Interview & Bikecheck | Kate Courtney, la surprise arc-en-ciel - L'interview de Kate Courtney
Par Olivier Béart -
Lorsque la très expérimentée Annika Langvad a pris les commandes du championnat du Monde 2018 à Lenzerheide, tout le monde pensait que la messe était dite. Mais c’était sans compter sur le retour de sa désormais ex-coéquipière, la jeune Kate Courtney, qui l’a déposée pour aller cueillir son premier titre mondial. Une surprise ? Oui, dans la mesure où il s’agit de sa première grande victoire internationale en Elite. Mais non pour ceux qui suivent la souriante américaine depuis ses débuts et qui connaissent son talent. Parmi eux, Thomas Frischknecht, le manager de son nouveau team Scott/Sram. Nous avons eu l’occasion de les rencontrer lors de la présentation du nouveau groupe Sram AXS, pour essayer d’en savoir un peu plus sur la championne, son nouveau mentor, et le vélo qu’elle roulera en 2019. Interview et bikecheck :
Rencontre, Kate Courtney
Vojo : Kate, pour commencer, comment ne pas vouloir revenir sur cette incroyable journée du 8 septembre 2018, où tu as décroché le titre de championne du monde pour cette première année dans la catégorie Elite. As-tu réalisé de suite ? Kate Courtney : « Clairement, cela m’a pris du temps de réaliser. J’étais surtout heureuse parce que ma famille avait fait le déplacement et réussir à gagner mon premier titre majeur devant eux, c’était quelque chose de très spécial. D’autant que l’ambiance à Lenzerheide était probablement la plus incroyable jamais vue sur une course de VTT, avec une assistance record. Mais ensuite, la saison était finie et je n’ai pas encore eu l’occasion de porter le maillot en course. Là, j’imagine que cela me fera encore un petit effet supplémentaire, je suis assez impatiente que cela arrive. Par contre, quand je suis sortie pour la première fois en le portant, simplement sur route pour monter le Stelvio, là, j’ai repensé et un peu pris conscience que j’avais bien gagné le titre de championne du monde Elite. » C’est vrai que chez les U23, j’ai progressé petit à petit en faisant 8e du général en 2014 pour ma première année, puis 4e en 2015, 2e en 2016 avant de remporter le général en 2017 pour ma dernière saison dans la catégorie. La transition vers le niveau Elite s’est faite assez naturellement et j’ai vu que j’étais d’emblée compétitive face aux références de la catégorie. Par contre, jusque là, je n’avais jamais eu de réussite sur les championnats du monde (elle n’a jamais conquis le maillot irisé en U23) et je voulais que cela change. J’avais été blessée au genou en juin et j’ai dû faire une petite pause. Mais cela m’a surtout permis de vraiment axer toute ma deuxième partie de saison sur un seul objectif, les championnats du monde, et d’arriver avec un vrai pic de forme à ce moment là. On peut ajouter que le parcours de Lenzerheide me convient bien, et au final, tout s’est parfaitement bien déroulé ! Gagner face à ton ex-coéquipière Annika Langvad, avec qui tu as aussi gagné le Cape Epic, c’était quelque chose de spécial ? Non, pas vraiment. Par contre c’est en effet quelqu’un dont je connais bien la façon de rouler. Je savais qu’elle était forte, mais je savais aussi surtout que je pouvais la battre. Quand j’ai vu que je revenais sur elle, j’ai pris confiance. Mais j’ai l’habitude de me concentrer surtout sur ma course la tactique globale, mais moins sur mes rivales, quelles qu’elles soient. Oui, c’est vrai que ce sera un de mes objectifs l’an prochain. Cela montrera que ce titre de championne du monde est juste mon premier titre, mais que ce n’est pas juste un hasard ou un coup d’éclat isolé. J’ai veux donc décrocher une, et même plusieurs victoires en coupe du monde aussi, dès l’an prochain. Avoir le maillot irisé sur les épaules change aussi les choses, on est beaucoup plus regardé. L’an dernier j’ai été régulière dans le top 10 et j’ai réussi à passer un gros cran en fin de saison. Là je veux m’installer dans la durée, et montrer mon arc-en-ciel sur les podiums. Comme on le disait tout à l’heure, la régularité a toujours été une de mes caractéristiques dans la catégorie U23, je vais faire en sorte que cela le soit aussi en Elite. Mais le niveau est très élevé, beaucoup plus serré et il y a beaucoup plus de candidates à la victoire en Elite. Ce sera donc dur mais j’ai mis tous les atout de mon côté pour y arriver. Comme par exemple changer de team et rejoindre Scott-Sram ? Oui. C’est un pas important pour moi. J’ai grandi avec Specialized et je les en remercie. Mais là, avoir l’opportunité d’apprendre aux côtés des meilleurs, avec Nino comme équipier et Frischi comme team manager, c’est juste exceptionnel. L’équipement joue aussi un rôle et ici c’est non seulement le team d’une marque de vélo, mais aussi celui de Sram, qui compte beaucoup sur les coureurs pour tester de nouvelles solutions et développer le matériel. C’est important pour moi et l’assurance d’avoir toujours ce qui se fait de plus pointu. Pour revenir au côté sportif, c’est un vrai team de champions du monde et je sais qu’en les rejoignant, je mets toutes les chances de mon côté pour réussir à atteindre mes objectifs futurs, en coupe du monde, mais aussi aux jeux olympiques. La décision de changer d’équipe remonte à bien avant les championnats du monde ? J’y pensais, en effet, et les conversations ont commencé avant. Firschi vient toujours voir la course des filles, et il n’a pas arrêté même quand Jenny Rissveds n’était plus là. Nous avons parlé plusieurs fois ensemble, et même quand il n’était pas question que je le rejoigne chez Scott-Sram, il m’avait déjà donné quelques conseils. J’ai perçu que c’est un authentique leader, un vrai mentor avec une expérience unique qui peut vraiment m’aider. Il a aussi un vrai souci de transmission que j’apprécie. Garder ton mécano près de toi, c’était important ? Oui, Brad Copeland est plus qu’un mécano pour moi, c’est un ami proche. En changeant de vélo, je voulais garder une certaine continuité en le gardant à mes côtés. Il échange beaucoup avec Yannick, le mécano de Nino, et cela m’aide à trouver plus vite mes réglages sur le nouveau vélo. Dans l’ensemble, le staff de l’équipe est très fort pour cela car niveau postural et suspensions, j’ai trouvé très vite mes repères sur mon nouveau Scott Spark RC, pourtant fort différent de mon vélo précédent. Cela m’évite de perdre du temps et cela va me permettre, je l’espère, d’être compétitive directement en 2019. On peut qualifier ce titre de beau coup d’éclat, alors que ta carrière est plus le récit d’une belle progression constante…
Désormais, les objectifs ? Tu n’as pas encore gagné de coupe du monde. C’est important à tes yeux ?
Te verra-t-on au Cape Epic cette année ?
Non, j’ai apprécié l’aventure en 2018, c’était même une de mes meilleures expériences sur le vélo, mais là je veux me focaliser uniquement sur le XC jusqu’aux Jeux Olympiques de 2020. C’est long et épuisant, puis il y a aussi plus de risque de tomber malade et de s’affaiblir de ce côté que sur d’autres courses. Cela dit, c’est sûr que j’y retournerai, et dès 2021 je pense !
Tu as déjà clairement l’esprit tourné vers Tokyo et 2020 ?
Oui, absolument. Je ne me mets pas la pression, je veux le voir comme une opportunité, mais pour l’aborder sereinement, je dois justement pouvoir tout mettre en place pour me qualifier, d’abord, et ensuite pour arriver je jour J dans les meilleures conditions, en sachant que je suis là pour jouer la victoire.
Arriver si haut en étant si jeune, avoir déjà le maillot arc-en-ciel après la première année Elite, tu n’as pas peur de te brûler les ailes ? On ne peut s’empêcher de penser à Jenny Rissveds qui t’a précédée dans l’équipe…
Oui, je comprends, mais une personne n’est pas l’autre. Je veux voir ce titre comme une chance et, ayant toujours été très constante par le passé car c’est ma ligne de conduite, je vais tout faire pour l’être aussi en Elite. D’ici aux J-O, je veux reprendre une phase d’apprentissage et de progression.
Le mot de Thomas Frischknecht, team manager
Jamais loin de sa nouvelle protégée, Thomas Frischknecht a une fois de plus eu le nez fin. Après avoir repéré et accompagné très tôt Nino Schurter, il a recruté cette année le champion d’Europe Lars Forster et la championne du Monde Kate Courtney pour épauler la légende Schurter et son fils Andri, en pleine progression. Nous avons aussi échangé quelques mots avec lui à propos de sa nouvelle recrue féminine.
« J’ai toujours eu un œil sur Kate et cela fait un moment que nous étions en relation, » entame-t-il d’emblée. « C’est quelqu’un que j’ai repéré assez vite, non seulement pour ses qualités physiques mais aussi pour sa gestion de la course. C’est quelqu’un qui observe beaucoup et qui analyse très bien ce qui se passe pour ne pas faire d’efforts inutiles et tirer le meilleur de chaque situation. »
J’ai senti que je pouvais apporter quelque chose à Kate, qu’elle était demandeuse d’avoir quelqu’un comme moi à ses côtés, une sorte de mentor.
Mais ce qui a aussi décidé Frischi, c’est « d’avoir senti que je pouvais apporter quelque chose à Kate, qu’elle était demandeuse d’avoir quelqu’un comme moi à ses côtés, une sorte de mentor. Elle pose énormément de questions, elle échange beaucoup. C’est quelqu’un de très curieux par nature et qui a une énorme soif d’apprendre. J’aime beaucoup cela et c’est très motivant pour quelqu’un comme moi. Avec des gars comme Nino ou Lars, on a des athlètes confirmés et finalement assez autonomes. Mon fils c’est évidemment spécial. Avec Kate, sur le plan sportif, c’est aussi un beau challenge pour moi de l’aider à s’épanouir et à donner le meilleur d’elle-même. »
Avec Frischi aussi, la question de Jenny Rissveds vient inévitablement sur la table. Directement et calmement, il précise que « nous n’avons plus aucun contact. Mais c’était convenu entre nous, que pour son bien et pour qu’elle puisse se reconstruire, elle souhaitait couper complètement avec le milieu de la compétition et l’équipe. Je respecte cela et depuis que le contrat a été rompu début 2018 nous ne nous sommes plus parlés. J’espère toujours qu’elle reviendra, pour elle, pour le sport. Mais en tant que manager d’une équipe, et pour elle aussi, nous ne pouvions plus miser sur un hypothétique retour et nous voulions absolument avoir à nouveau une fille dans l’équipe car c’est non seulement une demande des sponsors, mais c’est aussi important à nos yeux. »
Il ne cache bien entendu pas son plaisir, après avoir eu deux champions olympiques dans son équipe, d’avoir les deux maillots de champion du monde et celui de champion d’Europe dans son écurie… « mais je ne peux pas dire que je m’y attendais. Pour Lars Forster, si, puisqu’il était déjà champion d’Europe quand on a commencé à discuter sérieusement. Mais si je connaissais les qualités de Kate et si je savais déjà qu’elle faisait partie des filles que je voyais bien dans l’équipe, je ne peux pas dire que je m’attendais à ce qu’elle soit si vite championne du monde. Rétrospectivement, je me dis tout de même que ce n’est pas une si grosse surprise que cela. Et puis surtout, avoir un si bel effectif dans son équipe et trois maillots distinctifs, c’est exceptionnel. Je sais que cela ne se reproduira peut-être pas, même si je sais que nous avons des athlètes exceptionnels et capables de les conserver encore plusieurs années. Donc là, je savoure et j’attends avec impatience que la saison 2019 commence ! »
Mini bio – Kate Courtney
Date de naissance : 29/10/1995
Originaire de : Marin County, Californie
A démarré le vtt : vers l’âge de 10ans, en tandem avec son papa
Premières compétitions : en 2009, où elle remporte le titre national américain en Junior
Pro depuis : 2013
Principaux titres :
– Première athlète américaine à remporter une coupe du monde (Jr) en 2012
– Vainqueur du général de la coupe du monde U23 en 2017 (3 victoires)
– Vainqueur du Cape Epic 2018 avec Annika Langvad
– Championne du monde Elite 2018
Réseaux sociaux :Facebook – Instagram
Fun fact : il existe… un compte Instagram qui la compare à des animaux ! Nul ne sait exactement qui est derrière tout cela, mais allez y jeter un œil, c’est vraiment drôle et cela fait rire Kate elle-même !
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