Interview – Isabeau Courdurier, la nouvelle recrue du team Sunn
Par Olivier Béart -
C’est à La Clusaz, lors d’un petit stage de préparation de l’équipe, que nous avons rencontré la nouvelle recrue du team Sunn, quelques jours avant l’annonce officielle. Beaucoup s’en doutaient et c’est désormais confirmé : la talentueuse sudiste Isabeau Courdurier rejoint Kilian Bron et Thomas Lapeyrie en provenance du team Rocky-Mountain Urge avec lequel elle a décroché deux podiums en 2015 ainsi que la 4e place du classement général des EWS.
Mais depuis aujourd’hui, ce n’est plus un secret : Isabeau Courdurier va donner une touche féminine à l’équipe et augmenter les chances de podium de la manufacture de Machecoul ! Désormais, comme l’annonce cette vidéo, Sunn n’est plus qu’un team de mecs ! [field name=iframe] Peu avant l’annonce officielle, par une matinée enneigée dans la station haut-savoyarde de La Clusaz, nous avons rencontré la charmante petite nouvelle en compagnie de ses deux partenaires. Vojo : Dis-nous Isabeau, Kilian Bron et Thomas Lapeyrie sont quand même de sacrés énervés… tu n’as pas eu peur en rejoignant le team Sunn, ou c’est justement pour eux que tu es venue ? Isabeau Courdurier :En effet, je crois que je ne vais pas m’ennuyer ! Je connais Thomas depuis longtemps, alors que nous roulions en XC tous les deux. Puis, nous venons du Sud. J’ai rencontré Kilian un peu plus tard, en enduro. J’ai toujours su que Thomas était un allumé. Avec Kilian, ce sont des personnalités qui se complètent bien et leur côté fun fait clairement partie des raisons qui m’ont convaincue de rejoindre le team. Pour moi, c’est important de rouler et de partager des choses avec mes équipiers en dehors des courses. Je pense que de ce côté là ça devrait bien marcher et qu’on va passer une bonne saison. Enfin, deux bonnes saisons, puisque j’ai signé pour deux ans, comme Thomas et Kiki qui sont encore sous contrat jusque fin 2017. L’humain joue beaucoup pour moi. Si je ne me sentais pas bien dans un team, je suis sûre que ça influerait sur mes performances. Comme ils nous l’expliquaient dans leur récente interview, Kilian a développé la géométrie du Kern LT en taille M et Thomas en L… mais toi tu vas rouler en S ! Vas-tu pouvoir t’impliquer dans le développement des vélos ? C’est quelque chose qui t’intéresse et que tu n’avais peut-être pas eu l’occasion de faire avant en roulant pour des marques plus grosses et dont le siège est plus lointain… En effet, je n’ai jamais eu l’opportunité de développer un vélo et là, on m’a de suite écoutée. Sunn a carrément développé un vélo à ma taille, du sur-mesure avec mes cotes et la géométrie dont je rêve. Pour le moment, ce sera un modèle unique « Isabeau Courdurier Style », rien que pour moi, mais Sunn verra pour la commercialisation ensuite. Je pense que j’avais un réel besoin de développer un cadre à ma taille car on me disait souvent « il est grand ton vélo »… et à mon avis les gens n’avaient pas tort. Je fais 154cm et j’ai toujours roulé en carbone, sur des S un peu grands, ou un XS chez Rocky Mountain mais qui était encore un peu haut pour moi. Ici, pour le Sunn, on est partis de la base des vélos des garçons, avec un top tube plus court et un tube de selle raccourci au maximum compte tenu de la suspension. La ligne générale du Kern LT reste, mais avec quelques changements visuels qui permettront de reconnaître directement que c’est mon bike. Ne se tenant plus, malgré son poignet encore maintenu par une attèle suite à sa chute à Madère, Thomas intervient : « Dis, Isa, tu me le prêteras… un petit vélo comme ça, ça me donne des idées pour aller faire du pumptrack ou tenter un backflip ! J’ai toujours rêvé de faire un backflip. » Isabeau éclate de rire, mais elle n’a pas l’air d’avoir franchement envie de prêter son nouveau joujou ! Tu as déjà testé ton vélo ? Quelles sont tes premières impressions ? On se doute qu’il roule bien, mais au-delà de ça, il y a des choses qui t’ont marquée lors des premiers contacts ou des choses que tu dois encore faire évoluer, dans les réglages notamment ? Oui, j’ai déjà testé le Sunn Kern LT, mais en taille S classique. J’attends encore mon vélo perso. Ce qui m’a marquée, c’est que j’ai trouvé de suite l’équilibre sur le vélo. Le Kern est une machine super stable, qui ne bouge pas. Cela donne une sensation de sécurité que j’apprécie. C’est toujours dur de changer de vélo, il y a toujours une inconnue mais là, ça a validé ma décision d’aller chez Sunn. Dans la pente et le défoncé, il se comporte aussi super bien. La suspension reste plaquée au sol de façon assez incroyable. La première fois que j’ai roulé le Kern LT, j’étais à 1 seconde de mon KOM Strava sur ma descente de référence… sous la pluie ! Maintenant, quand j’aurai mon XS, je vais beaucoup tester les pneus et les jantes. J’ai hâte de voir ce que racontent les jantes carbone de Sram, car je n’ai jamais roulé qu’avec des cercles en alu. Je vais aussi beaucoup tester les gommes Hutchinson. Venant du XC, j’ai moins vite le feeling sur les pneus, je ressens moins les différences. Je pense que ça peut venir, mais il fait que je teste beaucoup. Au niveau de la transmission, je vais passer de Shimano à Sram, mais je ne me tracasse pas. Par contre, je suis aussi superch…te sur les cintres et poignées, cruciales avec mes petites mains ! Je reste chez Race Face, mais vu que c’est un nouveau vélo je vais devoir refaire des tests pour trouver les bonnes largeurs et longueurs de cintre et potence. Les deux gars du team sont à Annecy, et ils ne jurent que par le Mont Veyrier. Ils t’y ont déjà emmenée ? A nouveau, Thomas Lapeyrie ne peut s’empêcher d’intervenir : « Avec mon poignet blessé, vu que je ne peux pas rouler, j’ai fait plein de course à pied/trail dans le Veyrier et même comme cela, c’est vraiment super. J’adore cette montagne ! » Isabeau Courdurier reprend le crachoir : « Oh oui qu’ils m’en ont parlé ! On va d’ailleurs peut-être y aller en fin de stage, selon l’enneigement. C’est leur spot, et ils le « vendent » bien ! Il faudra que j’y aille. »
Et toi, les as-tu déjà emmenés sur tes spots favoris dans le Sud ?
Pas encore depuis que nous sommes coéquipiers, mais nous avons déjà roulé ensemble dans le coin. Thomas connaît déjà un peu vu qu’il est originaire de la région et, entre enduristes et descendeurs du coin, on roule souvent ensemble. On est tous potes. En début de saison 2016, il est prévu que Thomas vienne faire l’Endur’Oppidum et le Cochonenduro en mars en guise de préparation. Il faudra aussi qu’ils viennent voir mon Veyrier à moi, le Regagnas près de Marseille, Draguignan. Il y a plein de pistes plus ou moins secrètes là-bas. Je suis affiliée au BMX club local et tous les dirters/BMXers qui se sont mis à l’enduro, comme Bryan Regnier et d’autres, viennent rouler avec moi sur les sentiers du coin. Après, en « échange », ils m’emmènent en BMX. C’est donnant-donnant !
C’est le début de l’année, tu as pris de bonnes résolutions le 1er janvier… les as-tu tenues ? On apprend notamment sur ta page Facebook que tu ne boiras plus de bières, que tu n’achèteras plus de fringues. C’est vrai ça ?
Euh, non, pas du tout ! Mes potes le savent bien, moins les gens du milieu de l’enduro, mais j’ai une vraie addiction aux fringues et ce n’est pas près de s’arrêter (rires). Puis, dans ma famille, la bière c’est un peu tradition. S’ils viennent sur les courses avec moi, ils sont toujours faciles à trouver : il suffit de regarder près du bar ! Non, tout cela, ce sont de fausses résolutions ! La seule vraie que j’ai prise, il y a plusieurs années déjà, c’est de continuer à faire ce qui me plaît à fond.
Les pilotes EWS parlent souvent de la très bonne ambiance qui règne sur les courses. C’est vrai aussi chez les filles ou la rivalité s’exprime de façon différente ?
C’est vrai aussi chez les filles, mais c’est encore différent, plus fort. Beaucoup plus fort. On est un petit groupe de 30/40, vraiment très soudées. Si quelqu’un crève, on va s’aider. On se tire les unes les autres vers le haut. Quand le chrono tourne, il y a de la rivalité, mais à distance. Après, on félicite et c’est très positif car ça fait avancer le sport. En XC et sur route, je n’ai jamais vu cela. Des souvenirs que j’en ai, c’était limite de l’intimidation. Ici, on discute même des spéciales, on se rassure. Une Cécile Ravanel par exemple, vient souvent près de la ligne de départ pour encourager les autres.
Tracy Moseley est aussi toujours là pour les autres, elle donne de bons conseils… elle va me manquer d’ailleurs ! Elle va manquer à beaucoup de monde.
D’un autre côté, sa retraite, ça fait une place gagnée sur le podium…
Oui, peut-être, mais ce n’est pas comme cela que je le vois. Ce n’est pas de la blague, et ça montre vraiment le bon esprit qu’il y a entre nous.
Sens-tu une réelle égalité hommes/femmes en enduro ou il y a encore du boulot ?
Ce n’est pas encore tout à fait gagné, mais les choses bougent. On a eu pour la première fois une égalité dans les prize money à Whistler cette année. Et je trouve cela juste car on fait les mêmes spéciales, le même parcours, aussi dur. On soude autant en spéciale et il y a autant de risques. Ce n’est pas encore généralisé mais le mouvement est lancé. Il faut continuer et ça va marcher, on va arriver à une vraie place pour les filles. D’autant que l’enduro me semble vraiment fait pour les filles, je ne parle pas nécessairement de la compétition, mais de l’esprit enduro, de se retrouver pour rouler, prendre du plaisir, se lancer des challenges techniques, etc.
Je ne pense pas qu’il faut changer les parcours EWS pour les filles, les faire plus courts ou changer les liaisons.
C’est bien qu’on ait le même traitement que les hommes, ça valorise notre performance. C’est d’ailleurs un peu dommage qu’on ne parle pas assez de cet aspect. Les gens qui ne suivent pas le sport de façon assidue ne s’en rendent peut-être pas compte. Puis, je salue aussi les amateurs, les vrais, et il y en a aussi chez les filles. Je veux parler de ces gens qui bossent jusqu’au vendredi et qui font le week-end EWS dans la foulée. Par contre, il ne faut pas chercher à faire toujours plus dur et que ça devienne une sorte de course entre les organisateurs pour savoir « qui a fait le plus dur ».
L’EWS te permet de beaucoup voyager : il y a des destinations qui t’ont marquée, et d’autres que tu as pointées dans le calendrier 2016 pour allonger le séjour et découvrir la région ?
Celle qui m’a le plus marquée, c’est le Chili en 2014, surtout car j’ai passé une semaine à La Parva, où on était avec les ouvriers qui retapaient la station qui était fermée. Mais nous avons eu un accueil super. Un des ouvriers nous a pris sous son aile, sa femme nous préparait des petits plats, etc. Ce sont des souvenirs uniques. Je me réjouis d’y retourner sur les EWS 2016 et de découvrir une autre partie du pays. Evidemment, il y a aussi la Nouvelle-Zélande 2015, où j’étais à la série d’ouverture des Crankworx, en prélude aux EWS, et on a eu droit à de nombreuses animations dont une cérémonie Maori qui m’a marquée. Puis, le départ de l’EWS, au milieu des Geysers, c’était grandiose !
On te verra encore régulièrement en France ou moins ?
Oui ! l y a quelques belles épreuves, comme la Mega ou la Mountain Of Hell que je vais faire car ce sont mes gros coups de coeur. Ce sont des objectifs aussi ! Je serai également au Vélo Vert Festival, aux Crankworx des Gets, mais hors course. J’aime aussi rouler sur ces événements sans pression. Du côté des Enduro Series françaises, je ferai juste Allos. Kiki fera Raon l’Etape mais pour moi c’est trop loin. Je ferai aussi quelques courses régionales en guise de préparation en début de saison.
Tout autre chose : nous avions beaucoup aimé tes race-report et ton côté Bernard de la Villardière face à la caméra. Tu nous prépares d’autres vidéo ?
Je m’étais régalée à faire ça, c’est vrai. Je vais peut-être refaire une petite apparition derrière le micro, mais on va dépoussiérer le personnage. C’est un bon moyen de parler de la course, sans se mettre de pression. Faire un truc genre « pit-chat », ce serait sympa. En tout cas ce sont de bons souvenirs et on va essayer de remettre le couvert, même si c’est beaucoup de boulot.
Ah, zut, avec tout ça on ne t’a pas demandé quels sont tes objectifs pour la saison 2016… tu nous en veux ? Si c’est le cas, c’est le moment…
Non, pas du tout, je ne t’en veux pas. Je ne suis pas du genre à me fixer des objectifs hyper précis et à les afficher. Ce n’est pas ça qui va dicter ma saison. Je fais les choses pour moi, je me mets des objectifs, mais plus personnels et je m’entraîne pour les atteindre, mais ce ne sont pas des barrières et je m’en remettrai si j’y arrive pas, même si je suis du genre tenace. En fait, ce sont plus des objectifs dans la durée.
Mais, avoue, gagner un EWS, tu en rêves bien la nuit !
Oui, c’est vrai que j’aimerais bien, mais je sais que c’est très ambitieux. (Cependant, à voir la tête de Kilian et Thomas, on sent que ses nouveaux coéquipiers savent qu’elle en est capable et qu’ils feront tout pour l’aider à y arriver, NDLR).
Cette année sur les spéciales techniques, je sais que je peux aller chercher des scratches et je veux remonter sur le podium avec le Sunn.
Je m’applique beaucoup et je suis dure avec moi-même… Parfois un peu trop d’ailleurs car je peux me faire très mal pour y arriver. Par exemple, en Nouvelle-Zélande l’an dernier, comme j’ai passé l’hiver au Canada, je suis arrivée en ayant fait 2 fois du vélo à l’inter-saison et me suis mise dans le dur. Je ne savais plus comment je m’appelais, j’étais mal, en hypo, cramée. Et finalement, je fais 7e dans la dernière SP. Rétrospectivement, je me dis que c’était limite dangereux. Mais on m’a appris à ne jamais abandonner. Autre exemple, à Whistler en 2014, j’avais le coude cassé… et j’ai quand même essayé de rouler sur le park pour être sûre que je n’arriverais pas à rouler. Au final, j’ai dû faire 3m avant de hurler de douleur, mais il fallait ça pour me convaincre. Pour l’an prochain, avec Laurent Solliet (qui est aussi le préparateur de quelques riders locaux nommés Bruni, Nicolaï, Cure ou encore Vouilloz, NDLR), on va travailler sur la muscu, je fais beaucoup de BMX aussi pour gagner sur le physique qu’il me manque depuis toujours, sans perdre la technique. Je pense que ça va porter ses fruits et que je vais pouvoir passer un cap l’an prochain…
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Photos : Romain Laurent Photography