Interview | Pierre de Froidmont : un hiver plein de changements pour une année emplie d’espoir

Par Adrien Protano -

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Interview | Pierre de Froidmont : un hiver plein de changements pour une année emplie d’espoir

Aux portes du top 20 au classement général de la coupe du monde XCO, champion national de Belgique, une qualification suivie d’une jolie performance au JO… L’année 2024 de Pierre de Froidmont a été un succès. Pourtant, derrière la joie des résultats se cache parfois des moments plus difficiles, et des changements nécessaires pour continuer à garder la flamme et continuer à évoluer. On est revenu sur tout cela avec le pilote belge de l’Orbea Fox Factory Team. Interview :

Comment vas-tu en ce début de saison 2025 ? L’hiver, et l’entraînement qui va avec, s’est bien passé ?

Je vais très bien, j’ai passé un très bon hiver. Il y a eu beaucoup de changements durant cette intersaison, notamment du côté privé. J’ai délaissé ma Belgique natale par moments, pour mettre le cap quelques fois avec ma compagne – Anne Tauber, pilote au sein du KTM Factory Racing – sur Bolzano, aux portes des Dolomites en Italie au début de l’hiver. C’est un super endroit pour s’entraîner, et même s’il fait froid durant l’hiver, il y a beaucoup d’ensoleillement et peu de pluie (une journée à vrai dire jusqu’à présent rires). De bonnes conditions donc pour s’entraîner, au calme au milieu des montagnes. J’avais aussi envie d’un peu de changement dans mon hiver après cette année 2024 assez stressante, notamment en raison des JO et de la qualification/préparation.

Surtout que tu as changé d’entraîneur cette année, n’est-ce pas ?

Après 5 années passées avec Peter comme entraîneur et après ce cycle olympique, je sentais que je commençais un peu à être dans une routine. Face à l’évolution constante de notre sport, mais aussi avec ces jeunes qui arrivent de plus en plus tôt et qui sont ultra compétitifs, j’avais l’impression de risquer de ne pas passer le cap nécessaire si je restais dans ce schéma-là. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de travailler avec Pierre Lebreton, qui est mon ancien team manager, mais aussi un entraîneur très expérimenté avec une approche différente de ce que j’ai pu connaître jusqu’à présent. 

Une préparation hivernale différente donc de ce que tu as pu connaître par le passé où tu étais basé en Belgique et où tu effectuais des stages d’entraînement à l’étranger, majoritairement en Espagne ?

Pour cet hiver, j’avais envie de profiter de ce nouveau chez moi, et pas de partir sans arrêt à l’étranger pour l’entraînement. Il y a aussi l’approche différente de Pierre. Avant, je faisais énormément de volume et beaucoup d’exercices durant l’hiver. J’arrivais donc toujours très fort en début de saison, puis j’avais du mal à tenir sur le long terme, j’avais besoin d’un break en milieu d’année. C’est ce qui m’a notamment joué des tours en 2023, avec du surentraînement, burnout, dépression… Avec Pierre, c’est un élément qu’on a pris en compte. J’ai pris une plus longue coupure pour arriver frais en ce début de saison d’entraînement. Les premières semaines d’entraînements avec Pierre ont été un peu perturbantes, il y avait un vrai décalage entre ce que je connaissais par le passé et cette nouvelle façon de m’entraîner.

Je voyais tout le monde borner en Espagne, et moi durant ce temps-là, j’avais une heure de natation dans mon programme (rires).
Pierre de Froidmont, Orbea Fox Factory Team

Je voyais tout le monde borner en Espagne, et moi durant ce temps-là, j’avais une heure de natation dans mon programme (rires). Là où c’est rassurant, c’est que le premier test FTP que j’ai effectué cet hiver s’est avéré être mon meilleur test FTP à ce stade. Pierre m’a prévenu que je n’aurais pas mon pic de forme durant les premières courses de la saison, mais c’est justement ce que l’on cherche. Un hiver prudent, mais intelligent. Un entraînement qui me donne l’impression d’avoir du sens aussi, c’est peut-être ce qui m’a manqué ces deux dernières années !

Ton équipe a beaucoup bougé durant cette intersaison. Comment vis-tu ça ? Ça ne fait pas trop de changements ? (cf. Transfert 2025 | Orbea Fox Factory Team : changement à tous les étages)

C’est clair que je reste chez Orbea, mais que toute l’équipe se modifie durant cet hiver, c’est une toute nouvelle équipe. Je pense que c’est aussi la raison pour laquelle j’ai préféré rester à la maison cet hiver, c’était un peu la seule stabilité que j’avais dans tous ces changements. Je dois avouer que la fin de saison dernière était stressante avec tous ces changements d’équipe, de règlements UCI…

Au final, après ces trois premières courses préparatoires, je dois dire que c’est une équipe tout à fait différente de ce que j’ai connu auparavant, mais que j’en suis clairement enchanté ! Il y a des individualités bien plus fortes, là où le groupe précédent était plus une famille. Cela apporte peut-être davantage de professionnalisme. Même s’il y a une bonne cohésion, chacun est davantage centré sur sa carrière. Un exemple : on a chacun notre mécano personnel et on crée notre petite structure personnelle. Ça a un peu été un rappel pour moi que le VTT est avant tout un sport individuel et qu’il faut faire ses choix pour soi. Je me sens bien dans l’équipe. On est là pour faire notre job du mieux possible avant tout ! Puis, c’est une chance de côtoyer des vainqueurs de coupe du monde, ils ont clairement de l’expérience à partager.

Vous êtes devenu une équipe d’usine, que ce que ça change en tant que tel, et pour toi plus précisément comme pilote ?

On l’était presque durant le passé avec la structure de Pierre Lebreton, là on l’est devenu à 100% ! La différence qui m’a marqué durant cet hiver, c’est que j’ai vraiment senti que je travaillais pour Orbea, au même titre que les personnes qui dessinent ou peignent les cadres. On est tous dans le même bateau, j’ai rencontré plein de personnes de la structure et je me sens vraiment impliqué dans la coopérative. C’est cet hiver que j’en ai pris vraiment conscience !

D’un point de vue matériel, on était déjà très proche par le passé avec Orbea donc les choses n’ont pas complètement changé, mais elles sont un peu facilitées on va dire. On sent qu’Orbea veut continuer à se professionnaliser et ils mettent les moyens pour, jusque dans les petits détails.

D’un oeil extérieur, tu as fait une bonne saison l’année dernière. En tant qu’athlète (et personne), qu’est-ce ce que tu retiens de 2024 ?

Je suis assez satisfait, ça a été une bonne saison durant laquelle j’ai été présent régulièrement, sans grosse période « à vide ». Je suis allé aux JO, ce qui était mon grand défi de l’année, et qui s’est révélé être une grande aventure humaine et sportive. Surtout après la fin d’année 2023 délicate, je n’étais pas sûr d’arriver à gérer ce stress de la qualification et de la préparation des Jeux. J’ai aussi su conserver mon titre de champion de Belgique. Bref, beaucoup de défis en 2024, surtout pour une longue saison comme ça !

D’un point de vue sportif, j’ai fait quatre 9e places en XCC, donc à une place près, j’étais une fois sur deux en première ligne le dimanche. C’est une grosse satisfaction de 2024 de voir ce type de régularité. En XCO, je termine deux fois 11e et une fois de plus dans les 15 premiers. C’est clairement une bonne année.

Des changements sur le vélo pour cette nouvelle année ? On l’avait déjà aperçu en fin de saison dernière, mais tu as une curieuse Fox 34 à l’avant ? (cf. Spyshot | Une curieuse fourche Fox 34 sur le vélo de Luca Martin)

On risque d’avoir de jolies nouveautés sur le vélo dans les prochains mois, mais rien de particulier à ce stade. On roulait les roues Oquo au stade de prototype la saison dernière, maintenant qu’elles sont commercialisées, on utilise la version de série. Comme en 2022, on est de retour sur des selles Fizik.

Y a-t-il des réglages un peu différents de la moyenne que tu apprécies sur ton vélo ?

Pour être honnête, j’ai des réglages assez classiques. Par contre, depuis un peu plus d’un an, je chipote beaucoup avec les réglages de suspensions en fonction des circuits, des conditions… J’adore essayer de comprendre, faire des tests, etc. Par exemple, j’ai été super curieux quand le mécano de Andreassen m’a expliqué qu’il avait créé ses propres spacers avec des valeurs différentes. C’est le genre de détail qui m’attire.

On a eu l’occasion de rouler le nouvel Alma, un hardtail bien dans temps, est-ce que tu as prévu de l’utiliser en compétition ? (cf. Test nouveauté | Orbea Alma 2025 : un hardtail qui casse les codes)

J’ai fait deux XCC la saison dernière avec. C’est un super produit, avec un vrai travail sur la filtration des vibrations et sur la géométrie. Si je peux avoir un vélo différent pour le XCC et le XCO, c’est un choix que je peux considérer pour le Short Track, pas pour un tracé d’épreuve olympique de coupe du monde. C’est aussi un vélo que je vais rouler à l’entraînement, j’aime bien rouler en semi-rigide à l’occasion, ce sont de belles sensations.

Quels sont tes objectifs pour 2025 ? De nouveaux challenges ?

J’aimerais mieux enchaîner les deux épreuves du week-end (XCC et XCO). J’espère aussi pouvoir signer à nouveau un top 10 en XCO. Revivre de belles émotions à l’avant de la course, sentir que je suis capable de démarrer vite, jouer dans le groupe d’échappés… Ressentir l’excitation, que je suis capable de me bagarrer avec les meilleurs pilotes de coupe du monde, c’est ça mon vrai objectif pour 2025. J’ai aussi envie de profiter et de me donner à 100%, car les places sont chères !

C’est un vrai pic d’émotion pendant quelques jours, et puis tu reviens à la maison, et le décalage est compliqué, c’est une vrai baffe.
Pierre de Froidmont - Orbea Fox Factory Team

L’année dernière, les JO ont occupé beaucoup de place, ça fait quoi l’après JO ? C’est un sujet dont on parle peu.

C’est clair qu’avant les JO, il y a beaucoup de stress, mais c’est quelque chose que l’on connaît en tant que pilote. Si je devais mettre un mot sur « l’après » par contre, je dirais intéressant. Pour moi, ça a été très difficile pendant les trois semaines qui ont suivi. Simplement, car il y a une décompression, tu as pensé à ça tous les jours pendant plusieurs mois, voire plusieurs années pour certains. Une fois que c’est passé, c’est difficile, car tu rêvais d’autre chose, c’est humain, tu attendais plus. Je suis content de moi, j’ai livré une bonne performance, mais tu espères toujours plus. Quand tu rentres à la maison après les JO, tu es complètement perdu. Sur place, il y a plein de stimulus, tu vis plein d’émotions fortes, tu as un statut privilégié, tu vis un truc inouï. C’est un vrai pic d’émotion pendant quelques jours, et puis tu reviens à la maison, et le décalage est compliqué, c’est une vraie baffe. Je pense qu’il faut le temps de digérer pour revenir à un mode de vie plus classique. Ça revient assez vite, je me souviens être content de retrouver les dernières coupes du monde de l’année, elles avaient une saveur particulière sachant qu’il n’était plus question de points UCI ou de qualification. C’était juste le plaisir de faire la course. C’est très marquant comme évènement, c’est très puissant, mais c’est aussi passager, c’est fort intense sur le moment, et au final tu n’en retiens que des bons souvenirs. 

C’est drôle, c’est tellement déroutant comme événement que je n’ai rien posté sur les réseaux sociaux sur les JO… Simplement, car je ne savais pas quoi dire tellement c’était particulier. Une vraie parenthèse.

On t’a vu t’aligner sur la Rwandan Epic en novembre dernier. C’est un format de course que tu apprécies ? D’autres projets, ou juste des idées/rêves de ce style, en tête ?

La participation au Rwandan Epic vient d’une réflexion plus large, où je me rends compte qu’avoir du matériel à disposition, avoir une bonne forme, avoir le temps de voyager, ça ne va plus durer des années et des années. Je veux absolument profiter de ces moments de partage sur le vélo avec les autres. Je l’ai fait avec un ami et c’est un événement sportif qui nous lie fortement désormais, c’est vraiment un moment de partage fort ! Pour l’anecdote, c’était sa première compétition en VTT, c’était une magnifique découverte pour lui. Ces moments, c’est ce dont je rêve un peu d’avoir au minimum une fois par saison. L’aventure, le partage… Ça peut être une course par étapes, une aventure bikepacking, une épopée en gravel. Là où il n’y a pas d’obligation, pas de compétition, mais où l’on répond plutôt à l’appel de l’aventure.

Par  Adrien Protano