JO Paris 2024 | VTT Hommes : Koretzky vs Pidcock, un duel à la hauteur de l’enjeu
Par Léo Kervran -
Quelle course ! Après la démonstration de Pauline Ferrand-Prévot hier, sans concurrence dans l’épreuve féminine, on attendait le show Tom Pidcock chez les hommes aujourd’hui tout en gardant l’espoir de voir Jordan Sarrou ou Victor Koretzky faire vaciller le Britannique. Et on a eu les deux avec un suspense qui a duré jusqu’à la ligne d’arrivée ! Retour en images sur cette course qui fera date :
Cette fois, il n’a pas (du tout) eu course facile ! Si Tom Pidcock a bien tenu son statut de favori et réussi à défendre son titre olympique, le Britannique n’a certainement pas eu course facile. Accompagné par Alan Hatherly et surtout Victor Koretzky jusque dans le dernier tour, il n’a pris l’avantage sur le Français que dans les derniers instants de course.
Avant le départ, son état de forme était justement la grande question : discret sur le Tour de France avec seulement une 2e place sur la 9e étape (victoire d’Anthony Turgis), il avait quitté l’épreuve au matin de la 14e étape après un test positif au Covid-19. Etait-il réellement affecté et diminué ou était-ce une simple mesure de protection pour ses coéquipiers et le reste des concurrents ?
Impossible de le savoir avant cette après-midi et au final peu importe, la stratégie est toujours la même pour ses adversaires : prendre un départ le plus rapide possible pour essayer de le mettre en difficulté avant que la machine ne se mette en route. Ça n’a pas souvent fonctionné jusque-là mais sait-on jamais…
Dans le premier tour, Charlie Aldridge et Alan Hatherly se relaient pour imposer un rythme très rapide qui étire d’emblée le peloton. Les deux hommes portent aujourd’hui leurs couleurs nationales (Royaume-Uni pour le premier, Afrique du Sud pour le second) mais se connaissent néanmoins très bien et s’apprécient puisqu’ils sont coéquipiers chez Cannondale le reste de la saison.
Deuxième tour, Aldridge éprouve le besoin de souffler et Hatherly accuse lui aussi un peu le coup mais l’allure ne faiblit pas pour autant : Mathias Flückiger a pris les commandes du peloton (ou plutôt de la file indienne, devrait-on dire) et roule véritablement à fond. Surprenant de voir le Suisse aussi actif et en forme par cette forte chaleur, lui qui est connu pour préférer le froid et la pluie, mais il ne ménage pas ses efforts ! Derrière lui, Victor Koretzky et Nino Schurter sont bien placés tandis que Jordan Sarrou est un peu plus loin.
Et Tom Pidcock là-dedans ? Discret au départ comme à son habitude, le Britannique remonte peu à peu mais reste pour l’instant dans les roues et il faudra attendre le troisième tour pour le voir passer en tête. En revanche, l’effet est immédiat : d’une accélération, il décolle tout le monde de son sillage à l’exception de Flückiger et Koretzky. Une deuxième par-dessus, dans un passage plus sinueux, et le Suisse ne parvient plus à suivre à son tour.
Coincé derrière Flückiger, Victor Koretzky ronge son frein pendant que le Britannique s’envole. Dès que le tracé s’ouvre à nouveau, il dépasse le Suisse et part à la poursuite de Pidcock, qui est encore à portée de vue. Le Français virevolte dans la descente, relance à chaque fois que c’est possible… Et finit par revenir sur Tom Pidcock avant d’entamer le 4e tour !
Ça, c’est nouveau : quand Tom Pidcock attaque, c’est déjà rare qu’un de ses adversaires parvienne à prendre sa roue mais revenir sur lui alors qu’il avait fait le trou ? Voilà qui intrigue, et qui relance complètement la course. On pense aussi à la coupe du monde de Nove Mesto en 2023, où on avait vu Joshua Dubau (blessé ce printemps et qui n’a pas pu se mêler à la lutte pour la sélection olympique) pousser le Britannique dans ses derniers retranchements… Y aurait-il une chance pour Victor Koretzky ?
Très vite, la course va encore changer de tournure. Peut-être déstabilisé et rendu fébrile par le retour du Français, Pidcock part à la faute dans le quatrième tour et crève de la roue avant. Roulant avec un insert dans son pneu, il parvient à rejoindre la zone technique sans perdre trop de temps… mais ses mécaniciens ne sont pas du tout prêts ! Le temps de retrouver la bonne roue ainsi que les outils et le Britannique repart en 9e position seulement, en compagnie de Nino Schurter, Martin Vidaurre et Riley Amos. Surtout, il pointe maintenant à 35 secondes de Victor Koretzky désormais seul en tête.
Encore une fois, on repense à Nove Mesto 2023 : Pidcock avait chuté en descente, laissant Joshua Dubau filer seul en tête… avant de revenir sur lui pour le dernier tour et finalement de s’imposer. On espère un dénouement plus heureux pour Victor Koretzky aujourd’hui et dans un premier temps, ça semble en prendre la direction. Tom Pidcock remonte peu à peu au classement mais les écarts ne bougent pas et pendant plus d’un tour, il ne reprend rien du tout au Français.
Alors qu’on commençait doucement à y croire, le Britannique va remettre la machine dans la sixième boucle, alors qu’il reste encore trois tours à parcourir. 36 s, puis 27 s, 25 s, 17 s… A chaque pointage, son retard diminue de quelques secondes. En un tour, il revient sur Alan Hatherly qui occupait seul la deuxième position et avant le milieu de la septième boucle, les deux hommes rejoignent Victor Koreztky. Il reste un tour et demi à couvrir, on a trois hommes en tête et tout reste à faire !
Le temps passe, le parcours défile sous les roues et les tentatives timides des uns et des autres ne donnent rien de probant. On s’observe beaucoup, surtout entre Pidcock et Koretzky tandis qu’Hatherly se fait discret derrière, et personne ne veut dévoiler ses cartes trop tôt. Tout va se jouer dans la dernière montée !
On s’attendait à un démarrage foudroyant de Tom Pidcock mais contre toute attente, c’est Victor Koretzky qui laisse le Britannique sur place. Surpuissant, le Français prend très vite plusieurs longueurs d’avance et plonge dans la descente avec une marge presque confortable.
Presque, et surtout pas assez pour une erreur. Dans un virage en apparence anodin, loin des caméras (mais pas du public heureusement), il glisse de l’avant et finit sa course contre un arbre. Tom Pidcock n’en demandait pas tant et en profite pour revenir et repasser devant… Mais quelques mètres plus loin, Victor Koretzky reprend l’avantage par l’extérieur ! On est à moins d’un kilomètre de l’arrivée, il ne reste plus que le petit bois en singletrack et les deux hommes arriveront sur la très courte ligne droite d’arrivée. « 60 m en bosse puis 50 m de plat », précise Julien Absalon sur la télévision publique française.
Alors qu’on pensait Koretzky presque assuré de la victoire, Tom Pidcock parvient à recoller une nouvelle fois dans le bois et arrive alors une séquence qui va beaucoup faire parler. Sur un passage où la trace s’ouvre en deux autour de quelques arbres, le Français prend ce qui semble être le chemin le plus long, légèrement à l’extérieur. Le Britannique n’hésite pas et plonge au sprint à l’intérieur. Les deux hommes ressortent en même temps, Pidcock moins d’une demi-roue devant et les deux semblent essayer d’éviter le drame mais ils ne peuvent empêcher le contact. Victor Koretzky glisse de la roue arrière et déclipse tandis que Pidcock reste sur le vélo et s’envole vers la ligne d’arrivée.
Certains spectateurs et spectatrices trouveront la manoeuvre dangereuse, trop agressive et manquant de fair-play mais la plupart des spécialistes s’accorderont sur le fait que c’est un fait de course et qu’aucun des deux pilotes n’est en tort. A nos yeux, la course s’est surtout jouée avant, lors de l’erreur de Koretzky dans la descente…
Copieusement sifflé par le public présent sur place (carton rouge, où sont les valeurs de respect prônées par l’olympisme et affichées par les athlètes eux-mêmes tout au long de la saison en VTT ?), Tom Pidcock décroche à la veille de ses 25 ans son deuxième titre olympique d’affilée. Même poussé dans ses retranchements, il a su montrer qu’il restait le plus fort en XCO !
A titre de comparaison, au même âge Nino Schurter comptait un titre de champion du monde Elites et une médaille de bronze olympique… Si le Britannique souhaite poursuivre son aventure en VTT, il a le potentiel pour aller concurrencer la légende suisse sur le tableau des records.
Menacé par Alan Hatherly qui n’abdique décidément jamais, Victor Koretzky parvient à sauver sa deuxième place pour deux petites secondes face au Sud-africain. Très déçu, presque en larmes, il faisait néanmoins preuve d’un bel esprit sportif face aux caméras : » C’est un sentiment mitigé, je rêvais vraiment de l’or, il n’a pas manqué grand-chose. Tom était vraiment fort, il a crevé et j’essayais d’avoir des infos pour savoir où il en était, quand il est rentré sur moi je savais que je pouvais le battre car il a fait un gros effort pour boucher le trou. Dans la bosse j’arrive à faire un écart et malheureusement je fais une petite faute dans la descente, une petite faute d’inattention. […] Je suis vraiment déçu, cette erreur me coûte la médaille d’or. »
« Après dans le bois à la fin il me double, il me touche et me défait ma chaussure, c’était dur de faire quelque chose à ce moment-là. Il était vraiment fort, c’est vraiment un grand champion mais je pense que je pouvais le battre aujourd’hui donc je suis un peu déçu et satisfait à la fois. Il y a beaucoup de travail derrière tout ça, beaucoup de sacrifices, de moments passés loin de la maison et d’avoir une médaille d’argent c’est déjà une très belle récompense. Là j’ai un peu de mal à savourer […] mais c’est énorme, on rêve tous d’une médaille olympique et aujourd’hui je l’ai et c’est une grande satisfaction. »
Vainqueur pour la première fois en coupe du monde sur le format XCO juste avant ces Jeux olympiques, Alan Hatherly se voit récompensé de sa régularité ces dernières années par une belle médaille de bronze tandis que Luca Braidot, victime d’une crevaison comme Tom Pidcock, échoue au pied du podium.
Très actif en début de course, seul pilote à opposer une vraie résistance à Tom Pidcock sur le parcours de Tokyo il y a trois ans, Mathias Flückiger a dû laisser filer Braidot dans les derniers tours et se classe finalement 5e. Sam Gaze prend la 6e place et devance de justesse Riley Amos, le taulier de la catégorie U23 (9 victoires en 10 départs en coupe du monde cette saison) qui courait aujourd’hui pour la première fois avec les Elites et a impressionné tout le monde.
Enfin, le top 10 est complété par Charlie Aldridge, Nino Schurter qui participait à ses derniers JO et David Valero. Christopher Blevins est 13e avec une crevaison et Jordan Sarrou arrache la 14e place au sprint devant l’Allemand Julian Schelb, très en vue cette saison.
Petite déception côté belge, avec un Pierre de Froidmont 18e et un Jens Schuermans 26e. Si la présence du second est déjà un petit miracle après sa fracture du scaphoïde sur les championnats nationaux le week-end dernier et une opération ce lundi, le premier espérait sans doute un peu mieux dans cette course au plateau très réduit (seulement 36 athlètes au départ, contre 100 à 150 en coupe du monde). Après un départ prudent, Pierre de Froidmont était bien remonté dans le top 15, avant de rétrograder un peu en fin de course.
Classement complet : uci.org/competition-details/2024/MTB/70539
On vous donne rendez-vous demain pour un dernier reportage sur l’ambiance et les abords du parcours avant de clore ce volet JO, et pour les compétitions, la prochaine échéance n’est autre que les championnats du monde, le dernier week-end d’août à Vallnord (Andorre) !
Le récit de la course Dames : JO Paris 2024 | VTT Femmes : Pauline Ferrand-Prévot, un sacre en apothéose