Par Paul Humbert -
Loïc Bruni est champion du Monde 2015, il a remporté la manche de coupe du Monde de Cairns en Australie cette année et il revient de blessure, on l’espère, plus fort que jamais. Découvrez notre interview du porteur du maillot arc-en-ciel et entrez dans l’intimité d’un des pilotes les plus talentueux de sa génération.
Je ne suis pas encore de retour au départ d’une course mais tout est costaud, l’os est ressoudé même si mon épaule a perdu en force. Comparé à avant, j’aurai un peu moins de facilité mais ce n’est que temporaire.
Comment as-tu fait pour revenir à niveau?
J’ai beaucoup travaillé avec des kinés mais pas encore avec des médecins du sport. Je réattaque progressivement. Au début, ma convalescence et ma rééducation ont été on ne peut plus classiques, mais là je retrouve les gens qui s’occupent habituellement de moi sur les courses, et notamment mon masseur Werner de Specialized. Je me suis également rendu une semaine au CERS à Saint-Raphaël, un centre européen de rééducation.
Quand seras-tu au départ d’une course ?
Pour l’instant je remonte sur mon vélo de descente et j’essaye de retrouver de la vitesse. Il n’est pas l’heure de tester de nouvelles choses et je travaille sur mon retour pour retrouver de la confiance. On se retrouve à Mont Saint-Anne. Peu importe la piste, je suis vraiment content de revenir même si ça ne sera pas facile.
Qu’as-tu fait pendant ta convalescence ?
Je me suis bien fait chier ! J’ai tout de même avancé sur mon travail pour mon école et notamment sur mon rapport de stage réalisé en Californie chez 100%. Je suis en M1 (Bac +4) « advanced business track » et je le réalise en deux ans. Après la saison, je vais repartir en stage chez Specialized.
Tu as vraiment bossé chez ton sponsor 100% ?
Plus ou moins ! C’est moi qui ai demandé à bosser mais c’était tout de même un stage bien relax. Pour mon M2 (Bac +5), j’aimerais me tourner vers le « product development ». J’aime ça, je ne pense pas faire de la conception pure mais travailler et développer le produit, ça m’intéresse. Développer quelque chose comme le Swat chez Specialized, c’est quelque chose que j’aimerais faire.
En Californie, j’étais avec Jacko (mon mécano) et on a eu pas mal de temps pour tester du matériel. On a fait beaucoup de supercross et j’ai essayé d’aider 100% pendant les évènements. J’ai lavé les camions un paquet de fois et j’ai rangé pas mal de choses. J’ai également passé les commandes pour les autres athlètes de la marque même si ce n’était pas passionnant. Après, j’ai bossé sur une pochette de casque qui permet de voyager avec toutes ses affaires et un unique sac. C’est quelque chose que je trouve nécessaire pour la gamme. Je l’ai dessiné sur papier, puis sur l’ordinateur et la marque m’a laissé travailler là-dessus.
Je me suis bien fait aider par le gars en charge des casques et des protections et une fois que j’ai présenté mon projet, l’équipe n’avait pas l’air opposée à une éventuelle mise en production. J’ai espoir qu’ils le fassent et sinon je relancerai le projet chez Specialized.
C’est facile de travailler dans une marque américaine ?
En tant que stagiaire et quand on est pilote pro, oui. L’ambiance est vraiment bonne et on a envie de rester au boulot mais on sent qu’il y a beaucoup de pression et que ça ne chôme pas.
Après avoir décroché ton titre l’an passé, tu as enfin débloqué ton compteur en coupe du Monde à Cairns. Quelque chose a changé cette année ?
L’année dernière, j’étais vraiment proche à chaque fois et je n’arrivais pas à trouver quelque chose que je faisais mal. Cette année, le fait d’avoir changé de vélo nous a ouvert beaucoup de possibilités et avoir beaucoup bossé cet hiver nous a permis d’optimiser tout ça. Le vélo m’a permis d’arriver à faire de nouvelles choses et de rouler plus vite.
Au début ça a été dur. On est passé d’un alu à un carbone. J’avais du mal à me sentir « moi ». Je voyais que le vélo roulais bien mais je n’étais pas certain d’aller vraiment vite. À Lourdes nous ne nous en sommes pas trop mal sortis, je réalise une super qualif avant de tomber en finale, et à Cairns j’ai réussi à gagner.
Ça se joue à des tout petits détails et je pense que ça a compté. Après Lourdes, je me suis recentré et j’ai réussi à me remettre dedans. J’étais un peu en « surchauffe » pendant cette première coupe du Monde. À Cairns en Australie, j’étais un peu plus relax et je savais que cette piste un peu plate n’était pas forcement « ma piste ». J’étais content tout le week-end et ça s’est bien passé. Ça a été dommage de s’arrêter en si bon chemin et de me blesser juste après.
Comment est-ce qu’Aaron Gwin fait pour gagner aussi souvent ?
Déjà, je pense qu’il est très très fort techniquement et qu’il « fait le métier » comme un fou. Surtout, je pense qu’il également super stable mentalement. On ne le voit jamais très content ou très triste.
Ça te fait envie ?
Pas forcément, mais j’aimerais réussir à gagner autant de courses que lui parce que c’est quand même une légende. Je ne le connais pas très bien mais des pilotes aussi sérieux avec un côté plus festif comme Greg Minnaar m’inspirent davantage. On passe peu de temps à faire ce métier et j’ai envie de me faire plaisir et de gagner des courses.
Ton titre a débloqué des choses ?
Pour l’instant ce n’est que du positif même si le maillot a été un petit peu dur à porter à Lourdes, en France. Aujourd’hui, les gens sont contents et ils me reconnaissent un peu plus.
Loïc Bruni écourte notre petite interview de la meilleure manière qui soit et en prononçant une phrase qui nous fait particulièrement plaisir : « Il faut que j’aille rouler ! ».