoires français agréés par les autorités japonaises.
- Sur place
– une bulle sanitaire mise en place dès l’aéroport à Paris. Au Japon, l’équipe monte dans un bus de l’organisation et prend aussitôt la direction du village olympique, duquel elle n’aura pas le droit de sortir pendant tout son séjour sur place hors déplacement vers le parcours. Aucun contact ne sera possible avec les japonais.
– un test antigénique tous les jours pour toute l’équipe (athlètes et staff), ainsi qu’un test PCR toutes les 72 h. Si un cas positif est détecté, la personne concernée doit rentrer aussitôt chez elle, il n’y a même pas de quarantaine ou d’isolation.
- Après l’épreuve
– le retour se fera le 27 juillet au soir, c’est-à-dire dans la nuit qui suivra l’épreuve féminine. Pas l’idéal pour fêter un éventuel titre ou une médaille, c’est certain, mais le principal reste de limiter au maximum les contacts.
Une pression supplémentaire pour les athlètes ? En effet, le risque d’un test positif est toujours présent malgré toutes les précautions prises. Heureusement, les vététistes ont eu un avant-goût de ce genre de fonctionnement avec l’enchaînement des coupes du monde d’Albstadt et de Nove Mesto : tests antigéniques tous les jours, tests PCR réguliers, paddock contrôlé… A Tokyo, ce sera encore plus strict, mais tout ne sera pas complètement nouveau et les pilotes auront donc déjà « l’habitude » de gérer ce type de situation.
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