Interview | Hélène & Perrine Clauzel : « ça fait du bien de retrouver le monde du vélo ! »

Par Léo Kervran -

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Interview | Hélène & Perrine Clauzel : « ça fait du bien de retrouver le monde du vélo ! »

Mi-juillet, en temps normal une période où la saison bat son plein et où les athlètes enchaînent les championnats nationaux, les coupes du Monde sans passer beaucoup de temps à la maison. Mais cette année, le Covid-19 et les différentes mesures de sécurité sanitaire en ont décidé autrement. Pour beaucoup d’équipes, c’est même la première fois de l’année qu’elles peuvent se retrouver au complet pour planifier et mettre au point le matériel avant les échéances de la fin d’été. A l’occasion du camp d’entraînement de leur équipe Cube – Pro Fermetures – Sefic, nous avons retrouvé Hélène et Perrine Clauzel pour leur demander comment on gère une telle situation en tant qu’athlète, si cela affecte leurs objectifs mais aussi, plus simplement, comment elles se sentent dans cette « petite » équipe à l’ambiance très familiale, elles qui sont toutes deux passées dans certaines des plus grosses équipes du paddock. Entretien :

Vojo : C’est votre premier team camp de l’année, qu’est-ce que ça fait de se retrouver pour la première fois en juillet ?

Hélène : C’est bizarre, hein ?

Perrine : Oui c’est particulier, on a l’habitude de se voir beaucoup plus tôt pour organiser la saison. On a rendez-vous en général au mois de janvier-février pour planifier, pour se retrouver.

Hélène : Avec le confinement au final on n’a vu personne pendant deux mois, trois mois donc ça fait du bien de retrouver un peu le monde du vélo, de retrouver le team…

Perrine : D’échanger aussi sur les courses qui arrivent, on est un peu tous dans l’euphorie de se retrouver, de rouler en compétition quoi !

Puisque tu abordes le sujet des courses, on a appris cette semaine l’annulation de la coupe du Monde des Gets (l’interview a été réalisée le 12 juillet, soit quelques jours après l’annonce de l’annulation des coupes du Monde des Gets et de Lenzerheide) ce qui repousse encore la saison de coupe du Monde. Pour quand est prévue votre reprise ?

Hélène : Oui, on espère qu’on va quand même avoir une saison. Je reprends la semaine prochaine [le 19 juillet, elle a terminé 7° U23] à Leukerbad, en Suisse. Ça va être une mini-coupe du Monde, ça va être dur mais après je ne me fixe pas vraiment d’objectif, c’est une course pour se remettre dans le bain des compétitions, remettre toutes les routines en place… Une course aussi pour revoir tout le monde et voir où on en est au niveau de l’entraînement parce qu’au final, on s’entraîne tous chez soi mais on ne sait plus vraiment le niveau qu’on a. Ça va donc faire du bien mais ensuite il faudra attendre la première manche de coupe de France, à Val d’Isère…

Perrine : Non, à l’Alpe d’Huez !

Hélène : Oui pardon, à l’Alpe d’Huez. Ensuite je vais enfin pouvoir participer aux championnats Grand Est, je crois que c’est la première fois depuis qu’ils existent. Derrière, les championnats de France et après on verra ce que ça donne.

A la base, on s’était tous dit « le mois de septembre est réservé aux coupes du monde »

Perrine : Après il y a un mois avant d’arriver à Nove Mesto, la première manche de Coupe du Monde donc c’est particulier. Seulement une coupe du Monde dans la saison, enfin deux mais au même endroit et tard. Ça enchaîne tout de suite sur les championnats du Monde derrière et après ça, habituellement la saison est terminée, mais cette année il nous restera encore une coupe de France à Levens.

Hélène : Si tout va bien !

Perrine : Oui, si tout va bien. C’est vraiment une saison très particulière et c’est compliqué de se projeter dans la saison. A la base, on s’était tous dit « le mois de septembre est réservé aux coupes du monde » mais là, on a 4 manches qui sautent, c’est vraiment difficile de se projeter même pour l’entraînement. On a quand même su les dates des courses assez tard, pour une préparation c’est pas évident. Après, ce sera pareil pour tout le monde et je me dis que c’est une année comme ça.

 

Tu m’offres la transition parfaite pour la question suivante : comment se passe l’entraînement en ce moment ? On a l’impression que les premières courses sont loin alors que c’est dans un mois, voire dans une semaine pour toi Hélène. Sans oublier que tout peut encore bouger, il n’y a rien de vraiment fixé, de stable. Comment on gère son entraînement dans une telle situation ?

Hélène : En fait, avec mon entraîneur (Philippe Chanteau, également entraîneur du Pôle France), on s’est vraiment fixé l’objectif des coupes de France et des championnats de France pour le moment. Ce sont des circuits très similaires avec l’Alpe d’Huez et Les Menuires donc je suis vraiment concentrée là-dessus pour le moment. Après, on préparera les échéances comme elles arrivent.

Pour se débarrasser de ta deuxième place ? (Depuis 2016, Hélène a terminé 4 fois deuxième des championnats de France, derrière Lucie Urruty puis Loana Lecomte).

Hélène (rires) : Oui ce serait bien, ça fait 5 ans là, c’est un peu long ! Il faut que pour une fois j’y aille vraiment sans pression, que je fasse de mon mieux. Je ne mise pas tout là-dedans, je suis contente de rouler en ce moment mais ce serait bien de s’en débarrasser quand même !

Perrine : De toute façon, la situation sera la même pour tout le monde. Elle est dans un bon esprit, elle est motivée, elle est assidue et concentrée dans tout ce qu’elle fait donc à un moment ça va payer, la deuxième place tu vas l’enterrer et on n’en parlera plus.

Hélène : Oui surtout que l’année dernière, je finis à quoi, 17 s [19 s, en réalité], c’est rien ! Tu te dis, 17 s, j’aurais été un tout petit peu plus vite à chaque tour dans les descentes et ça passait.

Perrine : Oui après l’Alpe d’Huez c’était quand même un circuit qu’on ne connaissait pas, c’était particulier et c’était en altitude. Les Menuires c’est aussi en altitude, à peine moins haut mais il faut le prendre compte, mais c’est surtout un circuit qu’on connaît, tu as performé dessus, tu as été championne de France je crois [en 2014, chez les cadettes] et ça peut rappeler des souvenirs.

Et toi Perrine ?

Perrine : Pendant le confinement j’ai fait beaucoup de vélo sur les plateformes de cyclisme virtuel. J’ai beaucoup roulé avec Zwift mais c’est pas évident de continuer à avoir un entraînement, tout bêtement. Les compétitions s’annulaient, pendant les mois de confinement on était complètement incertains sur le maintien ou non des courses et j’ai trouvé que c’était très difficile de planifier quelque chose quand tu n’as pas d’objectifs, quand tu n’as pas de dates. A partir du moment où on a su les dates, c’était pas longtemps avant la fin du confinement. On se disait « août, pour la première coupe de France, c’est dans longtemps » mais finalement c’est arrivé relativement vite. On a tous repris nos entraînements en extérieur. J’ai continué à faire encore un peu d’endurance mais de plus en plus de spécifique, comme disait Hélène dans l’objectif du mois d’août !

C’est très difficile de rester concentré quand tu n’as pas d’objectifs.

C’est pas évident parce que je me préparais aussi pour le mois de septembre, on savait que ça allait être un mois chargé. J’avais à cœur de rouler à Lenzerheide car c’est vraiment un circuit que j’apprécie énormément, en plus c’était la première donc je m’étais fixé cet objectif, au milieu entre août et septembre. Finalement quand ça a sauté j’étais un peu déçue, Nove Mesto ça repousse encore, c’est encore plus loin, fin septembre… C’est vraiment long.

Hélène : En fait, on va avoir un mois d’août et après il va falloir s’entretenir pour la fin septembre et essayer d’être performante sur les deux seules coupes du Monde de l’année.

Perrine : C’est pour ça que ce n’est pas évident, il n’y a pas de compétitions entre la fin août et la fin septembre.

Hélène : Il va peut-être y avoir des courses régionales mais c’est pas pareil, c’est pas la même préparation et pas le même enjeu. Il faut se dire que ça va être pareil pour tout le monde, nos entraîneurs vont gérer ça au mieux…

Perrine : Pour eux aussi c’est une sacré épreuve !

Hélène : Le truc c’est que tu fais un plan et trois semaines après tu apprends que ton plan ne va pas forcément coller… Là par exemple on avait fini notre prépa physique, on avait fini tout ce qui était force et là on a dû reprendre la force et la résistance lactique alors que normalement on fait ça l’hiver. On a dû recommencer en juin donc c’est assez particulier pour les entraîneurs comme pour nous, mais c’est aussi une qualité de savoir s’adapter et je pense que tout le monde ne va pas en être capable.

Profiter du soleil et enchaîner les kilomètres chez nous, je trouve ça top !

Perrine : Moi je trouve ça plutôt cool aussi de pouvoir faire des sorties longues en endurance par ce beau temps, habituellement il faut descendre dans le sud ou en Espagne pour avoir un temps correct et enchaîner les kilomètres. Là notre cycle endurance a été un peu prolongé et pour ma part ça m’a fait le plus grand bien. J’ai terminé ma saison de cyclocross le 2 février, j’ai coupé une dizaine de jours et après je suis partie en stage, mais mon cycle endurance s’est beaucoup raccourci. Le confinement m’a permis de faire un entraînement endurance plus long et ça ne m’a pas déplu. Profiter du soleil et enchaîner les kilomètres chez nous, je trouve ça top !

Hélène : C’est vrai que pour nous c’est un peu problématique, on va réussir à gérer mais comme on fait toutes les deux une saison de cyclocross après, forcément c’est plus compliqué. Cela dit, comme on n’a pas vraiment de saison de VTT celle de cyclocross on va l’enchaîner.

Perrine : Ce n’est pas évident non plus, on s’est quand même entraîné depuis février. Il n’y avait pas que du spécifique mais il y aura quand même l’accumulation dans les jambes de tes séances d’entraînements.

Tu veux dire qu’il y aura peut-être un risque d’arriver fatigué aux championnats du Monde, sans avoir beaucoup couru mais en s’étant entraîné pendant 8 mois ?

Perrine : C’est exactement ça, il faudra y faire très attention je pense et vraiment bien en discuter avec nos entraîneurs.

Hélène : Après je trouve que l’entraînement ça va, on se repose quand même pas mal. Là on est tout le temps chez nous, d’habitude à cette période on vadrouille tout le temps, de pays en pays, on fait des kilomètres et des kilomètres de voiture. Je pense que mentalement on va être bien plus reposé et c’est aussi ce qui peut nous mettre bien pour la saison de cyclocross, on sera requinqué et on aura envie d’aller faire des courses.

Deux petites questions pour clore le chapitre compétition. Perrine, tu ne nous as pas dit quels sont tes objectifs ?

Perrine : Pareil que pour Hélène, championnats de France et derrière, essayer de ne pas être trop à la ramasse à Nove Mesto. Moi mes gros objectifs seront plutôt sur le cyclocross, comme c’est une saison bizarre les objectifs sont assez « rapides ». Je ne pense pas que je suis assez performante pour aller aux championnats du Monde de VTT. J’ai pas forcément d’objectif en VTT, juste performer sur les coupes de France et le championnat de France.

Justement, puisque tu abordais la saison de cyclocross à l’instant, est-ce que cette saison de VTT écourtée et décalée vous donne la possibilité d’essayer d’autres choses que vous n’aviez pas prévu, de revoir vos objectifs pour le cyclocross… ? Des choses que vous n’auriez pas fait si c’était une saison de VTT normale.

Perrine : Non, nous ça n’a rien changé.

Hélène : Au final ça n’a pas changé grand-chose parce qu’on savait depuis l’hiver dernier qu’on referait du cyclocross. On a toujours l’ambition d’aller faire les championnats d’Europe et du Monde de cyclocross et performer sur le championnat de France de cyclocross mais je pense qu’il va y avoir beaucoup de monde qui va vouloir aller faire du cyclocross cet hiver. Comme Pauline [Ferrand-Prévot], à mon avis c’est le genre de fille qui sera beaucoup plus présente que les années précédentes. Avec les Jeux Olympiques l’année prochaine, il va forcément falloir courir et comme Pauline adore le cyclocross on va la retrouver là-bas je pense et il y pas mal de vététistes qui vont basculer sur la saison d’hiver. Mais nous, comme on savait déjà qu’on faisait du cyclocross ça ne change rien.

Pour revenir un peu sur ce team camp, c’est la première fois de la saison que vous vous voyez et votre équipe a eu quelques difficultés pour rassembler tout le matériel, vous avez donc eu vos vélos tard. Quel est l’objectif de ce rassemblement ? Plusieurs de vos partenaires sont ici, Suntour pour les suspensions, Magura pour les freins, SQ Lab pour les points de contact, Chaoyang pour les pneus…

Hélène : C’est un peu de tout, on a eu nos vélos il y a pas longtemps donc on essaye de faire un peu tous les réglages. Avec Suntour surtout c’est super important, on n’a pas l’occasion de les voir tout le temps donc là on a 3 jours pour le faire, c’est top. Comme il n’y a pas de compétitions ça permet de faire de la communication sur le team, d’avoir des photos, de montrer qu’on est présent et de rouler ensemble, parce qu’on avait aussi envie de se revoir ! C’est un team camp qui fait un peu tout, on profite des coureurs, on profite des sponsors et du beau temps !

Perrine : Pour ma part, j’ai déjà fait des training camps avec des partenaires mais autant, c’est la première fois je crois. D’habitude, on fait souvent un rassemblement suspensions mais de là à avoir presque tous les sponsors !

Hélène : Oui, c’est bien parce qu’au final on peut discuter de tout.

Perrine : L’esprit est plus relax, certes on est dans la préparation encore et encore mais la mentalité est moins stressée, on est beaucoup plus détendu et ça se ressent chez tout le monde.

Hélène : Tout le monde avait envie de se retrouver et ça se ressent beaucoup, on est détendu, on profite de la situation pour pouvoir échanger, voir une grande partie des sponsors et c’est pas mal. Surtout pour moi, c’est ma première année dans l’équipe, je connaissais un peu les coureurs grâce à Perrine mais ça fait du bien de se retrouver.

Ça tombe bien que tu en parles, je voulais revenir sur ton changement d’équipe : l’année dernière, tu étais chez KMC-Ekoi-Orbea, qu’est-ce que ça fait de changer d’équipe et de retrouver ta grande sœur ? Comment les relations se passent entre vous deux ?

Hélène : Ça fait toujours bizarre de changer d’équipe, ça faisait deux ans que j’étais avec KMC-Ekoi-Orbea. Parfois le changement ça ne fait pas de mal, c’est sûr qu’il y a toujours des choses qui changent et qui sont plus ou moins bien mais Perrine et moi je pense qu’on apporte pas mal de choses à l’équipe, même si je suis passée par moins de teams qu’elle. On est passé par des grosses équipes et on peut donner notre expérience, dire ce qui va, ce qui ne va pas. Mais je suis contente d’être ici et encore plus avec ma sœur, on se chamaille pas mal mais au final on s’entend quand même très bien. Heureusement d’ailleurs, sinon on ne pourrait pas se supporter dans une équipe ! On se dit les choses quand ça ne va pas, parfois dans une équipe on n’ose pas trop se dire les choses entre filles mais là on n’hésite pas et je pense que c’est mieux.

Perrine : Ce qui est bien aussi dans cette équipe c’est qu’on est plusieurs filles [l’équipe compte également Constance Valentin chez les espoirs et Léane Delanoë en juniors] et ça fait du bien. Je suis passée par des équipes où j’étais toute seule et là, d’être dans une équipe avec des filles… C’est bien d’être dans une équipe avec des mecs mais de temps en temps, avoir des filles ça fait du bien et ça permet de parler d’autre chose. Eux, ils sont tout le temps « matos » (rires). Ils nous en apprennent beaucoup mais avoir des filles dans l’équipe, c’est important.

Et dans l’autre sens, pour toi Perrine ? Avec Kevin Panhuyzen, tu es l’une des plus âgées et des plus expérimentées de l’équipe. Est-ce que ça te confère un rôle différent dans l’équipe, vis-à-vis des plus jeunes ?

Perrine : Oui, je suis passée par beaucoup d’équipes, je suis aussi passée par BH [de 2014 à 2016, l’équipe est depuis devenue KMC-Ekoi-Orbea] donc ça m’a permis de voir des choses que maintenant je peux mettre en place et dont je peux discuter avec les team managers de l’équipe pour essayer de faire évoluer l’ensemble dans le bon sens. D’être dans une équipe comme celle-là et d’être la doyenne ça me plaît bien car finalement, c’est toujours intéressant de discuter aussi de son parcours avec les autres et d’apporter son expérience. Je pense que j’en apprends encore maintenant, avec toutes les nouveautés techniques ce week-end j’ai encore appris et je pense qu’on a tout le temps à apprendre, que ce soit moi ou quelqu’un d’autre. On a la chance d’avoir Kevin en plus qui est belge, il a encore une autre approche à nous donner.

Hélène : Il ne voit pas forcément les choses de la même manière.

Perrine : C’est une autre culture, une autre approche et c’est vraiment bien. Je suis contente d’être dans une équipe où je suis la doyenne et ça me plaît bien d’être la petite maman, ça me convient !

Hélène : Ce qui est bien dans cette équipe c’est que c’est familial, on est passé dans des équipes où c’était vraiment professionnel mais au final se retrouver dans une équipe familiale c’est pas mal non plus, moi qui suis très énergique ça me permet peut-être de me poser un peu plus, ça change et ça fait pas mal.

On l’a compris, cette année particulière a poussé athlètes et entraîneurs à se réinventer, pour garder la motivation de s’entraîner et s’adapter à un calendrier sans cesse en mouvement. Alors que les premières courses se rapprochent de plus en plus, c’est désormais l’impatience qui domine et avec aussi peu de confrontations entre les athlètes avant les grandes échéances, on se dit que des courses comme les championnats nationaux pourraient bien réserver quelques surprises. Bien dans leur équipe et confiantes dans leur préparation, Hélène et Perrine Clauzel sont impatientes de retrouver les circuits et on les comprend ! En France, la saison devrait débuter à l’Alpe d’Huez les 07, 08 et 09 août pour la première manche de coupe de France.

Photos : Hoshi Yoshida

ParLéo Kervran